Le 57 de l’avenue Brame abritait entre les deux guerres, l’entreprise Vandecrux. Après sa fermeture, s’installe une station service, inaugurée en juin 1972. Celle-ci s’implante en front à rue, là où se trouvaient auparavant quelques bâtiments de peu d’importance, de part et d’autre d’une cour herbeuse, plantée d’un hêtre pourpre vieux de 70 ans.
Document La voix du Nord
Les quelques bâtiments situés le long de la rue sont rasés, l’ensemble est nivelé, mais on préserve le hêtre et on construit, adossés à l’ancien bâtiment industriel, des bâtiments modernes éclairés par des parois de verre : un abri pour la distribution du carburant, un local réservé à la vente en boutique, une aire de lavage à la brosse rotative, un autre pour le graissage. La station est ouverte par la société des pétroles Pursan, dont le directeur pour la région Nord est M. Dujardin. Les gérants de ce commerce sont M. et Mme Basly.
L’inauguration – Document La voix du Nord
L’inauguration se fait en présence des délégués des directions régionale et nationale de Pursan et Total, mais également de personnalités plus locales : personnalités municipales, des mondes de l’automobile et de l’ industrie, ainsi que M. Desruelles, directeur de l’A.C.N.F
Le commerce attire les automobilistes du quartier, grâce à l’accueil du couple. Malheureusement, cette implantation coïncide avec l’ouverture d’Auchan Leers, qui offre des prix sans commune mesure avec ceux de notre station. Celle-ci fonde encore sa publicité sur la qualité de ses produits : super Total au chrome et huile GTS spéciale autoroute, et met en avant ses points de fidélité. Cette option n’est apparemment plus au goût du jour, et l’attrait du bon marché l’emporte. Une photo aérienne de 1981 nous la montre encore en activité, mais le Ravet-Anceau de 1983 n’en fait plus mention : elle a entre-temps disparu .
Document IGN 1981
De nos jours, il ne reste plus trace de la station. L’ensemble des bâtiments, même le bâtiment industriel au deuxième plan, et surtout le hêtre pourpre, ont disparu. On trouve à la place des bâtiments très récents, construits au début des années 2000.
Document collection particulière.
Une question se pose : qu’est donc devenu le hêtre pourpre, contemporain du tracé de l’avenue, et quand a t-il disparu ?
Dès 1995, la ville négocie avec les propriétaires et locataires de la galerie le rachat de leurs surfaces commerciales. Les commerçants seront relocalisés, indemnisés. La ville a également voté le rachat des surfaces occupées par Intermarché. On discute déjà de la suite, en affirmant qu’il ne faudra pas se louper encore une fois !
Roubaix 2000, premier étage, 1995 Photo NE
Premier effacement : le parking de Roubaix 2000 change de nom en mai 1995, et devient le parking de l’Eurotéléport. Puis, en décembre 1995, c’est la braderie de l’art qui vient s’installer dans la galerie de Roubaix 2000. Mars 1996, l’étage est désert et commence à intéresser les vandales.
Le nouveau parking Photo NE
Octobre 1997, le sort de Roubaix 2000 est réglé. On va démolir ce qui fut la grande espérance des années soixante dix, le centre commercial des années modernes. Alors qu’on commence à démolir, un panneau publicitaire annonce : Roubaix 2000, 55 magasins à votre service. Ce sont les dernières traces. La première étape du chantier de démolition a été la pose d’une ceinture de grillage de 250 mètres de long sur 46 de large , pour ôter l’amiante notamment présente dans les faux plafonds du resto U. L’entreprise France Déflocage s’est chargé de ce nettoyage délicat. Puis l’entreprise ATD (entreprise spécialisée dans la démolition Normandie Petit Quevilly), à pied d’œuvre depuis septembre 1997, s’est chargée de la démolition de l’intérieur du bâtiment, cloisons, habillements, bois, façades intérieures, 11.500 m² de surface à nettoyer sur deux niveaux. D’octobre à fin janvier la structure est une dernière fois exposée aux courants d’air.
Démolition et accès au parking Photo Lucien Delvarre
Le chantier de démolition a commencé du côté de la rue de Lannoy, sur le terre plein, car on veut éviter toute chute lourde (il y a les parkings en dessous) et on trie la ferraille. Puis les pelleteuses ont grignoté mètre par mètre les structures du centre commercial du côté du boulevard de Belfort.
Le chantier vue du boulevard de Belfort Photo Lucien DelvarreProgression du chantier Photo Lucien DelvarreLa réapparition de la rue de Lannoy Photo Lucien Delvarre
Étrange retour de l’histoire, la réapparition de la rue de Lannoy est envisagée. Va-t-elle renouer avec la tradition des rues commerçantes de Roubaix ?
Remerciements spéciaux à Lucien Delvarre, photographe et passeur de mémoire
Le centre médico-social du boulevard de Fourmies Photo NE
La population du Nouveau Roubaix augmente après la construction des HLM de la rue Fragonard. On commence à décentraliser les services. La décision de construction d’un centre médico social est actée en conseil municipal le 15 juillet 1956. Il y aura six centres sanitaires et sociaux à Roubaix : rue de Cassel, rue Decrême, rue Franklin, boulevard de Metz, rue Watt, et boulevard de Fourmies[1].
Le centre sanitaire et social du boulevard de Fourmies fut inauguré le 22 décembre 1962. A l’époque, il abritait le contrôle médical scolaire, la protection maternelle et infantile, un dispensaire de soins gratuits, des séances de consultations de nourrissons. Mme Tacquet-Delcourt fut la première directrice de l’établissement. Il faut ajouter qu’à côté du centre médico-social, il y avait une crèche modèle de 210 lits, et un foyer pour le troisième âge dont l’appellation de l’époque était foyer de vieillards. La crèche et le foyer existent toujours.
La crèche photo NELe foyer du vieillard Photo NE
Avec les années, ce centre médico-social accueillera les activités suivantes : permanence maternelle et infantile, service des vaccinations, visites prénatales, médecine sportive. Il y avait également une permanence de la CRAM (caisse régionale d’assurance maladie). La ville organisait des séances de vaccination obligatoire (diphtérie, tétanos, polio et BCG et tuberculose dans les écoles). Une fois par mois, il y avait une séance de vaccination dans chaque centre. Le centre du boulevard de Fourmies travaillait entre autres médecins, avec le docteur Mercier qui était installé avenue Motte. On procédait à quatre injections, la seconde trois mois après la première, puis la troisième, trois mois après, avec un rappel tous les 5 ans, pour un délai maximum de dix ans. Peu de gens sont à jour ! Le service des vaccinations roubaisien s’est arrêté en 1990, et les vaccinations sont à présent gérées par le Conseil Général.
La consultation des nourrissons en 1963 Photo NE
En 1986, il y avait sept infirmières municipales, deux sur place et cinq qui allaient à domicile, c’était gratuit, du lundi ou samedi, avec un service de garde le dimanche. Ça s’est arrêté en 1990, et il a fallu reclasser ces personnes. Par ailleurs, il y avait deux permanences de la CPAM, et les agents payaient les prestations en liquide. Ça s’est arrêté fin février 2000, faute de visiteurs. Le centre médico-social s’occupait aussi de la médecine sportive : visites médicales gratuites, pour les différents clubs sportifs de football, basket, volley. Les docteurs Ghysel, Seguin, Prévost en étaient chargés. Enfin, une activité importante se trouvait à l’étage : le service de médecine scolaire.
Merci à Alain Géllé, et Gérard Vanspeybroeck pour leurs témoignages
Il n’est pas rare qu’un visiteur demande à voir la fameuse rue des Longues Haies, qu’évoque Maxence Van Der Meersch dans son livre « Quand les sirènes se taisent ». Cette voie toute droite de plus d’un kilomètre de long évoque toujours dans la mémoire des anciens le passé d’un quartier populaire : de grandes usines, un labyrinthe de courées, la solidarité et les luttes ouvrières, des estaminets et des commerces, le Mont de Piété, les Bains Municipaux, le Gazomètre…Que reste-t-il de tout cela, que peut-on montrer au visiteur curieux de légendes ?
La rue des longues haies autrefois CP Méd Rx
On serait tenté de répondre : rien. La première disparition de la rue des longues haies intervient le 3 juillet 1938, quand la rue change de nom, à l’initiative du Conseil Municipal de Roubaix. Il s’agit de rendre hommage à Edouard Anseele, ce grand militant socialiste belge, décédé la même année, venu soutenir la classe ouvrière roubaisienne lors des grandes grèves de 1880. Mais bien qu’on aitdonné le nom d’Edouard Anseele à la rue, le nom du quartier des Longues Haies a longtempssurvécu. Cette rue était l’épine dorsale d’un quartier,car derrière ses maisons en front à rue, ses cabarets, ses épiceries et entre les maisons, presque tous les dix mètres, il y avait des entrées de courées. Au début du vingtième siècle, il y avait une quarantaine de courées et plus de trois mille habitants. Un village dans la ville.
Démolitions 1959 Photo NE
En 1957, le conseil municipal décide la rénovation du quartier, c’est-à-dire de raser les logements insalubres et de reconstruire. En 1959, au moment de la démolition, il restait encore 32 courées. On démolissait encore en 1963, quand le premier immeuble du bloc Anseele sortit de terre. Il se situait rue Bernard (aujourd’hui rue Jules Watteuw) et ses premiers locataires furent les pompiers de la caserne tout proche (démolie en 1984).La rue des longues haies s’étendait de la rue du Moulin (rue Jean Moulin) jusqu’au boulevard de Colmar. Après la disparition de la première partie de la rue de Lannoy, le tronçon de la rue du Moulin jusqu’à la rue des filatures prit le nom du Président Vincent Auriol en mars 1967. On peut donc encore voir le tracé du début de la rue, dans l’ombre de l’immeuble de la rue des Paraboles. Tout juste peut-on encore apercevoir l’arrière des maisons bourgeoises du boulevard Leclerc.
Entrée de la rue du Président Auriol Photo PhW
Son parcours est ensuite interrompu, puis elle reprend à partir de la rue Dupleix, et passe derrière la tour du théâtre, dont le nom seul porte le souvenir de l’hippodrome théâtre, haut lieu de la culture roubaisienne, démoli en 1964. La sortie des artistes donnait dans la rue des longues haies. Puis elle va rejoindre la rue Winston Churchill (ex rue des filatures), peu après l’IUP Infocom (ex usine Lemaire et Dillies reconvertie en site universitaire).
Suite de la rue Photo PhW
Ensuite, elle disparaît complètement, recouverte par le grand bâtiment du H13, autrement nommé l’Os à moelle, et par les cellules commerciales de Roubaix 2000, à présent remplacé par Mac Arthur Glenn, qui occupent ce qui constitua la première partie de la rue de Lannoy. Nous avons déjà raconté les péripéties de cette autre disparition. Puis c’est le bloc Anseele, avec les trois tours des aviateurs, les immeubles entourant le groupe scolaire. On n’y trouvera plus l’âme des longues haies, cet endroit étant d’ailleurs nommé un bloc, privé de réelle vie commune, enserré dans le flot de la circulation des boulevards de Belfort et Gambetta, et de la rue Pierre de Roubaix. Le parcours initial reprend, à partir de la rue Pierre de Roubaix jusqu’au boulevard de Colmar. Il porte encore le nom d’Édouard Anseele, mais ce n’est plus la rue des longues haies d’autrefois, même si quelques murs d’usine, des façades de commerces aujourd’hui fermés évoquent sa vie passée.
La rue Édouard Anseele vue du boulevard de Colmar Photo PhW
Le visiteur devra donc confronter son imaginaire avec le récit des anciens habitants que nous avons pu recueillir dans ces annales, et avec les quelques cartes postales anciennes de la Médiathèque de Roubaix.
L’opération de résorption de l’habitat insalubre a démarré avec trois ans de retard au Cul de four. C’est en novembre 1974, que la surface comprise dans le périmètre des rues Meyerbeer, Turgot, Rollin, Rossini et Wagram a été « dégagée». Cent trois maisons ont ainsi été détruites, et on a programmé une centaine de logements HLM à leur place, il s’agira d’un programme de logement à loyer réduit, mené par l’Office Municipal de HLM de Roubaix.
Une zone dégagée en 1974 Photo NE
En Aout 1975, le projet Turgot Meyerbeer va démarrer, avec comme entrepreneur la société Ferret Savinel . Deux architectes MM André Dutilly de Roubaix et M Gérard Martin de Villeneuve d’Ascq se sont chargés du projet. La tour Marengo va être construite. Les premiers locataires s’y installeront dans le courant de l’année 1977.
Le projet de la tour Marengo Photo NE
En janvier 1984, des voitures sont incendiées sur le parking de l’immeuble. Les propriétaires de ces véhicules sont des locataires de la tour aux revenus bien modestes. Quelques jours plus tard, c’est au tour de la fourgonnette d’un brocanteur. Ce sont donc des incendies criminels. La tour Marengo est alors comparée aux fameuses Minguettes de la banlieue de Lyon.
Vue de la tour Marengo Coll Particulière
De fait les locataires ne s’éternisent pas dans la tour et déménagent rapidement. Le concierge explique que le local à containers a été incendié 23 fois l’an dernier. Les portes sont continuellement cassées, les boîtes à lettres saccagées. Qu’est ce qui peut expliquer une telle violence ? La tour Marengo se vide progressivement. Un projet de réhabilitation est envisagé en 1987. Puis en 1988, il ne reste plus que 35 locataires sur les 120 logements. Alors que l’année précédente, des travaux ont été effectués (remise en peinture des couloirs et remplacement des revêtements de sol), l’office HLM envisage à présent une stratégie de relogement. La tour doit être vidée pour la fin du mois d’avril ! Le comité de quartier envoie une lettre recommandée à l’office HLM pour savoir ce qu’il va advenir des 35 familles de la tour Marengo. Finalement, l’office appelle à une réunion de concertation avec les locataires qui se tiendra dans la tour au n°101.
Vue de la tour Marengo Photo NE
En octobre 1988, la tour Marengo est vide et officiellement murée. Transformée en terrain de jeux pour les gamins du quartier, elle est aussi devenue le paradis des récupérateurs. L’environnement n’est pas en reste. Une décharge sauvage s’est installée entre les pilotis de la tour Marengo, et les maisons des rues d’Iéna, Dombasle et Milton sont murées. Les constructions de l’îlot Voltaire et de la résidence de la rue Bayard ne se sont pas étendues au reste du quartier. Le sort de la tour Marengo n’est pas encore réglé. On hésite à la démolir. Il est vrai que l’office HLM rembourse encore les emprunts contractés pour sa construction. On envisage de la reconvertir en un immeuble tertiaire. Mais l‘insuccès rencontré par la tour Mercure, à deux pas de là, n’incite pas à un tel projet. On pense louer les appartements à de petits ateliers textiles, mais la proposition reste sans suite.
La tour Marengo en 1988 Photo NE
Pourtant tout un secteur du quartier dépend de l’avenir de cette tour inoccupée, la voie rapide sur berge va bientôt passer un peu plus haut, et cela va générer des terrains à vocation industrielle. La situation n’évolue pas. La Tour sert même de terrain d’entraînement pour les pompiers qui vont y éteindre un début d’incendie, en juin 1989. Déjà en mars 1989, sa démolition avait été actée par une délibération municipale.
D’après les articles de Nord Éclair et les témoignages de l’atelier mémoire du Cul de Four
L’arrivée du chemin de fer en 1842 produit une coupure dans le tissu urbain : le quartier du Fresnoy se trouve maintenant isolé du centre de la ville. Les seuls points de communication restent le pont de la rue de Mouvaux et un passage à niveau qui traverse les voies de la gare.
Mais le passage à niveau est remplacé au début des années 1860 par le pont St Vincent de Paul, reporté plus loin, ce qui supprime toute communication directe pour les piétons. Très vite, les habitants du quartier réagissent et 174 d’entr’eux signent, en 1867, une pétition pour obtenir de la part de la compagnie du Nord la construction d’une passerelle au dessus de la gare entre la rue du chemin de fer et le hameau du Fresnoy. Le conseil municipal approuve la pétition à l’unanimité et contacte la compagnie du chemin de fer. Celle-ci répond dans une lettre datée de 1869 que le passage supérieur remplaçant le PN a été établi aux frais de la compagnie, qu’elle estime avoir fait suffisamment d’efforts pour sa part, et qu’elle refuse de financer une passerelle.
Vingt ans plus tard, en 1887, parvient au conseil municipal une nouvelle pétition sur le sujet. Le préfet estimée que la gêne causée par la passerelle pour les manœuvres, pousserait sans doute la compagnie à n’accepter la construction que dans le cas d’un financement par la ville, les pétitionnaires ne proposant pas de participation financière. La commission municipale concernée juge cette construction trop onéreuse pour les finances de la ville et les choses en restent là.
Le projet initial
Entre temps, la gare initiale est remplacée par la gare actuelle.
En 1890, la compagnie étudie malgré tout la construction d’une passerelle à l’emplacement de l’ancien PN. Elle envoie à la mairie un plan, et évalue la construction à 58000 francs, alors que les riverains accepteraient de participer à hauteur de 15000 f. Elle serait implantée entre la rue de l’Avocat et la rue de l’Ouest à 200m avant le pont St Vincent. La commission trouve que la passerelle n’aurait pas de raison d’être à cet endroit, et le projet est de nouveau au point mort.
L’année 1891 voit de nouveaux débats à la suite du dépôt d’un avant projet de la compagnie chiffré à 72 000 f. La commission municipale suggère de financer d’autres projets plus urgents. M. Victor Vaissier, pourtant, plaide pour la construction de la passerelle et demande que l’étude soit reprise. Pourtant, le projet est de nouveau enterré.
Il faut attendre 1904 pour qu’un syndicat de riverains se crée autour d’Edmond Dujardin, marchand de charbon rue de l’Ouest. Les habitants réunissent cette fois une somme de 20 000 francs. Un article du Journal de Roubaix, daté de 1906 annonce que les choses évoluent et qu’un emprunt de 6 millions permet désormais d’envisager la réalisation du projet, qui fait alors partie du programme de grands travaux d’utilité publique. Le ministre des travaux publics envoie le projet au conseil d’état qui l’approuve. Les travaux sont lancés et la passerelle est finalement inaugurée en septembre 1908. Sa longueur est de 111 mètres. Elle est très différente de celle prévue au départ : c’est une passerelle-cage métallique offrant plus de sécurité pour les usagers. Elle est bâtie pratiquement dans l’alignement de le rue du Fresnoy et aboutit à côté du bâtiment voyageurs.
La passerelle – documents médiathèque de Roubaix et IGN 1962
Notre passerelle n’a décidément pas de chance : en 1918, l’armée allemande en retraite la fait sauter, de même que la verrière de la gare et le pont St Vincent. Elle est reconstruite après guerre par les troupes britanniques du 136 ème Royal Engineers.
La passerelle en 1918
Les années passent. En 1968 la passerelle est en mauvais état. On se demande s’il vaut mieux la démolir et la remplacer par une nouvelle ou la réparer. C’est le choix de la remise en état qui prévaut. Mais en 2001, elle est de nouveau dégradée, et vu son état, la communauté urbaine décide sa démolition. L’association art Action se mobilise et vient alors à son secours. Xavier Lepoutre relate dans le journal les arguments de l’association. Finalement, la passerelle disparaît ; seul un tronçon demeure aujourd’hui pour attester symboliquement de sa présence. Il est permis de se demander s’il n’y a plus de piétons pour se rendre du centre vers le quartier du Fresnoy ?
A la demande de la société Lemaire et Lefebvre, le conseil municipal permet l’ouverture du boulevard en 1892 depuis la nouvelle place du travail jusqu’au chemin d’Hem. Un plan de travail du service de la voirie daté de 1896, mais basé sur un état antérieur, ne montre que la ferme Cruque place du travail et la chapelle Vandamme, située le long d’un sentier au bord du ruisseau des trois ponts, près du coin de la rue Carpeaux.
Les constructions ne vont pas tarder à s’y élever, et, en particulier, les usines. Carlos Masurel fait une demande de permis de construire dès 1893 pour sa filature, et Henri Ternynck a installé son établissement avant 1894. Les constructions particulières suivent, et notamment les estaminets qui s’installent en nombre aux portes des usines.
Le boulevard en 1899 et la numérotation actuelle
Les premières demandes de construction datent de 1894 avec, pour l’actuel numéro 104, une demande au nom du brasseur Guy Lefrançois, rue d’Inkermann concernant une maison à usage d’estaminet, mitoyen à propriété Carlos Masurel. Cet estaminet apparaît au Ravet-Anceau de 1898 au nom de H.Dubron. Il est situé entre les usines Carlos Masurel (puis Dazin-Motte) et Ternynck (puis Damart). On a gardé trace d’une demande de permis de construire pour les numéros 93-95 actuels, concernant plusieurs maisons, par la société Lemaire et Lefebvre en face de l’usine Masurel et près de la chapelle. Leur architecte est Louis Déferet.
Le 104, Plan d’origine et photo 1947. En bas les 93 et 95
Les demandes de construction suivantes datent de 1896, avec une demande permis au nom de O.Fievez au n°3, renuméroté 23, puis 63, la maison ayant été démolie ensuite. C’était, en 1901, l’estaminet Beauventre. Une autre demande cette même année au coin rue David Danger aujourd’hui numéro 135, c’est à dire le pâtisserie « La Florentine ». La demande est signée par M. Lefremouille (?), et ce sera l’estaminet Planckaert en 1901. De l’autre côté de la rue, au 143 la société Lemaire et Lefebvre demande, à l’angle de la rue David David D’Angers «prolongée vers briqueterie » l’autorisation de faire construire un estaminet, encore par l’architecte Déferet, qu’on retrouve sous le nom d’estaminet E.Leconte en 1901. Ce sera beaucoup plus tard « Jany fleurs ».
Les numéros 63, 135 et 143
Le 147 abrite en 1901 l’estaminet O.Fievez (qui en possède un autre au 63). Sa date de construction manque sur la demande adressée à la mairie.
Par contre, et toujours en 1896, M. Mulle-Watteau, brasseur rue de Lille fait également une demande pour deux maisons attenantes où on retrouvera l’estaminet E.Duvillers en 1901. L’architecte en est J. Selle. De nos jours, elles portent le numéro149. Au 153 correspond une autre demande de permis de construire de la société Lemaire et Lefebvre. Cette construction, toujours de l’architecte Déferet, se trouve à l’angle G. Pilon, et c’est l’estaminet A Van Ost en 1901.
Document médiathèque de Roubaix
On reste en 1896 pour une demande de la brasserie Dazin pour un estaminet au 159, dont l’architecte est Louis Barbotin (l’estaminet L.Pennequin en 1901). Au 161, on trouve cette même année la demande émanant du brasseur Paul Desprets. Ce sera l’estaminet Bacro-Watteau en 1901
Nous arrivons à l’année 1897, avec la demande d’Henri Deboschere, dont l’architecte est Achille Dazin pour un immeuble qui sera, plus tard, numéroté 114 – la future boucherie Dumeige, et, pour les numéros 118-120 une demande de permis de construire pour trois maisons formant l’angle de la rue Carpeaux (propriétaire Horent) vins spiritueux Desoubry en 1901, et tabacs Veuve Crepel en 1902 – le Flint aujourd’hui).
Du côté impair, au 163, A.Bacri fait une demande pour construire « après la dernière maison de la rue »
L’année suivante, voit se construire aux numéros 131 et 133 deux maisons au nom de Maurice Fievet. On trouvera au 133 une mercerie en 1901. Enfin, la société « La Ruche » demande la construction d’une maison à situer (sans doute au numéro 41, qui a longtemps abrité le directeur de l’usine Dazin-Motte). L’architecte en est A.Vaillant.
Encore quelques constructions côté pair, l’année suivante : en 1899 Jérémie Declerck demande pour Mme veuve Picavet l’autorisation de construire un groupe de trois maisons à usage de commerce. C’est, en 1901, l’épicerie Manche-Bruyelle (124, 126 ou 128), l’estaminet H.Herbaut (126, 128 ou 130) ; puis, en 1902, le commerce de fruits et légumes R.Tackens (124), la boucherie J.Declerck (126), l’estaminet Mme Marlier (128), et l’épicerie Manche-Bruyelle (130).
C’est donc, en peu d’années, une première vague de constructions. Il y en aura encore quelques unes vers 1910, le gros des bâtiments ne s’élevant que dans les années 20, après la guerre. Le boulevard n’évoluera pratiquement plus jusqu’à aujourd’hui, à part les façades des magasins, qui subiront des modifications au fil du temps.
Dès la fin des années 1840, Léon Allart introduit l’un des premiers peignages mécanisés de laine à Roubaix, profitant de l’invention récente de la peigneuse mécanique. Il installe son usine le long de l’ancien canal, comblé ensuite et devenu le boulevard Gambetta, et fabrique également du feutre pour l’habillement (en particulier pour les chapeaux) et l’ameublement.
Document archives départementales
Le peignage prend très vite de l’extension et participe à des expositions.
Le journal de Vienne 1905
Il traverse grèves et incendies, mais aussi la grande guerre.
L’Egalité 1903 et l’Express du Midi 1904
L’entreprise Allart devient ensuite Allart-Rousseau, puis la Compagnie Générale des Industries Textiles.
Document collection particulière
Mais l’usine, qui a employé jusqu’à 1200 ouvriers, est victime de la crise et doit fermer ses portes en décembre 1935. Le journal de Roubaix annonce en 1937 sa démolition prochaine, mis à part le bâtiment de gauche, relativement récent, qui va être épargné. Le journal évoque plusieurs projets possibles pour occuper le terrain, dont celui d’un lotissement. Il évoque également la possibilité d’élargir la rue Nadaud au même gabarit que le boulevard de Strasbourg. Une grande partie de l’usine est rasée en 1937-38, mais les bâtiments situés de l’autre côté de la rue Nadaud subsistent. Le même journal annonce en 1941 la démolition du cette partie de l’usine.
Documents Journal de Roubaix 1937 et 1941
C’est l’entreprise Vandecasteele, rue du Fresnoy qui procède aux travaux. La démolition se termine par l’abattage de l’ancienne cheminée qui dominait le peignage. Le journal se félicite de l’élargissement de la rue Nadaud « admirablement dégagée, … [elle] ne fait plus qu’un avec le boulevard de Strasbourg, dont elle continue la sobre perspective ».
La cheminée et la rue Nadaud. Documents Journal de Roubaix 1942
Le bâtiment épargné, près du petit Lycée est aujourd’hui reconverti en Lofts. L’ancienne ruelle des 15 ballots, reliant autrefois la grand rue et le boulevard, existe toujours, même si elle a perdu son nom et son statut dans la voirie urbaine pour devenir le parking privé de la résidence.
L’ancienne rue des 15 ballots, qui desservait l’usine – photo Jpm.
Sur l’espace libéré par l’ancienne usine vont se construire, au début des années 50, les collectifs du Galon d’eau.
La rue du Caire débute rue de Cartigny et traverse les rues d’Oran et de Constantine. Elle mesure 670 mètres de long sur 12 de large. Elle nous permet d’avoir un regard sur l’évolution de l’urbanisme roubaisien. On trouve en effet trace sur son parcours de différents habitats qui se sont succédé au cours des années. Réalisée au début du vingtième siècle, la rue du Caire comportait plusieurs courées qui ont aujourd’hui été murées, la cour Bonnard Pollet au n°14 (12 maisons), la cour Larnou au n°9 (20 maisons) et la cour Cruquenaire au n°128 (4 maisons). Mais elle connut aussi des expériences intéressantes d’urbanisme. La cité Saint Henri, des numéros 96 à 110, est construite en 1894 et inaugurée le 2 décembre 1894. Réalisée sur un terrain offert par les fils d’Henri Dubar Ferrier (d’où le nom de la cité), elle avait pour ambition de proposer des logements répondant à leurs aspirations. La construction fut réalisée par une entreprise de Wattrelos, cela coûtait 2310 francs par maison, et la location était fixée à 14,50 francs par mois. A cette époque, un bon ouvrier tisserand gagnait de 3,50 francs à 4,50 francs par jour.
La cité Saint Henri en 1894 Dessin paru dans le Journal de Roubaix
Citons aussi la série de maisons réalisée par la société anonyme Roubaisienne d’habitations ouvrières. Ces habitations sont reconnaissables à leur décrochement caractéristique. Victor Hache était le directeur de cette société, qui construisit notamment à Roubaix (avenue Linné, rue Michelet), à Wattrelos, et à Leers. Leur réalisation date des années vingt et ces maisons ont toujours fière allure.
Maisons de la S.A. roubaisienne d’habitations ouvrières Photo PhW
Depuis 1965, le CIL de Roubaix Tourcoing a construit des dominos, qui sont des résidences pour personnes âgées. Les premiers dominos réalisés se trouvent dans le quartier de Beaumont à Hem derrière l’église Saint Paul, et rue du Caire à Roubaix. Cette cité des Dominos se situe entre les numéros 105 à 143. Elle représente un véritable îlot résidentiel qui porte à présent le nom du Béguinage du Bon Repos. Depuis il y en a eu d’autres, à Leers, Wattrelos, rue de Toul, à Toufflers, à Lys lez Lannoy et à Roubaix, comme le béguinage Marlot ou le béguinage Brossolette, dans la rue et près de la tour du même nom.
Le béguinage du bon repos Photo PhW
Enfin, un immeuble résidentiel du CIL existait au bout de la rue du Caire, édifié au cours des années soixante. Il est mentionné dans le Ravet-Anceau, et il possédait neuf entrées, réparties entre les n°188 et 230. Nous n’en avons pas retrouvé d’images, ni la date de sa démolition. Le témoignage de personnes y ayant résidé nous permettrait de savoir quelles étaient les conditions de vie de cet immeuble, quel était son état et ce qui a décidé de sa destruction. Aux dernières nouvelles, une mosquée serait bientôt construite sur son emplacement.
D’après l’Histoire des rue de Roubaix par les Flâneurs et les témoignages des participants de l’atelier mémoire
En février 1977, la nouvelle poste centrale n’est pas encore terminée qu’on parle déjà de la nouvelle bibliothèque sur le carreau des halles, un plateau Beaubourg pour Roubaix (sic NE) ! Le samedi 12 février 1977, le Sénateur Maire Victor Provo pose la première pierre du nouvel édifice, dont l’architecte est M. Louis Georges Noviant, architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux. L’immeuble aura quatre niveaux et surplombera la nouvelle poste. Un vaste patio éclairera les salles de lecture. L’ancienne bibliothèque créée en 1959 cédera la place à la recette municipale.
La pose de la première pierre (Photo NE)
Il y a toujours de l’eau sous la place, c’est pourquoi il n’y aura pas d’installation en sous sol, ce qui était déjà le cas pour la poste. L’ensemble sera soutenu par des pieux forés de 15 mètres de profondeur. Son coût total est de près de 16 millions de francs (part ville 74%, part état 21% département 5%). Victor Provo se dit heureux de voir aboutir un projet qui lui tenait à cœur, et rappelle qu’un lectorat important fréquente l’actuelle bibliothèque. Il conclut avec ces mots : le bonheur est bien souvent dans le livre (.) Je n’ai qu’un seul regret, celui de ne pas avoir assez lu, de n’avoir pas eu suffisamment le temps de m’abstraire des réalités quotidiennes.
Le chantier en septembre 1977 (Photo NE)
Septembre 1977, les travaux avancent bien. La presse donne la description suivante du futur établissement : au rez-de-chaussée, l’accueil, le hall, la salle des journaux et périodiques, le déambulatoire, la salle polyvalente, une courette de service, l’appartement du concierge et l’atelier de reliure. Au premier étage, les salles de lecture, prévues pour 40.000 volumes en prêt direct, le service de prêt, le bureau du conservateur et de son secrétariat. Au deuxième étage, la section enfants, les bureaux de la centrale urbaine et de la conservation, les salles de manutention et de préparation, ainsi que celle du fonds régional. Enfin au troisième, des bureaux, une discothèque, une médiathèque, l’appartement du conservateur, les magasins et dépôts et le foyer du personnel. Ascenseurs et monte livres complètent l’équipement.
Le nouveau et l’ancien bibliobus (Photo NE)
Mars 1978, en attendant l’ouverture, un nouveau bibliobus est présenté à la presse. Les travaux seront terminés fin 1978, et l’ouverture au public est annoncée à Pâques 79. Quelques chiffres à l’ouverture du nouvel établissement : 9366 inscrits, 6478 adultes et 1377 adolescents, 1511 enfants. 7689 roubaisiens, et 1677 provenant de communes extérieures. Le fonds contient 105.288 livres, 5421 disques et 424 cassettes. Dans les nouveaux locaux, il y a un auditorium avec cellules individuelles et casques. Personnel à l’ouverture : Melle Bertrand, conservateur dispose d’une équipe de 40 personnes.
A la sortie de l’inauguration (photo NE)
L’inauguration se déroulera finalement le 18 mai 1979. La nouvelle bibliothèque est une maison de béton et de verre dont l’entrée principale donne sur la rue Pierre Motte, avec deux entrées secondaires sur la rue du Château. Deux façades vitrées donnent sur la rue, un patio central donnera davantage de lumière. On parle d’un nouveau forum culturel, car la nouvelle bibliothèque sera intégrée à un futur ensemble piétonnier. Elle offre de la place, des salles d’animation, notamment pour l’heure du conte, et une salle d’études pour élèves accompagnés par leurs enseignants.
Le centre culturel (Photo NE)
Le directeur du livre au ministère de la culture et de la communication, M. Jean-Claude Groshens préside, avec M. Paraf Préfet, Victor et Jean Claude Provo, le nouveau maire Pierre Prouvost. Pour l’occasion, première exposition dans la salle polyvalente : 156 gravures de nus de Picasso !