Démolition de moulins

Wattrelos possédait une dizaine de moulins sur son territoire, d’après le cadastre consulaire établi au début du XIXe siècle. Ils ont disparu les uns après les autres. En voici quelques-uns dont nous avons pu repérer la démolition.

L’emplacement du moulin Laloy, devenu Place du Moulin puis Place Roger Salengro CP Coll Particulière

C’est en Juillet 1890 que les travaux de démolition du moulin Laloy, antiquité de la commune, seront menés à bien. L’affaire attirera nombre de curieux qui s’attrouperont autour des ruines. Jules Alphonse Laloy, meunier de profession, vient tout juste de décéder, le 5 mars 1890. À quoi va être consacré l’emplacement du moulin ? La question a été abordée dès le mois de mai par le conseiller municipal Jean Baptiste Flipot qui a proposé à ses collègues de transformer l’endroit en place publique. Cette excellente idée a rencontré l’aval de ses collègues et l’assentiment de la population de Wattrelos. L’argumentaire est précis : plusieurs rues et non des moins fréquentées aboutissent au moulin Laloy et nul doute qu’une place à cet endroit deviendrait un des points les plus animés de la commune. Le vieux moulin se trouve en effet à l’aboutissement de la rue Traversière, de la rue du moulin, et du chemin vers le hameau Sainte Marguerite. De plus, il est question d’une nouvelle route du laboureur vers la Grand Place. La création de cette nouvelle voie (rue carnot) va singulièrement léser les habitants de la rue du moulin dans leurs intérêts. Leur accorder une place publique, où un marché pourra s’installer, serait une bonne compensation. Quelques jours ont suffi pour démolir l’ancien moulin. L’affectation de l’emplacement reste au coeur de toutes les conversations. On espère que les commissions municipales ne tarderont pas trop, allusion à la lenteur ordinaire de prise de décision des édiles wattrelosiens. Comme argument supplémentaire, on se plaint toujours qu’il n’y ait pas assez de place pour le marché ou les ducasses de la grand place. La nouvelle place du moulin pourrait ainsi venir compléter le dispositif avec bonheur. La décision est prise le 30 mai 18901.

Les dernières heures du Moulin Glorieux doc NE

En Août 1956, on démolit le moulin Glorieux, du nom de son dernier propriétaire. On pensait l’abattre trente ans plus tôt, mais la solidité des murs arrêta les démolisseurs. Il se trouve sur la frontière belge à quelques pas de la route nationale Lille Audernarde (rue Jules Guesde). Il figure sur le plan cadastral consulaire. Il était surnommé le moulin de la fraude, car les blés belges étaient introduits en France sans payer de droits. Également surnommé le moulin des trois sots, la légende expliquait que ses trois propriétaires avaient perdu la raison après avoir été ruinés. Haut d’une trentaine de mètres, il abrite encore les énormes meules de pierre qui servaient à écraser le blé. Un des pierres du moulin porte le millésime 1780, date à laquelle il fut construit par le famille Dumortier. L’une des filles épousa Étienne Glorieux dont la famille occupa le moulin jusqu’à sa fermeture intervenue à la fin du XIXe siècle. C’était l’un des plus beaux moulins de la région2.

Le moulin de la rue Négrier doc NE

Nous sommes en 1958. Un autre moulin va disparaitre. En juin, les démolisseurs vont s’attaquer à un moulin désaffecté situé derrière la droguerie du numéro sept de la rue Négrier, tenue par M. Bogard. Il était haut d’une trentaine de mètres et devenait un risque d’accident car ses briques se détachaient une à une. Déjà le toit n’existait plus. Bâti vers 1830, ce moulin servait encore d’abri pour le reposoir de la paroisse Saint-Maclou, et de nombreux oiseaux le visitaient régulièrement. L’entreprise tourquennoise de Fernand Leblanc, rue de Gand, se charge du travail.

Le moulin de la broche de fer Coll Particulière

Un dernier moulin subsiste à l’époque selon le journaliste, c’est celui qui se trouve sur le terrain de la ferme Gallois, à la Broche de fer3.

1D’après l’article Le moulin laisse la place, in Wattrelos fin de siècle Atemem éditions

2D’après l’article de Jean Lafrance Nord Matin d’août 1956

3D’après l’article de Nord Eclair de juin 1958

Les beaux jeudis au Gauquier 2

Pour entrer au 27 rue du Gauquier, il fallait monter deux marches. Un long couloir traversait la maison jusqu’au jardin. Sur la droite, en entrant, « la pièce du devant », lieu quelque peu sanctuarisé, dans lequel on trouvait les plus beaux meubles et les plus beaux objets de la maison et où l’on n’allait jamais, sauf occasions exceptionnelles. Signe des temps, cette pièce est devenue aujourd’hui un garage. Suivaient la porte de l’escalier pour accéder à l’étage puis la porte du cellier.

Le n°27 rue du Gauquier Photo PhW

A gauche, une porte s’ouvrait sur le séjour. Au centre de cette vaste pièce, autour d’une table recouverte d’une toile cirée, étaient disposées des chaises paillées garnies de coussins. Dans un coin, au dessus de l’évier, était accrochée une armoire de toilette en bois, munie d’un miroir. Une cuisinière au charbon et un meuble de style « mado » complétaient l’équipement de cette pièce à vivre. Une porte donnait sur la chambre à coucher dont l’accès nous était interdit sauf le jour de la présentation des voeux aux grands parents . Les cousins et cousines s’y retrouvaient après avoir récité leurs  « compliments ». Au bout du couloir central, dans un bâtiment marteau, une arrière cuisine était aménagée. Cette pièce servait pour la cuisson des aliments, la confection des confitures et des conserves. Au-delà, une autre petite pièce abritait les outils de jardin.

A l’extérieur, un cheminement en pierres permettait d’aller rendre visite aux voisins de la rangée sans passer par la rue. A côté de la citerne de récupération des eaux de pluie, grand père avait planté un piquet pour y installer un avion à hélice de sa fabrication qui faisait office de girouette. Non loin, une petite construction accueillait les toilettes dont la porte était agrémentée, dans sa partie supérieure, d’une ouverture en forme de cœur.

Grand père apportait un soin particulier à l’entretien de son jardin dans lequel, outre des fleurs, et particulièrement des pensées, il cultivait salades, haricots verts, pommes de terre, carottes et autres légumes. Au moment des repas, de bonnes odeurs emplissaient la maison. L’après midi, nous pouvions jouer dans le jardin jusqu’à l’heure du goûter. Grand père nous coupait de belles tartines bien régulières sur lesquelles grand mère étalait le beurre de la ferme, la confiture de rhubarbe maison ou du « pastador ».

La rangée de la carrière Briet Photo PhW

Parfois, nous allions rendre visite, en empruntant la carrière Briet, à notre arrière grand père, Fortuné, ancien tisserand à domicile, qui habitait une « maison à otil »  dans la rangée située près de la ferme Malvache. Cette ferme est aujourd’hui démolie. D’autres fois, nous allions faire quelques achats en Belgique, au bout de la rue : chocolat, pain d’épices,… Au passage, nous nous arrêtions chez des membres de la famille : le photographe André Delrue ou une cousine chez qui mandarins et canaris volaient, dans une pièce dédiée donnant sur le séjour et fermée par une porte grillagée.

La boutique et la maison d’André Delrue Photo PhW

Puis venait le moment du retour au Nouveau Roubaix. Nous étions délicieusement fatigués par cette journée au grand air et heureux ce cette expédition.

Les beaux jeudis au Gauquier

Dans les années 60, nous n’avions pas école le jeudi. Nous habitions au Nouveau Roubaix et de temps en temps, notre mère en profitait pour emmener, ma sœur et moi, passer la journée chez ses parents, dans la campagne de Wattrelos. Nous prenions le bus numéro 18 Boulevard d de Fourmies, près du carrefour avec l’avenue Motte. Arrivés à la gare de bus de la Grand Place de Roubaix, nous prenions sur un autre quai le 14, direction Wattrelos, terminus à la Houzarde, juste avant le poste frontière.

Le poste de douane de la Houzarde Coll Particulière

Puis, c’était le cheminement à pied, promenade bucolique et pittoresque pour nous, enfants de la ville. Nous empruntions la rue de la Boutillerie. Sur notre droite, une rangée de maisons qui existe toujours aujourd’hui, le carrefour avec la rue de la Baillerie, puis celui avec la rue Leruste au-delà duquel se trouvait le poste de douane français. Sur la gauche, des pâtures où le collège Pablo Néruda sera construit au début des années 1970 puis la belle ferme de la Boutillerie, en retrait de la route, rénovée à plusieurs reprises et toujours présente.

Ferme de la Boutillerie vue Google maps

Puis de nouveau des pâtures se présentaient à nous, de part et d’autre de la chaussée. Le lotissement des rues Verlaine et Baudelaire ne sera construit qu’à la fin des années 1970. Ensuite, une nouvelle rangée de maisons à droite et, après un alignement de grands peupliers, la ferme Destombes sur notre gauche, exploitée par 3 frères, Bernard, Marc et Dominique.

La ferme Destombes 2020 Photo PhW

J’apprendrai beaucoup plus tard que, comme nombre de leurs confrères du secteur, Ils sont confrontés aux difficultés liées à l’urbanisation : raréfaction des terres exploitables. Celles -ci sont enclavées, dispersées et de petite taille ce qui induit des déplacements longs et coûteux. Ils décident de se spécialiser dans la production de lait et créent le Groupement Agricole d’Exploitation en Commun (G.A.E.C) en 1964. Cette structure va leur permettre de vendre directement près du tiers de leur production à la population nombreuse près de la ferme, le reste étant vendu à une coopérative. Aujourd’hui, une aile du bâtiment a été aménagée pour accueillir 6 logements étudiants. La ferme sera reprise en janvier 2003 pat M. Truffaut, anciennement agriculteur rue Leuridan Noclain. Les bâtiments de son ancienne ferme sont toujours debout à ce jour.

Enfin, nous arrivions au 27 rue de Gauquier au terme d’une marche de 20 à 30 minutes avec nos petites jambes !