Les marcheurs (prologue)

Les roubaisiens sont des marcheurs bien depuis longtemps. Non pas les hauts de forme qui se déplacent en fiacre ou en landau, mais bien les habitants des hameaux qui deviendront des quartiers et qui venant de l’Epeule ou bien du Pile, disaient aller à Roubaix quand ils se rendaient à la Grand Place de la ville. Les ouvriers marcheront beaucoup avant de pouvoir acheter une bicyclette pour aller travailler ici ou là et plus loin encore.

Le sport est né dans l’esprit des gens qui avaient des loisirs, c’est à dire la bourgeoisie ou la petite bourgeoisie du milieu du dix-neuvième siècle. Avant que la marche ne devienne un sport à part entière, elle fut d’abord identifiée à un exercice militaire. Au cours de siècles précédents, combien de fantassins ont constitué les bataillons d’infanterie de l’armée française ?

Après la débâcle de 1870, l’esprit revanchard et patriotique fit de la marche une activité sportive à part entière dans les sociétés agréées par le gouvernement telles que La Roubaisienne ou l’Ancienne. Leur but était de préparer la jeunesse à la guerre. C’étaient des sociétés de gymnastique, de tir et de préparation militaire, dont les imposants défilés mettaient en valeur l’art de marcher au pas, ce qui à n’en pas douter, avait nécessité de longues heures et quelques kilomètres de répétition.

Puis à peine vingt ans plus tard, le sport prit son indépendance, sous la houlette de ces gens qui avaient des loisirs mais voulaient les pratiquer à leur manière, c’est à dire en toute indépendance.

La marche athlétique apparut donc à partir de 1890. Les premières grandes épreuves restaient encore liées au patriotisme, puisqu’on marchait vers l’est. Ainsi Paris Belfort en 1892 et Paris Strasbourg un peu plus tard. Les distances parcourues étaient comparables aux épreuves cyclistes, qu’elles accompagnaient parfois. La presse de l’époque regroupait sous la rubrique sport pédestre marche et course à pied mais les distances parcourues par les marcheurs dépassaient largement le marathon des coureurs à pied, comme en attestaient les 500 kilomètres du Paris Belfort.

Un recensement rapide opéré en 1898 montre que la pratique de la marche à pied est déjà bien implantée et fort répandue. Voici quelques noms de sociétés relevés dans le Journal de Roubaix :

l’union pédestre roubaisienne, le club routier, l’Ancienne pédestre, l’espérance pédestre roubaisienne, l’étoile pédestre roubaisienne, le sport pédestre roubaisien, le club pédestre roubaisien et les trois étoiles de marche. Par recoupement des articles on peut dire que ces sociétés avaient leur siège dans des estaminets situés sur tout le territoire roubaisien, de l’Epeule au Pile, des Longues haies jusqu’à la Potennerie.

Le club pédestre roubaisien tampon doc AmRx

Le grand nombre de sociétés entraîne la création d’une fédération en 1898 : le club routier, l’ancienne pédestre et l’union pédestre roubaisienne ont répondu à l’appel. Trois ans plus tôt, les sociétés vélocipédiques avaient fait de même. L’intérêt est comparable : pouvoir organiser des compétitions plus importantes et reconnues, pouvoir valider des records.

Un record du monde du 100 kms est d’ailleurs établi par Adolphe Delplanque de l’Ancienne Pédestre au Parc de Barbieux en 13 heures 40. Le Beau Jardin restait ainsi le décor d’évolutions sportives sans doute moins dangereuses que la vélocipédie, relogée dans le vélodrome voisin.

Après la création de la fédération, le club routier et le sport pédestre roubaisien adhérent à l’USFSA1.

Le grand événement de l’année reste la création d’un Paris Roubaix à la marche créé en mai 1898 comme attraction des 48 heures cyclistes de Roubaix au vélodrome. L’épreuve se déroule sur les 282 kms de Paris à Roubaix2 et le vainqueur est Constant Ramogé, en moins de 41 heures ! Il avait remporté le premier Paris Belfort de 1892 ! Arrivé à Seclin à 9 heures 30 minutes, on lui annonce que les spectateurs du vélodrome ne l’attendent qu’à 15 heures, alors qu’il pourrait terminer en trois heures. Il a plus de quatre heures d’avance sur son second, aussi il ralentit l’allure et s’arrête même pour se faire raser et changer de chaussures. Il termine ses sept tours de piste dans un grand état de fraîcheur sans aucune trace de fatigue. Il en a profité pour battre le record des 100 kms3.

Il y aura d’autres épreuves comme le circuit des trois villes qui se déroule sur les grands boulevards de Lille Roubaix Tourcoing ou encore des courses de marche athlétique de quartier à Roubaix, comme dans bien d’autres villes du Nord. La recherche continue…

1L’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA) est une fédération sportive française omnisports fondée le 20 novembre 1887 à Paris

2Annoncé par le Journal de Roubaix

3D’après le Journal de Roubaix

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