Les Hauts-Champs

Sur ce plateau dominant la Marque s’étendait jadis, sur plus de 14 hectares, une plaine céréalière avec ses moulins. C’était de la bonne terre, ravinée de larges tranchées où l’on trouvait une argile bien grasse. Des vaches paissaient et il n’était pas rare de croiser un berger, appuyé sur sa houlette, attentif à son troupeau de moutons. Du passé de cette plaine on ne sait pas grand chose si ce n’est qu’il s’agissait d’un fief de la seigneurie d’Herseaux. Plus récemment, elle s’était couverte de jardins ouvriers.

Vue aérienne des Hauts-Champs dans les années 1950 (Document IGN)

Jusqu’en 1955, c’est donc une vaste étendue d’environ 145.000 mètres carrés, située à la limite des 3 villes d’Hem, Lys-lez-Lannoy et Roubaix, destinée à la culture et l’élevage. De nombreuses fermes s’y trouvent encore lorsque l’offensive des constructeurs se déclenche brusquement pour faire face à une demande accrue de logements (baby-boom) et l’on passe sans transition du bucolique à l’urbanisation. Bulldozers, grues, malaxeurs, bétonneuses s’intègrent au paysage : des rues sont tracées et des espaces verts dessinés avec en immense toile de fond des logements.

En effet, un ensemble de 1395 logements y est créé de toutes pièces dont 885 construits par les HLM du Nord et 510 par la société HLM « Le toit familial » de Roubaix. Dans cette cité il n’y a cependant aucun magasin ni aucune perspective d’installation de commerces dans l’immédiat. Les habitants ne peuvent se ravitailler à relative proximité qu’en se rendant au supermarché Auchan de l’avenue Motte à Roubaix ou aux boucheries Michel situées au rond-point du CIL à Hem.

Publicité des boucheries Michel dans un journal de 1961 (Document Liberté -archives municipales de Roubaix)

Les logements construits par l’office départemental des HLM sont répartis en blocs collectifs tandis que « Le toit familial » bâtit également un certain nombre de maisons individuelles. Le quartier est d’abord un labyrinthe, avec ses immeubles et entrées numérotées mais sans aucun nom de rue.

En août 1959, la plupart des immeubles sont arrivés à leur hauteur de 4 étages. Restent à faire : les travaux de viabilité et les aménagements intérieurs. C’est l’année ou apparaît la nouvelle rue Calmette et la restauration de la rue Briet à présent dotée d’une belle chaussée.

La grande barre en fin de construction ; apparition de la rue Calmette et restauration de la rue Briet (Documents Nord-Eclair)

A cheval sur les villes de Roubaix-Hem, au début des années 1960, le quartier des Hauts-Champs c’est un grand ensemble tout neuf : des bâtiments terminés la veille, des voies nouvelles, certaines à peine ébauchées, une population jeune et peu traditionaliste.

Des fourgonnettes de marchands ambulants sillonnent les rues, une bétonneuse gronde sur le chantier de la nouvelle école en construction, et une machine tasse le terrain des parkings situés le long de l’avenue du Docteur Calmette, longue de 448 mètres qui relie l’avenue Foch à Hem à la rue Joseph Dubar à Roubaix.

C’est le long de cette rue qu’est édifiée la Grande Barre (appelée aussi la Muraille de Chine), le bâtiment B12, longue série de 420 logements destinée à loger les habitants des courées insalubres de Roubaix et accueillir les jeunes ménages en cette période d’après-guerre. L’ancienne plaine est devenue une ville de 5000 âmes.

Photos de la Grande Barre avenue Calmette sur Hem et Joseph Dubar sur Roubaix en 1962 (Documents Nord-Eclair)

Sur le seul territoire de la ville de Hem, en l’espace d’un an, on y relève la construction de 427 maisons individuelles et 195 appartements soit le logement de 2500 habitants dont une majorité de familles nombreuses. Après accord du ministère de l’Education Nationale, la municipalité prévoit pour Pâques 1963 la nouvelle construction d’un groupe scolaire comprenant 5 classes pour garçons, 5 classes pour filles et une grande salle de sports.

Quant à la première réalisation sociale sur le territoire même de la cité en devenir, elle s’élève également sur le territoire de Hem, avenue Laennec, rue longue de 427 mètres reliant le Square Berthelot à l’avenue Calmette. Il s’agit de la maison de l’Enfance que fait bâtir le Comité de Gestion des Centres Sociaux dans les quartiers neufs.

La Maison de l’Enfance des Hauts-Champs en construction en 1962 (Document Nord-Eclair)

L’immeuble présente 3 corps de bâtiments, de plain pied et reliés entre eux par des corridors. La construction comportera un bureau pour l’assistante sociale détachée de la Maison de l’Enfance des 3 Baudets, un service médical avec soins à domicile et un Centre d’enseignement ménager qui préparera le CAP, un cours de couture mais ni bibliothèque, ni consultation de nourrissons déjà fonctionnelles aux Trois Baudets.

En revanche un cercle de loisirs y sera destiné aux jeunes gens dans une vaste salle pouvant, le cas échéant, abriter un ciné-club ou toute autre réunion culturelle ou sportive. (Sur le sujet du Centre Social des Hauts-Champs, voir un précédent article édité sur notre site).

Plan de la Cité des Hauts-Champs en 1962 sur les territoires de Roubaix et Hem (Documents Nord-Eclair)

Sur le territoire de Hem, les noms de médecins, chirurgiens et hommes de sciences se partagent les rues neuves, à peine achevées, telles que : Albert Calmette (bactériologiste découvreur du BCG), René Laennec (découvreur de la méthode d’auscultation), Villemin (chercheur sur la transmissibilité de la tuberculose), Dominique Larrey (chirurgien militaire de la grande armée), Jean-Henri Dunant (fondateur de la Croix-Rouge)…

Plan actuel des Hauts-Champs (Document IGN)

Pour remédier à l’isolement et au sous-équipement de la nouvelle cité, dès leur arrivée, les locataires trouvent, sous leur porte, un feuillet contenant le plan du quartier, les adresses principales des services officiels les moins éloignés et les directions des commerces les plus proches. Cette initiative est celle de l’APF (Association populaire Familiale) de même que la nomination de responsables de secteur qui logent au sein du quartier.

Une première action collective s’organise autour du chauffage en septembre 1960 car le mois est particulièrement froid cette années là et la mise en route du chauffage avant la date habituelle du 1er octobre s’avère nécessaire. Mais l’association possède aussi son service de prêt de machines à laver, aspirateurs et cireuses, ainsi qu’un service d’aides familiales. Le manque de loisirs pour enfants plus âgés pose question dans une cité où le seul terrain de sports existant est un terrain de volley-ball fait à l’initiative d’un locataire.

Le terrain de volley-ball créé entre les immeubles par un locataire et le manque de structures pour les enfants en vacances (Documents Nord-Eclair)

Sur ce point l’inquiétude des familles logées dans les petites maisons (en opposition aux blocs collectifs) est grande : même si les routes sont terminées, elles ne sont pas encore éclairées ; quant aux jardins ils sont boueux et dépourvus de pelouse. Sur la rue, des matériaux trainent encore ainsi que des déchets divers qui peuvent représenter un danger pour les enfants s’ils jouent devant les maisons et des trous d’eau dangereux persistent qui attirent les enfants désireux d’y trouver des insectes. L’idéal serait donc la création d’un square dans un quartier où la plupart des familles ont entre 3 et 7 enfants et se posent la question de partir dans un autre quartier. En attendant, autour des collectifs les cultivateurs passent encore la herse pour une dernière récolte, celle de l’année 1962.

Derniers cultivateurs autour des collectifs en 1962 et où faire jouer les enfants à défaut d’aire de jeux? Rester ou partir ? Le trou d’eau qui attire les enfants .(Documents Nord-Eclair)

A suivre…

Remerciements aux archives municipales de Roubaix et à la ville de Hem.

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