La mairie de Hem (suite)

En Octobre 1995, un incendie criminel ravage le rez-de-chaussée de la mairie pendant la nuit et détruit totalement le bureau de Mme Massart ainsi que son secrétariat. D’autres services sont touchés à savoir : Jeunesse, Sports, Culture, Information.

L’alerte ayant été donnée par des voisins, 16 pompiers de Roubaix luttent pendant plus d’une heure pour en venir à bout : 4 petites lances, 2 fourgons, une grande échelle, un fourgon grande puissance et 2 véhicules sont mis à contribution. Au matin le spectacle est désolant et des dossiers noircis s’éparpillent au vent.

L’intervention des pompiers et la mairie au lendemain de l’incendie (Documents Nord-Eclair)

A l’étage les portes fermées ont relativement protégé les différentes pièces mais l’escalier, s’il est encore debout, a beaucoup souffert du sinistre. Les bureaux touchés doivent être momentanément fermés mais une permanence de l’état civil est mise en place et le standard fonctionne toujours.

Photos des dégâts à l’intérieur du bâtiment (Documents Historihem)

Finalement, après expertise, l’escalier doit être en partie refait par les Compagnons du Devoir. Comme il n’y a plus de bois d’orme en France, ce matériau doit être importé d’Amérique. Le majestueux escalier doit d’abord être démonté totalement avant de pouvoir ensuite être remonté pièce par pièce.

Le hall et le nouvel escalier (Document SER)

Certains services doivent emménager provisoirement dans des bureaux situés en face, de l’autre côté de la rue du Général Leclerc, dans le bâtiment Trace. Le prochain conseil municipal se tiendra quant à lui exceptionnellement dans la salle des fêtes voisine (voir sur ce sujet un article sur notre site consacré à la salle des fêtes).

L’accueil, le directeur de cabinet et les services généraux continuent à fonctionner au rez-de-chaussée, le bureau de Mme Massart et de ses adjoints, son secrétariat, le secrétariat général et les ressources humaines sont provisoirement affectés au 1er étage. L’information ainsi que les services des sports, jeunesse et culture emménagent quant à eux au 2ème étage.

Puis le bâtiment s’offre une seconde jeunesse, non sans difficulté car il n’est pas aisé de trouver les entreprises suffisamment qualifiées pour restituer à ces magnifiques locaux leur caractère architectural. Ainsi la décoration du bureau de Mme Massart et de son secrétariat, mariage de plâtre de staff et de bois, demande une entente parfaite entre les différents intervenants. Le parquet de la grande salle est décapé et réparé à cette occasion, l’escalier consolidé et la porte d’entrée principale remise aux normes. Enfin le réemménagement peut avoir lieu en mai 1996.

Les travaux et le réemménagement (Documents Nord-Eclair)

Dans les années 2000, la ville se félicite d’être devenue une ville d’Europe dynamique. En effet, après un premier jumelage avec Mossley (Angleterre) en 1972, Hem a également mis en place 20 ans plus tard un jumelage avec Wiehl (Allemagne) puis 30 ans après avec Aljustrel (Portugal). L’association Hem ville d’Europe créée juste avant le 2ème jumelage travaille à favoriser les échanges amicaux, culturels et sportif.

Vitrail représentatif du jumelage avec Wiehl (Document SER) et panneaux affichés dans le parc de la mairie (Document ville de Hem)

En 2005, la loi sur le handicap fait obligation aux établissements recevant du public d’aménager des accès adaptés aux personnes à mobilité réduite. L’hôtel de ville de Hem n’est donc plus aux normes. C’est l’occasion d’une réflexion d’ensemble sur l’organisation des services et l’accueil du public.

Après plusieurs études c’est un projet d’extension de la mairie qui est retenu, répondant à plusieurs attentes : relier les deux bâtiments existants par une construction neuve sur 2 étages équipée d’ascenseurs. Avantage non négligeable : l’ensemble des services municipaux dispersés au sein de bureaux loués par la ville va pouvoir être réuni sur l’unique site de l’Hôtel de Ville.

La mise aux normes de l’Hôtel de Ville (Document Tout Hem)

Les travaux impliquent la démolition de l’ancienne conciergerie du château Catrice qui avait ensuite accueilli la police municipale de Hem abritée avec la police nationale depuis septembre 2018 dans les mêmes locaux, construits par la ville à cet effet entre la rue Victor Hugo et la rue du Général Leclerc (voir sur notre site un autre article intitulé : la police à Hem)

Les anciens locaux de la police municipale (Documents Historihem)
La mairie en travaux pendant 2 ans (Documents Voix du Nord)

Au rez-de-chaussée va fonctionner un guichet unique qui devrait s’occuper d’environ 80% des requêtes des citoyens. Pour les rendez-vous un système spécifique va être mis en place avec une salle dédiée près de l’accueil. De plus la mairie va devenir beaucoup plus « écolo »: pompe à chaleur géothermique pour économiser l’énergie couplée à l’isolation des bâtiments existants, de grandes fenêtres et un grand puit de jour au centre du bâtiment pour privilégier au maximum l’éclairage naturel.

Les améliorations prévues (Document Tout Hem et Voix du Nord)
Pascal Nys et Francis Vercamer (Document Tout Hem)

Au final, après un long chantier sous les mandatures de Pascal Nys et Francis Vercamer, le nouvel Hôtel de Ville de Hem a été transformé tout en tentant de conserver ses qualités architecturales : accès plus simple pour les personnes ayant des difficultés à se déplacer, grande salle du conseil municipal également destinée à accueillir les mariages située au rez-de-chaussée, deux bureaux de permanence en accès libre à l’accueil sans avoir à monter à l’étage, le tout en permettant de conserver le cachet des anciens bâtiments.

Photos en façade, à l’arrière et à l’intérieur (Documents Ville de Hem)
Le nouvel Hôtel de Ville sur la rue du Général Leclerc (Document Ville de Hem)
Photos aérienne 2023 (Document Google Maps)

Remerciements à la ville de Hem et à aux associations Historihem et Société d’Emulation de Roubaix

La Mairie

(suite de l’article : La Feuilleraie)

La mairie de Hem c’est, à l’origine, une salle de cabaret à l’enseigne « la Maison Commune », dans l’auberge du Coq, située sur la place du village, derrière l’église (sur ce sujet voir un précédent article édité sur notre site intitulé l’Auberge du Coq).

L’ancienne maison commune (Documents Historihem)

Mais très vite cela ne suffit plus et l’idée germe dans la tête des élus dès 1875, de faire construire une véritable mairie. Le projet définitif est adopté en 1881, sous la mandature d’Henri Leuridan et, en 1884, la nouvelle mairie trône sur la place d’Hem.

C’est ce bâtiment qui abrite la mairie jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale avant de devenir la mairie annexe puis d’être démoli pour laisser la place à l’école de musique (sur ce sujet voir un précédent article édité sur notre site et intitulé La Cantoria).

La nouvelle mairie en 1884 et photo d’Henri Leuridan (Documents Historihem)
La mairie dans les années 1930 puis la mairie annexe dans les années 1970 (Documents Historihem)

La mairie, étant devenue trop exigüe, le 24 mars 1946, sous la mandature de Louis Jourdain, le conseil municipal décide l’acquisition de la propriété Catrice, au 42 rue de Lille (actuelle rue du Général Leclerc) comprenant une villa et une maison du concierge. La nouvelle mairie n’ouvre au public qu’en février 1949 sous la nouvelle mandature de Jean Leplat.

Louis Jourdain et Jean Leplat (Documents Historihem)
Ouverture de la nouvelle mairie en février 1949 (Document Nord-Eclair)

Il convenait toujours de demeurer prudent eu égard à l’histoire de la propriété et notamment à la période de l’occupation allemande quand le parc, comme celui voisin de la Marquise, a servi à entreposer des munitions diverses et variées. On n’est donc pas à l’abri de surprises et ou d’accident. Ainsi le journal Nord-Eclair relate un épisode surprenant lors d’un travail de défrichement dans le parc ayant amené à la découverte d’une dizaine de bombes et obus.

Découverte de bombes et d’obus dans le parc (Document Nord-Eclair)

Il a en outre fallu procéder, au fur et à mesure des possibilités financières de la ville, aux réparations de l’intérieur du château, fortement ébranlé par les explosions ayant eu lieu à la libération. De réfection en transformation, le bâtiment a fini par prendre l’aspect administratif auquel on le destine et les employés peuvent s’installer au rez-de-chaussée, les 1er et 2ème étage étant réservés pour loger le secrétaire général de mairie, Jean Lepers, et sa famille, exception faite de la salle du conseil et de celle des mariages (ancienne chapelle du château Catrice).

Installation des employés au rez-de-chaussée ( Document Hem Images d’hier)

La conciergerie est quant à elle occupée par Henri Waymel, adjudant des sapeurs pompiers (voir sur notre site un article intitulé les pompiers de Hem) et responsable des ateliers municipaux. Mais, même en occupant le logement de fonction du secrétaire général après le départ en retraite de Jean Lepers en 1969, la mairie devient trop petite.

La mairie dans les années 1970 (Documents Historihem)

En 1971, la mairie acquiert donc le château Meillassoux, voisin au n°38, pour y installer certains services (sur le sujet du château Meillassoux voir sur notre site un article intitulé Meillassous et Mulaton). Il abritera ensuite le CCAS (centre communal d’action sociale), la direction administrative des services techniques et le service des actions éducatives. Et en 1981, la conciergerie est également aménagée en bureaux pour abriter le service informatique et la police municipale.

Vue panoramique de la mairie et de l’ancien château Meillassoux dans les années 1980 et CPA du château puis photo (Document Historihem)

Pendant ce temps 3 maires se succèdent à la tête de la ville. Jean Leplat ne s’est pas représenté à l’issue de 30 ans de mandat et Jean-Claude Provo lui succède durant 6 ans de 1977 à 1983, avant de céder la place à Marie-Marguerite Massart, de 1983 à 1995.

Photos de Jean-Claude Provo et de Marie-Marguerite Massart (Documents Historihem)

En 1977, suite à son élection, Jean-Claude Provo procède à un réagencement des bureaux de la mairie. Ainsi le rez-de-chaussée est transformé en un tournemain. Le sol est recouvert de moquette pour atténuer les bruits et des plantes vertes sont réparties un peu partout pour égayer l’atmosphère.

Finis les guichets et place à des bureaux aux lignes modernes sur lesquels les usagers trouvent des écriteaux leur indiquant qu’ils se trouvent : à l’état civil, aux élections, aux affaires militaires ou aux vaccinations. Par ailleurs des sièges confortables sont installés pour faciliter leur attente.

Les murs sont recouverts d’un papier élégant et la clarté est présente partout. Contre l’un des murs de grands panneaux d’information sont mis à disposition du public. Ainsi l’accueil des usagers est plus direct et plus personnalisé. Dans le même esprit un bureau a été aménagé au rez-de-chaussée pour permettre aux adjoints de recevoir des visiteurs. Des permanences sont tenues telles que les consultations juridiques et au premier étage une salle est aménagée pour accueillir les diverses commissions.

Réaménagement des locaux en 1977 (Document Nord-Eclair)

Une sympathique réception réunit les élus et le personnel municipal à l’issue de la visite des locaux ainsi réaménagés, au cours de laquelle le nouveau maire explique que les élus ont ainsi voulu améliorer les conditions de travail des employés tout en mettant en place un meilleur accueil du public.

A suivre…

Remerciements à la ville de Hem et à aux associations Historihem et Société d’Emulation de Roubaix

Nou Parlache a vingt ans !

C’est depuis quelque temps pour nous le rendez-vous incontournable du patois et de la bonne humeur. Un jeudi par mois nous nous retrouvons au centre socio-éducatif de Wattrelos pour prendre une bonne tranche de rires et de plaisir. Et voilà que le 25 avril dernier, Nou Parlache fête ses vingt ans et nous concocte un spectacle spécial !

Affiche Nou Parlache Off Tourisme Wattrelos

En 2003, l’excellent joueur de bourle et spécialiste de la garlouzette Christian Ladoë se voit confier la promotion des traditions du coin : les jeux anciens et la langue picarde. Au départ, il propose ses services dans les clubs et les foyers logement, mais ça n’a pas pris. Alors, avec son camarade Francis Delcourt, ils ont pensé à un atelier sous forme de cabaret. En avril 2004, le premier atelier patoisant Nou parlache est proposé à la Maison de l’éducation permanente. Il y avait 37 personnes, dont 12 intervenants et pas mal d’élus, se souvient Christian. Mais le jour choisi pour l’atelier ne convient pas : le mercredi, les aînés gardent leurs petits-enfants. Du coup le mois suivant, on a fait ça un jeudi et il y a eu 57 personnes. Le succès est au rendez-vous et la MEP va vite devenir trop petite pour contenir tous ceux qui veulent assister à l’atelier. Du coup, il a fallu opérer une nouvelle adaptation : l’atelier sera transféré au CSE pour sa 17e édition. Là, les chiffres de fréquentation continuent de grimper jusqu’à atteindre le plafond de 500 entrées. Aujourd’hui, l’atelier accueille désormais chaque mois une moyenne de 300 personnes.

À la manœuvre, on trouve Christian Ladoë, l’un des fondateurs de l’atelier Nou Parlache, accompagné par son acolyte Francis Delcourt. En 2003, ce sont eux qui ont lancé ce rendez-vous, avec le soutien de la ville : « Le public a tout de suite été au rendez-vous », se souvient Christian, avec une pensée émue pour le troisième chansonnier de l’équipe, Jacques Viger, décédé depuis. Jacques Viger, Francis Delcourt, Valentin et Christian Ladoë ont aussi porté l’atelier grâce au succès de la troupe des Copés in Deux, qui beaucoup tourné durant 10 ans.

L’atelier Nou parlache fait donc 300 entrées chaque mois, tandis que d’autres ont disparu comme à Wasquehal, ou vivotent comme à Roubaix, Leers, Lys ou Tourcoing. Comment expliquer cela ? Peut-être par la capacité d’adaptation des intervenants. « Pour survivre, il faut capter un public nouveau, car nos aînés qui étaient familiarisés avec le patois disparaissent. Il y a une évolution à faire, sinon, on meurt », analyse Christian Ladoë.

Mais celui qui a la chance d’en faire un métier ne jette la pierre à personne : « Nous avons la chance de pouvoir compter sur le noyau dur des Copés in deux, où il y a des jeunes ! » relève Christian Ladoë, faisant référence à ses fils Valentin et Jonathan, mais aussi à Joséphine Delannoy et Baptiste Polite, qui ont tous moins de 30 ans ! Du coup, les thèmes abordés dans les sketchs et les chansons permettent d’emporter le rire d’un public lui aussi plus jeune.

Des animateurs dynamiques et plein d’humour ! Photo VDN

Et avec Francis Delcourt, nous formons un couple proche du public entre les interventions, je crois que les gens aiment ça aussi », ajoute Christian. Aujourd’hui, l’atelier Nou parlache attire des spectateurs de toute la métropole et pas seulement de Wattrelos. Certaines pointures ont rejoint le groupe d’intervenants, comme le Belge Pierre Noël ou Christelle Lemaire, tous deux primés en langue picarde. Longue vie à Nou Parlache !

De 15h à 17h les jeudis 11 janvier, 8 février, 21 mars, 25 avril et 23 mai 2024Au Centre Socio-Educatif, rue Georges Delory à Wattrelos

D’après quelques articles de Nord éclair.

La Feuilleraie

La propriété, sise 42 rue de Lille (actuelle rue du Général Leclerc) à Hem, est, à l’origine, à la fin du 19ème siècle, la propriété de Mr Antoine Mulaton, industriel en teinturerie et blanchiment, dans la même rue (voir sur ce sujet l’article paru sur notre site consacré à la teinturerie Meillassoux et Mulaton). Puis il la vend à Joseph Picavet, chapelier lillois, qui a son tour la cède à Edouard Catrice qui désire en faire sa maison de campagne.

La propriété de Mr Mulaton (Document collection privée)

La propriété est occupée, en tant que maison de campagne  » La Feuilleraie », en juillet 1923. Elle est alors sans eau potable et sans électricité. Une pompe à bras permet de desservir l’eau non potable d’une citerne pour la cuisine, le vestiaire et les sanitaires. La toilette est faite avec le broc et la cuvette en faïence. Quelques pièces au rez-de-chaussée seulement possèdent un éclairage par le gaz. Dans les autres pièces, on utilise les bougies ou la lampe à pétrole dite lampe Pigeon .

La Feuilleraie entre 1920 et 1930 (Document Historihem)

Edouard Catrice est alors associé à Jean Deffrennes-Canet dans une fabrique de tissus d’ameublement située à Lannoy. Hélas, vers 1925-1926, des boiseries de sa demeure de Hem sont attaquées par un champignon (mérule) dont on ne parvient pas à se débarrasser même en remplaçant les bois atteints.

Facture de l’usine d’Edouard Catrice en 1920
Sa photo dans le parc de sa maison de Hem en 1922 (Documents Historihem)

Edouard Catrice décide alors d’abattre la maison et d’en construire une nouvelle sur les plans de Mr Bataille, architecte à Roubaix. Seules les dépendances sont conservées en l’état. Dans les combles, les bois sont remplacés par des poutres métalliques. Les murs sont épais, les boiseries en chêne et l’escalier en bois d’orme. Elle est terminée en 1931 et habitée en septembre non plus pour les mois d’été mais en tant qu’habitation principale.

Photo aérienne de la propriété en 1933 (Document IGN)
La maison terminée en 1931 façade et côté (Documents Historihem)

La maison est imposante et l’intérieur est aménagé pour loger confortablement une famille comptant dix enfants. Dix têtes symbolisant les dix enfants sont sculptées sous la corniche de la demeure. Au sous-sol se trouvent diverses caves et une buanderie. Au rez-de-chaussée, autour d’un grand hall dallé de marbre en damier sont agencés salon, grande salle à manger et petite salle à manger, office, cuisine et galerie terrasse.

Edouard Catrice et son épouse et 9 de leurs dix enfants à la plage (Document Historihem)
Les dix têtes sculptées sous la corniche de l’habitation (Document Historihem)
Hall, galerie terrasse, grande salle à manger et petite salle à manger (Documents Historihem)
Exemples de décoration intérieure (Documents SER)

Au premier étage, en haut d’un escalier dont les murs sont enjolivés d’arcades et de vitraux, se trouvent 6 chambres, une salle de bains, deux cabinets de toilette, une lingerie, le bureau d’Edouard Catrice et une chapelle. Quatre autres chambres se situent au deuxième étage ainsi qu’une salle de jeux-billard-lecture. Le 3ème étage comprend un grenier.

Escalier, palier du 1er étage et chapelle (Documents Historihem)

S’ajoutent à la demeure principale les dépendances, constituées d’un garage et d’une conciergerie. En cas d’absence prolongée de la famille la maison est ainsi gardée par le couple de concierges qui vit à demeure dans la propriété. Un jardinier est employé pour s’occuper du potager et mettre le parc en valeur.

La demeure est en effet située dans un parc boisé de près de 2 hectares qui est redessiné : allées cendrées et plates-bandes fleuries près de la maison, fruitiers et potager préservés sur le côté et dans le fond, appelé le bois, des arbres centenaires entretenus.

Les jardins aux abords de la maison (Documents Historihem)
Le verger potager, l’allée qui mène au bois et le bois (Documents Historihem)
A la fin des années 1930, le couple profite du jardin ; un ami y retrouve Edouard Catrice (Documents Historihem)

Tous les ans des manifestations festives sont organisées à la Feuilleraie. Outre les fêtes familiales s’y déroule la Fête-Dieu, 60 jours après Pâques : une procession se forme à l’église Saint-Corneille et se rend sur les pavés de la rue de Lille jusqu’au château Catrice.

L’entrée de la propriété et la façade arrière de la maison sont décorées de guirlandes de fleurs et d’oriflammes à queue de pie marqués d’une croix latine. Le cortège se dirige alors côté parc où un reposoir est aménagé dans la coursive de la maison.

La fête-Dieu au château Catrice entre 1932 et 1939 (Documents Historihem)

Remerciements à l’association Historihem et à la Société d’Emulation de Roubaix.

A suivre…

Château de la Marquise

En mai 1882 a lieu, sous l’égide de Maître Aimé Vahé, notaire à Roubaix, la vente par adjudication, en trois lots, d’une « magnifique campagne, belle futaie, bois, pièces d’eau », d’environ 15 hectares, dans la commune d’Hem, sur le Pavé de Roubaix à l’Hempempont (actuelle rue de la Tribonnerie), avec entrée sur la route départementale de Lille à Lannoy (actuelle rue Leclerc) et entrée avec conciergerie sur le sentier de Hem (actuelle rue de Beaumont).

Vente du domaine par adjudication en 1882 (Documents Historihem)

En 1896, le maire de Hem, Henri Désiré Joseph Leuridan, marie Mathilde Pollet, fille d’un riche cultivateur hémois à un aristocrate normand, Eugéne Marie Gaston d’Auray de Saint-Pois. Les époux s’établissent sur le domaine vendu à la famille Pollet 14 ans plus tôt, qui sera donc dès lors connu familièrement de la population sous le nom de Château de la Marquise, alors qu’aucun château n’y sera jamais construit.

Photo d’Henri Leuridan et mariage de Mathilde Pollet vu en bande dessinée (Document Au temps d’Hem)

Le château de la famille de Saint-Pois est en réalité une demeure du XVIII ème siècle qui se situe sur la commune de Saint-Pois, dans la Manche, en Normandie. Le domaine y appartient à la famille du Marquis depuis le Moyen-Age. Le château y est reconstruit, après destruction, en forme de fer à cheval, l’aile nord abritant les cuisines et les autres ailes un décor raffiné. Le marquis ne vient à Hem que quelques fois par an pour y chasser le lapin et le faisan. Mais le parc est toujours impeccablement entretenu et fleuri, les étangs empoissonnés et les pâtures louées aux fermiers voisins.

Le château familial à Saint-Pois et le blason de la famille (Document Wikimanche et Man8rove)

Dans le domaine de Hem, la partie haute, plantée d’arbres et de pelouses, est agrémentée de trois pièces d’eau. Plus bas on trouve un petit bois de chênes magnifiques puis des prairies. Côté Est, est planté un verger et côté nord l’habitation du jardinier chef donne sur un grand potager et des serres chauffées. Un pigeonnier domine l’ensemble et 2 conciergeries assurent la surveillance de la propriété, l’une à l’entrée nord et l’autre à l’entrée sud.

Le bois et les bords du lac et le pont au dessus du plan d’eau (Documents collection privée)
La conciergerie côté nord et la glacière située dans le parc (Documents Historihem)

La demeure des châtelains, à Hem, est en fait un relais de chasse à un étage, sans style particulier, situé le long du pavé de Roubaix à Hempempont. Mathilde Pollet qui ne serait pas en très bons termes avec le propriétaire du château sis dans le quartier de la Lionderie souhaite quant à elle que sa propriété soit appelée « Château de la Lionderie », comme le démontre l’enveloppe qui lui est personnellement adressée, et la série de cartes postales qui lui sont consacrées porte d’ailleurs cette appellation.

Enveloppe adressée à la Marquise au Château de la Lionderie (Document collection privée)
Le Château de la Lionderie en hiver et en été (Documents collection privée)

La marquise est réputée pour avoir du caractère et la bande dessinée Au temps d’Hem illustre avec humour cet aspect de sa personnalité dans un dialogue imaginaire avec le tenancier du café Au bon coin, situé au coin de la rue de Saint-Amand (aujourd’hui rue du Docteur Coubronne) et de la rue Jules Ferry, sur son chemin pour aller à l’église Saint-Corneille.

Illustration humoristique du caractère de Mme la Marquise (Document Au temps d’Hem)

Mathilde Pollet n’a pas que des amis sur Hem et tente d’agrandir toujours plus son domaine ceint d’un mur sur une grande partie de sa surface. Ainsi en est-il de ses relations avec le fermier Louis Jonville qui refuse de lui vendre une parcelle qui lui manque et sur laquelle sera érigée la propriété de la famille Declercq (sur le sujet voir un précédent article sur notre site intitulé : Famille Declercq, 28 rue de la Tribonnerie).

Le Château côté rue et la ferme du domaine (Documents Historihem)
CPA de l’intérieur du château (Documents Historihem)

Pendant la première guerre mondiale l’ennemi occupe les différents châteaux de Hem et le domaine de la Marquise n’échappe pas à la règle, comme le démontrent ces cartes photos prises durant l’été et l’hiver 1917. La propriété ne subit à priori pas de dommages essentiels et la Marquise continue à l’habiter après guerre.

Le château pendant la première guerre (Documents collection privée)

Au début de la deuxième guerre mondiale les anglais ont leur point de ralliement au château de la Marquise dont le nom de code, pour permettre aux estafettes anglaises de se diriger, est « green shutters » : les volets verts. Les deux fermes voisines : Leplat et Jonville, sont les « twin farms » : les fermes jumelles. L’Etat-major se trouve sur le territoire d’Anappes au Château de Montalembert.

Puis, sous l’occupation allemande, le parc du Château et celui du château Olivier deviennent un dépôt de munitions : le plus important du Nord. Des bases anti-aériennes sont installées autour des deux châteaux et la commune d’Hem devient un point de traversée. Les véhicules allemands du Nord Pas-de-Calais et même de Belgique viennent s’y approvisionner en munitions, lesquelles sont empilées à hauteur de maison tous les 100 mètres. Ces 2 dépôts sont un point vital pour l’ennemi qui les fait garder par des civils français : 30 hommes le jour et 50 la nuit.

Tous les transports sont effectués de nuit par camion. De jour les munitions sont rangées et camouflées. Les travaux sont exécutés par des ouvriers civils de la région, amenés par camions militaires : de 20 à 30 hommes par domaine.

Le message de Radio Londres après le débarquement (Document Au temps d’Hem)

Au printemps 1944, il ne reste plus qu’un officier qui commande, un Feldwebel, et quatre soldats dans chacune des propriétés. Ils logent dans des maisons réquisitionnées sur le boulevard Clémenceau. Ils effectuent des tours de garde, les clôtures des châteaux sont renforcées de barbelés et les grilles obscurcies par des planches. La rue de la Tribonnerie est interdite au trafic.

Les munitions entreposées sont toutes désamorcées, c’est à dire détonateurs et fusées stockées séparément. Il s’agit de munitions classiques de tous calibres depuis la balle de fusil jusqu’à la torpille marine, en passant par toute la gamme des obus. Les munitions légères (balles) sont entreposées dans les caves du relais de chasse et des dépendances de la Marquise tandis que les plus gros calibres se trouvent au château Olivier.

D’ autres explosifs délicats se trouvent dans des hangars légers en bois montés sur les pelouses et camouflés. La plus grande masse est empilée au pied des grands arbres. Certains tas d’obus reposent dans des fosses profondes de 0,50 m environ, protégées de talus et camouflées de bâches. L’ensemble représente une masse explosive considérable.

Après le débarquement, Radio Londres diffuse un message : « Lorsque les oliviers fleuriront, la marquise dansera ». Lors de la libération de Paris en Aout 1944, les allemands s’apprêtent à quitter Hem. L’officier allemand commandant la place prévient le maire qu’il va faire sauter l’ensemble le 3 septembre et qu’il faut évacuer les habitants. Fin Aout des bombardiers américains survolent les 2 domaines et c’est la panique mais aucune bombe n’est larguée.

La police française sillonne les rues (Document Au temps d’Hem)

Le 2 septembre au petit matin les hémois sont prévenus, par la police française qui sillonne les rues avec des automobiles à haut parleur, que les dépôts vont sauter ensemble à 13h. Les allemands improvisent un amorçage de secours et le dispositif de mise à feu électrique est remplacé par un cordon enflammé, suite aux tentatives de sabotage de la résistance hémoise, lesquelles ont ainsi évité par la coupure du courant une déflagration générale destinée à détruire la ville.

A 16 heures les allemands quittent les châteaux et moins d’une heure plus tard de formidables explosions retentissent. C’est comme un tremblement de terre suivi d’un tintamarre épouvantable : vitres et tuiles volent en éclats dans une bonne partie de la ville. Une fumée noire monte en volutes épaisses jusqu’à plus de 200m de haut. Autour des dépôts des projectiles retombent : obus, terre, briques, tuiles, branches…

L’explosion provoquée par les allemands et l’arrivée des anglais à Hem (Document Au temps d’Hem)

Les explosions se succèdent durant toute la nuit car tous les stocks ne sautent pas en même temps et la mise à feu se fait de proche en proche. Le 3 septembre au matin, l’enfer se calme et aucun blessé ou disparu n’est à signaler parmi la population estimée à 10.000 habitants. Seul un soldat allemand est retrouvé mort au Château Olivier, peut-être un artificier. Les parcs sont bouleversés : arbres déchiquetés, sol retourné. A la Marquise seules crépitent encore les balles dans les caves.

Les curieux affluent alors sur les lieux malgré le danger puisque 2/3 des stocks de munitions sont à priori toujours intacts, à la recherche d’armes ou de nourriture. S’ils n’en trouvent pas le pillage d’outils, de cuivre, voire même de portes commence. Le lendemain, quelques petites explosions reprennent à la Marquise puis le surlendemain très brutalement une grosse déflagration retentit et cette fois c’est le drame et 5 morts sont relevés. C’est seulement ensuite que les châteaux sont à nouveau gardés jour et nuit par les FFI.

Après la fuite des allemands vers la Belgique, au retour des anglais, les services de déminage français et anglais se mettent au travail pour désamorcer des milliers d’obus éparpillés ça et là ainsi qu’une trentaine de mines découvertes au milieu des caisses de munitions. Le sol sera ensuite nivelé par des bulldozers et de nombreux engins enterrés remontent périodiquement. Le ramassage de cuivre se poursuit durant plus de 10 ans et régulièrement de petites explosions dues à des feux d’herbes et branches se reproduisent longtemps après la fin de la guerre.

Le relais de chasse après les explosions de septembre 1944 (Documents collection privée et Historihem)

Remerciements à l’association Historihem ainsi qu’à André Camion pour son livre co-écrit avec Jacquy Delaporte Hem d’hier et d’aujourd’hui ainsi qu’à Jacquy Delaporte, Christian Teel et Chantal Guillaume pour leur bande dessinée Au temps d’Hem et enfin à Jean-Louis Denis pour sa contribution.

A suivre…

De la machine à laver au cinéma

Il y a des personnes dont le parcours de vie a pu marquer la mémoire d’une ville. C’est le cas de Paul Jacobs. Né en 1873 à Château l’abbaye, une petite commune du valenciennois, Paul Jacobs vient s’installer à Roubaix où il exerce la profession de menuisier. Il se marie le 6 février 1907 avec Alphonsine Poulin et il est alors à la tête d’une fabrique de machines à lessiver et tonneaux mécaniques qui se trouve basée au n°298 du boulevard Beaurepaire.

Paul Jacobs à Roubaix, puis à Wattrelos pubs JdeRx

Il vient ensuite s’installer à Wattrelos et poursuit la fabrication de ses machines à laver. Il sera l’inventeur de la lessiveuse La Merveilleuse. À la naissance de son fils Paul le 9 septembre 1910 il est encore menuisier et domicilié 236 rue Carnot, de même à la naissance de son deuxième fils Georges le 13 août 1912, et à la naissance de sa fille Lucienne en 1913.

Après la première guerre mondiale, il est démobilisé en 1919. Le 22 décembre, le Journal de Roubaix annonce par une simple ligne la réouverture du Cinéma du Laboureur, matinée dimanche à 2 heures et soirée à six heures. Programme nouveau. Cette salle a donc été créée par Paul Jacobs avant la guerre, au n°236 de la rue Carnot. Le programme du cinéma du Laboureur de l’époque alterne des films patriotiques, des images d’actualité et des programmes plus divertissants. Cinéma du Laboureur, Wattrelos. Mercredi et jeudi matinée à 2 heures, soirée mercredi à 6 h. Programme français : Le héros de 1918, Ne touchez pas au drapeau. Et d’autres vues nouvelles.

Le cinéma du Laboureur en 1924 pub JdeRx

Le succès rencontré l’amène à augmenter le nombre de ses séances. Matinée dimanche, lundi, jeudi à 2 heures, soirée dimanche à 6 h. Programme français : Kit ou l’homme qui est resté chez lui, grand drame d’espionnage Mourir pour la Patrie et d’autres vues très intéressantes. Le 12 janvier : grandes séances de cinéma : Guerre de 1870-1871 ; Jacques l’honneur ; l’Entrée de MM. Clemenceau et Poincaré à Strasbourg et d’autres films nouveaux. Matinée à 2 h les dimanche, lundi, jeudi. En soirée le dimanche à 6 h. Programme français. Toutes les soirées de la semaine magnifique programme anglais.

Le cinéma bal en 1926 pub JdeRx

En 1926, il ne s’agit plus simplement de cinéma. La publicité dans le journal indique : Cinéma-Bal. Il y a donc toujours des séances de cinéma mais également un grand bal animé par deux orchestres. Car Paul Jacobs aimait le cinéma, le chant et le théâtre. Il a d’ailleurs longtemps fait partie du faisait partie du Choral Nadaud dont il fut un premier baryton1. C’est l’époque où l’on développe de véritables lieux de loisirs, les plus célèbres étant le Fresnoy de le Colisée de M. Deconninck et le Casino de M. Gheldorf. Paul Jacobs fit ainsi de son établissement un endroit très couru à Wattrelos, il fut le premier avant que d’autres suivent son exemple le Pax rue St Joseph, la salle de la Concorde rue de Lisieux.

Le ciné bal Jacobs en 1927 pub JdeRx

Le Ciné Bal Jacobs fit donc les beaux jours du Laboureur par l’organisation de fêtes et d’un grand bal permanent avec des séances de cinéma toujours variées. Il suivit la tendance au moment de l’arrivée du cinéma parlant en s’équipant pour l’occasion.

Le cinéma parlant en 1931 pub JdeRx

Dans les années trente, on parle du Dancing Jacobs avec bal le dimanche et séances de cinéma dans une salle bien chauffée. Le Bal Jacobs à Wattrelos vantait sa piste, son ciné et son orchestre !

Le nouveau nom du cinéma en 1940 pub JdeRx

En 1940, signe des temps, le ciné bal Jacobs devient le Dancing Ciné Métro, avec les mêmes ingrédients de spectacle. La guerre interrompra les séances et sonnera le glas du cinéma. Un supermarché prendra la suite. Paul Jacobs nous a quittés en mars 1955.

On lira la suite de l’histoire avec l’article intitulé le Supermarché du Laboureur

1D’après Nord Éclair

Cinéma Noël

A l’origine, le 76 rue Jouffroy à Roubaix, est un estaminet doté d’une grande salle pour noces et banquets, une bourloire comme il en existe beaucoup dans la ville à la fin des années 1890. En 1907, le cabaretier Théodore Delbart est le premier à organiser des projections cinématographiques. Ce sont vraiment les premiers balbutiements du cinéma :

les sièges sont en bois et inconfortables, l’électricité est fournie par un moteur à gaz qui fait vibrer toute la salle. . . Son successeur Noël Deboever poursuit l’activité dans les années 1910 et donne son prénom « Noël » au cinéma.

Au début des années 1920, G. Leleu reprend l’établissement qui devient le « Modern Cinéma Noël ». Il gère déjà deux cinémas roubaisiens : celui de la rue de l’Alma et celui de la rue Lacroix. A son décés, dans les années 1930, sa veuve continue l’activité.

document collection privée

Après la seconde guerre mondiale, Julien Colleit devient directeur du cinéma. Une visite de la commission de sécurité l’autorise à poursuivre son exploitation à la condition qu’il fasse les travaux nécessaires et importants pour la mise en conformité. Julien Colleit, conscient que la sécurité passe avant tout, s’exécute et, de plus, profite de l’occasion pour agrandir son établissement. L’architecte Edouard Lardillier à Paris est chargé du dossier et dresse les plans.

Doc 3

documents archives municipales

En 1949, le cinéma est donc agrandi, élargi et refait à neuf. Toutes les normes de sécurité sont respectées conformément à la notification préfectorale. En 1950, après 3 mois de travaux, le cinéma ouvre à nouveau, et reprend le nom de cinéma Noël. C’est une salle familiale et conviviale.

Cinéma Noël ( document collection privée )

Le cinéma « Noël » est magnifique. C’est la plus intime des salles de spectacle de la ville, qui a comme préoccupation essentielle, d’offrir au juste prix, des spectacles suceptibles de satisfaire les plus difficiles et les plus exigeants.

973 fauteuils ( 790 sièges en orchestre et 183 au balcon ) sont disponibles pour les clients qui bénéficient de spectacles de haute qualité, d’une ambiance et d’un confort auquel la Direction a attaché beaucoup de soins.

La façade est très sobre et harmonieuse et attire de loin le regard. Les portes laquées blanc sont encadrées de colonnes en marbrite noire du plus gracieux effet décoratif.

la façade ( document collection privée )

Le hall d’entrée est coquet, spacieux et parfaitement aménagé. Une cabine vitrée de délivrance des billets se trouve au milieu du hall et permet un service accéléré et une attente réduite. A gauche, un large escalier méne au bar du sous-sol.

Le hall d’entrée ( document collection privée )

La salle de spectacle est magnifique, de couleur rouge et ocre. Une moquette épaisse et confortable, qui court tout le long des allées, étouffe le bruit des pas. Deux gigantesques appliques modernes posées sur les murs latéraux font rayonner une lumlière reposante. Les fauteuils très confortables sont garnis de velours rouge. Les rangées entre les sièges permettent aux spectateurs d’allonger les jambes. Des sorties de secours permettent d’évacuer rapidement la salle en cas d’urgence.

A l’étage, le balcon offre une vue d’ensemble, compléte et plongeante. Le confort des places de « la corbeille » est identique à celles de « l’orchestre ».

Vue de la scène ( document collection privée )
Vue de la corbeille ( document collection privée )

Au sous sol, le bar de forme elliptique propose des boissons fraîches, des crèmes glacées, des confiseries ainsi qu’une gamme variée de bonbons et chocolats. Des vitrines publicitaires entourent la salle.

En 1955, la direction investit à nouveau, pour que le cinéma Noël devienne un temple dédié au septième art. La salle est désormais équipée en Cinémascope. Un écran Walker de 70 m2 remplace le vieil écran panoramique. Cet écran est fait d’une seule pièce sans couture ni soudure. C’est un véritable tour de force technique. Quatre pistes sonores indispensables permettent de créer le son stéréophonique. Tous les derniers perfectionnements techniques sont installés : de quoi satisfaire complétement l’amateur de beaux spectacles.

document Nord Eclair

Peu de temps après, en 1958, Agnès Colleit Buht céde le cinéma à la société Gheldof et Ligeron du groupe du Casino de Roubaix. En 1960, le cinéma Noël devient « le Flandre ». En 1976, le cinéma se trouve sous la direction de Mme Raymonde Gheldof.

document Nord Eclair

Malheureusement, le 5 décembre 1979, le cinéma « le Flandre » ferme définitivement ses portes, comme de nombreux cinémas de quartier roubaisiens. Pendant toute la décennie des années 1980 et le début des années 1990, le cinéma va rester à l’abandon. Le site va devenir un dépotoire, un terrain de jeux pour les gosses du quartier. Le bâtiment va être squatté et les façades extérieures murées vont servir de panneaux d’affichage.

documents Nord Eclair

Le 25 Octobre 1996, la CUDL, Communauté Urbaine de Lille, demande le permis de démolir le cinéma pour raison de vétusté.

Le cinéma en 1996 à l’angle de la rue Jouffroy et de la rue Rocroi ( document archives municipales )
Le cinéma à l’angle de la rue Rocroi et de la rue de Maubeuge ( document archives municipales )

A la place de l’ancien cinéma Le Flandre, se construisent ensuite quelques logements sociaux : la résidence Maubeuge Rocroi. Il ne reste alors plus aucune trace de ce lieu de spectacle longtemps emblématique de Roubaix.

Photo BT

Remerciements à Philippe Waret et Alain Chopin ainsi qu’aux archives municipales

Un cinéma à Leers

Du temps de la longue rue, Henri Messian et Jeanne Tailliez tiennent l’estaminet au n°21. Henri est directeur du cinéma à la même adresse en 1906, selon les listes du recensement. En 1931, c’est Martial Messian qui est mentionné directeur du cinéma, son père Henri restant cafetier. Martial est alors âgé de 26 ans. En 1936, Les époux Léorini ont pris en gérance le café et le cinéma au 21 de la rue Joseph Leroy à Leers.

L’estaminet et le cinéma du Triangle doc Leers Historique

Pendant la guerre M. Léorini fit partie du train de Loos et fut déporté. Parti à 96 kilos, il revint pesant à peine 43 kilos suite au passage dans les camps de la mort, au travail forcé, aux coups et blessures, aux longues marches. Il est revenu squelettique et méconnaissable, à deux doigts de la mort. De ce fait, il a reçu la médaille de la reconnaissance française. Le cinéma devient le Réal Ciné.

M. et Mme Léorini doc NE

En 1946, le cinéma fonctionne à nouveau avec le couple Léorini, ce sont de braves gens qui ont recueilli un jeune réfugié belge qui retrouvera sa famille après la guerre. Le tenancier du cinéma a reçu le titre de citoyen d’honneur de la cité car il n’a jamais refusé, comme sa femme d’ailleurs, de mettre sa salle gratuitement à la disposition des groupements aux buts d’entraide.

La salle de cinéma sert donc également à des réunions mais aussi à des spectacles de théâtre, ainsi le groupe lyrique des amicales laïques s’y est produit maintes fois. En mai 1951, y est organisé le gala de Miss Leers dont l’élection fut précédée par un bal animé par l’orchestre des gardiens de la paix de Lille. Après quelques heures de musique et de danse, on départagea les onze concurrentes toutes bien jolies. Jean Rémy de Radio Lorraine animait la cérémonie. Les gardiens de la Paix de Lille firent office de jury neutre pour départager les deux concurrentes les plus en vue. Ce fut finalement Melle Régine Dupont 16 ans, domiciliée 50 Gibraltar droite qui fut élue. Elle reçut de nombreux cadeaux et notamment un voyage à l’île de Walcheren aux Pays Bas. Elle doit participer à la finale de Miss Nord le 24 novembre à Lille.

Régine Dupont Miss Leers 1951

La fête ne s’arrête pas là. Le cinéma Léorini devient le cadre de l’émission « on recherche des vedettes de la chanson ». Onze candidats se présentent dont six sont retenus. Il s’agit de Maurice Wostyn, Edith Renard, Michèle Poclet, Paul Jeandel, Michel Meurisse, Théophile Dejardin qui furent tous récompensés par des cadeaux offerts par les commerçants, que l’Association des vieux travailleurs remercia bien sincèrement.

Sources Leers Historique « Les estaminets leersois », le Journal de Roubaix, Nord éclair.

La Salle de la Concorde

Le dimanche 5 février 1933, le vicaire général Dewailly chancelier de l’évêché, vient bénir solennellement la nouvelle construction bâtie à proximité de l’église Sainte Thérèse à Wattrelos, qu’on désignera sous le nom symbolique de La Concorde. Le syndicat de formation et d’instruction professionnelle qui l’a fait construire souhaite que tout se passe dans ce nouvel établissement au milieu de l’amitié et de la paix. Il s’agit de la salle des œuvres paroissiales de l’église Ste Thérèse dont le besoin s’est rapidement fait sentir avec le développement de la paroisse.

L’église Sainte Thérèse de Wattrelos Coll. Particulière

Le rez-de-chaussée est occupé aux trois quarts par une salle de spectacle spacieuse garnie de fauteuils basculants qui pourra contenir 600 personnes sans parler des nombreuses places comprises dans la tribune en arrière de la salle. Dans le fond de cette salle de spectacle qui à l’avenir pourra recevoir l’appoint d’un second étage, est aménagé un café et tout à côté, près de l’entrée, une pièce plus petite qui sera destinée au secrétariat social et à la location des places. Au premier étage, au dessus du café, une salle ayant les mêmes proportions que celles du café servira de lieu de réunion des groupes de la Fédération Nationale Catholique, de la Ligue Patriotique, du cercle d’études sociales, des scouts, des œuvres de la couture. Deux cours plantées d’arbres donnent accès à l’immeuble, l’une par la rue de Lisieux, et l’autre par la rue du Commandant Bossut.

La salle de la Concorde en 1933 doc JdeRx

Tous ces travaux, excepté le chauffage, ont été réalisés par des maisons wattrelosiennes. M. Herbaut l’architecte 85 rue Carnot, a dirigé l’exécution de tous ces travaux. Le terrassement, la maçonnerie et le ciment age ont été l’œuvre de M. Henri Puttman 118 rue Jean-Jaurés. Les travaux de charpente et de menuiserie furent menés à bien par MM. Matthys et Martin, 1 rue sainte Thérèse. Le plafonnage a été confié à M. François Vankinkelen 4 rue du Moulin. Les pierres de taille furent installées par MM. Hanot frères, rue de Leers,. M. Georges Joveneaux rue Faidherbe installa la ferronnerie et la plomberie ainsi que la pompe à bière. Il livra également une grande cuisinière pour banquets. L’installation du chauffage a été confiée à la maison Le Morvan et Stiernet les spécialistes bien connus du 18 rue Pellart à Roubaix.

La bénédiction de la nouvelle salle La Concorde eut lieu le dimanche matin en présence du vicaire général. Une messe fut célébrée à 10 heures et la Chorale Paroissiale interpréta la messe de Guignard sous la direction de M. Vercruysse avec à l’orgue Mme Gourmez. Puis M. le curé prononça le sermon du jour. À l’issue de la cérémonie religieuse, le vicaire général, le curé plusieurs ecclésiastiques et les membres du conseil paroissial montèrent sur la scène. M. Tiers président du conseil paroissial dit la nécessité de la construction de cet immeuble pour abriter les différentes œuvres paroissiales. Il remercia les souscripteurs, les paroissiens et tous ceux qui concoururent à son érection. Monsieur le vicaire général exprima son admiration pour l’œuvre accomplie et forma des vœux pour sa prospérité. Il procéda ensuite à la bénédiction des différents locaux.

Concert d’inauguration doc JdeRx

Pour l’inauguration de la salle La Concorde le dimanche 12 février, un concert de gala est organisé. Les Wattrelosiens auront la primeur de la représentation de l’opérette « Un mariage au studio », dont le livret a été écrit par le poète-chansonnier bien connu, M. Bodart-Timal. Le compositeur wattrelosien Albert Doyen a écrit l’orchestration de cette œuvre. La musique est plaisante et bien appropriée au texte. Beaucoup d’airs entendus au cours de la représentation de cette œuvre resteront au répertoire. L’exécution de cette pièce a été confiée à la Troupe Henri Portier, à la Chorale Ste Thérèse et à la Symphonie Wattrelosienne. Un groupe d’enfants viendra agrémenter le spectacle, ce qui fera environ 80 personnes en scène et à l’orchestre. Le compositeur dirigera lui-même l’exécution. Un grand moment pour les annales artistiques wattrelosiennes. Une deuxième représentation eut lieu le dimanche 19 février 1933. Le 12 mars, la Salle de la Concorde inaugure sa fonction cinéma, avec la projection du film « La Grande Amie » en huit parties d’après le roman de Pierre l’Ermite. Les 4 et 5 juin c’est une foire aux plaisirs qui est organisée à la Concorde, café concert, restauration, de quoi satisfaire tous les goûts. La salle de la Concorde bientôt appelée Théâtre de la Concorde au n°2 rue de Lisieux devient donc un endroit culturel important du quartier du Laboureur et de de Wattrelos avec notamment sa programmation régulière de pièces de théâtre.

Le Théâtre de la Concorde doc JdeRx

Adieu Jacques Brel

Le dernier concert de Jacques Brel a lieu à Roubaix le Mardi 16 Mai 1967 dans la salle du Casino, place de la Liberté. Pour sa dernière tournée, Jacques Brel souhaite terminer par notre ville, car c’est dans le Nord qu’il a commencé sa carrière. Cela fait pourtant bien longtemps qu’il avait annoncé son intention de ne plus donner de galas sur scène. Mais Jacques a longuement envisagé avec calme et confiance, ce départ réfléchi et ce jour est arrivé à Roubaix.

Jacques Brel arrive au Casino de Roubaix par la Grand rue, avec son directeur de tournée Georges Olivier ( document Nord Eclair )

Pour ce dernier concert, 2000 billets sont mis en vente. Monsieur Maes, directeur du Casino n’en revient pas. C’est un véritable raz de marée. Les 2000 tickets sont vendus en 30 minutes ! De nombreuses personnalités du spectacle sont présentes pour assister à cet événement : Bruno Coquatrix a quitté son Olympia et Eddie Barclay est venu spécialement de Cannes.

Eddie Barclay de dos, Bruno Coquatrix au centre, et Jacques Brel ( document Nord Eclair )

La place de la Liberté est envahie par les voitures des radios périphériques (RTL, Europe 1…), des photographes de grands hebdomadaires parisiens. Le public est venu de toute la France : Marseille, Bordeaux, Nantes …et bien sûr de Belgique : des fans acharnés qui ne veulent absolument pas rater l’événement : la dernière de Jacques Brel. Tout le public espère que ce ne sera qu’un faux départ, qu’il va changer d’avis et remontera sur les planches prochainement.

Jacques Brel sur la scène du Casino ( document Nord Eclair )

Jacques Brel entre en scène devant un public très ému et les 20 chansons interprétées prennent, en cette occasion, un accent particulier. Les titres se succèdent à un rythme rapide, tandis qu’il essuie d’un revers de main, son front ruisselant ; « Les Vieux, Madeleine, Jef, Le plat pays, Ne me quitte pas ». Les titres se bousculent. Le public hurle, trépigne, exige, comme si, cette folle nuit ne devait jamais se terminer. Les photographes mitraillent prennent des milliers de photos, les éclairs de flash éblouissent toute la salle du Casino.

document Nord Eclair

Le spectacle se termine. Une vive émotion s’empare alors du public dans la salle, lorsque le rideau tombe. Tout le public se lève pour une « standing ovation » en criant « Encore Encore ! ». Malgré les rappels et les cris, Jacques ne revient pas sur scène. Personne ne réalise encore vraiment qu’il n’y remontera plus.

document Nord Eclair

L’émotion est encore plus vive derrière le rideau, lorsque tout le monde reprend en choeur : « Ce n’est qu’un au revoir ». Dans les salles de rédaction, personne n’y croit encore. Jacques Brel n’est pourtant pas un de ces farfelus qui nous ont habitué à de fausses sorties publicitaires.

« La dernière » est toujours un spectacle émouvant. Ce n’est plus le chanteur seul qui a le trac, mais ses amis, les musiciens, les ouvreuses, les journalistes, les spectateurs. Tous savent qu’ils emportent avec eux, la dernière image d’un très grand Monsieur, le dernier salut de Monsieur Brel.

document Nord Eclair

Cette fois, c’est bien fini. Bruno Coquatrix lui déclare alors : A 38 ans, on ne s’en va pas sur la pointe des pieds, avec le spectacle de ce soir, vous nous reviendrez encore, Monsieur Brel !

Mais non, Jacques a pris sa décision et c’est bien  »la der des der ». La salle se vide, les lumières s’éteignent une à une. C’est fini.

document Nord Eclair

Jacques Brel ne fera plus de concerts exténuants, mais ne prendra pas sa retraite pour autant. Il se tourne alors vers le théâtre où il crée la version francophone de « l’Homme de la Mancha », et surtout vers le cinéma où il enchaine les succès : « les Risques du Métier, mon Oncle Benjamin, l’Emmerdeur, l’Aventure c’est l’Aventure », et bien d’autres, jusqu’au début des années 1970.

Jacques Brel en 1973 sur le tournage de l’Emmerdeur ( document collection privée )

Après avoir passé son brevet de pilote, il achète un avion bimoteur et un voilier pour son propre plaisir et part habiter aux îles Marquises. Gros fumeur, il est atteint d’un cancer du poumon. Jacques s’éteint à Paris en Octobre 1978 et repose au cimetière des Iles Marquises.

Remerciements aux archives municipales.