Les ouvrières du Pas de Calais

Nord Eclair 1964

L’emploi du personnel a toujours été limité dans les mines : la loi leur interdit le travail « au fond » depuis la fin du 19ème siècle. On les limite au triage de charbon, ou à la lampisterie pour distribuer les lampes aux mineurs avant leur descente, mais les progrès technologiques et les réglementations plus soucieuses du bien-être vont progressivement leur fermer ces deux tâches. Elles se retrouvent petit à petit sans emploi dans le Pas de Calais qui n’offre pas, à l’époque, de solutions de remplacement.

Par ailleurs, dans le Nord, l’industrie textile manque de bras. Après guerre, on se tourne donc naturellement vers la main-d’œuvre féminine issue du Pas de Calais où les jeunes filles se sentent attirées vers les emplois stables qu’offre le textile dans la métropole Lille-Roubaix-Tourcoing pour un personnel non qualifié.

Mais il est impensable de transporter cette population et on imagine d’organiser chaque matin un ramassage et un retour après chaque journée de travail, c’est à dire après-midi, pour l’équipe du matin,et le soir pour celle de la mi-journée. On emploiera pour ça dans des essaims d’autocars qu’on appelle les « bus des mines » . Nord Eclair en 1964 estime leur nombre à près de 400.

Photo L’Usine

Il faut se lever à 2h du matin pour prendre son poste à 5. Pour l’équipe du soir, le retour se fait à 22 heures 30. On se rend souvent à vélo sur le lieu de ramassage. Le temps de trajet est accru par le nombre d’arrêts pour ramasser ou déposer d’autres ouvrières. L’hiver, il faut braver brouillard et verglas pour faire les 60 à 80 kilomètres du trajet qu’elles parcourent, ensommeillées, chaque jour matin et chaque soir. Entre les trajets d’arrivée et de retour, une dure et longue journée de travail.

Photo Archives municipales

Les passagères doivent souvent participer aux frais de transport, le restant étant à la charge de l’entreprise. Elles sont jeunes, parfois très jeunes, tout juste titulaires du certificat d’études, et prêtes à prendre n’importe quel poste pour faire « bouillir la marmite ». Souvent, elles arrêtent le travail lorsqu’elles se marient pour se consacrer aux enfants. Parfois, elle reprennent le métier quelques années plus tard.

Un article de Nord Matin fait état en 1961 de 1000 ouvrières et ouvriers venus du Pas de Calais et précise que le pourcentage du personnel féminin est en décroissance, passant de 50 % en 1954 à 46 % en 1960. A partir de ce moment, la crise du secteur textile des années soixante-dix va entraîner progressivement des licenciements et finalement la fermeture des usines et la disparition des bus de ramassage.

Nord Matin 1961

Nord Matin 1961

Avec le plan de formation mis en place dans le cadre de la reconversion du Bassin minier, on tentera de leur trouver d’autres débouchés dans de nouveaux secteurs pour des emplois qui seront assurément situés plus près de chez elles.

Photo Médiathèque de la Source – Harnes – Pas de Calais

Les documents proviennent des archives municipales et de la médiathèque de Roubaix.