Café grand’mère

Depuis le début du siècle dernier, le 55 rue Pierre Motte à Roubaix a toujours été occupé par un estaminet. Dans les années 1910-1920 le café était tenu par S. Lagache et dans les années 1930-1940 par Jean Poulin. Ce dernier était non seulement cafetier mais également musicien violoniste et organisait dans son établissement : « La Taverne Franco-Belge » des concerts avec son orchestre.

l’estaminet de S. Lagache ( document collection privée )
Jean Poulin, à gauche sur la photo et son orchestre ( document collection privée )

En 1951, René Monnier, né en 1925 à Roubaix, et son épouse Lucette, habitent 82 rue d’Anzin à Roubaix. Ils reprennent le fonds de commerce du 55 rue Pierre Motte et le transforment en épicerie. Ils font appel à l’architecte C. Verdonck pour aménager l’intérieur du point de vente. L’enseigne choisie : « A l’Abondance » a pour origine, l’époque d’après guerre ; les Français ont en effet, terriblement souffert pendant ces quatre années de privations alimentaires et commencent à retrouver des produits conformes à leurs attentes.

façade de l’épicerie A L’Abondance ( document archives municipales )
plan du point de vente ( document archives municipales )

Maurice Monnier, le père de René, gère une crémerie, depuis quelques années, au 51 de cette même rue Pierre Motte, : la «Laiterie des Halles». Maurice vend du beurre des œufs, du fromage, mais également du jambon, du café et des conserves.

publicité La Laiterie des Halles ( document collection privée )

Entre les deux commerces 51 et 55 des père et fils Monnier, il existe au 53 une toute petite échoppe qui vend des articles de confiserie tenu par A. Domen : « Aux Spécialités ». Les trois commerçants s’entendent bien et communiquent ensemble, pour éditer des publicités communes dans la presse locale.

Plan cadastral
document Nord Eclair

Au début des années 1950, la région manque encore de tout. Les besoins sont énormes et de nombreuses denrées alimentaires de première nécessité transitent en fraude depuis la Belgique toute proche : le tabac, le chocolat, le café et en particulier le café « Grootmoeder » qui signifie grand’mère en flamand.

Pour développer leur commerce, René et Lucette commencent à torréfier eux-mêmes quelques cafés, c’est l’occasion de créer leur propre marque : le « café grand’mère », un clin d’oeil au café belge bien connu.

buvard publicitaire ( document collection privée )

René et Lucette créent des mélanges de grains pour produire un café, familial et simple, mais de qualité avec de nouveaux goûts et arômes, à des prix compétitifs. Ils développent ainsi la torréfaction de différents cafés qui répandent dans tout le quartier une odeur de café agréable, et attire les passants. Le succès est immédiat, René et Lucette ont, tous deux, un sens inné du commerce, ils lancent des offres promotionnelles régulières sur leurs produits et communiquent par de la publicité dans la presse locale. Ils ouvrent un deuxième magasin à Tourcoing au 5 rue de la Cloche.

document collection privée

René est très proche des consommateurs et sensible à toutes les remarques, il n’hésite pas alors, à organiser des concours pour savoir quelle serait la meilleure campagne de publicité possible, pour son café Grand Mère.

document Nord Eclair

En 1958, René et Lucette souhaitent développer encore leur activité, mais le manque de place se fait cruellement sentir. Ils reprennent le commerce voisin de confiserie au N° 53 « Aux spécialités » et le 51 la « laiterie des Halles » de Maurice Monnier lequel prend une retraite bien méritée. René et son épouse créent alors la SMPM « Société nouvelle des Magasins de la rue Pierre Motte » pour la création d’un seul et même commerce sur une parcelle de terrain qui s’étale désormais sur 269 m2. Les travaux de transformation et d’agencement du nouveau magasin sont confiés à l’agence Antoine Addic à Lille.

document archives municipales

Au début des années 1960, les grandes surfaces font leur apparition et elles sont manifestement une menace pour les petits détaillants. A l’inverse, René et Lucette vont rapidement comprendre les possibilités de développement qu’offre ce nouveau mode de distribution. Le café Grand’mère est référencé au premier supermarché Auchan de l’avenue Motte à Roubaix. René et Lucette ont désormais des ambitions nationales de développement.

document Nord Eclair
document café Grand Mère

En mai 1961, un pan de mur branlant, situé au 3° étage de l’immeuble menace de s’effondrer. René Monnier fait évacuer immédiatement le magasin, puis prévient les services de secours, avant que le mur ne s’écroule sans faire de victimes. Une entreprise se déplace ensuite pour démolir et supprimer complétement le dernier étage et, ensuite, la marquise endommagée qui abritait les piétons sur le trottoir.

document Nord Eclair

René Monnier adore la publicité et la communication. En Novembre 1962, il fait venir le sympathique et infatigable animateur Marcel Fort, pour animer une journée complète dans son magasin en partenariat avec le fameux camembert « Révérend » fabriqué en Lorraine. De nombreux cadeaux ( dont beaucoup de fromages ! ) sont alors offerts à la clientèle.

documents Nord Eclair

Quelques années plus tard, Fabrice, le célèbre animateur de la station de radio RTL, se déplace à Roubaix pour animer une émission de jeux, diffusée à la mi journée sur l’antenne pour faire gagner des paquets de café à la clientèle venue nombreuse.

documents RTL

En 1962, René Monnier est nommé président de l’Union des commerçants de la rue Pierre Motte. Le bon sens de René et Lucette Monnier est la clé de la réussite de la marque des cafés « Grand’mère 59 ». Ils proposent aux autres détaillants de la métropole de leur fournir leur café, et n’hésitent pas à apposer leur publicité sur les fourgons de livraison aux particuliers.

Le fourgon Citroën publicitaire d’un commerçant de Hem ( document collection privée )

à suivre . . .

Remerciements aux archives municipales

Ecole Sévigné au square Pierre Catteau

Dans les années 1960, la population roubaisienne s’accroit fortement suite au développement du taux de natalité des années d’après guerre. Des écoles supplémentaires sont nécessaires pour faire face à ce besoin.
L’institut Sévigné de la rue des Champs à l’angle de la rue du Grand Chemin, fait partie des établissements scolaires qui doivent se développer. Mais le manque de place pour construire une école primaire oblige la municipalité à édifier une école à un autre endroit.

Par délibération du Conseil Municipal, la construction de trois classes de l’école Sévigné est décidée et approuvée sur un terrain de 1303 m2 sur une partie du square Pierre Catteau .

document archives municipales 1966

Trois autres classes complémentaires sont ensuite construites ainsi que des installations annexes à savoir les sanitaires, la chaufferie, la cour de récréation et le préau. L’urgence de la situation et peut-être également le financement, obligent la création de ces classes en préfabriqué.

Six classes sont désormais construites dans ce parc magnifique du Palais de Justice avec une entrée rue Rémy Cogghe, et une autre rue Mimerel.

document archives municipales 1969
Plan cadastral 1974 ( document archives municipales )

Sur le document ci-dessous, on distingue :

6 salles de classe ( ref 1, 3, 5, 12, 14 et 16 )

Sanitaires ( ref 7 )

Chaufferie ( ref 17 )

Préau( ref 11 )

Rangements ( ref 8, 9 et 10 )

Plan de l’école ( document archives municipales )

En 1982, un article paru dans le quotidien Nord Eclair informe les roubaisiens d’un problème de fondation des 6 classes. En effet les classes s’affaissent dans le sol. Est-ce du au fait qu’elles ont été posées en préfabriqué ? Est-ce du au fait que les fondations n’ont pas été réalisées correctement, ou est-ce que l’étang du square a causé des infiltrations dans les bâtiments ?

document Nord Eclair 1982

Quelques années plus tard, en 1994, la demande de permis de démolir des 395 m2 construits pour les 6 classes, est accordé par la municipalité. On peut imaginer que le montant des travaux de réparation devait être très lourd ; l’école est donc rasée. Elle n’a vécu que très peu de temps !

document archives municipales 1994

Remerciements aux archives municipales.

Le Square Gambetta

La partie du canal de Roubaix qui menait du Sartel à la barque d’Or, rendue impraticable par manque de profondeur, est désormais inutile par suite du choix d’un autre itinéraire qui contourne la ville. C’est par ailleurs devenu un égout à ciel ouvert à l’odeur pestilentielle, même s’il figure en bleu pastel sur le plan cadastral de 1845.

Plan cadastral 1845

Les riverains aimeraient qu’ils soit comblé pour en faire une promenade, un boulevard ou un square et ils seraient prêts dans ce cas à céder gratuitement les terrains limitrophes des quais. Le terrain de 35000 mètres carrés, qui appartient à l’état, est d’abord loué à la ville pour le franc symbolique par arrêté préfectoral en 1881.

La municipalité se décide à combler l’ancien canal, en le déclarant zone de décharge publique. La partie comblée s’étend progressivement depuis la barque d’or (rue du Moulin) d’abord jusqu’au pont de l’Union (rue du Coq Français), puis celui de la gendarmerie (rue de Lannoy), celui du Galon d’eau, (rue Pierre de Roubaix), jusqu’à atteindre le nouveau canal. Enfin, comblement achevé, on nivelle le terrain et on y crée en 1887 une voie centrale et deux voies latérales séparées par des terre-pleins.

Finalement, les terrains, domaine de l’état, seront échangés en 1905 avec la Ville contre d’autres, expropriés pour créer un port au Sartel. On remarque sur le plan ci dessous l’élargissement du canal pour permettre le retournement des péniches.

Plan 1887

On voit sur la photo suivante, prise avant 1909, que le boulevard Gambetta était alors très industrialisé. On y distingue au premier plan à gauche le peignage Allart, puis la rue Nadaud, très étroite à l’époque, et le tissage Muliez-Eloi, qui prendra en 1910 le nom de tissage Deveer. On distingue au fond le nouveau canal et le bouquet d’arbres derrière le quai de Wattrelos, au premier plan l’un des deux terre-pleins et la voie centrale, réservée à l’époque aux cavaliers et « voitures suspendues ». On voit également que le transport était dévolu aux camions à chevaux et voitures à bras.

En décembre 1907, un rapport commission présenté par Jules Cléty acte la décision municipale de créer un square sur les terre-pleins et la voie centrale du boulevard. Ce square, représentant 2350m² doit se situer à l’extrémité du boulevard, entre le boulevard de Colmar, là où débouche la rue de Longues Haies, et le canal. La dépense prévue est de 6800 francs. Les travaux seront réalisés par une entreprise, alors que les services de la voirie auront à charge de rapporter les terres nécessaires.

La réalisation suit très vite la décision et, en Août 1909 a lieu la réception de ces travaux, exécutés par M. Ponthieux, entrepreneur à Tourcoing. Le plan prévoit un square tout en longueur, conservant les deux chaussées latérales. On y voit un massif central circulaire fleuri, encadré de deux pelouses, l’ensemble formant un ovale allongé. Une grande partie du terrain est réservé à des allées pour la promenade et des espaces pour les jeux des enfants. Le pourtours est garni d’arbustes. La photo suivante nous présente le square au début de son existence ; les plantations sont récentes et n’ont pas encore eu le temps de prendre de l’ampleur.

Photo 1909

On y voit au fond la courbe du canal, au premier plan à droite le débouché de la rue des longues Haies et du boulevard de Colmar, qui forme un espace libre triangulaire. A gauche le tissage Deveer, flanqué de l’estaminet Lietar. Les promeneurs ont déjà investi les allées.

Très vite, on vote l’installation d’une grille de clôture, qui sera réalisée par l’entrepreneur roubaisien Lauwers-Lemaire. Les travaux sont réceptionnés en juillet 1910.

La grille d’entrée

La première guerre voit l’armée d’occupation utiliser toutes les ressources locales : Les espaces verts servent de pâture pour les chevaux, les arbres et arbustes sont utilisés comme bois de chauffage. En 1920, le conseil municipal décide de remettre en état les plantations dévastées par les troupes allemandes dans tout Roubaix. Il est question de replanter plus de 1400 arbres. L’année suivante on achète une tonne et demi de semences pour gazon.

Notre square va alors traverser une période tranquille qui se prolongera jusqu’après la seconde guerre. Le tissage prend le nom en 1922 de P Hennion, et la végétation prend de l’ampleur, comme on le voit sur la photo aérienne qui suit, datée de 1932. Le bâtiment qu’on remarque sur le terre-plein à gauche du square et en face de l’usine Allart est un poste de distribution électrique.

Photo IGN

Mais le square vit ses dernières années. Un court article de la Voix du Nord de 1964 évoque les derniers temps du square : on y explique qu’ayant été vandalisé puis remis en état de nombreuses fois, on a fini par l’abandonner à son sort. Alors, en 1950, la création de immeubles Galon d’eau correspond à la période où le square est délaissé. Les plantations disparaissent, l’espace est en friche.

Photo IGN 1951

En effet, c’est l’époque où la circulation automobile prime et on trace une voie de circulation sur l’ancien square. Il faut dire que, dès 1952, on envisage de construire un nouveau pont à l’emplacement de l’ancien ; il faudra renforcer les accès à ce pont. En attendant, on utilise cet espace en 1953 pour y installer une partie des manèges de la foire.

Photo 1953

Le projet définitif de 1959 prévoit un pont beaucoup plus large dont la rampe d’accès sera dans le prolongement du boulevard Gambettta et aboutira rue d’Avelghem. Il concernera directement l’emplacement du square, qui est remblayé en 1965 comme en atteste la photo aérienne des travaux qui suit.

Photo IGN 1965

Le nouveau pont aura sonné le glas de notre square, placé là un peu par hasard, sans qu’on sache trop pourquoi, et de taille trop modeste, pour peser suffisamment lors du choix des nouveaux schémas de circulation.

Les documents proviennent de la médiathèque de Roubaix et des archives municipales.

Le Square Notre Dame

Le cimetière originel de Roubaix était situé autour de l’église St Martin. A la fin du 18ème siècle, on le déplace au lieudit « champ de Beaurewart », mis à disposition par M. Floris Delaoutre, maire de Roubaix près de l’actuelle rue de Valmy. Puis, il est redéplacé en 1809 sur un terrain appartenant à l’Hospice, à l’extrémité de la rue Nain, le long de la rue du Fresnoy qui prendra à cet endroit le nom de rue du Cimetière. Devenu trop petit pour la population, le cimetière du Fresnoy sera finalement remplacé en 1850 par celui du quartier de l’entrepont que nous connaissons aujourd’hui.

C’est ainsi que les plans cadastraux de 1816 et 1826 montrent un terrain baptisé « Champ de repos » qui borde la rue du Frenoy.

En 1860, la ville se propose d’établir un square sur l’emplacement de l’ancien cimetière. Le projet est d’importance : ce sera le premier square à Roubaix. Le conseil municipal sous la direction de Julien Lagache l’entérine fin novembre. Un premier plan est établi en 1861 par l’architecte Lepers. Il prévoit une disposition à la française basé sur la symétrie de deux parterres rectangulaires centré sur un motif circulaire, et séparés par une allée centrale.

On choisit le modèle des grilles qui clôtureront le parc en remplacement des murs de l’ancien cimetière. Elles sont réalisées par l’entreprise Griaux Frères de Roubaix. Les arbres plantés proviennent du jardin de M. Leconte-Baillon. L’entreprise Frère frères s’engage à réemployer les anciennes briques des murs du cimetière pour la construction des aqueducs et les soubassements des grilles

Le modèle des grilles

L’an1862, on édifie dans le parc une serre pour protéger les plantes craignant les gelées, et, en 1863, on projette d’installer une fontaine au centre du jardin. Elle comportera bassin de 8 mètres de diamètre.

La fontaine projetée

Après les fêtes du 15 Août 1863, fête Nationale en l’honneur de l’Empereur, et célébration de l’arrivée des eaux de la Lys, il faut récupérer les quatre statues de Charles Iguel (représentant les Arts, L’industrie, l’Agriculture et la Paix) qui ont contribué provisoirement à orner la place de la mairie avec la fontaine des trois grâces, du même auteur. Dès Septembre, il est décidé que ces statues seraient placées dans le square. A cet effet, on prévoit de les jucher sur des piédestaux en pierre de taille.

En 1865, on remplace la grille d’entrée, jugée trop faible et pas assez monumentale par une autre, beaucoup plus imposante.

La nouvelle grille

Un peu plus tard, en 1880, on installe deux kiosques à musique l’un dans le parc Barbieux, l’autre dans notre square. Ce dernier compte dix mètres de diamètre. L’usine St Sauveur est responsable du dessin et doit en exécuter la superstructure, alors que les infrastructures sont confiées aux opérateurs d’entretien. L’ossature métallique extérieure est due à M. Mery-Picard.

Mais, à ce moment, le square vit ses dernières années, car il est question d’installer à sa place l’école des arts appliqués. En 1886, une partie des habitants pétitionnent pour conserver le square, mais c’est peine perdue, et l’année 1888 voit l’érection de l’école et la disparition du square dont l’existence aura été de courte durée.

Les illustrations proviennent des archives municipales et de la médiathèque de Roubaix.

Foire de Roubaix (Suite 2)

Après-guerre, l’Hippodrome est modernisé : un écran de cinéma est installé et la salle est rebaptisée « Le Capitole ». Mais en 1957, le dernier spectacle y a lieu et c’est la fermeture ; les visiteurs de la foire de 1957 y ont assisté aux dernières représentations de cirque. La société Le Capitole est dissoute en 1964 et ce grand lieu historique et culturel roubaisien est détruit. Quant à la foire de la Quasimodo, elle reprend de plus belle.

Le Capitole et une affiche du cirque franco-belge à l’Hippodrome (Document Cirk75)

Les bulletins municipaux des années 1950 et 1960 se ressemblent : durant les préparatifs et la durée de la foire (soit un mois) un sens unique est établi sur les chaussées latérales du boulevard Gambetta entre la rue de Lannoy et le boulevard de Colmar et la seule traversée possible se situe rue Pierre de Roubaix.

Seuls les véhicules des forains sont admis sur le champ de foire dont l’entrée principale doit être complétement dégagée pour le public. Par ailleurs un éclairage électrique d’illumination est prévu en vue de donner le plus d’attrait possible à cette fête locale et de favoriser ainsi le commerce roubaisien comme celui des forains. Cette installation réalisée en 1950, comme bien d’autres années, par la maison Deny (de la rue Decrème), englobe la quasi totalité des boulevards Leclerc et Gambetta.

Illuminations réalisées par la maison Deny (Document collection privée)

En 20 ans la foire a encore évolué : fini les vélos et les balançoires, tout comme la foire aux pains d’épices de la place de la Liberté ; place aux « schooters », avions, voitures de courses, canots à moteur, voire même aux soucoupes volantes, ainsi qu’aux beignets suintant d’huile, aux frites chaudes et aux cornets de crème et au nougat.

Deux ans plus tard, en 1952, pour les 95 ans de la foire Quasimodo, on annonce une toute nouvelle attraction : « Indianapolis », qui présente, pour la première fois au monde : une course à la mort entre 2 automobiles et des motos sur une paroi verticale de 7,50 mètres de hauteur. Le cirque Fanni et le Grand Cirque Franco-Belge sont également de la partie.

Voici le printemps et voici la foire en 1950 et quelques publicités pour le nougat, le sens interdit et le montage d’un manège (Documents Voix du Nord)
La foire de Roubaix toujours aussi accueillante en 1952 (Document Voix du Nord)

En 1955, la foire est inaugurée par les personnalités avec le concours de la clique scolaire des amicales laïques : Mr Kléber Sory, adjoint au maire, accompagné de quelques conseillers municipaux, représente la mairie et Mr Terme dit « Mignon », président du Syndicat National des Industriels Forains représente les gens du métier. C’est l’année ou une attraction américaine est présentée pour la deuxième fois en France : l’American Railway, destinée aux amateurs de sensations fortes.

Inauguration par les personnalités, Grande Roue et présentation de l’American Railway au côté de manèges plus classiques (Documents Nord-Eclair)

En 1958, la foire est lancée au son des instruments de la clique des amicales laïques qui en parcourent les allées en devançant le cortège des officiels et l’un des premiers petits clients choisit Donald Duck pour faire son premier tour de manège. 4 ans plus tard, les personnalités inaugurent la foire de 1962 et c’est Mr Pluquet adjoint au maire qui représente la mairie tandis que Mr Terme représente à nouveau les forains. Comme le veut la tradition les personnalités partent ensuite partager un moment convivial à La Rotonde.

La foire en 1958 (défilé de la clique et Donald Duck) et en 1962 (tour de la foire par les personnalités (Documents Nord-Eclair)

L’installation de la traditionnelle foire est bien laborieuse en 1964, en raison de son déménagement dans l’îlot Edouard Anseele, sur la surface laissée libre par les travaux du futur groupe d’immeubles, soit sur les rues Anseele, Lefebvre, Beaurewaert et le boulevard de Belfort. Les racleuses et pelles mécaniques nivellent, remblaient ou transportent des amas de terre tandis que divers services montent l’éclairage nécessaire et installent des points d’eau.

La surface est nettement moindre et une soixantaine de commerçants ont dû renoncer à venir. Les autres forains sont un peu déroutés : gravas, dénivellements, terre glaise, terrains imparfaitement rassis sur d’anciennes caves et risques d’affaissement sous le poids des roulottes. Pourtant la foire s’installe tant bien que mal, rassemblant quant même plus de 100 forains et son inauguration est fêtée comme les autres années et une opération « Louis d’or » est lancée avec le concours du journal Nord-Eclair qui propose également des tickets demi-tarif pour la journée des enfants.

Le nouveau domaine, l’opérations louis d’or et les tickets demi-tarif (Documents Nord-Eclair)

C’est sous un crachin glacial que s’installe, à l’endroit habituel, la foire de 1967 et que la clique de la Fédération des Amicales Laïques entraîne les majorettes de Bruay-en-Artois et la reine des forains du Nord sur le champ de foire, à partir de la Grand-Place. Cette fois encore ce sont les Ets Deny qui ont installé les guirlandes multicolores qui agrémentent les lieux et Nord-Eclair fait gagner des « louis d’or » à ceux dont le visage apparaît encerclé sur les photos de la foire parues dans ce journal.

Ouverture de la foire en 1967 et la pluie de louis d’or (Documents Nord-Eclair)

Un an plus tard la presse titre en avril : « La foire est au départ ». Et cette fois chaleur et soleil sont au rendez-vous. Grande roue, loteries, petites voitures, motos, petits bolides pour enfants sont pris d’assaut et les allées du champ de foire, comme c’est rarement le cas, ne sont pas boueuses mais poussiéreuses. La foire d’hiver peut être rebaptisée foire de printemps. Le concours du plus gros mangeur de beignets obtient un franc succès.

Nouveau modèle d’auto-tamponnante et d’avion et activité en coulisse avant l’ouverture en 1968 (Documents Nord-Eclair)
Différents manèges et stands et les 3 premiers du concours du plus gros mangeur de beignets (Documents Nord-Eclair)

Après la période des années 1950-1960, particulièrement faste pour la foire de Roubaix, cette manifestation reste encore un incontournable succès roubaisien dans les années 1970-1980. Pourtant on est loin des fastes et de la diversité du champ de foire d’antan et la liste des forains en témoigne : en dehors des manèges traditionnels pour enfants (chevaux de bois, avions…) et des kartings, auto-tamponnantes et chenilles, on y trouve nombre de loteries, pêle-mêle et pêche aux canards, et de stands de tir ainsi que des baraques proposant à la vente : beignets, pop-corn, barbe à papa, gaufres et confiseries, et c’est à peu près tout.

Ouverture de la foire en novembre 1970 (Document Nord-Eclair)
Billets à tarifs réduit pour la fête foraine de 1973 (Document archives municipales)
Photos de la foire et ses manèges dans les années 1970 (Documents collection privée)
Panorama de la foire en 1988 (Document archives municipales)

La dernière fête foraine organisée en 1996 boulevard Gambetta s’étant très mal passée, la foire de la Quasimodo s’arrête avant le passage aux années 2000. Puis, en 2014, la municipalité décide de tenter à nouveau l’expérience mais sur la Grand-Place pour le plus grand plaisir des forains et des badauds. Il s’agit d’un test, en été, pour tenter de redynamiser le commerce du Centre Ville. L’expérience sera renouvelée si tout se passe bien.

L’idée a été soumise à la mairie par des forains déjà présents sur des ducasses de quartier telles que celle de la Place de la Fraternité et de la Place du Travail, deux ans plus tôt et adoptée par la nouvelle municipalité élue en 2014. S’y retrouvent le Roi du Croustillon et le manège Goldo-Jet, 3 manèges pour enfants, un petit 8 Indiana Jones, ainsi qu’une piste de break-danse, des stands de tir, une piste aux étoiles, une loterie et une pêche à la ligne, soit 13 attractions au total.

Retour de la foire en Centre Ville en 2014 (Document Voix du Nord)

Bien que la nouvelle fête foraine soit à l’évidence beaucoup plus modeste que la foire Quasimodo de la grande époque c’est un renouveau du divertissement sur la ville de Roubaix et une nouvelle tradition. La foire d’été s’installe en effet durablement la deuxième quinzaine d’août et devrait donc, si tout va bien, fêter son dixième anniversaire en 2024.

La foire sur la Grand-Place dans les années 2010-2020 (Document Roubaix XL, Roubaix Web et Voix du Nord)

Remerciements aux archives municipales de Roubaix et à la BNR.

14 rue Pierre Motte

Dans les années 1920-1930, le 14 de la rue Pierre Motte à Roubaix est occupé par l’entreprise de Joseph Van Den Hende. Son immense atelier de carrosserie s’étale jusqu’au bout de la rue Pierre Motte et se prolonge sur le boulevard Gambetta jusqu’au N° 47. Joseph Van Den Hende et son épouse habitent dans leur maison située au 12 rue Pierre Motte.

document collection privée

Dans les années 1940, l’entreprise Van Den Hende réduit son activité, Joseph garde son garage boulevard Gambetta aux n° 45 et 47 et céde les locaux de la rue Pierre Motte. Le bâtiment du 47 bis du boulevard Gambetta, à l’angle de la rue Pierre Motte, devient un café à l’enseigne La Rotonde, géré par J. Ecrepont.

document collection privée

Le 14 de la rue P Motte, quant à lui, est occupé par les Ets O. Roels, négociant en laines jusqu’à la fin des années 1950.

document collection privée

En 1961, la SEMA Société d’Exploitation des Marchés Alimentaires demande l’aménagement de la façade des 14 et 16 rue P Motte en vue d’ouvrir « Le Cours des Halles ».

document archives municipales

Le Cours des Halles est un magasin spécialisé en fruits et légumes, comme il en existe dans de nombreuses autres villes en France. Les achats de produits en très grosse quantité est une force qui leur permet de négocier des prix intéressants, de les répercuter aux consommateurs et de leur proposer ainsi des prix attractifs.

document archives municipales

Le choix de l’emplacement de la rue Pierre Motte est judicieux puisque les Halles de Roubaix ont été rasées en 1956 et n’ont jamais été remplacées jusqu’alors. Le local est restauré, transformé, métamorphosé. L’ambiance est saine, colorée et vivante. L’agencement est fonctionnel ; des montagnes de fruits et légumes sont proposées à la clientèle. La qualité des produits est irréprochable, la fraicheur contrôlée et les prix imbattables. L’ouverture marque une nouvelle étape dans les circuits de distribution des produits frais.

document Nord Eclair

L’inauguration a lieu en 1962 en présence de Mrs André Thibeau adjoint au maire, Lotthe de la chambre de commerce, Cléandre du service des douanes, Vandecrux du syndicat d’initiative, Monniez président de l’Union des commerçants de la rue P. Motte. Un vin d’honneur est servi dans les salons du café voisin : la Rotonde.

Mr Caigny, président de la SEMA, promet à la Mairie d’apporter de nombreux paniers de fruits et légumes aux vieillards de la commune.

document Nord Eclair

La direction profite d’une légère rénovation en 1964 pour développer des gammes de produits complémentaires : un rayon boulangerie-pâtisserie et quelques produits d’épicerie et de vins fins.

documents Nord Eclair

En 1968, Pierre Ricordel reprend l’immeuble et fait effectuer quelques travaux de rénovation de façade par l’entreprise Nuytten, située au 41 rue Marceau à Roubaix. En 1969, le magasin « FASH » ouvre ses portes, pour y vendre des tentes de camping.

document archives municipales
document Nord Eclair

Le succès n’est pas vraiment au rendez vous, car peu de temps après, en 1974, l’enseigne FASH change d’orientation commerciale et vend désormais du prêt à porter féminin ( robes, manteaux, jupes, etc ).

documents Nord Eclair

En 1979, la Compagnie Bancaire reprend le magasin des n° 14 et 16 pour transformer les locaux en agence bancaire « U.C.B ». Le 18 de la rue, quant à lui est occupé par la « Cofica ».

documents archives municipales

De nos jours, la Banque Populaire occupe le local à l’extrémité de la rue P Motte à l’ancien emplacement de La Rotonde.

La Banque Populaire en 1979 ( document collection privée )

Le 14 et 16 de la rue Pierre Motte est occupé depuis 2006 par E.2.C  ( Ecole de la deuxième Chance ) dont l’entrée se situe au 45 boulevard Leclerc ( anciennement boulevard Gambetta ).

le 14 et 16 de la rue Pierre Motte de nos jours ( photo BT )

Remerciements aux archives municipales

Foire de Roubaix (Suite 1)

En 1901, il apparaît qu’à nouveau le lieu choisi s’est avéré trop petit et qu’il a fallu l’étendre. Le champ de foire de Roubaix présente : le Cirque Vinella à l’Hippodrome, avec une grande troupe équestre gymnique, la Grande Ménagerie Mondaine belge, le Carrousel Salon, les Montagnes Russes, le Théâtre Morieux (au coin de la rue Pierre de Roubaix), l’Hippodrome de Paris (Place Colmar), l’ Hippodrome Algérien (Place de la Liberté), le Royal Bioscope (en face de la fabrique Allart), le Théâtre Moderne et le Musée Mécanique.

Et l’année suivante, nouvelle organisation : au lieu d’être placés le long du boulevard des 2 côtés de la chaussée centrale, avec leurs façades en vis à vis, les établissements forains se tournent le dos, la chaussée centrale leur servant de remise. Cette mesure a pour but de disséminer la foule afin d’éviter les regrettables cohues qui se produisent chaque année.

La foire de Roubaix en 1905 et le stand de pain d’épice et confiseries de Mme Lestienne (Documents collection privée)

Toutefois cette nouvelle disposition ne recueille pas tous les suffrages et l’on revient bien vite à l’ancienne disposition des stands, face à face des 2 côtés du terre plein central du boulevard, depuis l’Hippodrome jusqu’au pont de Wattrelos soit sur toute la longueur du boulevard Gambetta.

Foire de Roubaix en 1908 (Documents BNR)

A l’Hippodrome c’est le Grand Cirque National belge avec sa troupe de 100 artistes. Puis viennent les Gondoles Orientales ainsi que plusieurs cinématographes, des fritures, des théâtres et musées mécaniques, des hippodromes et théâtres de marionnettes, des expositions, des spectacles de Music-Hall, les montagnes russes… Le champ de foire offre une grande diversité d’amusements et d’émerveillement aux nombreux visiteurs qui parcourent ses allées.

Quelques attractions entre l’usine Motte Bossut et la fabrique Allart au début du vintième siècle (Documents BNR)
Musée à la foire en 1911 (Document Journal de Roubaix)

Dans les années 1910, les Ets Fritz se positionnent à l’entrée du champ de foire pour y proposer de délicieuses frites, mais aussi gaufres et glaces et proposent également la livraison à domicile. Les marchands de pain d’épice et de nougat prennent leurs quartiers sur la place de la Liberté. Quant aux baraques foraines multicolores : bleues, jaunes, rouges, vertes, elles s’alignent tout au long du boulevard Gambetta.

L’odeur de friture imprègne l’atmosphère et une musique enragée allant du bugle à la grosse caisse déchire les tympans. Les gens s’entassent pour mieux voir et entendre le pitre sur l’estrade. Le spectacle est varié et l’hilarité générale. Au Casino-Palace, au n° 50 bis de la Grande Rue, on engage des artistes spécialement pour la foire de Roubaix : lutteurs, comédiens, jongleurs, équilibristes …

Alignement des baraques et manèges, montagnes russes (Documents BNR)
Exemple d’acrobates et équilibristes (Documents collection privée)

Dans les années 1920, le champ de foire de la Quasimodo rassemble place de la Liberté : les Fantaisies Parisiennes, les pains d’épice et nougats Smits, les nougats Sans Rival, Yanni et Auguste ainsi que la Royale Confiserie. Pour la 1ère fois à Roubaix, s’installe le Palais Vénitien qui présente un grand choix de reproductions du Musée du Louvre ainsi que des bijoux et merveilles de Venise.

Une ducasse a lieu également, moins étendue que la foire de la Quasimodo, en septembre, soit à la même période que celle de Lille. L’affluence y est grande en partie aussi grâce au temps, bien plus clément à cette période qu’à celle de la foire d’hiver. S’y ajoutent les braderies traditionnelles des rues Pierre de Roubaix et de l’Epeule.

La foire en1924 qui commence derrière la Fontaine des Trois Grâces (Document Archives Municipales)

En 1926, la foire se pare d’un cirque au fond du boulevard, près du canal et aux manèges habituels s’ajoutent deux carrousels-salons et deux autodromes. Les illuminations y sont encore plus brillantes que les années précédentes, notamment en ce qui concerne l’allée centrale. Quant à la place de la Liberté, elle accueille ses 4 rangées de baraquements consacrés au nougat.

Ouverture de la foire en 1926 et publicité des stands de nougat (Documents Journal de Roubaix)

La foire de Roubaix, dont le succès ne se dément pas depuis sa création, évolue dans les années 1930 et les métiers, qui utilisent les tout derniers perfectionnements de la mécanique et de la science, remplacent les spectacles « pittoresques, grotesques et démantibulesques » d’antan, tout en conservant le caractère bon enfant qui fait affluer la foule tous les ans malgré le temps souvent pluvieux. Elle continue donc à faire les titres de la presse locale à la fermeture comme dès son installation.

Fermeture de la foire en 1932 et installation de la foire de Roubaix en 1939 (Document Egalité de Roubaix-Tourcoing et Journal de Roubaix)

A suivre…

Remerciements aux archives municipales de Roubaix et à la BNR.

Foire de Roubaix

Jusqu’au 18ème siècle, la foire est un espace d’ échanges et de commerce et ce n’est qu’au siècle suivant qu’elle devient un lieu festif, essentiellement consacré au divertissement. C’est la naissance d’un phénomène social : la Fête Foraine. Les forains conçoivent leurs décors de manière à se démarquer des commerces sédentaires sans oublier les effets de lumières et les confiseries telles la barbe à papa, la noix de coco, la guimauve, les pommes d’amour et le pain d’épices…

Naissance de la foire de Roubaix en 1856 (document Indicateur de Roubaix-Tourcoing)

C’est par décret impérial du 11 août 1856 que sa majesté l’empereur accorde une foire de six jours à la ville de Roubaix, laquelle commencera le lendemain de Quasimodo, sachant que le dimanche de la Quasimodo, c’est le dimanche qui suit Pâques (on disait aussi Pâques closes). Ainsi le sonneur de cloches de Notre-Dame de Victor Hugo doit son nom au fait d’avoir été recueilli le dimanche suivant Pâques. De ce fait la foire de Roubaix va prendre le nom de Quasimodo.

L’année suivante les préparatifs vont bon train et la foire est précédée d’une cavalcade partant de la Barque d’Or, qui, le 22 mars 1857, amène dans la ville 18.000 voyageurs grâce à 10 trains spéciaux, affluence nécessitant un bataillon de soldats de la garnison de Lille pour assurer le service d’ordre.

Itinéraire et programme de la cavalcade (Documents Journal de Roubaix)

En avril 1957, la presse locale décrit l’installation de la première foire de Roubaix: des barraques pour les jeux, les amusements populaires, les exercices acrobatiques, les spectacles pittoresques mais aussi d’habiles « nécromancieus » qui prédisent l’avenir, des restaurants populaires où l’on mange des gaufres hollandaises en buvant de la bière de Louvain…

A cette époque, certains critiquent le caractère trop disséminé de la fête entre la place de la Mairie et la place Saint-Martin mais aussi la place de la Liberté. Pourtant il n’existe pas de place assez grande pour contenir toute la foire. Par ailleurs il n’est peut-être pas plus mal que les étrangers qui vont arriver pour l’événement se répandent dans toute la ville où régnera partout l’animation.

Pourtant, en 1862, la foire se tient toujours en ces 3 lieux avec une grosse variété de boutiques et de spectacles. S’ajoutent aux années précédentes un café-concert où, moyennant 20 centimes on obtient une chope de bière et la possibilité d’écouter une collection d’artistes distingués : ténors, barytons, basses, sopranos, contraltos et surtout chanteurs comiques, idée habituelle à Paris mais neuve à Roubaix.

Chansonnier du 19ème siècle (document Agoravox)
Exemple de duettistes chanteurs comiques (Document collection privée)

En 1885, un incendie se déclare sur le champ de foire occasionnant des dégâts pour de nombreux forains. La commission syndicale de la chambre des voyageurs forains effectue un classement en 3 catégories des forains les plus éprouvés afin de leur obtenir un secours. Puis chacun d’eux adresse un courrier à la mairie de Roubaix pour y relater les dommages subits. Celle-ci recueille des fonds et en établit une répartition afin d’indemniser chacun d’eux moyennant un reçu des sommes versées.

Dossier d’incendie de 1885, répartition en catégories par le syndicat, demande individuelle de chaque forain, répartition entre les forains par la mairie et reçu établi par le forain suite au versement (Document archives municipales)

Ce n’est qu’à la toute fin du 19ème siècle que le citoyen Henri Carette, maire de Roubaix, décide, en 1896, pour des raisons de sécurité publique, en raison des tramways qui sillonnent en tous sens la Grande Place, de déplacer la fête foraine. L’emplacement choisi est le terre-plein du boulevard Gambetta dans la partie comprise entre la rue de l’Union et la rue de Lannoy (actuel boulevard Leclerc) qui peut contenir l’entièreté de la foire.

Photo d’Henri Carette et extrait d’un plan de Roubaix (document Wikipedia et BNR)
Arrêté municipal de 1896 (Document BNR)

C’est un franc succès, malgré le mauvais temps, la grêle, le vent et donc la boue et les flaques, ainsi que les parapluies qui gênent la circulation piétonne. Musique, roulements de tambours et sonneries des clairons se font entendre de toute part et les théâtres ne désemplissent pas.

Ainsi celui des perroquets et des oiseaux savants attire beaucoup de curieux ; 78 artistes volatiles y assurent le spectacle : musiciens, acrobates, soldats, danseurs, vélocipédistes et « gymnasiarques » font des prodiges. Les musées d’anatomie attirent également la foule qui en ressort pourtant épouvantée…Le salon Curtius est un véritable musée Grévin où tous les personnages historiques sont représentés.

Le succès de la première Quasimodo boulevard Gambetta (document Journal de Roubaix)

Les représentations du Cirque Espagnol ont lieu à l’Hippodrome et celui-ci fait salle comble avec son très bon orchestre qui accompagne les artistes : clowns, chevaux, acrobates et même un superbe corps de ballet pour clôturer les séances. Construite en 1882, cette salle polyvalente de spectacles peut accueillir entre 1500 et 1900 spectateurs selon la configuration et dispose d’une piste et d’une scène. Le moment de la foire est celui des arts de la piste. Au théâtre Caroy le spectacle est plus axé sur les trapèzes et les équilibristes. Quant au grand Théâtre Central Américain y sont présentés jongleries indiennes et homme serpent ainsi que pyramides.

Publicité de l’hippodrome théâtre à l’époque (Document collection privée)

Représentation de l’extérieur et de l’intérieur en photo et croquis (Document blog cirk75)

Exemples d’acrobates (Document collection privée)

A suivre…

Remerciements aux archives municipales de Roubaix et à la BNR.

Cinquantenaire du Minck

Le marché aux poissons, appelé le Minck, est créé en 1862, place du Trichon, dans un des plus vieux quartiers de Roubaix. Tous les roubaisiens amateurs de poissons frais viennent au Minck pour y acheter du poisson à la criée. Le succès de ce marché ne se dément pas et, au début du siècle dernier, on compte 38 tables de vente.

documents collection privée

En 1912, le Minck a 50 ans. Le Comité des fêtes du quartier décide de célébrer cet événement, avec l’aide financière de la municipalité. Le Cinquantenaire du Minck a lieu les 18 19 et 20 Mai 1912. Il faut beaucoup d’ingéniosité de la part du Comité organisateur pour préparer les festivités dès le mois de Mars. Leurs efforts persévérants doivent aboutir à un succès total de cette manifestation.

Sur le document ci-dessous, on reconnait, assis de gauche à droite, Mrs Catteau, Lefebvre, Tiers, Meyer, Kerkhove et Delcambre

Le Comité des fêtes du Trichon ( document Journal de Roubaix 1912 )

Samedi 18 Mai 1912, tout est prêt. C’est l’effervescence dans tout le centre ville. Les festivités vont durer trois jours sur la place du Trichon. Dans toutes les maisons du quartier, on s’apprête à pavoiser et à décorer. De nombreux chars sont préparés pour ces fêtes originales et importantes pour la population. Les couturières se sont mises à disposition pour confectionner la robe et le manteau de la Fée du Trichon ( représentée par Emilienne Mathon ), et de la Reine de l’Industrie ( représentée par Blanche Bombecke ). Ces deux demoiselles sont deux modestes ouvrières que tout le quartier applaudira le jour de leur royauté éphémère. Leurs luxueux vêtements confectionnés sont exposés dans la vitrine de M. Potage, peintre décorateur au 9 place du Trichon.

documents Journal de Roubaix 1912

A 20h, la retraite féérique comprenant des chars avec de nombreux motifs lumineux, parcourt tout le quartier, au départ de la salle des fêtes de la rue de l’Hospice, puis défile dans la rue St Georges, la Grand Place, les rues Neuve et Sébastopol, la place du Trichon, les rues des Fleurs, des Arts, d’Inkerman, du Bois, et enfin revient rue de l’Hospice à la salle des fêtes. Pour faire bon accueil aux visiteurs, tout le quartier est paré d’ornements décoratifs : des drapeaux tricolores à toutes les fenêtres, des mâts surmontés d’oriflammes, des banderoles multicolores, des fleurs, des guirlandes et le soir d’une féerie d’illuminations.

document collection privée

Le défilé se met en route à 20h30 : des enfants avec des lanternes vénitiennes commencent l’itinéraire suivis par la fanfare des Trompettes, le char du Roi des Mers, le char à transformation La Fée, des porteurs de torches et d’autres lanternes vénitiennes terminent le cortège. La retraite lumineuse obtient un franc succès. Le cortège est accueilli chaleureusement par de vifs applaudissements. Une foule très dense entoure le Minck brillamment illuminé, orné d’une cascade du plus bel effet. Les spectateurs enchantés par cette soirée se dispersent vers 22h.

document Journal de Roubaix

Dimanche 19 Mai 1912, une braderie est organisée le dimanche matin dans la rue du Bois et la rue des Fabricants. De nombreuses manifestations ont également lieu dans le quartier : 2 courses cyclistes, l’une de 1000 mètres et l’autre de 3000 mètres, des combats de coqs, un lâcher de pigeons voyageurs.

A 11h30, les membres du comité de la fête, reçoivent dans le palais communal de la rue de l’Hospice, le roi George V d’Angleterre et le remercient pour sa présence, nouvelle preuve de l’amitié franco-anglaise. Un succulent repas est ensuite servi à de nombreux convives. Sur le document ci-dessous, A noter un clin d’oeil sympathique : la caricature de Théophile Meyer, épicier rue Jacquard et président honoraire du Comité d’organisation.

Le menu du repas proposé aux invités le 20 Mai 1912 ( document collection privée )

Après le repas, vers 14h30, Mrs Tiers, président, et Kerkhove, vice-président reçoivent Jean Lebas, maire, ainsi que ses principaux adjoints. Dans l’après midi, au square Pierre Catteau, est organisée une grande et charmante « Fête enfantine » pour une soixantaine de couples de garçons et filles, vêtus de costumes les plus divers. Beaucoup de roubaisiens font le déplacement pour contempler les évolutions de ces enfants. Les réjouissances attirent une foule considérable. Pendant ces trois jours de festivités, un concours photographique est organisé. Les épreuves doivent être envoyées au secrétaire du Comité au 21 rue du Trichon.

Lundi 20 Mai 1912 à 15h, une fête aérostatique a lieu au square Pierre Catteau. Un grand concours de ballons-pilotes ( un concours de ballonnets ) est proposé pour les enfants ; chaque enfant attache sur un ballon, une carte qui porte son nom et son adresse. L’enfant lance le ballon depuis la pelouse du square. Les distances sont ensuite calculées et les ballonnets qui ont parcouru la plus longue distance font gagner aux enfants de superbes cadeaux.

document Journal de Roubaix

A 17h30 a lieu la cérémonie du baptême du ballon Madeleine de 1200 mètres-cube. L’aérostat tout enguirlandé de roses et de feuillages décolle ensuite à 18h pour sa première ascension officielle, piloté par son propriétaire Georges Delcambre. Cette fête aérostatique de clôture connaît un grand succès. C’est une véritable réunion de famille pour les roubaisiens. Ces trois jours de festivité dans le quartier du Trichon remportent donc un immense et légitime succès populaire pour le plus grand bonheur des habitants du quartier et de tous les roubaisiens.

Le Minck sera rasé en 1950 pour raisons de vétusté et de sécurité ( voir sur notre site, un article précédemment édité et intitulé : la démolition du Minck )

Remerciements aux archives municipales.

Adieu Jacques Brel

Le dernier concert de Jacques Brel a lieu à Roubaix le Mardi 16 Mai 1967 dans la salle du Casino, place de la Liberté. Pour sa dernière tournée, Jacques Brel souhaite terminer par notre ville, car c’est dans le Nord qu’il a commencé sa carrière. Cela fait pourtant bien longtemps qu’il avait annoncé son intention de ne plus donner de galas sur scène. Mais Jacques a longuement envisagé avec calme et confiance, ce départ réfléchi et ce jour est arrivé à Roubaix.

Jacques Brel arrive au Casino de Roubaix par la Grand rue, avec son directeur de tournée Georges Olivier ( document Nord Eclair )

Pour ce dernier concert, 2000 billets sont mis en vente. Monsieur Maes, directeur du Casino n’en revient pas. C’est un véritable raz de marée. Les 2000 tickets sont vendus en 30 minutes ! De nombreuses personnalités du spectacle sont présentes pour assister à cet événement : Bruno Coquatrix a quitté son Olympia et Eddie Barclay est venu spécialement de Cannes.

Eddie Barclay de dos, Bruno Coquatrix au centre, et Jacques Brel ( document Nord Eclair )

La place de la Liberté est envahie par les voitures des radios périphériques (RTL, Europe 1…), des photographes de grands hebdomadaires parisiens. Le public est venu de toute la France : Marseille, Bordeaux, Nantes …et bien sûr de Belgique : des fans acharnés qui ne veulent absolument pas rater l’événement : la dernière de Jacques Brel. Tout le public espère que ce ne sera qu’un faux départ, qu’il va changer d’avis et remontera sur les planches prochainement.

Jacques Brel sur la scène du Casino ( document Nord Eclair )

Jacques Brel entre en scène devant un public très ému et les 20 chansons interprétées prennent, en cette occasion, un accent particulier. Les titres se succèdent à un rythme rapide, tandis qu’il essuie d’un revers de main, son front ruisselant ; « Les Vieux, Madeleine, Jef, Le plat pays, Ne me quitte pas ». Les titres se bousculent. Le public hurle, trépigne, exige, comme si, cette folle nuit ne devait jamais se terminer. Les photographes mitraillent prennent des milliers de photos, les éclairs de flash éblouissent toute la salle du Casino.

document Nord Eclair

Le spectacle se termine. Une vive émotion s’empare alors du public dans la salle, lorsque le rideau tombe. Tout le public se lève pour une « standing ovation » en criant « Encore Encore ! ». Malgré les rappels et les cris, Jacques ne revient pas sur scène. Personne ne réalise encore vraiment qu’il n’y remontera plus.

document Nord Eclair

L’émotion est encore plus vive derrière le rideau, lorsque tout le monde reprend en choeur : « Ce n’est qu’un au revoir ». Dans les salles de rédaction, personne n’y croit encore. Jacques Brel n’est pourtant pas un de ces farfelus qui nous ont habitué à de fausses sorties publicitaires.

« La dernière » est toujours un spectacle émouvant. Ce n’est plus le chanteur seul qui a le trac, mais ses amis, les musiciens, les ouvreuses, les journalistes, les spectateurs. Tous savent qu’ils emportent avec eux, la dernière image d’un très grand Monsieur, le dernier salut de Monsieur Brel.

document Nord Eclair

Cette fois, c’est bien fini. Bruno Coquatrix lui déclare alors : A 38 ans, on ne s’en va pas sur la pointe des pieds, avec le spectacle de ce soir, vous nous reviendrez encore, Monsieur Brel !

Mais non, Jacques a pris sa décision et c’est bien  »la der des der ». La salle se vide, les lumières s’éteignent une à une. C’est fini.

document Nord Eclair

Jacques Brel ne fera plus de concerts exténuants, mais ne prendra pas sa retraite pour autant. Il se tourne alors vers le théâtre où il crée la version francophone de « l’Homme de la Mancha », et surtout vers le cinéma où il enchaine les succès : « les Risques du Métier, mon Oncle Benjamin, l’Emmerdeur, l’Aventure c’est l’Aventure », et bien d’autres, jusqu’au début des années 1970.

Jacques Brel en 1973 sur le tournage de l’Emmerdeur ( document collection privée )

Après avoir passé son brevet de pilote, il achète un avion bimoteur et un voilier pour son propre plaisir et part habiter aux îles Marquises. Gros fumeur, il est atteint d’un cancer du poumon. Jacques s’éteint à Paris en Octobre 1978 et repose au cimetière des Iles Marquises.

Remerciements aux archives municipales.