Les têtes et la toiture

Avril 1986, la Ville de Roubaix, par la voix de Jacques Catrice, adjoint au maire chargé du commerce, est résolument optimiste sur l’avenir de Roubaix 2000. Après le départ d’Auchan, il fallait trouver une locomotive pour le centre, et c’est chose faite avec AS ECO. Mais il faut que les commerçants se redynamisent et reprennent confiance. Il faut également que les cellules vides soient rapidement occupées. Jacques Catrice rappelle que la municipalité aide et appuie les projets des commerçants dans la mesure de ses possibilités, mais ne s’immisce pas dans leur manière de gérer les affaires. Il est convié aux réunions de l’union du commerce de Roubaix, avec voix consultative, mais pas au-delà.

Roubaix 2000 en 1986 avant sa couverture Photo Nord Éclair

Certes, il y a des raisons d’espérer. Plusieurs commerces vont bientôt s’installer dans le centre commercial, suite à des conditions de location ou d’achat intéressantes. Un poste permanent de police municipale va être installé dans Roubaix 2000 pour sécuriser les lieux et passages. Un projet d’aménagement a été validé par la grande surface et la majorité des commerçants. Dans les six mois qui suivront l’achèvement de la couverture, le centre commercial sera entièrement rempli. Le démarrage des travaux est imminent, et c’est la fin annoncée de la maison des courants d’airs.

Cependant ce n’est pas tout à fait la belle unanimité. M. Michel Jacquart, président du GIE depuis juin 1985, vient de démissionner le 28 mars dernier de son poste de président, décision entérinée par 6 membres sur 8 présents ce jour là. Michel Jacquart, par ailleurs directeur de Naja tourisme, donne ses raisons : en septembre 1985, un accord est intervenu entre les commerçants, la municipalité et la grande surface pour créer un poste de directeur du centre commercial rémunéré par le conseil syndical et chargé de mener toute action en faveur du développement de Roubaix 2000. Il lui semblait important que ce directeur vienne de l’extérieur de la structure. Mais la majorité s’est prononcée pour Madame Macqueron (Maison de la Presse) comme directrice du centre, faute de candidats présentant un profil plus intéressant. M. Jacquart estimait que sur les trois candidats extérieurs au centre qui s’étaient présentés suite à une petite annonce dans la presse, l’un d’eux présentait un profil intéressant. Madame Macqueron a quand même été élue à l’unanimité des membres présents du conseil syndical, fin janvier 1986, pour une mission de trois mois. D’où la démission du président.

Un nouveau président est alors élu pour faire l’intérim. Il s’agit d’André dubois, tenancier du café le Belfort, élu à l’unanimité des membres présents, le 4 avril. Mme Macqueron et lui veulent éviter toute polémique. En mai, un nouveau président sera élu.  Madame Macqueron fait alors le bilan de son activité de directrice depuis janvier. Elle s’est occupée du suivi du dossier de la couverture, de la commercialisation des cellules vides, et des recherches d’économies à faire sur la copropriété. Pour ce dernier point, des compteurs de calories seront installés chez chaque commerçant, et chacun ne paiera que sa consommation, mais toute sa consommation. Elle présente l’argumentaire pour l’arrivée de nouveaux commerçants. Le centre commercial, c’est 46 commerces, dont une grande surface. Une dizaine de cellules déjà aménagées appartenant à des particuliers ou des commerçants sont  immédiatement utilisables, de même que les cellules inoccupées gérées par la mairie. On peut donc accueillir vingt à trente commerces des types les plus divers. Les conditions de vente et de location sont attractives, deux à trois fois moins chers qu’ailleurs. La situation géographique de Roubaix 2000 est très intéressante, en plein centre ville, avec un quartier en plein renouvellement : la caserne des pompiers démolie a laissé place à de nouveaux locaux pour la caisse d’allocations familiales, l’ancien hôtel des postes a été reconverti en université, et l’usine Motte Bossut devenue un centre international de la communication, est en passe d’accueillir les archives du monde du travail. Tout cela augure de l’arrivée d’une nouvelle clientèle constituée d’étudiants, de chercheurs et de fonctionnaires. L’ancien resto self de Roubaix 2000 va d’ailleurs être transformé en restaurant universitaire avec des services midi et soir. Un peu de statistiques pour terminer : 20.000 véhicules passent en moyenne chaque jour devant le centre. Et en moins d’une heure le samedi 27 octobre 1984, 3.500 personnes ont traversé le boulevard Gambetta devant Roubaix 2000 et 2.500 du côté du boulevard de Belfort. Le centre commercial serait-il devenu l’endroit où l’on passe ? Mais tout ce passage garantit-il que les gens s’arrêtent, consomment ou achètent ? L’arrivée de la police municipale et le gardiennage mis en place par les commerçants ont résolu le problème des petits délinquants. Ces arguments ont l’air de satisfaire les membres du GIE, car Madame Macqueron voit sa mission reconduite pour 3 mois.

 Projet de toiture publié par Nord Éclair

Qu’en est-il des travaux ? En avril 1986, Michel Ripoli, architecte à Wasquehal, présente le projet de couverture du centre commercial. Il rappelle que cela fait un an et demi qu’on travaille sur ce  projet, et que les avis divergeaient entre ceux du bas et ceux du haut, entre les commerçants et la mairie…Il évoque les projets : aménager un hôtel sur la moitié de l’étage, un promoteur était intéressé, mais pas de suite. Une réhabilitation totale était souhaitée, mais le budget ne le permettait pas. On voulait aussi refaire toute la décoration intérieure, là aussi, ce n’était pas possible, on verrait plus tard. Il fallait donc parer au plus pressé, et s’occuper de la couverture. Cette toiture va recouvrir 3000 m² de surface, ce qui est actuellement à découvert, plus les passages latéraux, et les auvents existants seront supprimés. Il s’agira d’une couverture en polycarbonate, matériau transparent ou translucide. Le translucide est plus résistant à la chaleur, mais il faut attendre l’avis de la commission de sécurité. Transparent, c’est évidemment plus agréable. MM Ripoli et Sauvage (lui est architecte à Marcq en Baroeul) ont travaillé avec le bureau d’études SETRAC à Lille qui a participé à la construction de Roubaix 2000 en 1968. Ils sont donc bien au fait de l’existant. La toiture sera soutenue par des charpentes métalliques, qui reposeront sur les piliers de béton actuels. Mais le toit ne se posera pas par ses extrémités latérales, il y aura un petit jour. Pour le support des plaques de polycarbonate, on utilisera une sorte de treillis métallique et les arches seront en aluminium. Il est précisé que ce type de couverture est souvent utilisé dans les bâtiments scolaires, les halls publics, les équipements sportifs. Quand les travaux seront finis, on remettra bien sûr la sonorisation, les lumières d’ambiance et la vidéo.

Projet de toiture publié par Nord Éclair

 La demande de permis de construire a été déposée en avril 1986. Il faut compter deux mois pour la réponse municipale, puis deux mois pour la réponse de la Direction Départementale de l’équipement à Lille, à cause de la proximité du site Motte Bossut classé bâtiments de France. Les travaux débuteraient donc en septembre pour se terminer en décembre.

Auchan soigne son look

Au début des années 30 s’installe l’usine de tissage Frasez sur l’avenue Motte. Les vues aériennes montrent un bâtiment rectangulaire avec une extension sur le côté opposé à l’avenue, et un auvent protégeant une entrée latérale. Cette usine deviendra après la guerre une filature de laine, avant de fermer définitivement à la fin des années 50. Elle va bientôt être reconvertie en surface de vente.

L’usine en 1957 avant sa transformation en magasin. Photo IGN

C’est ainsi que le supermarché qui prendra le nom d’Auchan ouvre en 1961 pratiquement sans modifier l’aspect extérieur du tissage. On ajoute simplement un bâtiment bas de part et d’autre de l’entrée latérale. Pour le reste, la direction se contente d’un coup de peinture pour tout ornement, sans doute à ce moment dans l’incertitude de la réussite du projet et dans le souci de diminuer les frais généraux. A l’origine, un premier intitulé annonçait l’ouverture du Supermarché qui n’avait pas encore de nom.

L’aspect du magasin en 1961 Photos Nord Matin

Puis le supermarché prendra le nom de Auchan, du nom du quartier où il se trouve. Les affaires se développent et le supermarché Auchan s’essaie à la vente d’autres produits. On peut ainsi apercevoir sur la photo suivante la station service qui s’est implantée au bord du parking. On notera également que le nom Auchan a été ajouté à la peinture sur le mur.

L’aspect du magasin en 1964. Photo Nord Éclair

Au cours de l’année 64, à présent confiant dans l’avenir du supermarché, le propriétaire entreprend des travaux supplémentaires autour du bâtiment. On érige une construction d’un étage qui prolonge la façade du magasin le long de la rue Braille. L’ancien bâtiment bas est englobé dans le nouveau, de même que l’auvent qui protégeait l’entrée. Par ailleurs, une extension est ajoutée de l’autre côté de l’ancienne usine. On voit sur la première photo aérienne le contour du bâtiment bas et on remarque que le parking ne dépasse pas l’extrémité du magasin, le reste du terrain étant en friche. La seconde photo montre l’ampleur des travaux entrepris. C’est une véritable métamorphose du supermarché !

Vue aérienne du magasin en 1962. Photo IGN
Le magasin en 64. photo IGN

 Le nouveau bâtiment côté rue Braille est destiné à abriter une galerie commerciale. Il est muni d’un auvent, et accueille 6 boutiques. Cette ajout est destiné à compléter l’offre du supermarché et à rendre le site plus attractif pour la clientèle. On constate également que la parking est allongé jusqu’à la limite du terrain disponible, et qu’une extension à ce parking est implantée derrière le magasin. Le nombre de places disponibles est accru dans une grande proportion. Par ailleurs, l’aspect de l’ensemble est considérablement modernisé et l’enseigne est nettement plus visible qu’auparavant. Le bâtiment de l’ancienne usine n’est désormais plus visible de l’extérieur.

L’aspect du magasin en 66. photo IGN

 Peu de modifications dans les années suivantes, marquées par l’ouverture de plusieurs super et hypermarchés de la marque, si ce n’est un élargissement important de la paroi recevant l’enseigne, celle-ci prenant ainsi un caractère plus imposant.

Photo Nord Éclair de 1980

Une ultime transformation pour moderniser le supermarché a lieu en 1980. La direction du magasin dépose une demande de permis de construire visant à modifier l’apparence des façades, sur lesquelles seront plaqués des bardages métalliques. La demande de permis présente l’état de l’époque, et l’aspect prévu après travaux.

Document archives municipales

Ces travaux sont menés tambour battant et une photo de 1981 nous montre l’état définitif de notre magasin.

Une vue de 1981. Photo Nord Éclair

Finalement, ces aménagements seront le chant du cygne de notre supermarché. La société fermera ce site en 1985 pour se consacrer au développement d’hypermarchés qu’elle ne cessera de multiplier en France et à l’étranger.

 

 

Auchan quitte Roubaix 2000

Coup de tonnerre en 1985, Auchan va fermer son implantation dans le centre commercial Roubaix 2000 ! La transformation du magasin pour accueillir une autre enseigne du groupe (Miniper, surface plus petite de centre ville) est envisagée. Les discussions se passent mal : Miniper veut réduire ses charges en rendant de la surface et en supprimant le chauffage dans son magasin, tous ces frais revenant à la charge de la copropriété. Le transfert avec Miniper ne se fera pas. La direction d’Auchan 2000  annonce par un bref communiqué de presse la fermeture pure et simple pour le 1er mai ! Il est conseillé à la clientèle de reporter ses achats sur les autres magasins Auchan de la région. Une pleine page de publicité dans Nord Éclair rappelle tous les avantages de « l’hypersympa » Auchan Leers tout proche.

La colère et la déception se retrouvent dans la réaction de Mme Macqueron présidente du GIE de Roubaix 2000. Elle estime que toutes ces péripéties –annonce de la fermeture et du remplacement d’Auchan- ont entraîné le départ de 20% de commerçants depuis un an. En mairie, on s’active pour trouver une solution de remplacement au départ d’Auchan.

Auchan s’en va, As Eco arrive Photo Nord Éclair

La fermeture intervient le 1er mai sans qu’une solution de rechange soit trouvée dans l’immédiat. De fait, il faudra attendre juillet pour que l’enseigne AS Eco, une chaîne de magasins de la région parisienne, devienne le successeur officiel d’Auchan pour Roubaix 2000. Par voie de presse, la direction d’Auchan informe les roubaisiens de la reprise des supermarchés Auchan Motte et 2000. Le reclassement du personnel s’est opéré de la manière suivante : sur les 183 personnes qui travaillaient dans les deux magasins, 163 ont été reclassées dans la société Auchan, et 20 personnes dans la société AS ECO. Le magasin de l’avenue Motte doit rouvrir le 17 juillet, et celui de Roubaix 2000 courant septembre.

La société Auchan explique ensuite son choix d’orientation : céder ses magasins de proximité afin de mieux concentrer son activité sur l’exploitation de ses hypermarchés de Roncq, Leers, Englos et V2 de façon à mieux donner satisfaction à sa clientèle de la métropole.

L’enseigne AS Eco Photo Nord Éclair

Le désengagement roubaisien aura été total, car Auchan abandonne aussi son berceau de l’avenue Motte, également repris par As Eco. En 1985, Roubaix a donc perdu Auchan.

On se souvient encore de l’onde de choc, notamment dans le quartier du Nouveau Roubaix : Quand Auchan Motte est passé à la trappe, on n’a pas compris. La fermeture a été une surprise générale, tout le monde était habitué à Auchan. Ça a été une catastrophe dans le quartier, la fermeture, où allait-on aller ? à Leers ? Oui, mais pour ceux qui n’avaient pas de voiture ? Le remplacement ne s’est pas fait facilement. As Eco n’a pas pris. Il a fallu l’arrivée d’Inter marché pour que ça reprenne. Et encore, ça n’est plus comme avant….

La réouverture du supermarché de Roubaix 2000 avec la société AS ECO aura lieu comme prévu en septembre 1985. A sa tête, un ancien du magasin Lemaire qui précéda Auchan, M. Jean-Claude Leclerc. Il est optimiste : aujourd’hui la ville de Roubaix est en train de redémarrer. Il n’y a aucune raison pour que la clientèle roubaisienne ne vienne pas à nous.

On apprend au même moment que le différend judiciaire qui opposait les commerçants de Roubaix 2000 avec leurs assurances, touche à sa fin ; Les travaux dont le coût évalué à 2,5 millions de francs sera réévalué, vont être effectués.  A l’époque où tout se transforme à Roubaix, Motte Bossut en site d’archives, et en centre international de la communication, et on l’on envisage l’arrivée du métro, ce redémarrage de la locomotive du centre commercial apparaît comme une dernière chance pour remettre le train Roubaix 2000 sur de bons rails.

Peau neuve pour Roubaix 2000

En 1983, 30 millions de centimes de travaux ont été exécutés dans le centre commercial Roubaix 2000 : on a refait la peinture intérieure, les murs et les plafonds. Des globes ont été positionnés autour des lampes d’éclairage et on a mis des spots lumineux dans les jardins intérieurs. Pour la décoration, la mairie a offert une dizaine de jardinières qui égayent l’entrée.

Il est désormais fait interdiction aux vélos de rouler dans les allées du centre. La sécurité s’est améliorée, trois agents de sécurité patrouillent en permanence, accompagnés en cela par deux gardiens rémunérés par les commerçants, et un système vidéo a été installé.

L’entrée du centre commercial en 1983 Photo Nord Éclair

Il reste à débloquer les crédits de la malfaçon, d’ici deux ou trois mois, et on devrait s’occuper du carrelage de l’étage et des problèmes d’étanchéité. Mme Macqueron, nouvelle présidente du GIE, insiste sur le fait de casser la mauvaise image de marque du centre commercial : c’est une affaire de longue haleine, qui doit être le fait de l’ensemble des commerçants.Le nouveau maire André Diligent vient saluer les commerçants et dire toute l’importance de Roubaix 2000 pour la ville. Ceux-ci espèrent que la ville trouvera des acquéreurs pour les cellules vides. Mi 1984, le centre commercial Roubaix 2000 présente sa carte fidélité. Les commerçants enchaînent les animations.

Animations  du mois de mai 1984 Photo Nord Éclair

En novembre 1984, on connaît le contenu du projet d’aménagement : couverture de la terrasse du premier étage avec création de deux surfaces commerciales, amélioration de l’accès à l’étage, agrandissement de la trémie et réaménagement de l’escalier, couverture des mails du premier étage, réorganisation des courants de circulation aux deux niveaux. L’entrée du centre sera relookée…Tout est en place pour que Roubaix 2000 fasse peau neuve…

Le projet de réaménagement présenté dans Nord Eclair

Motte Bossut magasin d’usines

La commission départementale d’urbanisme commercial se réunit le 4 juillet 1983 pour statuer sur un projet de M. Ghislain Dalle. Il s’agit de réunir sous un même toit une trentaine de fabricants qui vendraient des articles de marque, déclassés, dégriffés ou des fins de série. Cette surface de magasins d’usines s’implanterait dans les bâtiments de l’usine Motte-Bossut, avenue Alfred Motte. Le projet est autorisé par décision de la commission : 13 voix pour et 5 contre, dont celles de MM Catrice adjoint et Carton conseiller général.  Toujours en juillet 1983, le commerce roubaisien se déclare opposé à ce projet. En Décembre 1983, intervient un événement important, l’union du commerce de Roubaix est née. Il ne s’agit pas d’une fédération des unions commerciales, qui continuent de subsister. C’est plutôt une structure de dialogue et de concertation, qui aborde les sujets suivants : sécurité, circulation, urbanisme commercial, animation commerciale. Les membres de cette union joueront le rôle de députés du commerce roubaisien. Premier chantier envisagé, une grande animation commerciale pour la ville. Parrain et marraine, le maire de Roubaix et la chambre de commerce. Le Président est Jules Rouvillain, commerçant Grand rue (magasins de jouets Récréation), ex juge au tribunal de commerce. Souhaitée par l’ancien maire Pierre Prouvost, cette naissance est due à André Diligent et Marcel Delcourt, aidés par Jacques Catrice et Jean Papillon, élu roubaisien à la chambre de commerce. Lille et Tourcoing possédaient déjà une telle structure. On trouve dans le bureau, la plupart des présidents des unions commerciales de Roubaix.

 Motte Bossut, l’usine en travaux, Collection direction de l’Usine

En Février 1984, les commerçants du centre réaffirment leur opposition au projet Dalle. Leur présidente, Mme Harmand, écrit au maire et au président de la chambre de commerce. Elle dit que les commerçants ont été mis devant le fait accompli au début de l’été après l’avis favorable de la commission départementale. Jean Papillon dit qu’il a toujours été opposé au projet, et qu’il n’est pas trop tard pour le faire capoter. Le président de la chambre de commerce a intenté un recours auprès du tribunal administratif, et en attendant le projet est suspendu. Mais il souhaite le soutien unanime des commerçants. Les commerçants s’étonnent : pourquoi la mairie est-elle d’accord avec le projet ?

André Diligent répond : je serais un idiot de faire quoi que ce soit contre le commerce roubaisien. Il aurait voulu que ce projet se fasse dans le centre ville, et il en dit toute l’originalité aux États-Unis. Il voit aussi la perspective de faire venir des acheteurs à Roubaix par cars entiers. Et il ajoute : si cela doit être un succès, essayons d’en tirer profit. Et si ça ne marche pas, tant pis. Il signale qu’il n’a pas le pouvoir d’empêcher le permis de construire. Il termine en élevant le débat : ne faisons pas comme si l’avenir du commerce de Roubaix était lié à ce projet des cousins Dalle ; il est d’abord fonction du pouvoir d’achat des roubaisiens. Dans cette affaire je n’ai qu’une idée, je voudrais que pour la région le slogan soit évident, Roubaix, la ville où l’on fait des affaires.

Les unions commerciales de Roubaix votent alors à bulletins secrets par le biais de la fédération, et le résultat est mitigé : la moitié est pour, l’autre contre. Le projet des cousins Dalle semble difficilement pouvoir être remis en cause. La mairie a obtenu des promoteurs que les articles de premier choix soient exclus à la vente et que 70% des produits français y soient vendus, et que dans le comité de gestion, il y ait un représentant de la mairie et un commerçant roubaisien.

Le 24 février, M. Dalle annonce que l’Usine ouvrira en mai. Cet ancien cadre des établissements Décathlon s’est lancé dans ce projet d’entreprise avec l’aide de son cousin Hugues Dalle conseil en entreprise. Il a choisi d’implanter à Roubaix ce concept de magasins d’usine si florissant aux États Unis, parce qu’il y a des friches industrielles, avec des conditions de loyer et de charges raisonnables. Il présente Roubaix comme une terre de réussite pour les entreprises de distribution.

 Les aménagements intérieurs de l’Usine Collection Direction de l’Usine

Il a racheté l’ancienne usine de velours Motte Bossut, le baptise à l’Usine, et 7.500 m² de surfaces commerciales y sont aménagés. Les bâtiments existants seront conservés, et cloisonnés en cellules indépendantes à une trentaine d’industriels dont bon nombre de la région, et qui cherchent à écouler leurs fins de série.

Selon Guislain Dalle, les commerçants roubaisiens ne doivent pas avoir peur, car un industriel ne mettra pas sur le marché des articles qui le couperaient de son réseau de détail. Il mettra ici d’anciennes collections. On ne trouvera pas les mêmes articles qu’en centre ville. Il pense que l’Usine attirera du monde à Roubaix. Il dit ne pas avoir de groupe derrière lui, gérer son affaire avec son cousin et des actionnaires qui croient à la réussite du projet.

 L’Usine et alentours en 2001 Collection Direction de l’Usine

En Mars, M. Loviton président des commerçants de l’Epeule, résume ainsi la position des contre : les commerçants n’ont pas été informés, et ils sont opposés au projet. Il estime qu’il s’agit de concurrence déloyale pour beaucoup de commerces, et demande de la liste des fournisseurs afin de boycotter leurs marques. Il trouve regrettable que des hangars aient la faveur du public, alors que tant d’efforts sont faits pour enjoliver la ville avec des façades et magasins attrayants. Il ajoute que les cours de vendeurs de Cepreco n’ont plus lieu d’être, puisque pour vendre des rebuts, il ne faut pas être diplômé. Il trouve enfin regrettable que l’image de marque de Roubaix soit celle de capitale des invendus et des seconds choix. En conclusion, il regrette que les élus roubaisiens aient été favorables au projet, et annonce que ces expériences se font au détriment du commerce indépendant, et que cela ne fait que commencer !

Le centre commercial de magasins d’usines ouvre le mardi 15 mai 1984, et il réunit 50 fabricants essentiellement textiles. Le rachat de l’usine a coûté 5 millions de francs, et l’investissement total se monte à 14 millions de francs. Une première phase de travaux a concerné le bâtiment à l’angle de l’avenue Motte et de la rue Michelet, pour 6000 m² de vente sur trois niveaux, autant qu’un magasin Printemps. L’aménagement est rudimentaire : peinture sur les murs, moquette au sol, cloisons amovibles…Les 50 fabricants se répartissent en 28 magasins, certains s’associant pour réduire les frais généraux. Les articles sont 40% moins chers, ce sont des fins de série, des articles de collection ou déclassés. La location des cellules équivaut à un loyer correspondant à 3% du chiffre d’affaires, une association réunit tout le monde et un règlement intérieur a été établi.

Les premiers fournisseurs de l’Usine Publié par Nord Éclair

Une deuxième tranche de travaux sera terminée pour le dernier trimestre 1984. On prévoit un nouveau bâtiment de 3.000 m², pour l’équipement de la maison, et l’aménagement d’un parking couvert. En attendant, l’usine est ouverte tous les jours de 10 h à 19 h sauf le dimanche.

 L’ouverture de l’Usine Photo Nord Eclair

L’ouverture est un succès. C’est dix fois plus que ce que j’espérais dit Ghislain Dalle, qui se félicite de la neutralité bienveillante des anciennes et actuelles équipes municipales, et réaffirme son souhait que Roubaix devienne la capitale des bonnes affaires. A bon entendeur…

D’après les articles de Nord Éclair
Remerciements à la Direction de l’Usine pour les documents iconographiques

Une cinquantaine d’enseignes

Roubaix 2000 poursuit ses efforts pour s’intégrer dans la vie et la ville roubaisienne. Ainsi crée-t-il sa braderie annuelle le lundi 27 avril 1981. En 1982, le centre commercial Roubaix 2000, c’est 50 petits commerçants qui sont pour 50% dans la copropriété, Auchan pour 30% et la ville pour 20% pour les cellules non occupées. La répartition entre les types de  commerces s’établit comme suit : il y a une majorité de commerces vestimentaires, quinze enseignes (vêtements adultes, enfants, lingerie, bonneterie), auxquels on peut ajouter quatre marchands de chaussures, trois solderies, et deux négoces de tissus. Avec le service de nettoyage des vêtements et la maroquinerie, c’est plus de la moitié des commerçants de Roubaix 2000 !

Roubaix 2000 en 1983 Publicité Nord Éclair

Les commerces de l’alimentation viennent ensuite, avec la restauration, café brasserie le Belfort, pizzeria Russo, restaurant La Fourchette et le Restoself 2000, une boulangerie et une confiserie, sans oublier l’importante présence d’Auchan. Viennent ensuite les services bancaires (Crédit Lyonnais, Crédit du Nord) les assurances de la Macif et une permanence des Assedic. Enfin, on trouve deux commerces de cadeaux, une bijouterie, un disquaire (discocave), un magasin d’électronique (Tandy), un magasin de jouets, un fleuriste, une parfumerie et une maison de la Presse. Et bien entendu, les deux salles de cinéma, Colisée 2 et 3.

Roubaix 2000 en 1983 Publicité Nord Éclair

Les travaux de remise à neuf  s’élèvent à un montant de 20 millions de francs, dans lesquels la moitié serait supportée par les commerçants et le reste par Auchan et la ville, en attendant que la bataille pour les malfaçons aboutisse…. On récapitule les aménagements à effectuer d’urgence : favoriser l’accès par la place de la Liberté et le boulevard de Belfort, améliorer l’accès et la sécurité du parking souterrain, couvrir le centre et le fermer, modifier la circulation à l’intérieur du centre…

Publicité Nord Éclair

L’animation continue : à la fin de l’année 1982,  Roubaix 2000 organise une animation autour du dernier film sorti par Walt Disney, l’avant-gardiste Tron.

La presse donne quelques statistiques : le chiffre d’affaires annuel moyen de Roubaix 2000 s’élève à 7700 francs le m², et c’est le plus bas de tous les centres commerciaux de France. On pourrait atteindre 12.000 francs le m², selon les spécialistes. Après une étude pour les travaux, il apparaît que les commerçants ne pourraient prendre en charge qu’une part de 4,8 millions, encore s’endetteraient-ils pour 20 ans ! La ville participera à hauteur des surfaces non occupées, et Auchan qui pense à son développement régional, se fait tirer l’oreille… On apprend alors que la copropriété a gagné son procès contre les malfaçons. On attend une rentrée de 1,5 millions de francs. Arnold Seynaeve, nouveau président du GIE, croit au développement, mais il faut une décision avant la fin de l’année. Il déclare :

si les trois parties n’arrivent pas à s’entendre sur un projet de rénovation du centre commercial, il n’y a plus qu’à raser Roubaix 2000, car il est impossible de continuer plus longtemps comme cela !

Sombre présage…

Charbons et automobiles

En 1932, les travaux de construction du pont supérieur entraînent l’expropriation de M. Raux, négociant en matériaux, au 289 boulevard de Beaurepaire, après le passage à niveau. Il va alors s’installer sur le boulevard Industriel près du passage à niveau du Carihem, et dépose une demande pour la construction d’un mur de clôture et pour la construction d’un magasin, au n° 171. Deux ans plus tard, Edouard Raux fait bâtir une maison d’habitation sur la partie du terrain situé en bordure du boulevard industriel. L’architecte choisi par le propriétaire est René Dupire. On peut toujours voir cette maison de nos jours, de même que le mur de clôture.

Document Archives municipales

M. Raux apparaît en 1935 dans le Ravet Anceau, sous la rubrique « matériaux de construction ». Au début des années 50, il devient négociant en charbons. En 1959 apparaît, en plus de la mention des charbons Raux, la raison sociale SAVCA, combustibles liquides et gazeux. Les photos aériennes de 1953 nous montrent l’existence d’un embranchement particulier sur la voie ferrée centrale de l’avenue Salengro, permettant aux wagons de décharger directement dans la cour de l’entreprise. L’aiguillage d’accès était placé au niveau de l’actuelle avenue de Verdun ; c’est le seul embranchement sur cette voie. On distingue nettement les différents tas de charbons, et en haut de la photo, plusieurs tombereaux SNCF qui viennent d’être déchargés,  et un tronçon de la voie qui suivait l’axe de l’avenue Roger Salengro.

Photo archives municipales et photo Jpm
 

En 1970, l’entreprise se diversifie : parallèlement à la SAVCA, apparaît à la même adresse la société nouvelle de carrosserie automobile. En revanche, il n’est plus fait mention de commerce de charbons. L’entreprise a disparu en 1974,  M. Raux a sans doute pris une retraite bien méritée…

Photo Archives municipales

Le Ravet Anceau de 1979 mentionne les Établissements Ponthieux automobiles, concessionnaires Ford au 209, et J. Leys au 227. La photo aérienne nous montre qu’une partie du terrain a été distrait de l’ensemble pour y construire des maisons, et que les voitures ont désormais remplacé les tas de charbon !

Documents archives municipales
 

Le Ravet Anceau de 1987  indique toujours le garage Ponthieux, concessionnaire Ford, mais bientôt l’affaire est vendue à M. Rogier qui installe avenue Roger Salengro le garage Valauto sous la marque Volkswagen-Audi. Ce garage était précédemment installé au coin de l’avenue Motte et de la rue Jean-Jacques Rousseau, près de l’Usine sous l’enseigne MBBM, et son propriétaire était alors M. Mandron. Le départ du garage permettant à l’Usine de s’étendre – juste retour des choses – sur un terrain qui faisait partie, à l’origine, de l’usine de velours Motte-Bossut.

Photo Jpm

La Florentine

A peine le boulevard de Fourmies est-il ouvert, qu’est déposée en 1896 une demande de permis de construire pour un bâtiment à usage de commerce. Il s’agit d’un estaminet, au numéro 77, dont  le tenancier est M. Plankaert, de 1901 à 1926. Lui succèdent en 1927 MM. Delerue, et Sergheraert en 1929. A la suite de la renumérotation du boulevard, l’estaminet devient le 135 en 1934. M. Dourcin le reprend en 1939.

La demande de permis de construire – la porte est au centre de la vitrine -document archives municipales

Après guerre, le commerce devient une boulangerie,  alors qu’au même moment, s’installe juste en face une boulangerie concurrente, au 132, laquelle est tenue par le pâtissier Fassin, à l’emplacement d’un ancien magasin de lingerie. Une photo nous montre la future boulangerie avant sa conversion, sur laquelle on voit que la vitrine est toujours conforme au plan de 1896,  avec sa porte centrale.

Le magasin. Au fond l’usine Dazin-Motte et la place du Travail – Photo collection Bernard Thiebaut

On note que la boulangerie est tenue en 1953 par M. Routier, puis par M.Henou en1961. En 1977, Joseph Guesquière, le nouveau boulanger, demande un permis de construire pour aménager le magasin. On remarque sur le plan que l’état « avant travaux » est différent de celui de 1896 : la porte du magasin est maintenant placée à gauche de la vitrine. Les travaux projetés nous montrent l’état actuel de la boulangerie, avec la porte d’entrée élargie et replacée au centre.

Les états antérieur et projeté. Document archives municipales.

M. Guesquière tiendra la boulangerie quelques années, jusqu’à l’arrivée de Patrick et Pascale Hermand, venus de l’Avesnois où ils exerçaient depuis 1962, et qui gèreront la Florentine de 1990 jusqu’en 2002. Ils lui donneront une grande expansion grâce à leur pâtisserie fine, renommée en particulier chez les amateurs de chocolat. Après leur départ pour Lille, où ils ouvrent des commerces dans le vieux Lille et dans le quartier de Wazemmes, on assiste en 2002 à l’arrivée  de Marlène et Eric Morin, venant de Villeneuve d’Ascq où ils exploitaient  une première affaire depuis 1995. Ils conservent à la Florentine sa tradition de qualité, appréciée de la clientèle. Leur établissement emploie vingt-cinq personnes, dont six apprentis. Ce commerce aura fait preuve depuis l’origine d’une belle stabilité : estaminet pendant plus de 50 ans puis boulangerie-pâtisserie pendant un temps au moins égal ; on peut assurer que rien ne laisse présager de sa fin !

Document Hermand

Malfaçons !

Janvier 1981. Le centre commercial Roubaix 2000 est dans un état déplorable. C’est une véritable passoire : l’eau pénètre partout et cause des dégâts importants. Cinq pompes fonctionnent constamment pour que le parking souterrain ne soit pas inondé. Des crevasses apparaissent, des joints de dilatation, de la rouille. Tout ceci est du à des malfaçons. Et l’on apprend que la ville a engagé une procédure depuis 1972, année d’inauguration, et que le syndic des commerçants a pris la suite en 1975, notamment  pour faire jouer la garantie décennale.

La pluie à l’étage ! Photo Nord Éclair

On brocarde l’architecte, grand prix de Rome, qui a conçu un véritable blockhaus en centre ville. Même si les commerçants ont payé de leurs deniers la pose de glaces au rez-de-chaussée pour couper les courants d’air, l’étage de Roubaix 2000 reste ouvert à tous vents. On dénonce dans la presse l’irresponsabilité des promoteurs et l’inconscience des entreprises. Le tribunal doit établir les responsabilités des entrepreneurs, et la bataille d’experts est engagée. On parle d’ores et déjà de réhabilitation, à l’image de ce qui se passe pour les constructions d’autres grands prix de Rome, situés dans les quartiers sud de la ville. Il s’agit en effet de procéder à des réparations urgentes, et de fermer le centre pour qu’il soit à l’abri de la pluie et du vent.

La fermeture du rez-de-chaussée Photo Nord Éclair

Entre-temps Roubaix 2000 perd l’un de ses défenseurs les plus actifs. Roger Fruit était le Président du Groupement d’Intérêt Économique du centre commercial depuis 1973. Il faisait partie des quelques commerçants qui avaient connu les péripéties des déménagements successifs. Ayant repris en 1957 la maroquinerie de son père, située 56 rue de Lannoy, Monsieur Fruit s’en va occuper en 1964 un magasin du centre de transit du Lido, avant de rejoindre le nouveau centre en 1972. Il décède en ce mois de janvier 1981. La bataille juridique engagée pour cause de malfaçons sera plaidée en mars 1981. On évalue les réparations à plus d’un million et demi de francs. Les entreprises pourront faire appel, ce qui repoussera d’autant l’exécution des réparations. Des travaux conservatoires sous contrôle d’expert sont envisagés…Malgré toutes ces péripéties, les commerçants croient encore à la réussite du centre commercial, comme le montre leur important budget publicitaire. Auchan joue son rôle de locomotive en drainant plus de 100.000 clients chaque année, les aménagements pour le tramway et l’arrivée prochaine du métro ne peuvent que renforcer leur optimisme.

A l’étage, la galerie des courants d’air Photo Nord Éclair

Cependant, il faut bien constater que 13% des cellules commerciales sont encore vides, et ce sont celles qui subissent le plus l’humidité. Il reste l’étage à couvrir, et les soixante dix commerçants sont prêts à assumer la dépense d’un million de francs que couterait une telle opération. Enfin, il y a le problème du parking, sous utilisé, à cause de l’humidité et de la sécurité. Il est bien proposé qu’il soit gratuit, mais est-ce vraiment une solution ?

Auchan, Sasi, Coop

La cité des Hauts Champs voit ses premiers locataires arriver en 1960. Les appartements sont neufs et modernes : les murs sont peints en blanc, le sol est couvert de lino, il y a des placards de rangement, une salle d’eau et des toilettes privées. Mais ce nouveau quartier de neuf cents logements est une petite ville aux rues caillouteuses, mal desservie par les transports en commun, éloignée de tout service public. Le ravitaillement est un véritable problème. Il n’y a pas de commerce de proximité. Les gens vont faire leur courses dans le quartier de la Justice, rue de Lannoy, ou encore boulevard de Fourmies, et ce n’est pas tout près. Il existe bien des fermes du côté d’Hem, mais elles sont à distance.

Trois enseignes commerciales vont s’installer, avant que les Hauts Champs ne se complètent avec d’autres constructions (Chemin vert, Longchamp), ce qui fera plus que doubler la population résidente.

Le 23 décembre 1961, le Préfet du Nord, M. Hirsch, inaugure un super-marché (avec le tiret) dans une ancienne usine de l’avenue Motte, il y a peu de temps encore une filature de laine. C’est le premier Auchan de France. Il se présente comme un « libre service intégral », propose une surface de 1140 m² de surface de vente et 1200m² de réserves. L’entrée se fait du côté de la rue Braille, et un parking de 200 voitures a été aménagé juste devant, ce qui est signalé comme une nouveauté. Autre nouveauté, le gain de temps, on trouve de tout et on dispose de paniers roulants (sic) qu’on peut amener jusqu’à la voiture. Le gain d’argent est également un argument fort, c’est d’ailleurs la devise du supermarché « plus de marchandises pour moins d’argent ».

Que trouve-t-on dans ce premier super-marché ? Les rayons suivants : épicerie, fruits et légumes, crémerie, boucherie, vins, bières, eaux minérales, confiserie, pâtisserie, boulangerie, produits d’entretien, petite quincaillerie, vaisselle, papeterie, librairie, jouets, disques (avec un appareil d’écoute automatique), rayons textiles et habillement, bonneterie, sous vêtements, linge de maison.

Parmi les invités ou personnalités, les maires d’Hem et de Croix, les représentants du patronat textile Maurice Hannart, Louis Mulliez, le président du centre paritaire du logement Ignace Mulliez, successeur d’Albert Prouvost, promoteur de la cité des Hauts Champs, les PDG des Trois Suisses, de la Redoute…

Le supermarché Sasi est inauguré le 29 avril 1963 avenue Laennec à Hem. C’est le deuxième de la chaîne d’établissements dont Jacques Bruyelle, présent pour l’occasion, est le PDG. Le nouveau magasin fait 350 m² : 190 m² sont consacrés à l’alimentation, produits frais et liquides, et 130 m² au non alimentaire. Un stand boucherie de 35 m² est tenu en concession par un homme du métier, et un stand de teinturerie, blanchisserie, nettoyage à sec est proposé par un des actionnaires du supermarché, les établissements Duhamel.

Le maire d’Hem, des représentants de la direction du CIL, la directrice de la Maison de l’enfance des Trois Baudets, assistaient à l’inauguration. Le gérant associé est M. Lepetit entouré de son PDG et de ses collègues, ainsi que M. Duhamel et Val des teintureries Duhamel, et d’un représentant de la société Delespaul.

C’est le 12 avril 1965 que les Coopérateurs de Flandre et d’Artois inaugurent leur 686e point de vente COOP, dans le quartier des Hauts Champs, rue Emile Zola prolongée. A cette époque en effet, la rue Degas n’existe pas encore, car les sols de la rue n’ont pas été viabilisés. C’est un super COOP de 235 m² conçu selon les plans de l’architecte Houdret. Parmi les invités, un représentant de la ville de Roubaix, quelques directeurs de sociétés. Les premiers gérants sont les M et Mme Lefebvre.

 Où se trouvait donc exactement cette supérette ? Les témoins la situent juste à côté du local de la chaufferie, de l’autre côté d’un sentier remontant vers la rue Joseph Dubar. Aujourd’hui tout a disparu, chaufferie et magasins, des témoins se souviennent qu’un marchand de fruits et légumes a succédé à la COOP, et il y aurait eu un salon de coiffure. En 1983, un plan établi pour la rénovation du bâtiment Degas porte la mention anciens commerces, là où à peine vingt ans plus tôt une supérette est venue s’implanter au milieu du quartier. Ce fut aux dires des témoins la seule tentative de commerce de proximité intra Hauts Champs.