La ferme et l’hôpital

Bury-Prinpont est une ferme relativement ancienne, puisqu’elle figure déjà sur la carte de Cassini, datant du 18ème siècle. Située au Pont rouge, à la rencontre du chemin neuf et de l’ancien chemin de Lannoy qui deviendra la rue de Maufait, elle est tenue pratiquement tout au long du 19ème siècle par la famille Despret, dont le nom est également orthographié Desprez.

Carte de Cassini, 1740 – document IGN
Carte de Cassini, 1740 – document IGN

C’est ainsi qu’on y recense en 1920 Despret Pierre François, né en 1789, qui a épousé de Marie Julie Duthoit, dont il aura plusieurs fils, Pierre Louis, Henri et Florimond. Son épouse décède en 1827, et il se remarie avec Catherine Deschamps le 7 mai 1832. La famille va occuper la ferme, qui appartient en 1747 à Antoine Théry, un avocat lillois, jusqu’en 1875, alors que le chef de famille approche de 90 ans.

Entre temps, son fils Florimond, marié à Adélaïde Dellebecq, va exploiter, à quelques centaines de mètres de là, la ferme de Courcelles située le long de l’ancien chemin du même nom, qui sera remplacé par la rue Victor Hugo. Il va reprendre après son père l’exploitation de Bury-Prinpont, en laissant à son fils Pierre, époux de Sophie Desquien, le soin de reprendre la ferme de la rue Victor Hugo. Catherine Deschamps va décéder en 1871, et son mari en 1878 ; on retrouve Florimond à la ferme de 1880 à 1896

Plan cadastral 1884
Plan cadastral 1884

Mais cette zone agricole va perdre brusquement son caractère campagnard. En effet, en 1891, le conseil municipal, sous la férule de Julien Agache décide de faire l’acquisition auprès de la famille Théry de 4 hectares de terrain, incluant la ferme, pour y construire un nouvel hôpital. C’est chose faite en 1893. La ville, désormais propriétaire de la cense et des terres qui l’entourent, va laisser courir le bail de Florimond Despret en attendant d’avoir un financement pour commencer les travaux.

Le nouvel hôpital
Le nouvel hôpital

Mais les choses se précipitent : la ferme brûle le 7 juillet 1896 ; cet incendie sonner le glas de l’exploitation pour la famille. L’année suivante, les frères Despret réclament une indemnité de fumure pour compenser la perte d’exploitation qu’ils ont subie.

La ferme est démolie pour 1900 et la construction de l’hôpital suit : les pavillons s’élèvent les uns après les autres et le journal de Roubaix annonce en 1907 l’inauguration prochaine

Photo IGN
Photo IGN

Cette famille de fermiers va abandonner la culture et se reconvertir (Victor, le petit fils de Florimond, va tenir une épicerie au 261 rue de Lannoy). C’est cette famille qui édifiera le fort Desprez, qui deviendra plus tard le square des Prés.

Une ferme au Huchon

La cense du Huchon, qui a donné son nom au quartier, est très ancienne : en 1520 elle est tenue par Binet des Huçons. Elle est située près du chemin des Loups (dont la première partie conserve aujourd’hui le nom de la rue des Loups) non loin du chemin de Barbieux.

Plan cadastral 1805
Plan cadastral 1805

Au 18e siècle, la famille Lepers exploite la ferme, sans en être encore propriétaire. En effet, durant la révolution, celle-ci appartient au sieur Van der Cruisse émigré à l’étranger. Elle est alors rachetée par le censier Lepers qui la revend à son ancien maître à son retour de l’étranger. Celui-ci, pour le remercier, lui laisse la ferme et un verger, tout en gardant les terres. Les Lepers conservent la ferme tout au long du 19ème siècle, et finissent par acheter l’ensemble de la propriété. On trouve là successivement trois générations de cultivateurs du nom de Pierre Joseph Lepers, le dernier décédant en 1865.

Mais de profondes bouleversements menacent ce coin tranquille : il est question de tracer un canal entre la Deule et l’Escaut. Celui-ci s’arrête encore dans les années 1840 à la barque d’or, au bas de la rue du Moulin. Son prolongement vers Croix nécessite le creusement d’un souterrain sur le site de la ferme Le canal traversera ensuite l’actuel parc Barbieux.

Plan cadastral 1845
Plan cadastral 1845

Ce projet bouleverse une première fois l’existence de la ferme, dont une partie des terres doit être expropriée. Finalement les travaux de terrassement du tunnel sont arrêtés pour cause d’éboulements répétés, et le chantier reste « en plan » quelques années. Le projet est enfin abandonné en faveur d’un autre tracé et on décide, dans les années 1860, de la création du parc et d’une large voie, l’avenue de l’Impératrice, y conduisant. Cette avenue est rebaptisé boulevard de Paris après la fin de l’Empire. Plus tard, à la fin du siècle, est conçu également le projet de percement du boulevard de ceinture sur le site (boulevards de Cambrai et de Douai). Le tracé de ce dernier boulevard doit passer pratiquement sur la ferme, qui va connaître une deuxième expropriation et la cession d’une autre partie du terrain.

Projet de 1886 et ses deux options
Projet de 1886 et ses deux options

La propriété appartient alors à Marie Madeleine Villers, veuve de Pierre Joseph Lepers, cultivateur et dernier du nom. Ils ont eu quatre enfants, une fille et trois garçons. La veuve a quitté la ferme et habite en 1885 au 53, plus bas sur le boulevard. Les pourparlers pour les expropriations se poursuivent de 1889 jusqu’en 1893. Le boulevard de Douai est finalement tracé de façon rectiligne dans l’alignement de l’entrée principale du nouvel hospice : Il ne fait pas face au boulevard de Cambrai et épargne les bâtiments la ferme qui restent en place pour un peu de temps encore.

La situation en 1896
La situation en 1896

Le quartier prend à cette époque un caractère résidentiel et de beaux hôtels particuliers s’y construisent. Sur le coin, à l’emplacement de notre ferme s’installe la famille d’Ernest Roussel-Masurel avant 1900. En 1953, on y trouvera encore les familles Roussel-Masurel et Lefebvre-Masurel. La propriété étend son parc le long du boulevard de Douai jusqu’à la rue de Barbieux. L’occupation des locaux semble cesser entre 1960 et 1963.

 

La demeure Roussel-Masurel au 139 - Document P.Vanhove
La demeure Roussel-Masurel au 139 – Document P.Vanhove

En effet, le bâtiment ne survivra pas. Comme beaucoup d’autres boulevard de Paris, il est victime dans les années 60 d’une vague de démolitions liée à une aspiration au modernisme. Dès les années 50, un groupement, la « société immobilière de constructions du boulevard de Paris », se donne pour but de « remplacer les immeubles existants par des bâtiments modernes, implantés de façon rationnelle… » (La Voix du Nord du 25 février 1955). La première réalisation sur le site est la résidence d’Armenonville, qui va être suivie de plusieurs autres. Une photo aérienne de 1960 nous montre l’état des transformations. On y voit quelques hôtels particuliers survivants dominés par les nouveaux immeubles.

 

Photo La Voix du Nord - 1960
Photo La Voix du Nord – 1960

 Puis, on procède à la démolition du numéro 139, ce qui permet d’incurver le boulevard de Douai pour le faire déboucher en face de celui de Cambrai : il reprend le plan d’origine qui passe sur l’emplacement de l’ancienne ferme. Celle-ci continue pourtant à faire parler d’elle, puisque, en 1980, lors de travaux de réparation de la chaussée boulevard de Paris est mis au jour le puits de la la cense. On le comble alors, sans même entreprendre de fouilles. Aujourd’hui, à cet emplacement s’étend un espace vert.

 

La ferme et de son chemin d'accès replacés dans le quartier actuel. Photos Google et Jpm
La ferme et de son chemin d’accès replacés dans le quartier actuel. Photos Google et Jpm

Les autres documents proviennent des archives municipales.

 

 

La petite Vigne, ou ferme Modart

Robert évoque pour nous ses souvenirs :

« Si vous passez un jour rue Edgard Quinet, du côté de numéros pairs, vous remarquerez une longue grille métallique clôturant une grande propriété où est érigée une tour, immeuble où sont installés des appartements assez récents. Et bien, à cet emplacement se trouvait la ferme Modart, ferme typiquement régionale bâtie en carré, avec une grande cour centrale où trônait le tas de fumier.

En façade le long de la rue, la grange avec sa grande porte cochère à double battants. Sur le côté droit, le passage direct sur la cour. L’aile droite comportait le logis et la laiterie où ,les gens achetaient directement le lait. Le trop-plein était écrémé pour fabriquer le beurre, et le petit lait ainsi écrémé servait de nourriture pour les porcs.

La disposition des bâtiments
La disposition des bâtiments

Dans le bâtiment du fond se trouvaient l’étable et la porcherie ; dans celui de gauche l’écurie (souvent deux ou trois chevaux), ainsi que le garage aux chariots, construits en bois. Généralement, il y avait un grand chariot à quatre roues, plus un tombereau à deux roues. Ce genre de garage était appelé par les anciens un Carin. Enfin, derrière, l’étable. Une prairie servait à sortir les vaches.

J’ai connu cette ferme de 1956 à environ 1980 pour avoir eu en location l’ancienne prairie, où je pratiquais l’horticulture florale , et où je faisais un peu d’apiculture en amateur. Pendant cette période la ferme était encore habitée par un Modart et sa sœur, tous deux célibataires. Lui travaillait dans une ferme du côté des Hauts Champs. A côté de la ferme, à gauche, demeurait son frère. Lui, marié, était marchand de charbon ; il entreposait son camion dans la ferme.

En face de la ferme (côté impair) vivait un ferrailleur, qui utilisait aussi la ferme. Ce ferrailleur faisait sa tournée avec une petite voiture tirée par un âne ; ensuite, ils s’est motorisé. Il s’appelait Bart. »

La ferme Modart - Document La Voix du Nord - 1962
La ferme Modart – Document La Voix du Nord – 1962

Remercions Robert pour son témoignage, ainsi qu’Eliane, qui l’a recueilli.

Précisons également que la petite Vigne est très ancienne : en effet, en 1615, c’est un fief (domaine seigneurial), tenu en par V. du Courouble. De ce fief dépendent, à l’époque, une partie des censes de Maufait et de l’Espierre.  Au fil des ans, elle perd ses fossés remplis de l’eau du ruisseau des trois ponts, puis elle se trouve, au 20ème siècle, rattrapée par l’urbanisation des quartiers sud.

La ferme. Documents archives municipales 1845 et IGN 1950

La ferme. Documents archives municipales 1845 et IGN 1950La première mention de la famille Modart semble être dans une demande de permis de construire de 1926, pour un terrain situé « en face de la ferme Modart ». Celle-ci est habitée en 1931 par Jules Modart, né en 1862 à Halluin. On trouve également dans la rue en 1935 un Charles Modart, son fils, qui exerce la profession de laitier. Ses autres enfants sont Madeleine, Blanche, et Henri, marchand de Charbon. En 1955, la rue E.Quinet habrite un Charles Modart, marchand de Charbons au 38, et une demoiselle Modart au 24 . Les photos aériennes montrent en 1965 un grand bâtiment en mauvais état, comportant des trous dans la toiture, alors que les autres bâtiment semblent en bon état. En1966 la démolition des bâtiments d’exploitation de la ferme Modart est accomplie. Mais la partie logement est épargnée. Une photo aérienne 1976 montre que l’habitation, perpendiculaire à la rue est encore debout, ainsi que divers bâtiments.

Citons enfin les flâneurs à ce sujet :

En 1977, la SCI  Résidence de la Petite Vigne  demande l’autorisation de procéder à la démolition d’une ferme avec dépendances en précisant que le corps de ferme à usage d’habitation se compose de trois petites pièces au rez-de-chaussée. C’est ainsi que disparaissent les derniers vestiges de la ferme de la Petite Vigne

 

 

Les origines du quartier

Après la révolution, le quartier – essentiellement agricole – est bordé par deux chemins. Le premier, une voie importante qui mène à Tourcoing (aujourd’hui la rue Turgot), et le chemin des couteaux sur l’emplacement du boulevard de Metz. Sur celui-ci s’embranche un chemin à droite menant au Hutin. Ces deux voies sont reliées au sud par ce qui deviendra plus tard la rue de la Vigne. Le long du Chemin de Tourcoing, deux autres chemins forment un triangle.

Peu de constructions, au nombre desquelles plusieurs fermes, reconnaissables à leurs cours carrées. Elles forment deux hameaux le long de ces axes, celui des Couteaux et du Triez St Joseph. La cense plus importante est celle de Fontenoy, entourée d’eau (gage d’ancienneté). La famille Le Becque-Fontenoy qui la tient tout au long du 17ème siècle. L’un de ses membres, Philippe de Le Becque fut échevin et inhumé dans le chœur de l’église St Martin. La ferme est placée entre les rues de Tourcoing et Turgot, juste au sud de la rue Jacquart.

Les couteaux St Jposeph – 1805

En 1816, le fort St Joseph est construit sur le triangle le long de la rue Turgot. Il est contenu entre les chemins préexistants et un nouveau hameau apparaît au lieu-dit de la Basse masure, le long d’une voie reliant le chemin de Tourcoing à celui des couteaux, et qui deviendra plus tard la rue Basse-Masure.

plan cadastral 1826

Près de trente ans plus tard, en 1847 les constructions n’ont pas évolué. Seul, le croisement entre le chemin de Tourcoing et celui menant à la Basse-masure est-t-il désormais bordé de maisons. L’essentiel de la population est encore agricole, et le recensement de 1851 cite un certain nombre d’agriculteurs.

Mais de profondes transformations coïncident avec le percement du canal à la fin des années 1860 et l’arrivée des entreprises qui s’installent le long de la rue de Tourcoing, récemment tracée. On construit des logements pour les ouvriers, flamands pour la plupart. On construit une église et un couvent attenant pour les révérends pères des Recollets. Le quartier acquiert le caractère qu’on lui connaît encore.

Documents archives municipales

 

 

 

 

La ferme de Maufait

Située près du chemin de Lannoy, cette ferme était « Une des censes le plus considérables du pays » selon Th. Leuridan. Elle appartenait à l’origine aux seigneurs de Roubaix. Comme toutes les grosses fermes anciennes de Roubaix, elle est entourée d’un fossé. Celui-ci est alimenté par un ruisseau – le courant de Maufait – venant des Hauts champs et se jetant dans l’Espierre après avoir traversé le hameau des trois ponts. Ses vastes bâtiments enserrent une cour centrale. La cense est reliée par un chemin rectiligne qui se détache perpendiculairement de la rue de Lannoy. Les membres de la famille Lezaire l’exploitent au 17ème siècle. Elle appartient, au siècle suivant, à la famille Delcourt, dont on retrouve un représentant en la personne de Jean Baptiste Delcourt, né en 1761, époux de Marie Catherine Chombart, et qui exploite la ferme en 1820 avec ses cinq enfants et dix domestiques. Il en faut des bras pour un tel domaine !

Carte 1899

Le censier est signataire en 1830 de la pétition qui dénonce les différences de traitement entre les habitants du bourg et les fermiers des alentours, opposant Roubaix-ville et Roubaix campagne. On retrouve les Delcourt jusqu’au recensement de 1851 : Cette année là, le fils de Jean Baptiste, Théodore, tient la ferme, dont le propriétaire est alors un Bridé de la Grandville. Gustave Eugène de Gennes héritera ensuite du domaine, représentant alors 49 hectares, qu’il revendra en 1867 à Joseph Vincent Leconte-Baillon.

Les héritiers Leconte-Baillon constituent en 1900 une société chargée de vendre la propriété, exploitée depuis 1869 par Alexis-Joseph Pollet, né à Sainghin en Mélantois en 1820, époux de Marie Desquiens, moyennant un fermage de 8000 francs par an. La propriété est alors reprise par la ville qui accumule alors les terrains dans le quartier pour y réaliser des équipements collectifs, tel l’hôpital de la Fraternité. Elle rachètera également les terres de la ferme de l’Espierre, située non loin de là. Alexis Pollet va exploiter la ferme jusqu’en 1895, et décédera un an plus tard à Hem, où son fils Joseph Désiré a repris une ferme.

Un descendant des anciens censiers, M. Denis Lezaire, brasseur à Loos, a fait prendre par le photographe M. Brulois une série de clichés de la ferme.

La ferme

Le Journal de Roubaix, dans un article de 1910, relate la démolition de la ferme. L’article précise que La maison Devernay et Tiberghien, boulevard Beaurepaire, en est chargée. Elle mettra en vente les vieux matériaux. Une photo aérienne 1932 nous montre que la ferme est remplacée par des jardins, probablement ouvriers.

Photo IGN

On voit sur la photo que la rue de Maufait a été prolongée, mais elle ne recevra sa chaussée définitive entre la rue St Hubert et l’avenue Roger Salengro que dans les années d’après guerre, époque à laquelle on trace la rue Schumann (appelée à l’époque la rue Yolande). Les terrains sont mis à la disposition du CIL qui va y implanter les lotissements qu’on retrouve aujourd’hui.

Photo Delbecq
Photo Jpm

Le site où se situait la ferme près de cent ans plus tôt.

Les documents proviennent des archives municipales.

 

La rue de Carihem

Cette rue emprunte une partie du tracé de l’ancien chemin vicinal n°15 reliant le hameau des Trois Ponts et le village de Leers entre le passage à niveau n°157 sur la voie de chemin de fer de Somain à Menin de la compagnie du Nord-Est et la rue de Leers (chemin d’intérêt commun n° 142).

A la fin du dix neuvième siècle, la rue est pavée, bordée de fossés et traverse les champs. Elle n’est pas encore éclairée : M. Pennel, maraîcher au hameau de Carihem réclame la pose de quelques lanternes à pétrole et la réparation de la chaussée. Il n’y a alors le long de la rue que deux constructions : une ancienne ferme placée juste après le passage à niveau, et un estaminet tenu par M. Pottier en 1891 (cet estaminet porte le numéro 160 en 1933). La ferme est au nom de Jean Louis Fremaux-Lorthioir, habitant de la rue de Vaucanson en 1875, qui a repris la ferme Fremaux rue des Trois Ponts en 1880. Il s’installe finalement en 1885 dans la ferme de la rue de Carihem près du chemin de fer, qu’il rachète à Fidéline Sophie Bonte, épouse de Joseph Moulin. Il l’occupe quelques années, puis en juin 1895, il demande l’autorisation de construire quatre maisons sur l’emplacement de la ferme, face à la voie ferrée et « sur le vieux pignon face à la rue de Carihem ». Ces maisons existent encore aujourd’hui.

En 1910, il figure donc dans le Ravet Anceau non plus comme cultivateur, mais comme rentier. En 1914 on retrouve à la même adresse le nom de Fremaux-Duleu, un fils du rentier, sans doute…

Malgré le peu d’habitations desservies, l’état de la rue préoccupe la municipalité, et en 1899, le directeur du service de la voirie estime nécessaire de fixer l’alignement et le nivellement en prévoyant une largeur de 12 mètres. Quelques maisons sont à frapper d’alignement, mais elles « sont dans un état de délabrement tel qu’il n’y a pas lieu… de tenir compte de leur existence ». Un certain nombre de terrains sont à racheter aux riverains pour assurer les alignements.

La rue se construit peu à peu, mais un plan des futurs travaux datant de 1905 ne montre, hormis les maisons précédentes, que quelques bâtiments près de la rue de Leers, une ferme au coin de la rue Boucicaut, une rangée de maisons près de la voie de chemin de fer et une construction au passage à niveau (sans doute une maison de garde-barrière). L’année 1909 voit la construction du stand de tir, qui va apporter un peu d’animation à cette rue campagnarde.

On projette la construction d’un aqueduc, mais la réalisation des travaux est retardée : en 1926, M. Neirynck, propriétaire au n°30 se plaint de fuites au conduit placé sous la chaussée, car les eaux des fossés  ont envahi sa cave . En 1930 l’aqueduc n’est toujours pas réalisé, et le service de la voirie déclare sa construction urgente. En 1932, les riverains ayant volontairement comblé les fossés, le service de la voirie propose de curer ces mêmes fossés et de réparer le pavage de la rue. On poursuit les reprises d’alignements et les achats de terrains jusqu’à la deuxième guerre. Quelques autres immeubles sont construits, sans que la rue perde pour autant son caractère calme et champêtre. Peu de transformations donc, il faudra attendre les années 50 pour que son aspect change considérablement, accompagnant le développement du quartier…

 

Une ferme rue du Moulin

L’historien Théodore Leuridan fait mention au 19ème siècle, à la naissance du sentier du petit Beaumont, d’une ferme enserrée entre la rue d’Hem, la rue de Bouvines, et la rue du Moulin, qui faisait partie de la seigneurie de la Masure. Il précise que la ferme était tenue par la famille Vernay, et qu’en 1834, Antoine de Vernay a fait partie des protestataires voulant la séparation administrative entre  Roubaix ville (le centre) et Roubaix campagne (les territoires agricoles situés autour de ce centre).

La cense (plan cadastral de 1845) en situation sur une photo aérienne Géoportail actuelle

Les recensements effectués en 1836 et 1851 font référence à un cultivateur nommé Desvernay Antoine , époux de Ludivine Lauridan  à la tête d’une nombreuse famille comprenant trois fils et six filles. Mais, au fil des années, le quartier se bâtit sur les terres de la ferme qui doit alors cesser son activité. C’est ainsi que le Ravet Anceau de 1875 n’indique plus de cultivateur à cet endroit. Par contre, il fait état en 1886 d’une veuve Devernay, propriétaire au 153 de la rue du Moulin.

A partir de 1895, le numéro au 153 abrite un rentier, mais on trouve trois autres adresses en remontant la rue. Des maisons ont donc remplacé la ferme. De même, les bâtiments le long de la rue d’Hem sont des habitations individuelles à partir du n°1. Le bâtiment de l’ancienne cense a-t-il été démoli ou reconverti en habitations ? En tout cas, le plan cadastral de 1884 le montre partagé en habitations qui en reprennent la forme exacte.

Document archives municipales

La partie arrière de la ferme constitue six maisons formant l’impasse Devernay, placée perpendiculairement à la rue de Bouvines.  On retrouve cette situation sur cette photo aérienne de 1953 :

Document archives municipales

En  1964,  à la demande de M. Devernay, le propriétaire, on décide de démolir les maisons numéro  1,3,5,7 et 9 rue d’Hem, 157 à 163 rue Jean Moulin, 2,4 et 6 rue de Bouvines, ainsi que les habitations de l’impasse Devernay, ce qui représente toute l’ancienne emprise de la ferme. Ces maisons sont frappées d’interdiction d’habiter en 1967, et les immeubles murés au fur et à mesure du départ des locataires. En 1974, l’autorisation de démolir est donnée et la Société Anonyme Roubaisienne d’Habitations Ouvrières y fait construire 12 logements H.L.M. à la place de ces bâtiments anciens insalubres. Ces logements sont aujourd’hui encore, visibles sur le site. Il est permis de se demander si leur pérennité approchera celle des bâtiments qu’ils auront remplacé…

Document Géoportail – IGN

La dernière cense

La ferme et la rue de Charleroi – Photo Lucien Delvarre – 1965
Remarquez la mobylette orange, la 2cv camionette et les pavés

Située dans une courbe et reliée à la rue de Charleroi par un chemin empierré, la ferme Loridant est ancienne : elle figure sur le plan cadastral de 1884, alors que le quartier est à vocation essentiellement agricole et comprend plusieurs grosses fermes. Au début du 20ème siècle, elle reste isolée au milieu de ses terres, puis, entre les deux guerres, une rangée de maisons est construite devant elle, de l’autre côté de la rue, et une teinturerie s’implante juste derrière elle, au carrefour des rues Victor Hugo et de Charleroi. Remarquez sur la photo la mobylette orange, la 2cv camionnette et les pavés d’époque

 

Photo aérienne 1953 – Archives municipales
 

Dans les années 50, les fermes ne sont plus que deux dans le quartier et, en 1959, celle qui nous intéresse possède encore quelques hectares de terre et huit vaches, alors que sa voisine, la ferme des trois ponts ou ferme Lebrun commence à être démolie.

Son exploitation cesse en 1970, et, en 1972, la Voix du Nord, remarquant que « les particuliers n’ont en effet pas perdu l’habitude de considérer le moindre espace inoccupé comme une décharge publique en puissance », cite l’abbé Caulliez qui se se plaint de ce que  : « notre quartier est devenu la poubelle de Roubaix ! … Sur tout ce qui pouvait être, à peu de frais, transformé en espaces verts, on a déposé ce qui devrait être du matériel, mais qui en fait devient un tas de détritus ». Il est fait notamment allusion à d’anciennes pâtures du quartier.

Malgré les efforts de plusieurs personnes, défenseurs du patrimoine, la ferme est finalement démolie dans les années 90, alors qu’elle était encore en bon état et qu’elle aurait parfaitement pu être préservée pour témoigner du passé campagnard de Roubaix.

Photo Lucien Delvarre – 1965

La ferme du Petit Beaumont

La ferme, vue depuis la place du Travail – Photo Coll. B. Thiebaut

Le tramway G, venant du Boulevard du Cateau, contournait la place par la droite pour emprunter la rue Henri Regnault en direction d’Hem.

Placée depuis le 18e siècle au carrefour de deux chemins devenus la rue de Beaumont et le boulevard du Cateau, là où a été tracée la place du Travail, cette ferme, appelée également ferme du petit Beaumont, dépendait du fief du Raverdi. Enfermée autour de sa cour par des murs épais, elle témoigne d’une époque où il fallait se barricader pour se défendre des attaques des bandes pillards, les Catulas, qui battaient la campagne.

J.B. Destombes a été un des censiers de la ferme vers 1830. Il s’est opposé aux droits d’octroi taxant les produits des fermes des alentours à l’entrée de Roubaix bourg, au moment où la partie Sud de Roubaix, dénommée Roubaix Campagne demande son autonomie par rapport à la partie citadine et industrielle. Elle fait partie des 7 fermes encore vivantes après guerre, bien que la plupart de leurs terres aient été déjà livrées aux constructions. Pourtant, Nord Éclair nous assure en 1949 que ce sont encore « de véritables censes avec du fumier, des chevaux, une étable. Bref, de vraies fermes, avec des toits croulants, de vieux murs tapissés de lierre, des arbres vénérables, des haies vives et des fermières en sabots et tabliers bleus. »

Cruque1949-96dpi La ferme. Photo Nord-Éclair
Au fond à gauche, l’habitation. Au fond à droite la grange, devant étable, écurie, et laiterie

En 1885, la ferme appartient à la famille Loridant frères et sœurs. A partir de 1887, et jusqu’en 1922, le Ravet-Anceau nous indique JB Cruque. On y trouve en 1939 la veuve L.Cruque-Loridant. En1955 Jean Cruque l’habite encore, mais ne l’exploite plus.

Au début des années 50, on veut rectifier le tracé de la rue de Beaumont. La ferme est frappée d’alignement. Il faut démolir le bâtiment bas comprenant le porche d’entrée, ainsi que le pignon de la partie habitation. Cette partie disparaît fin 1952.

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Les parties frappées d’alignement. Photos Nord Matin
On remarque le coude que faisait la rue de Beaumont pour déboucher sur la place.

Mais les trois autres corps sont toujours là, l’habitation raccourcie d’une bonne part. Enfin, la municipalité décide de racheter l’ensemble des bâtiments restants pour y construire une école. C’est chose faite en 1957, et l’école s’élève sur la pâture qui se trouvait derrière la ferme, la dernière portion des terres qui constituaient la cense. Dans un deuxième temps, sur l’emplacement des bâtiments finalement démolis sera construite la cour de récréation.