Quand Darty vint à Roubaix

C’est au début du mois de juillet 1976 que l’on apprend la fermeture prochaine du magasin Monoprix rue Pierre Motte à Roubaix. Cette décision a été prise au cours d’une réunion avec le comité d’entreprise. Cette surface commerciale de 1300 m² avec son parking emploie alors une cinquantaine de personnes. La raison de la fermeture, c’est la baisse du chiffre d’affaires, due à l’ouverture récente d’un supermarché Auchan dans le centre commercial Roubaix 2000. Mais le Monoprix de la rue de Béthune à Lille fermera également avant la fin de l’année. L’arrivée de la société Darty sur les deux sites Monoprix, à Lille et à Roubaix, est annoncée par voie de presse en août 1976.

 L’histoire de la société commence en 1957, lorsque trois frères, Nathan, Marcel et Bernard Darty, commerçants en textile, rachètent le bail d’un magasin d’électroménager voisin pour agrandir leur surface commerciale. Suite à la vente du stock de ce magasin, Bernard Darty et ses frères décident d’abandonner le textile pour se lancer dans la vente d’appareils électroménagers. Jusqu’en 1966, l’entreprise familiale se développe avec la création d’un entrepôt à Bagnolet et un autre magasin en région parisienne. En mai 1968, la première grande surface Darty voit le jour à Bondy. Le fameux « contrat de confiance » créé en 1973, qui inclut un service de garantie après vente, établit la renommée et le succès commercial de la chaîne de magasins. Dès 1976, Darty entre en bourse et développe son concept en région.

La dernière animation commerciale de Monoprix, sur son parking en avril 1976 Photo Nord Éclair

Darty en 1977, c’est 28 magasins en France. Après la région parisienne, et la région Rhône Alpes, c’est dans le Nord que la société n°1 de vente de téléviseurs, de radios, d’électroménager et de Hi Fi vient s’installer. En avril 1977, Darty ouvre simultanément trois magasins : à Lille, rue de Béthune dans le secteur piétonnier, à Englos dans le centre commercial et à Roubaix, 15 rue Pierre Motte, et ses horaires sont les suivants : du lundi au samedi de 9 h 30 à 20 heures 30 sans interruption. A l’époque, sur ce créneau, le magasin d’électroménager à Roubaix, c’est Scrépel Pollet, dans la Grand Rue.

Le magasin Darty de Roubaix à son ouverture Photo Nord Eclair

 La formule Darty : des prix bas toute l’année, une livraison gratuite des appareils et un dépannage rapide, 7 jours sur 7. Dans les années 2000, Darty représente plus de 200 magasins en France et au Luxembourg, plus de 10 000 salariés et plus de 400 camionnettes jaune et bleu qui sillonnent les routes. L’entreprise n’appartient plus à la famille, depuis 1993, la société Darty est entrée dans le groupe britannique King Fisher. Aujourd’hui, elle est présente sur différents créneaux : multimédia, téléphonie, image et son.

Darty en 2013 Photo PhW

 La presse vient d’annoncer la fermeture du Darty roubaisien au printemps 2013. Quelle sera la nouvelle enseigne du 15 rue Pierre Motte ?

De la poste à l’IUT

C’est en janvier 1928 que M. Robert receveur principal, fait l’ouverture du nouvel hôtel des postes au public. Imposant par sa taille son style néo-flamand et par la dimension de ses services, cet immeuble accueillait les derniers perfectionnements de la science de l’époque : ascenseurs puissants, monte-charges électriques, monte-télégrammes pneumatiques, toboggans pour la descente du courrier…Il comportait une vaste salle pour l’accueil du public, et derrière les guichets une grande salle pour le tri du courrier par les facteurs. Un service de boîtes postales digne d’une grande ville, environ un millier, une salle de six cabines téléphoniques ouverte jour et nuit, une salle de télégraphe. L’immeuble est vaste ce qui contraste fort avec l’ancienne poste de la rue du Curé.

L’hôtel des postes, peu après son ouverture Collection Médiathèque de Roubaix

 On sait dès l’année 1967 qu’il est question de construire une nouvelle poste sur l’emplacement de la place des Halles, à l’époque occupé par le Lido, centre de transit entre la rue de Lannoy et le futur centre commercial Roubaix 2000. La ville souhaite transformer le grand immeuble postal en centre culturel, où s’installeraient la bibliothèque municipale, des salles de conférence et de réunion au deuxième étage, un musée au troisième, et le musée du folklore au quatrième. Petit bémol, les édiles de l’époque préfèrent parler de conservatoire des arts et traditions populaires. Les amis du Musée qui militent depuis longtemps pour un établissement de ce genre, relancent leurs appels pour enrichir le fond et annoncent déjà des animations telles qu’expositions de peinture, section philatélie…

La poste des années cinquante Collection Médiathèque de Roubaix

L’accord pour construire une nouvelle poste intervient en avril 1970, mais c’est seulement en 1975, soit deux ans après le démontage du Lido, que l’on reparlera de construire une autre poste, qui ouvrira le lundi 12 décembre 1977. La question du devenir de l’ancien bâtiment reste donc posée. Donné à la ville en l’échange des terrains nécessaires à la construction du nouvel bâtiment postal, ce bâtiment a besoin de travaux d’aménagement. La ville pense en faire à ce moment une maison des associations locales. En mars 1980, c’est toujours une friche administrative. On sait le montant des travaux d’aménagement, près d’un million et huit cent mille francs, et la ville a entrepris de faire restaurer la toiture. Les projets sont toujours les mêmes : carrefour pour les associations, centre de développement culturel, pouvant accueillir divers groupements artistiques, comme la compagnie de marionnettes de Jacques Vincent. Puis on parle de l’aménager en mini centre tertiaire, dont les bureaux seraient rétrocédés à des sociétés privées. En octobre 1980, le projet d’aménagement en maison des associations est retenu pour un concours organisé par l’état via le ministère de l’environnement intitulé architectures publiques.

Sont alors envisagés une salle de réunion de 150 places, une salle d’exposition, un centre de documentation et d’information, une cafétéria, des salles banalisées à la disposition des associations, des locaux affectés à des associations ayant des besoins particuliers (photo, audio visuel, poterie). L’état finance 50% de l’étude et si le projet est retenu, le fonds d’aménagement urbain participerait à hauteur de 35%. Si la ville s’est engagée dans l’étude, elle ne l’est pas pour les travaux. Le bâtiment étant en très mauvais état, il n’est pas impossible que la ville le revende.

L’hôtel des postes devenu IUT Photo Michel Farge

Les travaux de rénovation commencent en 1982 par la réfection de la toiture et ils se termineront en septembre 1984. A cette date, malgré une capacité d’accueil potentielle de 45 associations, la municipalité d’André Diligent estime que trop peu sont intéressées à l’occuper, il est donc décidé d’accueillir les étudiants de l’Institut Universitaire de Technologie C de Lille II (carrières juridiques, judiciaires et techniques de commercialisation), créé en 1974 à Villeneuve d’Ascq. Une aubaine pour Roubaix, qui est la capitale de la vente par correspondance. Les premiers étudiants en Management de la Distribution arrivent en décembre 1985. C’est en novembre 1986 que le ministre de l’éducation nationale de l’époque René Monoury viendra visiter un IUT de 500 étudiants sous la conduite de son directeur, Monsieur Werrebrouck.

Les tribulations d’une fontaine

Roubaix se développe d’une manière considérable au dix neuvième siècle. Pour faire face aux besoins en eau grandissants de l’industrie, on décide de puiser dans la Lys. Les travaux sont mis en route et aboutissent en 1863. Pour fêter l’événement, on construit une fontaine sur la Grand-Place. Œuvre de M. Iguel, elle a pour sujet les trois grâces et comporte plusieurs vasques superposées. On choisit le 15 Août, fête de l’empereur, pour l’inaugurer, et on en profite pour faire une grande fête. Une grande banderole à la gloire de Napoléon III pavoise la mairie, et on assiste à des réjouissances populaires qui durent plusieurs jours. La fontaine est placée en face de la mairie au débouché de la rue Neuve.

La fontaine sur la Grand-Place avant percement de la rue de la Gare

Son emplacement devient gênant pour la circulation du fait du percement de l’avenue de la gare et il est décidé de la déplacer. Selon Nord Eclair, un premier déménagement, la placerait en 1874 sur le square Notre Dame, à l’emplacement actuel de l’école des beaux arts. Elle y resterait jusqu’à la suppression du square en 1882. On pose alors au carrefour du boulevard Gambetta et de la rue du Moulin le 20 mars 1883, dans le but d’orner l’entrée de Roubaix.

La fontaine à l’entrée du boulevard Gambetta, aujourd’hui Leclerc

Elle semble avoir trouvé là une place définitive et, au fil des années, elle finit par disparaître sous une végétation envahissante. On note qu’à l’époque une bonne partie du carrefour était simplement empierré, la zone pavée passant au large de la fontaine.

Mais, cette malheureuse fontaine doit de nouveau émigrer en 1924. Il lui faut faire place au monument aux morts. On la démonte pour la réinstaller, quelques centaines de mètres plus loin sur le boulevard, en face de l’hôtel des Postes.

Notons les moyens rudimentaires de manutention de l’époque…

La fontaine devant l’hôtel des postes.

Notre fontaine reste là jusqu’en 1955, mais, placée au débouché direct de la rue du Coq Français, elle est une nouvelle fois victime des aménagements pour faciliter la circulation : On la démonte une fois de plus. Au cours de ce démontage, le bassin se fissure et la fontaine est déclassée et disparaît de la voie publique roubaisienne.

Le monument d’Alexandre Descatoire

Mais le carrefour de la rue Jean Moulin n’est pas resté sans ornement : Un monument aux français morts pour la grande guerre, œuvre d’Alexandre Descatoire, prend sa place en octobre 1925. On peut penser que les choses en resteront là, mais, malheureusement, il s’avère qu’il gêne lui aussi la circulation. C’est son tour d’être déplacé. Il sera reculé d’une centaine de mètres sur le boulevard du Général Leclerc…Mais ceci est une autre histoire…

Documents médiathèque de Roubaix et archives municipales

Une ferme rue du Moulin

L’historien Théodore Leuridan fait mention au 19ème siècle, à la naissance du sentier du petit Beaumont, d’une ferme enserrée entre la rue d’Hem, la rue de Bouvines, et la rue du Moulin, qui faisait partie de la seigneurie de la Masure. Il précise que la ferme était tenue par la famille Vernay, et qu’en 1834, Antoine de Vernay a fait partie des protestataires voulant la séparation administrative entre  Roubaix ville (le centre) et Roubaix campagne (les territoires agricoles situés autour de ce centre).

La cense (plan cadastral de 1845) en situation sur une photo aérienne Géoportail actuelle

Les recensements effectués en 1836 et 1851 font référence à un cultivateur nommé Desvernay Antoine , époux de Ludivine Lauridan  à la tête d’une nombreuse famille comprenant trois fils et six filles. Mais, au fil des années, le quartier se bâtit sur les terres de la ferme qui doit alors cesser son activité. C’est ainsi que le Ravet Anceau de 1875 n’indique plus de cultivateur à cet endroit. Par contre, il fait état en 1886 d’une veuve Devernay, propriétaire au 153 de la rue du Moulin.

A partir de 1895, le numéro au 153 abrite un rentier, mais on trouve trois autres adresses en remontant la rue. Des maisons ont donc remplacé la ferme. De même, les bâtiments le long de la rue d’Hem sont des habitations individuelles à partir du n°1. Le bâtiment de l’ancienne cense a-t-il été démoli ou reconverti en habitations ? En tout cas, le plan cadastral de 1884 le montre partagé en habitations qui en reprennent la forme exacte.

Document archives municipales

La partie arrière de la ferme constitue six maisons formant l’impasse Devernay, placée perpendiculairement à la rue de Bouvines.  On retrouve cette situation sur cette photo aérienne de 1953 :

Document archives municipales

En  1964,  à la demande de M. Devernay, le propriétaire, on décide de démolir les maisons numéro  1,3,5,7 et 9 rue d’Hem, 157 à 163 rue Jean Moulin, 2,4 et 6 rue de Bouvines, ainsi que les habitations de l’impasse Devernay, ce qui représente toute l’ancienne emprise de la ferme. Ces maisons sont frappées d’interdiction d’habiter en 1967, et les immeubles murés au fur et à mesure du départ des locataires. En 1974, l’autorisation de démolir est donnée et la Société Anonyme Roubaisienne d’Habitations Ouvrières y fait construire 12 logements H.L.M. à la place de ces bâtiments anciens insalubres. Ces logements sont aujourd’hui encore, visibles sur le site. Il est permis de se demander si leur pérennité approchera celle des bâtiments qu’ils auront remplacé…

Document Géoportail – IGN

Un foyer d’éducation populaire

Le Foyer d’éducation populaire Jean Macé Pasteur est issu de la fusion de deux très anciennes amicales laïques : l’association amicale des anciens élèves de l’école publique de la rue Delezenne, et l’association amicale des anciennes élèves de l’école communale de la rue du Pile. La première est née le 4 septembre 1890, la seconde le 23 janvier 1896, toutes les deux après le visa préfectoral. A cette époque, le scénario de la création d’une amicale laïque est pratiquement toujours le même : sous l’impulsion du directeur ou de la directrice de l’école, des parents d’élèves, des élèves récemment sortis de l’école sont appelés à se réunir pour la défendre contre les adversaires de la loi Ferry. Il est vrai qu’à Roubaix, à partir de 1884 le pouvoir politique est retombé entre les mains des partisans de l’école « libre », qui ne pouvant remettre en question la loi, privilégient les subventions à l’élite et visent la maîtrise de l’enseignement supérieur. Les activités les plus courantes de ces amicales seront les suivantes : distributions de vêtements et chaussures aux enfants nécessiteux, récompenses et encouragements aux élèves méritants et assidus (médailles, livrets de caisse d’épargne,…), montage de bibliothèques populaires et scolaires, organisation de voyages et d’excursions (récompenses certificat, mais également plus tard pour les membres), organisation de conférences.

L’école de la rue Delezenne et l’école de la rue du Pile Photos Journal de Roubaix et PhW

L’école de la rue Delezenne, et l’école de la rue du Pile étaient très anciennes. L’école de garçons de la rue Delezenne datait de 1873, elle est laïcisée en 1881. On y crée des cantines scolaires en 1894, elle est agrandie en 1909. Une délibération du 28 décembre 1934 décide de sa démolition. Entre-temps, l’école Jean Macé a été édifiée.  L’école des filles de la rue du Pile, également appelée école Pasteur, fait partie de la série des écoles publiques dites de Mollins construites en 1877. Elle sera agrandie en 1908 et fera l’objet d’aménagements divers jusqu’en 1970.

Les recherches sont en cours pour retrouver les dates de changement du nom de l’amicale Delezenne en Jean Macé, et en Jean Macé Pasteur, sans doute avant la seconde guerre. On trouve dans les archives de l’amicale une déclaration en préfecture du Nord le 21 décembre 1950 : le siège était à l’école de garçons du boulevard de Mulhouse, il est transféré au n°4 rue d’Anzin. La modification de son titre est annoncée en association amicale des anciens élèves des écoles publiques Jean Macé et Pasteur. La réunion des deux amicales a-t-elle eu lieu à cette date ?

Au cours de l’assemblée générale qui se tient le 14 novembre 1965, l’amicale transforme une nouvelle fois son titre et l’article 2 de ses statuts :

Le Foyer comprend plusieurs secteurs d’activité : club de jeunes, secteur adultes avec ses sections culturelles spécialisées, sa section activités sociales, sa section parents d’élèves…, secteur enfance avec des activités organisées par les adultes au profit des enfants : patronages, centres de vacances, centres aérés, USEP…

Le Foyer met à la disposition de tous, les moyens de développement d’activités éducatives, sociales et récréatives : éducation physique, intellectuelle, artistique, information scientifique, technique, économique et sociale.

Par ces moyens, le Foyer contribue à l’émancipation intellectuelle et sociale et à la formation civique. Par son action, il entend manifester sa fidélité à l’idéal laïque et à l’enseignement public en prolongeant son œuvre dans le même esprit.

Le 22 décembre 1965, l’amicale prend donc le titre de Foyer Populaire Jean Macé Pasteur (foyer de jeunes et d’éducation populaire), qui est toujours son titre distinctif.

Le conseil d’administration de l’amicale Delezenne en 1923 doc archives Foyer Jean Macé Pasteur
Remerciements au Foyer Jean Macé Pasteur pour la consultation de ses archives
Extrait sur l’historique des amicales, in La Question laïque Philippe Waret Collection des Cahiers Roubaisiens Editions Lire à Roubaix

 

Évolutions d’un carrefour

 La jonction de l’avenue Delory et de la rue Henri Regnault est parcourue, dès l’origine, par la ligne 3 de tramway, venant de la place du Travail pour emprunter le boulevard Clemenceau vers Hem. Au début des années 50, les rues Charles Fourier (ancien chemin vicinal menant à Hem) et Horace Vernet, après avoir traversé une zone de jardins ouvriers, sont encore à peine ébauchées à leur extrémité, tandis que du côté de Hem, l’avenue de Roubaix sert essentiellement à desservir la ferme de la Tousserie, avant de rejoindre le boulevard Clémenceau. La ferme de la Haye vient d’être abattue pour faire place à des maisons individuelles. Sur son emplacement va s’édifier l’école Ste Bernadette.


Dans la deuxième partie des années 50, le carrefour prend de l’importance avec l’implantation définitive des rues  Charles Fourier et Horace Vernet, et la construction d’immeubles collectifs importants. Pourtant, malgré l’augmentation du trafic, on ne se préoccupe toujours pas de l’aménager.

L’immeuble de la rue Régnault, plus connu sous le nom de la Banane

En 1960, l’importance de la circulation oblige à prendre des mesures. On décide d’implanter des îlots directionnels pour séparer les flux et protéger les piétons. Le terre-plein principal doit comprendre un espace vert, entouré d’un trottoir revêtu de carreaux de ciment. Des poteaux d’éclairage sont également prévus. Une adjudication est lancée, précisant que les adjudicataires sont obligés d’utiliser de la main-d’œuvre locale pour réaliser les travaux.


A la même époque, on généralise l’opération en installant des refuges pour piétons aux intersections importantes de l’avenue. Les habitants signent une pétition pour réclamer des feux rouges pour rendre la traversée de l’avenue moins dangereuse, tout en saluant les mesures prises : création des refuges, matérialisation des passages pour piétons ainsi que la limitation de vitesse.

Photo La voix du Nord

Nord Éclair insiste sur le fait que l’avenue très roulante et protégée par des « stops » aux intersections, incite les automobilistes à la vitesse. Le journal déplore le nombre important d’accidents. Il faut implanter des feux rouges. C’est chose faite au début des années 70 et la circulation est désormais rythmée par des feux tricolores montés, placés sur des portiques au carrefour qui nous intéresse.

En 1974, on remodèle l’aménagement du terre-plein pour permettre un accès plus direct à la rue Henri Regnault en venant du rond-point des trois baudets par l’avenue Delory, mais aussi pour desservir la nouvelle voie rapide. A cet effet, le terre-plein principal est coupé en deux, et les voies de circulation sont matérialisées par une signalisation peinte au sol.


Mais la circulation reste dangereuse, et on se préoccupe ensuite de séparer sur l’avenue Delory les sens opposés de circulation autrement que par une ligne continue. On élargit la zone d’exclusion centrale, et on en profite pour matérialiser des voies cyclables de manière à supprimer une des voies  dans chaque sens. Les circulations ne se font plus désormais que par une seule voie pour chaque direction sur l’avenue.  Notre carrefour s’enrichit alors de terre-pleins de séparation, qui s’ajoutent à ceux déjà existants. Il prend alors l’aspect que nous lui connaissons aujourd’hui.

Photos aériennes IGN

 

Les autres documents proviennent de la Médiathèque de Roubaix et des Archives municipales

Roubaix 2000 et les chantiers

La disparition programmée pour début 1983 de la centrale électrique de la rue Dunant aura pour effet de permettre de lancer un nouveau chantier de construction de cellules commerciales et de bureaux et de logements, sur la droite de l’entrée de Roubaix 2000. Le projet, c’est 4000 m² de bureaux et de commerces, et des logements. La centrale électrique ne laissant toujours pas la place début 1983, on oublie les logements, et on démarre le chantier sur la façade du boulevard Gambetta.

Dès septembre 1982, on a une idée de ce qui sera construit. Un magasin de vêtements pour clientèle populaire et moyenne (sic la presse de l’époque) viendra s’y installer. C’est l’enseigne C&A, fondée par les hollandais Clemens et August Brenninkmeijer (dont les initiales forment aujourd’hui le logo de la société).  En 1841, les deux frères ont créé la société commerciale C&A Brenninkmeijer, à Sneek dans la province de Frise, et c’est là que s’ouvre leur premier magasin C&A. Il s’agit d’offrir des vêtements prêt-à-porter de bonne qualité à des prix raisonnables et introduire des tailles standard ainsi qu’un service d’échange. Au début des années soixante, l’entreprise s’implante également en Belgique, en France et en Suisse. Le directeur des investissements de C&A explique que la marque est venue s’installer à Roubaix, parce qu’elle a été invitée à le faire. Ils avaient décliné l’offre dans le plan d’implantation intérieur de Roubaix 2000. Mais ce nouveau projet leur semble viable, et chose rare à l’époque, ils ont préféré le centre ville traditionnel de Roubaix, plutôt que le centre commercial de Villeneuve d’Ascq ! Après six mois de travaux, l’inauguration a lieu le 30 août 1983.

Le projet initial publié dans Nord Éclair
La maquette C&A publiée dans Nord Éclair

De l’autre côté de l’esplanade de Roubaix 2000, l’usine Motte Bossut s’apprête à changer d’affectation. Dès 1978, l’usine est inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Elle a cessé toute activité en 1981. La ville de Roubaix rachète les locaux et souhaite y aménager un centre international de la communication (futur Euro téléport). En 1983, le Gouvernement de Pierre Mauroy décide de créer des centres pour conserver les documents relatifs à la mémoire du travail en France. On envisage la création de cinq centres d’archives répartis dans toute la France. Un seul verra le jour. Ce sera celui de Roubaix, par une décision de décembre 1984. Pour abriter le premier Centre des archives du monde du travail, la ville de Roubaix fait don à l’Etat du corps de bâtiment principal. Les travaux débutent en 1989, pour un coût de 150 millions de Francs. L’inauguration interviendra le 11 octobre 1993.

L’usine Motte-Bossut Collection Privée

Le parvis de Roubaix 2000 prend donc pendant six ans une allure de chantier perpétuel, mais qui semble de bon augure pour les clients et pour l’emploi. Le centre commercial reçoit également de l’aide. Le concours Dynamicom est lancé en février 1987 par la ville et la chambre de commerce pour finir de remplir les cellules commerciales vides, au nombre d’une dizaine. L’année suivante, en avril, lors d’une opération Commerces 90, le ministre Camille Cabana remet un chèque de 25 millions de francs à Madame Maqueron, la Présidente du groupement d’intérêt économique de Roubaix 2000, au nom du ministère du commerce. Alors que toutes les cellules ne sont pas encore occupées, on parle d’animations dans les magasins et surtout d’équiper le centre commercial d’un réseau informatique.

Le concours et le gros chèque Photos Nord Éclair

L’année 1988 se termine cependant sur une mauvaise nouvelle. L’enseigne AS ECO ferme boutique en catimini, quelques jours avant Noël. Une solution de rechange est à l’étude, mais il faudra attendre l’année suivante, et une réorganisation importante des locaux pour l’arrivée d’Intermarché.

Photo Nord Éclair

Un nouveau centre social

Lors de l’assemblée générale de mai 1988, le Président Jean Deslée aborde la question de la réhabilitation du centre social construit en 1962. En effet, les locaux sont devenus vétustes et trop petits. Sont évoqués la toiture, les ouvrants qui seront refaits entièrement. On prévoit des aménagements intérieurs, tels que l’agrandissement de  la cuisine, mais d’autres locaux viendront compléter l’équipement actuel. Une nouvelle halte garderie, une entrée, des bureaux de permanence plus spacieux, des locaux d’activités  pour les usagers.

Le centre social des Hauts Champs avant rénovation Photo VDN

En décembre 1988, Mme Françoise Van Wambeke remplace M. Deslée démissionnaire, à la présidence de l’association du centre social. Le chantier de transformation est lancé le 4 juin 1989 pour une durée d’un peu moins d’une année. Il est donc projeté de réhabiliter la partie existante, qui couvre 719 m², et de réaliser 280 m² supplémentaires. C’est le cabinet d’architecture Deleligne qui est chargé entre autres, d’améliorer l’esthétique de la façade.

Le projet de rénovation et d’agrandissement du centre social Photos NE & VDN

Ce chantier qui fait l’objet d’un dossier DSQ (développement social des quartiers), est porté par le propriétaire du centre social, à savoir l’association des logements de l’enfance, présidée par M. Cassette. Coût de l’opération, quatre millions de francs. Les financements se répartissent entre l’état et la région, la CAF et le CIL, le département et la ville d’Hem.

La nouvelle façade du centre social des Hauts Champs en 1990 Photo collection Centre Social des Hauts Champs
D’après Nord Éclair et la Voix du Nord

Instantané 1973

La rue Jules Guesde forme avec la rue Jean Goujon un axe commercial  important du quartier de la Potennerie. Au-delà du carrefour avec la rue Jouffroy, et du Coq Français, elle remplit la même fonction jusqu’au quartier du Pile. Restons-en pour l’instant à cette première partie de la rue.

Le photographe Charier Photo Nord Eclair

Si nous suivons les numéros impairs, le photographe Charlier est au n°1, suivi de la mercerie de Mme Knoff n°3. La crémerie de Mme Delsalle au n°7, la boucherie Vandecasteele au n°9 et  les établissements Ledoux, également une crémerie, au n°11-13 forment la première partie de la rue. On traverse alors la rue de Bouvines pour passer devant la bonneterie Delmé au n°23, et devant le magasin d’électricité de M.Riysschaert au n°31. Au-delà de l’impasse St Louis, on trouve au n°33 la droguerie de Mme Vandesompèle, au n°61 l’enseigne Roubaix Camping jouets, de M. Deltête, et au n°63 le café Noyelle Meersman. Après la rue de Denain, le laboratoire d’analyses médicales Dhellemes occupe le n°65, la bimbeloterie Au Petit Bonheur de Mme Dubuisson est au n°67, alors qu’au n°67 bis Mme Chuine vend des articles de ménage, puis au n°69 il y a le boucher Goffette, suivi au n°71 de la droguerie Loens.

On passe la rue des Parvenus, et se succèdent alors au n°73 la pâtisserie Bouten, au n°75 le chemisier Jouniaux, au n°77 le libraire Chapelet, au n°81 la mercerie Aux Ciseaux d’Argent, et au n°83 la lingerie Yveline. Nous traversons la rue de Ma Campagne. Là se trouvent au n°85 l’horlogerie Pruvost, au n°97 le garagiste Desodt, au n°99 la bonneterie Hautekiet, au n°103 les jouets de Mme Moura Douglou.

Après la rue de Tunis, le n°109 est inoccupé, mais pas pour longtemps, car le magasin d’articles de ménage Soetens Duyck, déjà installé aux n°111 113 va encore s’agrandir. Au n°115, un boucher hippophagique après lequel il y a au n°117 le magasin d’articles de ménage Delattre, au n°119 les chaussures Spriet, au n°121 la Société Coopérative de l’Union Roubaix Wattrelos, grossiste en vins, au n°123 le libraire Ducourant, et pour finir au n°125 le boulanger Spriet Raepzaedt.

Les numéros pairs commencent par des établissements scolaires. C’est au n°6 qu’on trouve le magasin de poissons exotiques de Mme Minne, au n°12 le coiffeur pour dames Hache, au n°14 le commerce d’alimentation Ogier. Après la rue de la Potennerie, on passe devant le café A Versailles au n°16, le coiffeur Wanin au n°18, l’épicier Van Moer au n°20, le plombier zingueur Delahaye au n°24. Toujours sur le même trottoir, au n°26 Peersmann, confection pour enfants, au n°32 la boulangerie Hottebart, au n°34 le teinturier dégraisseur Anett dont la gérante est Mme Dieussaert, au n°38 l’enseigne Vins fins au détail, dont la gérante est Mme Hespel, au n°42 Bambi, le magasin de confection pour enfants de Mme Blot. Il y a encore au n°44 la bonneterie Vanhoorde Honoré, aux n°48-50 l’horticulteur Deleusière, au n°52 le commerce de beurre et œufs de M. Deleu, au n°54 Winants et Sevin, fabricants de sacs en jute, et Mme Thiry épicier, au n°56 bis le boucher Prinsie, et au n°60-62 les établissements Le Danois, électricité. On traverse la rue de Maubeuge et voici la caisse d’épargne, bureau de la Potennerie au n°62bis, l’électricité générale Nys aux n°66 68, et pour terminer ce tronçon, le boucher Depuydt au n° 72.

 

Il s’agit d’un relevé instantané de l’année 1973, car beaucoup de ces commerces se sont transformés ou ont disparu. Constatons qu’il y a encore une moyenne d’un commerce pour trois maisons d’habitation, et qu’il y en a encore de toutes les sortes : alimentation, confection, habillement, coiffure, articles de ménage…

 

 

Services Collectifs Ménagers

L’action se situe fin des années 40, début des armées 50. Le M.P.F (Mouvement Populaire des Familles) devenu M.L.P. (Mouvement de Libération du Peuple) puis M.L.O. (Mouvement de Libération Ouvrière) crée les A.F.0 (Association Familiale Ouvrière), puis l’A.P.F. (Association Populaire Familiale), association déclarée légalement en Préfecture dans la cadre de la loi 1901. Ces associations sont habilitées pour créer et gérer des services qu’elles peuvent mettre à la disposition de leurs adhérents. C’est ainsi qu’ont démarré les premières Maisons de Vacances Populaires. Partant du principe que ce qui était trop cher pour une famille ouvrière (coût des locations par rapport au pouvoir d’achat) devenait possible quand un certain nombre de familles se groupaient et acceptaient d’accomplir ensemble pour ne pas alourdir les coûts de gestion : entretien de la chambre, épluchage des légumes, nettoyage de la vaisselle, entretien des parties communes…

Affiche du Mouvement Populaire des Familles Source Bibliothèque de Lyon vu sur Internet

Au début des années 1950, nous avons appris que des militants MLO de la région de Roanne Loire), avaient lancé pour leurs adhérents APF, un service de machines à laver le linge. L’idée était que cet ustensile qu’on n’utilise pas tous les jours, acheté en commun, pouvait servir par roulement. Nos copains de la Loire nous ont donné pas mal de tuyaux sur la façon dont ils avaient monté ce nouveau service. Nous nous sommes inspirés de leur expérience et en novembre 1952, une première machine à laver Hoover démarrait à Wattrelos, un commerçant nous ayant consenti un paiement étalé pour ce premier achat et les suivants. Dans les quelques mois qui ont suivi, plusieurs machines ont été mises en service. Nous étions organisés en Inter-APF (6 ou 7 communes), l’initiative a été vite colportée. En juin 1953, les militants ayant lancé ce service se retrouvèrent pour faire le point. On s’est aperçu qu’une trentaine de machines étaient en service, achetées pratiquement chez le même commerçant dans des conditions plus ou moins bien définies (les militants n’étant pas tous des familiers de la comptabilité).

Les machines en location Publicité allemande site Hoover

Cette réunion a permis de prendre des décisions en commun : d’abord, élaborer un règlement avec souche signée par l’usager, spécifiant que le service était réservé aux adhérents A.P.F, sinon nous risquions d’être considérés comme commerçants, donc, passibles de payer des impôts et taxes. Les machines étaient véhiculées sur des chariots faits sur mesure, sur lesquels était attachée une boite contenant le cahier où la responsable avait inscrit les noms et adresses des utilisateurs de la machine pour la semaine ; également une petite boite où chacun mettait sa participation (1 franc) après chaque lessive. Certains militants étaient quelque peu réticents sur ce dernier point, craignant des vols d’argent, mais nous avons voulu prouver que la classe ouvrière savait respecter les biens collectifs. Pour dire vrai, à l’usage, il faut constater que les quelques « soustractions » qui ont pu se produire, représentent une infime quantité. Autre décision importante, Henri Brunin (comptable de profession) a proposé de prendre toutes les dettes que chacun avait chez notre même fournisseur ; en contrepartie, chacun lui remettrait ses recettes, décision acceptée par tous, ce qui nous a permis de nous mettre d’accord avec notre vendeur, qui ne demandait pas mieux d’avoir un seul interlocuteur. Les dettes, épongées, nous ont permis d’avoir des conditions d’achat plus intéressantes. D’autres APF avaient laissé le choix de la marque aux usagers, mais les frais de dépannage étaient évidemment plus élevés. Puis, s’est posé la question de l’entretien et de la réparation du matériel qui finissait par devenir cher (nous avions même acheté une machine de dépannage). Mon activité artisanale n’ayant pas encore son plein régime, j’ai pu m’occuper, à mi temps, de ce travail (disposant de téléphone, voiture, outillage nécessaire). Le nombre de machines augmentait sans cesse (près de 100), plus quelques aspirateurs, cireuses et même machines à tricoter, il a été utile d’avoir l’aide, également à mi temps de Lucien Delvarre. En 1963, ce dernier a pris la responsabilité complète de ce service dépannage.

écrit par Maurice Morelle

Je prends la relève pour la suite de cette aventure. A noter, le travail des responsables de machine : d’abord le bouche à oreille, puis contact avec les militants, lancement d’une réunion chez la responsable (déjà bénévole, elle payait même sa lessive !) : explications, présentation du service et de son fonctionnement, bonne volonté de chacun pour que ça tourne. La machine partait le lundi matin et ne revenait qu’en fin de semaine. Les services étaient généralement le matin et l’après midi, il est arrivé que des gens travaillant à l’extérieur fassent un troisième tour le soir (costaude la machine Hoover !). Au fur et à mesure de la progression de la demande, des négociations ont été engagées pour obtenir des prix de gros et la livraison de pièces détachées pour pouvoir « retaper » les machines en récupérant des pièces. Cette gestion intelligente a permis de contribuer à l’achat de la Maison Familiale de Sangatte. (la boucle est bouclée !). Il faut souligner la coopération militants/ responsables/ usagers sans laquelle on n’aurait pas pu réaliser cela, ainsi que l’adhésion jumelée APF/MLO qui permettait de dépasser le simple point de vue « usager de machine ». Toutes les campagnes MLO, planification, enseignement, consommation, presse, élections, ont été répercutées dans les « circuits » de machines à laver.

Les atouts de cette réussite de gestion ouvrière étaient la cohésion géographique (toutes les villes se touchent), donc, communication rapide, le potentiel militant hérité de la J.O.C/M.P.F, et au plan national une structure solide. Les grandes questions d’actualité étaient étudiées avec des moyens pédagogiques : panneaux, livrets « Etudes ouvrières », guide du présentateur. Tout cela était exposé et discuté dans les grandes journées de militants (généralement pendant un dimanche entier. . . mais oui !). Puis les gens retournaient dans leurs secteurs pour lancer des réunions d’information. Je l’ai dit, un public de choix était constitué des usagers de machine, invités par la responsable, donc bien connue, ce qui facilitait les échanges. Il y a des usagers qui sont devenus responsables (de machine), il y a des responsables qui sont devenus militants (es). Les discussions qui ont eu lieu avec l’apport du journal « Vie Populaire » ont permis à pas mal de gens d’approcher et de soutenir le combat que nous menons.

Ecrit par Lucien Delvarre en décembre 2009, avec un hommage particulier à Henri Brunin, aujourd’hui disparu, pour le boulot qu’il a réalisé. Contribution à l’HISTORIQUE DES SERVICES COLLECTIFS MENAGERS DE L’INTER – A.P.F. DE ROUBAIX ET ENVIRONS 1952 – 1968

Merci à Lucien pour la communication de ces deux textes