Les tracteurs du canal

Le 25 février 1957 se produit un accident au bord du canal. Les journaux du 27 nous montrent un curieux véhicule qu’on sort de l’eau à grand peine. Le conducteur, ébloui par les phares d’une moto a fait une embardée terminée par un plongeon dans les eaux froides. Remonté sur la berge, il rentre chez lui sans savoir que les sapeurs pompiers le recherchent au fond de l’eau et essaient de remonter le tracteur à l’aide d’un camion-grue. Ce n’est que le lendemain qu’il se fera connaître, au grand soulagement général.

Cette scène évoque irrésistiblement dans notre souvenir les petits tracteurs qui parcouraient inlassablement les chemins de halage des canaux en remorquant les péniches.

Sur la photo, on peut distinguer sur le châssis les lettres CGTVN.

Photos La Voix du Nord 1957

La CGTVN, ou Compagnie Générale de Traction sur les Voies Navigables regroupe au 1er janvier 1927 diverses compagnies privées qui partageaient cette vocation.

Un article de « La navigation du Rhin » de 1926 fait état de la prochaine constitution de la compagnie, mais indique également que la Chambre de Commerce de Roubaix a émis un vœu favorable à l’établissement de la traction mécanique sur le canal de Roubaix. Le Journal de Roubaix d’octobre 1927 indique que celle-ci donne mandat à la chambre de commerce de Lille pour obtenir la concession et le monopole du halage mécanique. C’est ainsi que dès 1928 apparaissent 16 autochenilles sur les berges du canal.

Document site Papidema.fr

Il faut bien se dire que, à l’origine, la traction des chalands se faisait à bras d’hommes, pris dans la famille ou l’équipage du bateau, ou encore en louant les services de haleurs spécialisées. La traction se faisait grâce à des cordes fixées à des sangles qui barraient la poitrine. C’est ce qu’on appelait « la bricole ». Il faut dire que les bateaux étaient plus petits et moins lourds qu’aujourd’hui .

A partir de 1885, et l’apparition des péniches de 300 tonnes au gabarit Freycinet, les bras ne suffisent plus, et les chevaux remplacent l’homme dans ce dur travail. Certains mariniers avaient leurs propres chevaux qu’ils logeaient dans une écurie placée au milieu du bateau.

Une péniche halée par un cheval à Lille

Mais ce mode de transport est lent et coûteux pour le marinier. Sur le canal de Roubaix, les autochenilles arrivent à point pour améliorer et simplifier le service de halage.

Le Journal de Roubaix 1928

Le journal de Roubaix du 29 janvier 1928 annonce l’arrivée de ces « puissants et gracieux tracteurs à chenilles » sont capables de remorquer 3 péniches pleines ou six vides à trois kilomètres à l’heure grâce à leur moteur de 10 chevaux. On retrouve des engins identiques sur d’autres canaux dans le nord.

Une autochenille Citroën système Kegresse en service entre Calais et St Omer (Document G.Kiffer)

Pourtant, les inconvénients de ce mode de halage sont importants, en particulier, les chemins qui s’abîment sous l’action des chenilles. D’ailleurs, la SEAC, société d’exploitation des autochenilles, est rapidement absorbée par la CGTVN qui mise principalement sur le halage électrique.

Documents site Papidema.fr

C’est ainsi que, en 1931 les tracteurs électriques remplacent les auto-chenilles sur le canal de Roubaix. Pourtant, ce ne sont pas des tracteurs sur rails, comme on en rencontre sur la Deule, à Lille où deux tracteurs sont restés des années à l’abandon près de l’écluse de la Barre…

Un tracteur sur rails Jeumont J30 à Lille Photo origine indéterminée

Sur le canal de Roubaix, pas de voie ferrée. Les tracteurs étaient sur pneus car le trafic moins important ne justifiait pas l’installation de rails. Par ailleurs, la voie ferrée a un rayon de courbure minimum, alors que les tracteurs sur pneus, avec leur quatre roues directrices, passaient partout, simplement alimentés par deux fils de contact aériens. La photo suivante nous montre un pont roubaisien et l’angle prononcé de la courbe du chemin. Elle nous permet de remarquer en haut à droite sous le tablier le chemin de planches isolants les fils de contact.

Le chemin de halage sous le pont du chemin de fer.

Ces tracteurs comportent deux essieux accouplés, toutes les roues étant directrices, et pèsent entre 2 tonnes et demie à trois tonnes, embarquant des gueuses de lest. Ils fonctionnent en prenant le courant continu sur une double ligne aérienne dont la tension est 600 volts. Ils possèdent une cabine centrale comportant deux sièges et deux volants verticaux en vis à vis. Un seul escalier en permettait l’accès à l’opposé de l’au, pour des raisons de sécurité. Le moteur est placé à une extrémité sous un capotage. A l’autre extrémité, un lest. Ils furent construits par la CGTVN elle-même à Douai en 1930.

Un tracteur flambant neuf à Douai. A l’arrière, le lest. Photo site Papidema.fr

Les tracteurs ne peuvent se croiser. En cas de rencontre, ils échangent leur remorques et repartent en sens inverse. La conduite de ces engins était relativement dangereuse lors des démarrages : si l’on tirait trop brusquement, c’était le tracteur qui allait à l’eau ! Ceci explique les cabines largement ouvertes pour éviter la noyade au conducteur…

Pourtant, les tracteurs du canal de Roubaix étaient carrossés de manière à ce que l’abri protège un peu mieux le conducteur des intempéries. La photo suivante nous montre, à l’extrême droite, un tracteur quai de Marseille en plein hiver.

Mais tout évolue, et, bientôt, la multiplication des automoteurs, péniches possédant leur propre motorisation, entraîne la disparition progressive des demandes de remorquage. Le service est donc supprimé en 1970, et la dissolution de la compagnie suit de peu en 1973. Le public a tôt fait d’oublier ces sympathiques tracteurs électriques qui parcouraient les berges du canal…

Seul émergeait le toit de l’engin… Photo Nord Matin

Sauf précisions dans les légendes, Tous les documents proviennent de la médiathèque et des archives municipales, que nous remercions.

Le Pont Emile Duhamel

le pont Emile Duhamel ( document N. Duhamel )

Tous les roubaisiens connaissent ce pont de la Grand rue sous le nom de pont du Galon d’ Eau ou Entrepont. En revanche, peu de personnes savent que ce pont s’appelle, en réalité, Emile Duhamel, depuis 2010.

Mais qui était donc ce Monsieur ?

Plaque ( photo BT )

Emile Duhamel naît à Wattrelos en 1923. Il commence par être ouvrier tisserand, puis devient militant du Parti Communiste et syndicaliste CGT. Il est adjoint au maire de Roubaix, conseiller municipal, vice-président de la CUDL, membre du conseil d’administration du CCAS de Roubaix, de la CPAM, ainsi que de l’office D’HLM, conseiller régional , président des Amis du Parc de Barbieux, etc.

Emile Duhamel ( document YouTube )

Mais c’est surtout parce que Émile est un fervent défenseur du canal de Roubaix, que ce pont a été rebaptisé « Pont Emile Duhamel » en Octobre 2010

Dans les années 1970, Émile Duhamel, conseiller régional, milite pour la ré-industrialisation de la zone de l’union, à partir du canal, quand Jacques Coru adjoint au maire de Tourcoing fait réhabiliter le canal sur sa ville.

Emile Duhamel devant le canal ( document YouTube )

Plus tard à la fin des années 80 on doit encore à la mobilisation initiée par Émile Duhamel au service des pêcheurs, que le canal n’ait  pas été détruit à Roubaix à l’occasion de la construction de la voie rapide allant du quai de Gravelines au quai d’Anvers.

En 1990, une grande opération de nettoyage a lieu sur le canal de Roubaix et des centaines de mètres cubes de déchets sont ainsi récupérés.

Et enfin en 1992, c’est la remise en navigation du canal qui intervient et le rétablissement de la liaison Deule-Escaut, en partenariat avec des homologues belges.

Émile Duhamel a donc beaucoup défendu le canal de Roubaix. Il a lutté pendant plus de 20 ans et a réussi à obtenir que le canal ne soit pas fermé pour favoriser la voix rapide.

( document YouTube )

Émile Duhamel obtient la décoration de chevalier de la Légion d’Honneur, remise par Georges Séguy en 1998, lors d’une cérémonie à l’Hôtel de ville.

document N. Duhamel

Slimane Tir, conseiller municipal a beaucoup insisté, pour que l’entrepont prenne le nom d’Émile Duhamel. C’est en effet un bel hommage à lui rendre, que de donner son nom au pont de la Grand-Rue, entre Roubaix et Wattrelos, face au café « A l’As de cœur » et face à la maison où se trouve le syndicat des pêcheurs.

document Nord Eclair et document N. Duhamel

Une cérémonie émouvante se déroule en Octobre 2010, en présence de son épouse Denise et de sa fille Nicole, René Vandierendonck maire de Roubaix, Slimane Tir conseiller municipal, Dominique Baert maire de Wattrelos, Jean-Jacques Fertelle président du syndicat des pêcheurs, Jean-Marie Duriez secrétaire de la section du PC, et Manou Masquellier patoisante roubaisienne.

documents N. Duhamel

Emile Duhamel, le communiste au grand cœur est un grand homme par la taille, par l’esprit et par le cœur. Il a marqué la vie politique roubaisienne de ses coups de gueule et de ses combats, défenseur infatigable des pêcheurs de Roubaix et du retour à la navigation du canal.

document N. Duhamel

Émile Duhamel, homme exceptionnel, nous a quitté le 22 décembre 2006

« Quelle belle vie, j’ai eue  » disait-il . . .

Une vie entière consacrée à aider les autres et au bonheur de sa famille .

Pour d’autres aspects de la personnalité d’Émile Duhamel :

http://emile-duhamel.over-blog.com

Remerciements à Nicole Duhamel

Le pont bleu

Le nouveau pont décidé en 1920 Coll Part

Quand le canal sépara les territoires de Roubaix et de Wattrelos, l’accès du Sartel était juste un pont étroit au dessus de l’écluse du même nom. Ce passage était sensé aboutir à la gare de Roubaix Wattrelos, édifiée en 1878 à Roubaix entre le Pile et les Trois Ponts. Rien de vraiment wattrelosien donc ! Les temps changent, l’activité évolue et il devient urgent de ménager des accès à Wattrelos un peu plus larges, et notamment au Sartel. Il faut néanmoins attendre l’après première guerre mondiale pour qu’une délibération municipale acte la création d’un pont au Sartel en 1920. Sans doute les wattrelosiens ont-ils bénéficié de la reconstruction des ponts sur le canal entièrement détruits par l’armée allemande lors de sa retraite. Voici donc le premier pont du Sartel, tout en béton et dans l’alignement de la rue Albert 1er, dédiée au courageux roi des belges qui le surnommaient le Roi Soldat du fait de sa conduite à la tête des armées pendant le conflit mondial. Ce pont se situe en amont d’une centaine de mètres du passage initial.

Dernières images du vieux pont Photo Guy Sadet

Après près de quatre-vingts années de bons et loyaux services, le vieux pont de béton donne des signes de fatigue et commence à s’effriter sous la pression du trafic automobile intensif. Les passages des camions font trembler sa structure et il menace de s’écrouler à tout instant. Sa démolition est programmée pour la fin de l’année 1998. La circulation est coupée dès la mi-novembre, ce qui va perturber un temps le seul commerçant installé aux alentours du vieux pont, à savoir la station de l’Elephant Bleu qui restera ouverte pendant les travaux. Sa destruction commence en décembre 1998, ses vieilles arches en béton sont enlevées grâce à une grue de 500 tonnes.

Dernières images du vieux pont Photo Guy Sadet

Un nouveau pont va bientôt le remplacer qui sera posé en juin 1999. En janvier 1999, on a fait glisser ce pont au-dessus du canal. Le Conseil Général a financé le projet à 100 %. Pendant trois mois le pont repose sur des appuis provisoires en attendant l’habillage des culées en brique et l’équipement du pont (garde-corps, revêtement, corniche). Le nouveau pont est long de 65 mètres et large de 24 mètres. Il permet ainsi de proposer deux voies de circulation de chaque côté, deux bandes cyclables et un trottoir de deux mètres de part et d’autre. Ce nouvel ouvrage est métallique et pèse 720 tonnes.

Le nouveau pont au moment de son installation Photo NE

Le nouvel axe longeant le canal et rejoignant la rue d’Avelghem a été réalisé. Il permet d’éviter le boulevard Beaurepaire et son arrivée sur le centre fréquemment encombrée. La station de lavage toujours présente rue Albert 1er n’est plus esseulée. À deux pas du pont, de l’autre côté de la rue se trouve désormais une petite zone commerciale comprenant un fast food, une boulangerie, une boutique pour les travaux de peinture, un magasin pour les ustensiles et pièces automobiles. Le pont arbore quant à lui une belle peinture de couleur bleue.

Le pont après sa pose Photo NE
L’actuel pont bleu Photo Google

Le pont de Wattrelos

Lors du tracé du nouveau canal contournant Roubaix par le nord, on prévoit des ponts sur les principaux axes de circulation, et, en particulier, pour le chemin de grande communication numéro 9, ou chemin de Wattrelos. La municipalité, anticipant l’arrivée du canal, décide de redresser ce chemin en réunissant par une ligne droite les actuelles places Nadaud et Chaptal, pour que cette nouvelle voie bénéficie du pont.

Document archives municipales
Document archives municipales

Un premier projet, approuvé par la ville, prévoit un pont fixe avec des rampes d’accès remblayées, juste en amont duquel on construirait une écluse à deux sas accolés, ce qui permettrait d’obtenir un tirant d’air suffisant pour les péniches sous le tablier.

Mais, sans doute pour des raisons techniques, le service des ponts et chaussées décide, sans en aviser les intéressés, modifier le projet et de le remplacer par deux écluses séparées, ce qui oblige à installer un pont levis sur la route de Wattrelos. Ce pont, qui coûte 36000 francs, est étroit (2m 50 de largeur) et ne permet le passage que d’un seul véhicule à la fois. On lui adjoint une passerelle pour que le piétons puissent traverser même pont levé.

Dès 1870 les habitants du Calvaire pétitionnent pour obtenir une autre passerelle sur l’ancien chemin à quarante mètres de la première. On proteste également contre l’établissement d’un pont levis. La municipalité propose de le doubler par un pont fixe établi à l’extrémité de l’écluse, Ces propositions restent sans suite. Le canal est alors encore en travaux, mais, dès son achèvement en 1877, regrettant encore d’avoir été mis devant le fait accompli, on souligne les inconvénients du pont levis. On insiste sur le fait que les convois funèbres s’y succèdent et que l’on met en service du tramway qui passera toutes les 5 minutes. On préconise donc la construction d’un second pont levis sur l’emplacement de l’ancien chemin (la distance étant supérieure à la longueur d’une péniche, les utilisateurs trouveraient toujours ainsi l’un des deux ponts libre). Ce nouveau projet ne voit, lui non plus, jamais le jour.

Plan cadastral 1884 – archives municipales
Plan cadastral 1884 – archives municipales

Les inconvénients de l’étroitesse de ce pont induisent des files d’attente importantes à chaque levée, et on se décide finalement à le remplacer par un autre plus large. Il restera mobile, mais il sera mû par la force hydraulique pour accélérer la manœuvre. Il repose sur quatre piliers, accolés à des contre-poids. Malheureusement, lors de son inauguration en 1903, il refuse de se lever, au grand dam des officiels réunis ce jour là. La cause de la panne est la rupture d’un tuyau d’arrivée d’eau alimentant la pompe hydraulique chargée de soulever le pont. Ce tuyau corrodé par la présence du courant de retour alimentant le tramway. Néanmoins, on finit par traiter le problème et le pont peut enfin remplir son office.

Collection médiathèque de Roubaix
Collection médiathèque de Roubaix

Malheureusement il est détruit en 1918 par les allemands en fuite, ainsi que la passerelle, partageant le sort de l’ensemble des ponts roubaisiens.

Le pont après déblaiement - Document médiathèque de Roubaix
Le pont après déblaiement – Document médiathèque de Roubaix

La paix revenue, il faut le reconstruire, mais les travaux n’avancent pas aussi vite que le voudraient les habitants. L’Égalité déplore en 1920 le fait que 6 ponts restent à reconstruire, dont celui de Wattrelos.

Le Journal de Roubaix - 1920
Le Journal de Roubaix – 1920

On érige un nouveau pont à l’emplacement de l’ancien. Les piliers que le soutiennent sont maintenant en profilés métalliques, reliés deux à deux par dessus la route, et son fonctionnement est amélioré. C’est celui qu’on connaît aujourd’hui après plusieurs réfections et remises en peinture. Il garde son intérêt, surtout pour la desserte du cimetière, malgré la construction du nouveau pont Nyckees, qui draine aujourd’hui l’essentiel du trafic vers Wattrelos.

Document médiathèque de Roubaix
Document médiathèque de Roubaix

Le troisième pont

Le remplacement du pont Nickees devient urgent : celui-ci est incapable de faire face à l’accroissement du trafic des années 60, et l’idée des élus est d’ajouter une communication directe entre le boulevard Gambetta et Wattrelos pour désengorger la grand-rue et son pont, trop souvent levé au goût des automobilistes. La reconstruction des ponts de la Vigne et des Couteaux ayant eu la priorité, il est temps de d’envisager une construction nouvelle. Le dernier projet de 1959 porte donc sur un tablier de 30 mètres de large (autant que l’avenue Motte) situé relativement haut, qui se trouvera prolongé à chaque extrémité par des rampes d’accès. La rampe côté boulevard Gambetta sonnera le glas du jardin public installé lors du comblement de l’ancien canal, et déjà très amputé dans les années 50.

L'ancien jardin public. Au fond, le canal – document coll. particulière
L’ancien jardin public. Au fond, le canal – document coll. particulière

La rampe formant une courbe prononcée vers la gauche, va obliger à la démolition d’un groupe de maisons situées à l’angle du boulevard et du quai de Lorient.

Les maisons à démolir - Photo archives municipales - 1953
Les maisons à démolir – Photo archives municipales – 1953

De même, les travaux vont amener à la rectification du tracé de la rive droite du canal, qui présentait au débouché du boulevard un creux permettant aux péniches de faire demi-tour. Ce creux, perdant son utilité, va être comblé et servira d’appui aux piles du futur pont. Le pont doit comporter deux chaussées de 10m50 et un terre-plein central de 3 mètres. On prévoit deux ans de travaux qui incluront la création d’espaces verts. 1962 voit le début des travaux, qui doivent coûter, d’après Nord Matin, près d’un milliard d’anciens francs, financés en grande partie par le fonds d’investissement routier. On commence par démolir les anciennes maisons car, ne l’oublions pas, l’opération doit aussi permettre de résorber l’habitat insalubre.

Les travaux quai de Cherbourg et rue d'Avelghem – Photos La voix du Nord
Les travaux quai de Cherbourg et rue d’Avelghem – Photos La voix du Nord

En janvier 1963, les travaux sont stoppés par le froid, mais ils reprennent dès la fin des gelées à un rythme accéléré. On amorce les rampes d’accès, et on construit les culées et les piliers qui supporteront le tablier.

Photo la Voix du Nord
Photo la Voix du Nord

Puis on coule le tablier dans lequel sont tendus, dans des gaînes, des fils de renforcement. On prévoit quai du Sartel des déversoirs d’orage pour remplacer ceux qui amenaient le trop-plein des eaux de pluie dans l’ancien bassin de retournement des péniches. En 1964 les travaux sont en bonne voie ; le pont et les rampes d’accès prennent forme.

Photos Nord Eclair 1964 et IGN 1965
Photos Nord Eclair 1964 et IGN 1965

Enfin, le pont est inauguré en 1966. La musique de 43ème RI est de la fête, ainsi que le Préfet. Les personnalités parcourent le pont à pied, avant d’être reçues officiellement à la mairie.

Le cortège officiel – photo La Voix du Nord
Le cortège officiel – photo La Voix du Nord

Le terre-plein central reçoit de la végétation, des vasques fleuries y sont implantées. De petits squares avec de la végétation seront ensuite aménagés près des culées du pont. On a prévu des routes passant sur chaque rive pour relier les différents quais en passant par dessous le pont.

Photos archives municipales et Lucien Delvarre
Photos archives municipales et Lucien Delvarre

La construction de ce pont reliant directement les deux villes, consacre l’importance de l’axe formé par le boulevard Gambetta qui, avec l’implantation de Roubaix 2000, a l’ambition de déplacer le centre de Roubaix en l’attirant vers lui.

Les Ponts Nyckees

Lorsque le 1er janvier 1877, on inaugure le nouveau canal contournant Roubaix par le Nord, on prévoit que les péniches pourront relier la Deûle et l’Escaut directement. Le premier pont du Galon d’eau (selon sa dénomination officielle du plan cadastral de 1884), ou pont Nyckees (d’après le nom du cabaretier-agent de douanes du quai de Wattrelos), situé au confluent de l’ancien et du nouveau canal, sera donc un pont mobile. Ce pont, nommé sur le plan cadastral, n’y est pourtant pas dessiné, pas plus que sur les autres plans de l’époque. On ne le voit figurer que sur un plan daté de 1906. A-t-il été prévu à l’origine, mais construit plus tard, puisque n’offrant pas la même importance que le pont de Wattrelos son voisin, implanté sur la grand rue et reliant les centres des deux villes ?

Journal du Roubaix du 04-01-1877 – document archives municipales
Journal du Roubaix du 04-01-1877 – document archives municipales

Néanmoins, ce pont assure un bon service,près de l’écluse du Galon d’eau, et reliant l’extrémité du boulevard Gambetta et le quai de Wattrelos, jusqu’en 1918. A cette date, il est démoli par les allemands en fuite. Il est remis en service après la guerre, en mars 1920, et le journal de Roubaix précise à cette occasion que son tablier est pavé.

Le pont sans doute photographié lors de sa reconstruction – document médiathèque de Roubaix
Le pont  photographié lors de sa reconstruction – document médiathèque de Roubaix

Le nouveau pont est fixe ; il ne permet pas aux bateaux de le franchir. Les péniches venant de Belgique ne pourront plus desservir que le quai du Sartel, et le reste du canal ne sera plus relié qu’à la Deûle.

Il faut avouer qu’il est peu pratique à l’usage : pour aller du boulevard Gambetta vers Wattrelos, il faut, après avoir traversé le pont, tourner à gauche et suivre le quai jusqu’au pont de Wattrelos, puis tourner à droite pour emprunter la grand-rue.

Photo La Voix du Nord – archives municipales
Photo La Voix du Nord – archives municipales

Ce parcours sinueux est dû au fait que le quai de Wattrelos est bordé de maisons, et que l’espace compris entre le pont et le confluent de la grand-rue et de la rue d’Avelghem est bâti, lui aussi. De même, une rangée de maisons bloque l’accès du côté de la rue d’Avelghem. Tout ceci empêche toute communication directe, et oblige à ce détour malcommode.

En 1952, on projette de remplacer ce pont par un autre, situé au même emplacement. Un peu plus tard, on modifie ce projet : le pont sera orienté non plus perpendiculairement au canal, mais dirigé vers le boulevard Gambetta. Sa chaussée doit faire 14m50 , et il doit offrir un tirant d’air de 4m10, permettant le passage des péniches. Ce pont doit être prolongé par une voie nouvelle qui le relierait directement à la rue d’Avelghem. Les plans suivants représentent les deux projets successifs.

Documents archives municipales
Documents archives municipales

L’année suivante on remplace ce dernier projet par un autre, beaucoup plus ambitieux : en février 1959, le conseil municipal décide de construire un pont de 30m de large placé dans le prolongement direct du boulevard Gambetta. Ce nouveau pont serait prolongé par des rampes d’accès empiétant d’un côté sur l’ancien jardin public terminant le boulevard Gambetta, et de l’autre sur les terrains situés au delà du quai de Wattrelos jusqu’à la rue d’Avelghem.

Le long de la rue d’Avelghem se trouve une rangée de maisons, déjà présente sur le plan cadastral de 1884, qui va devoir être démolie.

Photo Nord Matin 1958
Photo Nord Matin 1958

Les terrains à exproprier consistent principalement en une propriété de 1500 m2 appartenant à Mme Veuve Wallerand-Leconte et comprenant un café en bord de quai (celui d’Eugène Nyckees), et 28 maisons en cour, ce quon appelle la cité Wallerand, située sur le terrain d’une ancienne brasserie. On y trouve aussi une autre propriété de 1700 m2, comprenant un ancien négoce de bois, appartenant aux consorts Delesalle, ainsi que divers autres terrains. La photo suivante montre la zone en 1962, au début des travaux :

Photo IGN
Photo IGN

A suivre…

 

 

 

 

Retour sur le pont

A la suite de notre précédent article retraçant l’histoire du pont de la Vigne, un des membres des ateliers mémoire s’est manifesté pour nous proposer des documents nouveaux. Ceux-ci étant particulièrement intéressants, il nous a semblé que leur publication méritait un nouvel article. Nous remercions leur propriétaire d’avoir bien voulu nous les communiquer.

La première photo nous montre l’inauguration de la passerelle en 1904. Elle est peinte de frais et on l’a pavoisée de nombreux drapeaux. On assiste à un lâcher de pigeons devant une assistance très dense.

inauguration passerelle-96dpi

Un autre document confirme la destruction du pont en 1918 : la photo nous montre une partie de la passerelle plongée dans l’eau, et le pont lui-même remplacé provisoirement par une frêle construction de planches, sans doute placée là pour faciliter les travaux de reconstruction.

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La photo suivante, nous fait assister aux préparatifs pour l’ installation de la grue en 1955. Elle vient d’être amenée sur place, et elle est couchée sur la berge côté Cartigny avant qu’on la dresse sur cette même rive.

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Nous voyons ensuite un demi-tablier du nouveau pont en cours de construction, puis le même, terminé. Il s’agit de la moitié située côté Hommelet.

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Nous assistons maintenant les tests effectués sur le pont terminé. On a mobilisé trois camions de l’entreprise Carette-Duburcq lourdement chargés pour vérifier la solidité de l’ouvrage. On ne peut s’empêcher de penser que certains spectateurs sont bien imprudents : si le pont s’effondrait, ils seraient plongés dans le canal !

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La dernière illustration nous montre le pont et sa cabine de commande flambant neuve, placée côté Hommelet :

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Documents collection particulière.

Le pont de la Vigne

Dès la construction du canal, on prévoit des ponts aux endroits de passage les plus fréquentés. Celui reliant la rue de la Vigne et la rue de Cartigny est édifié en 1870. C’est un pont tournant à ossature métallique, construit sur le même modèle que les ponts Daubenton et du Fontenoy. Son tablier est étroit : la chaussée ne fait pas plus de trois mètres et le croisement est impossible ; les trottoirs ne permettent le passage que d’une personne de front. Sa date de construction est inscrite de chaque côté de sa pile centrale.

Documents Bibliothèque numérique de Roubaix
Documents Bibliothèque numérique de Roubaix et archives municipales

Pour éviter aux piétons une attente lors du passage des péniches, due à la lenteur de la manœuvre manuelle du pont, on décide de lui adjoindre en 1902 une passerelle. Placée à quelques mètres en amont du pont, elle est inaugurée le 10 Octobre 1904.

 

Le pont et sa passerelle – document coll. particulière
Le pont et sa passerelle – document coll. particulière

Comme les autres ponts du canal, il est sans doute démoli par les allemands lors de leur retraite en 1918. Il sera néanmoins réparé et remis dans son état premier.

En juin 1955, on le trouve trop incommode et son état nécessiterait des travaux importants. On pense le démolir pour le remplacer par un pont basculant à deux travées. Le tablier fera 13 mètres de large, dont 9 mètres pour la chaussée : les véhicules pourront enfin s’y croiser ! Il faudra trouver une solution pour le passage des tramways qui l’empruntent.

Pour effectuer les travaux, on érige une grue, et Nord Eclair précise « Il s’agit d’une grue particulièrement puissante, dont il n’existe, paraît-il, qu’un seul exemplaire en France… » Elle sera capable de soulever l’ancien pont d’une seule pièce. Elle doit servir également à enfoncer des pieux destinés à stabiliser le nouvel ouvrage.

 

L'installation de la grue – document Nord Eclair
L’installation de la grue – document Nord Eclair

On démarre les travaux, mais le 9 décembre, la grue s’effondre, pilier central brisé. Il faut réparer la grue, et pour cela la soutenir par un échafaudage.

Réparation de la grue – document La Voix du Nord
Réparation de la grue – document La Voix du Nord

Le 21 décembre, nouvel accident. Cette fois, la flèche s’effondre sur la toiture du café à l’enseigne du pont de la Vigne, formant le coin. Heureusement, les dégâts sont mineurs. On relève la flèche et on répare de nouveau la grue, avant de reprendre les travaux.

Le deuxième accident – document Nord Eclair

On installe des palplanches, derrière lesquelles on fait le vide d’eau, de manière à construire les culées sur les pieux de béton préalablement enfoncés.

 

Les travaux – document Nord Eclair
Les travaux – document Nord Eclair

L’ouvrage va maintenant bon train, et l’inauguration et la mise en service ont lieu en octobre 1957, concomitamment avec l’exposition d’étalages organisée par l’union des commerçants de la rue de la Vigne. Victor Provo coupe le cordon inaugural, devant une foule nombreuse malgré le mauvais temps. L’événement est précédé d’animations : caravane publicitaire, combat de catch, et retraite aux flambeaux.

 

L'inauguration – Document Nord Eclair
L’inauguration – Document Nord Eclair

La passerelle métallique de 1904 présente sur une photo de presse de 1957, disparaîtra à son tour en Novembre 1958, victime de son âge. Une expertise révèle un affaiblissement considérable dû à l’oxydation des poutrelles métalliques qui la composent et des piliers qui la soutiennent.

 

Le nouveau pont et la passerelle survivante – document La Voix du Nord 1957
Le nouveau pont et la passerelle survivante – document La Voix du Nord 1957

On décide donc sa démolition.

Le pont est celui qu’on utilise encore de nos jours ; il donne toujours satisfaction à ses utilisateurs.

 

 

 

Le cancer de la passerelle

Depuis plusieurs années, le Pont du Carihem qui date de 1973, est déclaré en grand péril. De nombreuses fissures sont apparues à cause d’un mouvement des murs de soutènement. Il faut agir, il en va de la sécurité de la circulation et de celle des riverains. Le pont est atteint du cancer du béton, réaction chimique entre cailloux et ciment. Le Pont du Carihem peut être sauvé, mais il faut reconstruire une partie des murs de soutènement et effectuer quelques réparations. Les remblais sont également en cause, car ils sont constitués d’un matériau expérimental constitué de résidus de soufre venant des Ets Kuhlmann, après une étude « positive » de la Direction départementale de l’Equipement. Ils devront être intégralement remplacés, ainsi que la chaussée. Ce qui va donner au chantier une durée approximative de huit mois.

Marteaux piqueurs en action septembre 89 Photo NE
Marteaux piqueurs en action septembre 89 Photo NE

En mars 1988, la décision a été prise à la Communauté Urbaine d’effectuer des travaux. Cela coutera  7 millions de francs. Le temps d’une délibération du conseil municipal, de son retour de la préfecture, de lancer les appels d’offre…ce n’est qu’au mois de septembre 1989 que les marteaux piqueurs entrent en action.

La gène pour les garages Photo NE
La gène pour les garages Photo NE

En mars 1990, on est encore loin de la fin du chantier.  Les garages Toyota et Citroen installés dans l’immédiate proximité du pont, protestent et menacent de ne plus payer leur taxe professionnelle. Depuis ces travaux, la voie se termine en cul de sac ! Les garages ne sont plus accessibles. Pétitions au maire, qui n’en peut mais, car c’est la CUDL qui est en retard : l’évacuation des remblais (12.000 m3) lesquels contiennent du chlorate de soude, nécessite des précautions et des aménagements. Un terrain appartenant à la société Rhône Poulenc à Wattrelos va accueillir ces remblais, selon le principe du retour à l’envoyeur. Cela a donné l’impression que le chantier s’est arrêté, mais il va reprendre, assure la CUDL, et tout sera terminé en septembre.

Le nouveau pont Photo NE
Le nouveau pont Photo NE

En septembre 1990, soit un an après le début des travaux, et deux ans et demi après la décision, le chantier est terminé. On aura donc réparé l’ouvrage d’art en substituant le matériau expérimental par un remblai physiquement et chimiquement stable, avec dispositif d’étanchéité et système de drainage. On a ensuite procédé au remplacement des appareils d’appui du tablier et à la reconstruction des murs garde-grève. Le profil du pont a été modifié, il est désormais en travers de la route ce qui permet d’élargir le trottoir du côté du lycée. Les automobilistes peuvent à ce moment emprunter un nouveau pont, dont la double voie est aujourd’hui réduite à une seule. Mais ceci est une autre histoire.

D’après les articles parus dans NE

Les malheurs de la passerelle

Les industries se concentrent de chaque côté du canal, il faut donc un moyen de communication pour mettre en relation lieux de résidence et lieux de travail, quartiers du Pile, du Sartel et de l’Entrepont. Or le canal forme une barrière infranchissable entre le pont du galon d’eau et celui de Beaurepaire. On forme donc le projet, approuvé par la préfecture en 1875, de construire une passerelle à mi-chemin de ces deux ponts, quasiment dans l’alignement de la rue des Soies, entre le quai de Wattrelos et celui du Sartel.

La réalisation de la passerelle ne suit pourtant pas immédiatement cette décision : ni le plan cadastral de 1884, ni les plans de 1886 ne figurent de passerelle. Elle est finalement construite, et apparaît en 1906 sur le plan du Ravet-Anceau :

Plusieurs cartes postales nous la montrent, construite en métal riveté, et environnée par deux silos à charbon.

Ce moyen de communication si utile va malheureusement être détruit en 1918 par les allemands lors de leur départ de Roubaix.

Elle est reconstruite après la guerre, mais en béton. Les escaliers d’accès sont maintenant perpendiculaire à la passerelle elle-même. Une photo nous la montre, vue depuis le quai du Sartel :

Pourtant, les malheurs de cette passerelle ne sont pas terminés : elle sera détruite de nouveau durant la deuxième guerre mondiale, pour n’être reconstruite qu’en 1952, en ciment armé avec des rampes d’accès perpendiculaires accessibles aux cycles et voitures d’enfants. Le nouveau tablier préfabriqué est lancé à travers le canal en prenant appui sur une péniche, l’Etom, appartenant aux établissements Motte de la rue d’Avelghem.

Photos Nord Matin

Souhaitons longue vie à cet ouvrage d’art, l’avatar actuel de la lignée !

Documents archives municipales et bibliothèque numérique de Roubaix