Quand Meyerbeer devint Nord Lorraine

La brasserie Meyerbeer (Union Roubaix Tourcoing) fut créée en Coopérative fondée en 1907. Elle occupait les adresses suivantes : n°33-39 & 62-84 rue Meyerbeer. C’était l’une des grandes brasseries de Roubaix et ses productions étaient nombreuses. Parmi les bières en bouteilles, citons la bière double extra fine, la triple blonde de luxe, la blonde perle Meyerbeer, la triple brune de luxe, la Munich Meyerbeer. Tout cela en bouteilles d’un litre, ou en fûts de 25, 50, 75 et 100 litres. La Triple blonde de Luxe obtint un premier prix à Gand en 1928 avec félicitations du jury. Des connaisseurs ! La publicité du Bock Meyerbeer occupa longtemps les unes de journaux et les façades des estaminets. L’arrêt de la production intervient au début des années cinquante.

En tête Brasserie Union Roubaix Tourcoing Méd Rx
En tête Brasserie Union Roubaix Tourcoing Méd Rx

La nouvelle brasserie Nord Lorraine, société constituée par plusieurs groupes importants de brasserie de l’est et de Paris, rachète les bâtiments de l’ancienne brasserie Meyerbeer en février 1957. Ils seront entièrement rénovés par des entrepreneurs dont certains sont roubaisiens : la SA Léon Planquart, 22 grand-rue, s’occupe des bétons et maçonneries, les Ets Van hooland, rue St Jean, interviennent  pour les travaux de charpente et menuiserie. Une passerelle surmonte la rue Meyerbeer pour mettre en relation les deux parties de la brasserie, d’un côté la fabrication, de l’autre la canetterie (côté pairs) où se pratiquent la pasteurisation des bouteilles et le capsulage par couronnes.

L'inauguration de la nouvelle brasserie Photo NE
L’inauguration de la nouvelle brasserie Photo NE

L’activité va reprendre en mars 1958, avec une production de 16.000 bouteilles à l’heure ! La marque de Nord Lorraine, c’est Vivastar. Une innovation est proposée : le gobelet de surbouchage, pour pallier au capsulage qui ne peut servir qu’une fois. C’est un super bouchon gobelet, qui est accordé en prime au client pour l’achat de 22 bouteilles.

Publicités Vivastar Pubs NE
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L’inauguration a également lieu en mars 1958 et le premier verre est offert au député maire Victor Provo, qui a auparavant coupé le ruban tricolore. Il inaugure une usine moderne, avec un buffet bien assorti. Le jeune et distingué PDG de Nord Lorraine, M. Vallaud, prend la parole pour accueillir les personnalités et présenter son unité de fabrication brassicole. Victor Provo déplore quant à lui la disparition de plusieurs brasseries à Roubaix et salue chaleureusement la naissance de Nord Lorraine.

La Vivastar Pub NE
La Vivastar Pub NE

Nord Lorraine va investir pour son équipement, dès novembre 1958, avec  l’arrivée d’une nouvelle laveuse de bouteilles. Par la suite, les grandes brasseries et malteries de Champigneulles rachèteront la brasserie Nord Lorraine à Roubaix, en 1962.

 

Le quai de Wattrelos

A l’origine, les terres situées entre le Galon d’eau et Wattrelos se partagent entre différentes fermes, situées le long de l’ancien chemin de Wattrelos. Ce sont notamment la Digue du Pré (à l’emplacement de la place Nadaud) et la Laverie, ou Haverie (au niveau du coude formé par la rue d’Avelghem). Les douves de ces fermes sont alimentées par le Trichon qui s’y écoule, après avoir alimenté les fossés du vieux château seigneurial.

Puis on creuse le canal, bordé par un talus et le chemin de halage. La rive nord de la partie la plus ancienne, incluant l’actuel boulevard Gambetta est rapidement dénommée quai de Wattrelos.

Plan cadastral 1826 – archives municipales
Plan cadastral 1826 – archives municipales

En 1869, les propriétaires de la rive du canal consentent à céder du terrain sur huit mètres de largeur depuis la rue de Lannoy à condition que la ville pave le quai. On rédige dès l’année suivante le cahier des charges préalable aux travaux. La chaussée fera 6m70 de largeur, et sera encadrée par deux trottoirs. L’accès à la berge sera protégé par un garde-corps. Mais la guerre de 1870 stoppe les travaux. Après celle-ci, il est question de combler la première partie du canal pour y aménager un boulevard. En attendant, on sursoit aux travaux. Le quai de Wattrelos est alors officiellement limité au pont du Galon d’eau et au pont du chemin de fer. Vers la fin du siècle, le quai est encore à l’écart de toute agitation ; le Ravet-Anceau de 1891 cite les estaminets Nyckees et Dubenne, ainsi que le bureau des douanes. La rive est également fréquentée par les pêcheurs et les canotiers : le « Ro (a?)ving Club » y pratique les sports nautiques. L’estaminet situé au numéro 4 a pour enseigne « la réunion des canotiers ». La courbe du canal face au boulevard Gambetta est plantée d’arbres.

Document médiathèque de Roubaix
Document médiathèque de Roubaix

Mais l’atmosphère bucolique de cette partie du canal va changer radicalement : Les frères Florent et Henri Carissimo installent d’abord une filature entre la rue d’Avelghem et le canal, limitée par la rue des Soies, et c’est ensuite le tour d’Alfred Motte d’y construire un peignage qui s’étend jusqu’à la ligne de chemin de fer. Il est autorisé à construire une voie s’embranchant sur la voie ferrée. Elle forme une courbe serrée pour longer la rue d’Avelghem, et traverse l’usine pour rejoindre le canal qu’elle suit ensuite, les wagons étant orientés à angle droit grâce à une plaque tournante. Une distillerie s’implante également au n°101 la « société anonyme des levures et alcools de grains ». Le quai sert alors intensivement au chargement et déchargement des péniches.

En 1920, on autorise la société des levures et alcools de grains à installer un portique permettant de décharger les péniches de charbon et de grains. Elle est également autorisée à placer une voie Decauville sur trente mètres le long du quai. La société Alfred Motte et Cie à remplace par une plus grande la plaque tournante située sur le quai. Elle reçoit également en 1925 l’autorisation de placer une ligne trolley au dessus de la voie pour permettre la traction électrique de ses wagons. L’estaminet Godin apparaît au 22 , après la passerelle des soies.

Document médiathèque de Roubaix
Document médiathèque de Roubaix

Les usines étant desservies par le Trichon, on n’a pas éprouvé le besoin de creuser le quai pour y installer un aqueduc. De ce fait, la mairie est réticente pour attribuer des permis de construire pour des habitations en 1928 et 29. A cette époque, la société Carissimo a vendu du terrain pour y établir un lotissement. Ces habitations doivent écouler leurs eaux usées dans le riez du Trichon en traversant les autres propriétés, ce qui complique beaucoup les choses. On trouve néanmoins dans cette zone, au n°1 l’estaminet Colpaert (le 2 est maintenant une épicerie), Au 5 l’entreprise de bois Léon Delsalle et au 6 le marbrier Lamarque ; au 7 et 7 bis et 97 des maisons particulières ; au 99 un estaminet. En 1932 on considère que l’entrepôt de bois Léon Delsalle au n°5, le long de la cité Wallerand pose de sérieux problèmes en cas d’incendie. Au début des années 50 apparaît au 3 la cour Rousseau, au 9 une fabrique de grillages. En1960 s’installe au 10, avant la rue des soies une entreprise de transports, la SARL Bednar.

Mais la construction du pont Nyckees va profondément modifier le quartier en supprimant une bonne part des bâtiments de cette zone. On voit encore sur la photo aérienne de 1962 une série de maisons situées dans le virage du canal, alors que les jardins ouvriers s’étendant jusqu’à à l’entrée de la rue d’Avelghem semblent bien à l’abandon. Mais l’ensemble donne encore l’impression d’une vaste zone industrielle.

Photo 1962 – document IGN
Photo 1962 – document IGN

Pourtant, la désindustrialisation s’opère et les usines sont amenées à fermer. Cette partie du canal va perdre son côté « port de commerce » pour reprendre un aspect plus bucolique. Les sociétés de pêche s’y retrouvent, les sports nautiques également, avec l’installation en 1993 d’une base de kayak. On y trouve le Café « Bouchard Pêche ».

Les usines sont démolies ou reconditionnées dans la 2eme moitié des années 90. On crée un terrain de sports, un parking, et surtout, on réalise une promenade plantée d’arbres le long du canal. Les promeneurs, piétons et cyclistes, empruntent la passerelle des soies pour poursuivre leur chemin vers l’Escaut sur la rive droite du canal. Celui-ci devient à nouveau calme et verdoyant.

Le quai aujourd'hui – document Google maps
Le quai aujourd’hui – document Google maps

 

 

 

La transformation de l’acier

Le boulevard de Lyon compte peu d’entreprises. On peut cependant citer au n°108, l’entreprise de constructions mécaniques Platt frères, qui était située entre le boulevard de Lyon, la rue Ingres, la rue Jean Baptiste Corot, c’est-à-dire au beau milieu d’une zone résidentielle. Cette entreprise fabriquait autrefois des garnitures de cardes pour les machines textiles.

En tête société Platt Coll. Part.
En tête société Platt Coll. Part.

Puis, après la seconde guerre, l’entreprise poursuit ses activités de construction mécanique spécialisée dans la transformation de l’acier et la fabrication de machines-outil. A partir de 1954, la société PLATT FRERES développe des activités de forge, de martelage mécanique, d’estampage, de matriçage, de découpage et de métallurgie des poudres. Pour les besoins de l’activité, des produits tels que des solvants (dont des solvants chlorés), des gaz de soudure (acétylène…) et des carburants (gasoil, mazout, fioul…) ont été stockés sur le site.

En tête société Platt Coll. Part.
En tête société Platt Coll. Part.

Entre 2004 et 2008, la société BEKAERT reprend l’exploitation du site et poursuit l’activité de la société PLATT FRERES. La cessation définitive d’activité du site a été notifiée le 30 juin 2008.

Le site aujourd'hui Photo Google maps
Le site aujourd’hui Photo Google maps

Renseignements extraits du site Basol.

 

 

 

Les débitants réunis

En février 1986, la Voix du Nord titre : « La Brasserie Deher est proprement dépecée et transportée à St Omer ! ». Le journal explique que la brasserie a fermé ses portes en septembre 1985, mais que l’entreprise Bonnet Baudouin est chargée de récupérer le matériel racheté par les caves de St Arnould pour le réinstaller à St Omer, dans les locaux de l’ancienne brasserie artésienne, devenue ensuite la brasserie de St Omer. C’est la fin d’une histoire roubaisienne commencée en 1904.

Document La Voix du Nord
Document La Voix du Nord

A cette époque, s’installe tout au bout de la rue du Luxembourg une brasserie coopérative qui prend le nom des « débitants réunis ». D’après un encart publicitaire inséré dans le programme des fêtes de bienfaisance de 1925, elle démarre son activité le 21 mars 1905. Elle est à l’origine fondée par 11 actionnaires cabaretiers. Ces actionnaires seront plus de 300 en 1923, et elle doit son essor « à ses principes si justes et si égalitaires, qui sont sa raison d’être ». Sa renommée grandit au fil du temps et elle supplante petit à petit bien d’autres brasseries roubaisiennes.

Document médiathèque de Roubaix
Document médiathèque de Roubaix

Les locaux sont situés juste avant la gare de débord de l’Allumette, entre la voie ferrée et l’extrémité de la rue du Luxembourg.. La brasserie s’étend peu à peu : en 1910, on construit sur un terrain resté libre une malterie et un logement pour le directeur de la brasserie ; en 1922, un bâtiment à étage le long de la gare de débord s’ajoute aux autres, et en 1927, une écurie pour 15 chevaux…

Documents archives municipales et la Voix du Nord
Documents archives municipales et la Voix du Nord

La brasserie prend en 1974 l’appellation brasserie Deher dans le Ravet-Anceau, nom hérité d’une de ses productions phares, la bière Deher. Elle aura eu au final, une existence très longue, et les roubaisiens lui auront constitué une clientèle fidèle. C’est l’une des dernières brasseries locales à disparaître.

Document Médiathèque de Roubaix
Document Médiathèque de Roubaix

 

 

L’embranchement des mines d’Anzin

L’approvisionnement en charbon de la cité nécessite de multiples dépôts de combustible. Ceux-ci sont naturellement situés soit près du canal, soit près des voies ferrées pour faciliter les opérations de déchargement. Les compagnies minières cherchant à assurer un débouché pour leur production installent leurs annexes dans les villes importantes. C’est pour cette raison que s’établit le dépôt des mines d’Anzin dans la première moitié des années 1880 près de la gare de Roubaix. Le bâtiment correspondant apparaît sur le plan cadastral de 1884, alors que le dépôt figure au Ravet-Anceau rue de l’Alma après 1886.

Plan cadastral 1884 – document archives municipales
Plan cadastral 1884 – document archives municipales

L’embranchement se situe au coin de la rue de l’Alma et de la rue du Grand-chemin le long des voies de la compagnie des chemins de fer du Nord. Il rassemble un certain nombre de silos destinés à recevoir le charbon par gravité en profitant de la déclivité due au remblai du chemin de fer. Les installations comprennent également un bâtiment administratif et un escalier, situé près du pont, permettant d’établir la communication entre le niveau des voies et celui de la rue.

Document médiathèque de Roubaix A droite l'embranchement
Document médiathèque de Roubaix A droite l’embranchement

Le pont d’origine est étroit. Il n’offre la place que pour les deux voies principales. L’embranchement est donc en impasse, desservi depuis une aiguille venant du bâtiment des douanes par deux rebroussements successifs. Ce schéma est identique pour l’embranchement Macquart, placé de l’autre côté du pont.

Plan 1906 – document archives municipales
Plan 1906 – document archives municipales

En 1918, les allemands détruisent le pont, ainsi que que de nombreuses autres installations ferroviaires. Il est à reconstruire d’urgence et complètement.

Photo 1918 - collection Lucien Delvarre
Photo 1918 – collection Lucien Delvarre

Le nouveau pont est plus large ; il permet d’installer 4 voies dont une va desservir les deux embranchements de part et d’autre du pont. Le branchement côté gare est le même qu’à l’origine (double rebroussement), mais il se prolonge cette fois au delà du pont. On voit les modifications apportées au tracé des voies sur une photo aérienne de 1962.

Photo IGN 1962 – document archives municipales
Photo IGN 1962 – document archives municipales

 En 1920, les bureaux sont toujours situés au coin de la rue du grand chemin, alors que le représentant de la compagnie est M. J.Dernoncourt. Pourtant, peut-être pour gagner de l’espace pour le stockage du charbon, les bureaux déménagent et s’installent plus loin dans la rue de l’Alma, sur le même trottoir après la cour de la gare et l’estaminet Lecomte. C’est chose faite en 1925 , le nouveau représentant est P.Gourdin, remplacé pour 1930 au 1bis, par A.Courtinat.

Les bureaux disparaissent, et on n’en trouve plus trace dans le Ravet-Anceau de 1939. Pourtant, le dépôt reste en place : on le retrouve sur les photos aériennes jusqu’en 1964. A quelle époque a-t-il finalement disparu ?

 

230 rue d’Alger

Les participants de l’atelier mémoire évoquent ensemble une entreprise qui occupa cette adresse pendant près d’un siècle, et qui a laissé de bons souvenirs dans le quartier. Nous racontons son histoire. La société des rubans Gallant s’est installée à Roubaix au n°230 de la rue d’Alger en 1922. Cette entreprise est originaire de Comines, ville réputée pour être la cité des rubans, où elle est née en 1796, fondée à l’époque par les frères Lauwick.

La société Lauwick Gallant Extrait de la Plaquette anniversaire
La société Lauwick Gallant Extrait de la Plaquette anniversaire

Cette fabrique de rubans tissés en lin et en coton changera de nom après qu’Henri Gallant ait développé la société avec des innovations techniques, qui lui vaudront d’être récompensé par la société des sciences, de l’agriculture et des arts.

La société Henri Gallant Extrait de la Plaquette anniversaire
La société Henri Gallant Extrait de la Plaquette anniversaire

Son fils, Albert Gallant, monte la capacité de production à sept cents métiers. Mais la première guerre mondiale réduit à néant l’usine de Comines. Cependant, pendant la guerre, la société Gallant a ouvert des ateliers en Normandie et à Saint Etienne, et elle a travaillé pour la défense nationale.

La société Gallant à Roubaix Collection Particulière
La société Gallant à Roubaix Collection Particulière

Après la guerre, la décision de venir s’installer à Roubaix est prise, et en 1922, l’usine du 230 rue d’Alger est construite. Albert Gallant n’est pas le premier cominois à venir s’installer à Roubaix. Soixante ans plus tôt, Pierre Catteau était venu y faire fortune, et son palais deviendra le Palais de Justice de Roubaix. Albert Gallant sait ce qu’il veut : il a dressé lui-même les plans de l’usine de Roubaix, et c’est une entreprise moderne que son fils, également prénommé Albert dirigera après la disparition prématurée du père.

L'usine au 230 rue d'Alger Extrait Plaquette anniversaire
L’usine au 230 rue d’Alger Extrait Plaquette anniversaire

Cette usine contient tout le process de fabrication : du bobinage au canetage, en passant par l’ourdissage et le rentrage, le tissage, la teinture, jusqu’à l’empaquetage.

Les produits de l’entreprise Gallant sont des rubans, mais on ne s’imagine pas tous les usages qui en sont faits : articles de mercerie, pour vêtements et confection (pantalons, chemiserie, ganterie, chapellerie), pour corsetterie, pour les chaussures (rubans à border, de renfort, tirants, pantoufles, plage, espadrilles), pour l’isolation en électricité, et pour des industries diverses (fermetures à glissières, carrossiers, sièges, articles de voyage).

Les rubans Gallant Extrait Plaquette Anniversaire
Les rubans Gallant Extrait Plaquette Anniversaire

L’entreprise Gallant crée d’autres sociétés : en 1953, la marque Nigal fabrique des pièces de tissu collantes pour réparer les vêtements, une société Couture et service patron, pour la couture et la confection à domicile, et la Société Magam, accessoires métalliques pour le funéraire.

Patrice Gallant prend la direction de l’entreprise de 1973 à 2004. En janvier 2006, la société RUBANS GALLANT décide de retourner à Comines. Cette magnifique entreprise produit désormais pour des clients aussi prestigieux et exigeants que l’automobile ou l’aéronautique (N.A.S.A).

Remerciements à Maria, ancienne de chez Gallant pour son témoignage et les documents (plaquette anniversaire de l’entreprise)

Le peignage des bords du canal

Dès la fin des années 1840, Léon Allart introduit l’un des premiers peignages mécanisés de laine à Roubaix, profitant de l’invention récente de la peigneuse mécanique. Il installe son usine le long de l’ancien canal, comblé ensuite et devenu le boulevard Gambetta, et fabrique également du feutre pour l’habillement (en particulier pour les chapeaux) et l’ameublement.

Document archives départementales
Document archives départementales

Le peignage prend très vite de l’extension et participe à des expositions.

Le journal de Vienne 1905
Le journal de Vienne 1905

Il traverse grèves et incendies, mais aussi la grande guerre.

L'Egalité 1903 et l'Express du Midi 1904
L’Egalité 1903 et l’Express du Midi 1904

L’entreprise Allart devient ensuite Allart-Rousseau, puis la Compagnie Générale des Industries Textiles.

Document collection particulière
Document collection particulière

Mais l’usine, qui a employé jusqu’à 1200 ouvriers, est victime de la crise et doit fermer ses portes en décembre 1935. Le journal de Roubaix annonce en 1937 sa démolition prochaine, mis à part le bâtiment de gauche, relativement récent, qui va être épargné. Le journal évoque plusieurs projets possibles pour occuper le terrain, dont celui d’un lotissement. Il évoque également la possibilité d’élargir la rue Nadaud au même gabarit que le boulevard de Strasbourg. Une grande partie de l’usine est rasée en 1937-38, mais les bâtiments situés de l’autre côté de la rue Nadaud subsistent. Le même journal annonce en 1941 la démolition du cette partie de l’usine.

Documents Journal de Roubaix 1937 et 1941
Documents Journal de Roubaix 1937 et 1941

C’est l’entreprise Vandecasteele, rue du Fresnoy qui procède aux travaux. La démolition se termine par l’abattage de l’ancienne cheminée qui dominait le peignage. Le journal se félicite de l’élargissement de la rue Nadaud « admirablement dégagée, … [elle] ne fait plus qu’un avec le boulevard de Strasbourg, dont elle continue la sobre perspective ».

La cheminée et la rue Nadaud. Documents Journal de Roubaix 1942
La cheminée et la rue Nadaud. Documents Journal de Roubaix 1942

Le bâtiment épargné, près du petit Lycée est aujourd’hui reconverti en Lofts. L’ancienne ruelle des 15 ballots, reliant autrefois la grand rue et le boulevard, existe toujours, même si elle a perdu son nom et son statut dans la voirie urbaine pour devenir le parking privé de la résidence.

L'ancienne rue des 15 ballots, qui desservait l'usine – photo Jpm.
L’ancienne rue des 15 ballots, qui desservait l’usine – photo Jpm.

Sur l’espace libéré par l’ancienne usine vont se construire, au début des années 50, les collectifs du Galon d’eau.

 

Les huileries de Roubaix et d’Odessa

Juste avant la première guerre mondiale apparaît dans le Ravet-Anceau, au 121 de la rue d’Alger, l’entreprise des huileries de Roubaix, dont le directeur est M. Desprez. Elle forme un vaste ensemble limité par la rue d’Alger, la rue de Cartigny, et le mur du cimetière.

Document coll. particulière
Document coll. particulière

Cette société fonde en Russie une huilerie et savonnerie à Odessa, à la direction de laquelle elle place M. Thieux en 1914. L’entreprise roubaisienne est dirigée en 1918 à 1921 par M. Grelaud. Ses affaires semblent prospérer, puisque, avec la participation de la banque Worms, elle est à l’origine de la fondation de la Société d’études industrielles et commerciales, dont le but est l’exploitation d’entreprises agricoles, industrielles et commerciales en France, dans les colonies, et à l’étranger. Pourtant, la société éprouve des difficultés financières au début des années 20, et elle doit se résoudre à dissoudre cette filiale. Elle prend en 1927 la dénomination de Société des huileries de Roubaix et d’Odessa, avec pour directeur M. Ego.

 

Document archives municipales
Document archives municipales

En 1939 la raison sociale de l’entreprise change et devient les Huileries Darier de Rouffio, huiles comestibles. En 1953, nouveau changement : on trouve maintenant au 121 la société Chimie dans l’agriculture (Y. Dubois) et la société Lestarquit. S’y ajoutent en 1965 France pigments et les transports Wenderbecq et fils, transporteur. En 1973, on ne trouve plus que Y. Dubois, fabricant cette fois ci des aliments, et les transports Wenderbecq. S’y adjoignent en 1979 les SARL Omnico et Taquin, puis en 1981 Hyperemball, une société d’emballage.

 

L'usine en 1965 – Document IGN
L’usine en 1965 – Document IGN

La société des huileries de Roubaix et d’Odessa se préoccupe très tôt de son approvisionnement en matières premières et de l’expédition de sa production : on trouve trace d’un projet de raccordement ferroviaire avec le quai de Marseille, daté de 1920, et non abouti. La voie aurait traversé des terrains appartenant à la société pour accéder au quai. Finalement, la direction opte pour un raccordement à la voie menant à la gare du Pile. La voie traverse par une courbe serrée la rue d’Alger, pour rejoindre la voie de la compagnie des chemins de fer du Nord en traversant les emprises de la société Amédée Prouvost. Ce raccordement est déjà visible sur les photos aériennes de 1932.

 

Le raccordement prévu avec le canal - Document Archives municipales 1920
Le raccordement prévu avec le canal – Document Archives municipales 1920

Par ailleurs, on pouvait remarquer jusqu’à une époque récente un ouvrage militaire fortifié en béton dépassant le mur d’enceinte de l’usine à côté de son issue s’ouvrant rue de Cartigny et empiétant sur cette même rue. Il apparaît que cette casemate, qui n’apparaît pas sur les photos anciennes, a été construite lors de la dernière guerre, sans doute à l’instigation de l’occupant allemand.

 

La casemate de la rue de Cartigny – document IGN
La casemate de la rue de Cartigny – document IGN

 

Du coton à la ruche

Il existait à Roubaix au début du vingtième siècle trois usines Cavrois-Mahieu : la filature de coton de la rue Chanzy, créée en 1865, la filature et le tissage mécanique de la rue Montgolfier fondés en 1887, et l’usine de la rue Carpeaux datant de 1897. C’est ce dernier établissement, situé au n°47 de la rue Carpeaux, qui nous intéresse. En 1914, les deux filatures de coton Chanzy et Carpeaux formaient un ensemble de 50.000 broches à filer et 20.000 broches à retordre et employaient 300 ouvriers. La maison Cavrois Mahieu fabriquait alors des filés de coton, cardés et peignés simples, retors et câblés, gazés et non gazés, mercerisés.  Ses productions firent l’objet de nombreux prix, notamment lors de l’exposition internationale de Roubaix en 1911. Léon Cavrois puis ses fils dirigèrent cette entreprise.

Les usines Cavrois Mahieu Coll privée
Les usines Cavrois Mahieu Coll privée

En 1953, l’usine de la rue Carpeaux est dénommée La Cotonnière de Carpeaux, anciens établissements Cavrois Mahieu. Il semble qu’elle ait cessé toute activité en 1955. Le laboratoire de fabrication pharmaceutique Cruet occupe les lieux en 1961. En 1973, c’est la S.E.P.P.S, toujours productrice de spécialités pharmaceutiques, à laquelle succéderont pour un temps les laboratoires Schering, avant qu’ils s’installent à Lys Les Lannoy.

Publicité Cruet Coll Particulière
Publicité Cruet Coll Particulière

Les bâtiments font l’objet d’une opération immobilière en 1982, on commence à réhabiliter et à reconvertir les anciennes friches industrielles. Mais dès 1983, un projet de ruche d’entreprises est envisagé à Roubaix et c’est dans le site rénové de la Cotonnière Carpeaux –le nom lui était resté- que la ville de Roubaix et le Conseil Général  vont installer ce pôle d’entreprises créé sur le principe de la mutualisation des services (standard téléphonique, cafétéria, télécopie, secrétariat, informatique…). C’est la quatrième opération montée dans le Nord, après Saint Pol sur mer, Denain, Maubeuge.

Projet immobilier Carpeaux Pub NE
Projet immobilier Carpeaux Pub NE

Le projet est mis en œuvre en septembre 1988, sous la houlette d’une directrice, Annie Favrie. L’inauguration de la Ruche d’entreprises intervient le 7 février 1989. Le Conseil Général vient en autobus à Roubaix pour visiter et inaugurer cet établissement qui fait honneur à Roubaix et au département. Sa capacité d’accueil est de quarante créateurs d’entreprise, et déjà seize sociétés s’y sont implantées pour cinquante emplois créés.

Inauguration de la ruche Photos NE
Inauguration de la ruche Photos NE

La perle du Cul de four

Des entreprises importantes, le quartier du Cul de four en a connu, telles que la brasserie de l’union Roubaix Tourcoing, ou encore l’usine de fabrication des extincteurs Mather et Platt. Ces sociétés ont progressivement disparu, malgré quelques tentatives de reprise, comme la brasserie Nord Lorraine pour la première citée.

Née de la fusion de deux petites sociétés Manuplastic et Afiplast, rue Franklin Roosevelt à Mouvaux, à la fin des années cinquante, la société Afiplastex est venue s’installer dans les anciens locaux du 27 de la rue d’Iéna autrefois occupés par la société anonyme des manufactures de laines filées. En 1987 elle se lance dans un grand chantier de modernisation et de rénovation. La construction d’une nouvelle halle de 2.500 m² permet d’accueillir trente presses ultra modernes. L’usine s’étend alors sur une surface totale de 9.000 m². Un lourd investissement, 15millions de francs pour une entreprise dont le chiffre d’affaires de l’époque est de 50 millions de francs. L’usine est située près de la nouvelle voie rapide urbaine avec une nouvelle façade rue Meyerbeer. Les services économiques de la ville de Roubaix ont soutenu le projet en permettant d’obtenir plus facilement les permis de construire.

Vue intérieure de l'usine Photo NE
Vue intérieure de l’usine Photo NE

Cette société fait vivre plus de cent dix salariés. Que produit-elle ? Des pièces en matière plastique selon la méthode de l’injection : cassettes pour photocopieurs, boîtiers pour vélomoteurs, ses clients sont  Thomson CSF, l’aérospatiale, Léanord (ordinateurs).

Plaque d'inauguration Photo NE
Plaque d’inauguration Photo NE

Après dix huit mois de chantier, la nouvelle halle et son matériel ultramoderne sont inaugurés le mardi 21 juin 1988 en présence du sénateur maire André Diligent. L’usine est alors qualifiée de « perle de technologie dans un écrin peu aguichant ».

Pont roulant Photo NE
Pont roulant Photo NE

Malgré des clients prestigieux, Rank Xerox, Toshiba, Renault, Whirlpool, l’entreprise est mise en règlement judiciaire en 1991, ce qui réduit presque de moitié sa clientèle. En 1993, la société se sépare de 42 personnes alors qu’elle n’en compte déjà plus que 82. Le chiffre d’affaires est tombé à 20 millions de francs en 1996. Un nouveau redressement judiciaire intervient en décembre 1996. L’histoire se termine le 27 mars 1997, date à laquelle la société roubaisienne Afiplastex est mise en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing. Malgré une offre de reprise déposée par le groupe Heideman, et la mise en place de la zone franche, c’est  la fin de l’entreprise, et les 25 salariés que comptait encore Afiplastex sont licenciés.

D’après les articles de NE