La rue Edouard Anseele, héritière des Longues Haies

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La rue des Longues Haies doc Brunin

Il y a soixante dix ans la rue des longues haies prenait le nom de rue Édouard Anseele, par une décision du conseil municipal, qui souhaitait rendre hommage au grand dirigeant socialiste belge. Mais si le nom de la rue a changé, ses caractéristiques principales subsistent.

Tout d’abord la présence importante de l’industrie, de grandes usines, des filatures de laine principalement : au n°28 la filature des longues haies, Motte Porisse, qui produisait la marque des laines du Chat Botté, dont le souvenir subsiste avec le rond point auquel on a donné ce nom, au carrefour du boulevard de Belfort, de la rue du Coq français et de la rue St Jean. Cette usine sera détruite par un monstrueux incendie qui dura plusieurs jours en 1983. Il y avait aussi au n°38 la Manufacture des deux gendarmes, qui était une marque de linge de maison et de tissu éponge.  La rue passe ensuite entre l’usine Motte Bossut et la fabrique de couvertures Lemaire et Dillies ; la première abrite désormais les archives nationales du monde du travail et l’autre accueille l’IUP Infocom. Puis, à l’autre bout de la longue ligne droite, après la rue Pierre de Roubaix, il y a d’autres entreprises, principalement des bonneteries, dans la partie encore existante de la rue Edouard Anseele.

Entre la rue du Coq français et la rue Pierre de Roubaix se trouve un habitat de maisons serrées, avec de petites façades en front à rue, mais aussi avec de nombreuses courées, composées en moyenne d’une dizaine de maisons. Il y en a encore plus d’une trentaine en 1960. A la même époque, on y trouvait aussi huit épiceries, trois boucheries, deux drogueries, deux marchands de vins et spiritueux, quatre coiffeurs, deux libraires, et douze cafés.

La vitrine de ces commerces est souvent suivie par l’entrée d’une courée, avec ou sans porte, devant un court boyau sombre qui donne dans la cour entourée de deux alignements de maisons. Un point d’eau, une pompe, au fond les toilettes communes et les casiers à charbon…Souvent les cours communiquent entre elles, ce qui forme un labyrinthe inextricable à qui n’est pas du coin. Cet habitat est très ancien, certaines courées étant déjà citées en 1895, comme la cour Boucau au n°167, ou la cité Jénart-Beny au n°353. Malgré l’entretien et le nettoyage régulier, les maisons sont vieilles, et il arrive parfois que l’une ou l’autre s’effondre, comme ce fut le cas de la cour Leman, où six maisons s’effondrèrent, en décembre 1958.

Dès le début du vingtième siècle, dans un souci d’hygiène, de salubrité et de santé publique, ont été créés le dispensaire anti tuberculeux de la croix rouge qui abritera également l’école d’infirmières, et l’établissement des bains douches fondé par la caisse d’épargne en 1911. Ces deux établissements étaient encore en fonction avant l’opération de rénovation.

La caisse de crédit municipal, ex Mont de Piété, est installée entre la rue Dupleix et la rue du Coq Français ; on disait qu’on allait « Chez Ma Tante » pour y gager un bien quelconque en échange d’un peu d’argent. Près de là, se trouve la sortie de l’hippodrome, grand lieu roubaisien de spectacles : le cirque franco-belge y donne de nombreuses représentations, et c’est aussi une scène de music hall, d’opérette et d’opéra, rebaptisée Capitole pour les besoins du cinéma. Il sera démoli en 1964.

La rue est aussi le décor d’une braderie en avril, qui associe les marchands d’occasion avec les bradeux d’un jour, sans oublier les animations des commerçants et des cafés, où l’on joue, l’on chante et l’on danse.

A la fin des années cinquante, les fusillades entre partisans algériens du MNA et du FLN troublent la paix du quartier, qui devient alors le « douar Anseele ». Que le quartier ait été considéré comme un village (un douar), rien d’étonnant, car on trouvait dans la rue Édouard Anseele et les rues alentour, tous les ingrédients de la vie sociale, de travail et de loisirs.

Ces derniers épisodes, ainsi que l’insalubrité de l’habitat amenèrent la question : faut-il détruire le bloc Anseele ?  Lorsque Roubaix eut épuisé ses derniers terrains libres pour construire, commença alors l’opération rénovation des ilots insalubres, dont l’îlot Édouard Anseele fut l’un des premiers chantiers, dans lequel les démolitions commencèrent en 1959.Photo collection particulière

9 réponses sur “La rue Edouard Anseele, héritière des Longues Haies”

  1. J’ai déposé un commentaire sur les Hauts-Champs. Je suis bien loin désormais puisque j’habite en Bretagne et plus précisément dans le Morbihan. Avant que nous déménagions dans un appartement neuf, jusqu’en 1961, nous étions logés dans une cour : la cour « Wallerand », au pont Niquès. Je voudrais lire des témoignages de cette époque. Cette période douloureuse de ma vie d’enfant est encrée à jamais dans ma mémoire,car y vivre n’étais pas chose facile, il y régnait une certaine promiscuité, un climat d’absence d’intimité, et puis les conditions sanitaires étaient particulièrement déplorables, de ce fait, maman avait contracté la tuberculose en 1959 ! et très malade, nous sommes partis ma soeur et moi dans une famille au Mont des Cats. Mamam a été bien soigné au pavillon de cure de l’hôpital de la Fraternité. Nous allions à pied à l’école rue de l’hommelet. Je peux si vous le souhaitez apporter mon témoignage cela serait pour moi un très grand bonheur et un excellent travail de mémoire et de réflexion. Merci à tous pour ce magnifique travail.

    1. Votre témoignage sera le bienvenu. Comme vous visitez l’ensemble des blogs, réagissez par rapport à ce que vous voyez, et s’il y a un sujet particulier qui vous intéresse, dites le, nous travaillerons à partir de là. Merci pour votre message. A bientôt…

  2. bonjour
    faisant des recherches sur mes aieuls, j’ai trouvé au archive de roubaix dans l’annuaire de 1938, concernant goddaert théophile qui tenais un estaminet rue des longues hais au numéro 184, la famille viens de courtrai à partir de 1897
    si vous aviez des renseignements à me fournir ils seront la bienvenue
    cordialement
    bruno

  3. je suis née en 1953 au 37 rue henri lefevre, je me souviens de tous les voisins, les commerçants de cette rue, le dispensaire ou nous étions soignés, la chapelle saint jean bosco ou mes frères et soeurs ont fait leur communions, la solidarité boulevard Belfort ou nous faisions des activités extra scolaire. j’aimerais retrouver des photos d’une fanfare que l’on appelait : france d’abord et qui avait comme mascotte une chèvre, aussi des photos du marché aux bêtes le dimanche matin a la place des martyrs. merci

  4. Au 38, rue Edouard Anseele on trouvait bien les bureaux commerciaux de la marque : 2 Gendarmes qui commercialisait surtout du tissu-éponge et des serviettes de toilette. Ces articles étaient fabriqués par la société Etienne Motte, filature et tissage de coton, rue d’Alger à Roubaix, une autre société du Groupe Motte, à Roubaix depuis 1924.
    Cette marque fait évidemment référence à la chanson de Nadaud.
    Elle disposait d’un budget de publicité assez conséquent, notamment pour la saison de blanc qui revenait chaque année en Janvier.
    La commercialisation fut arrêtée vers 1973, 10 ans après l’arrêt de l’atelier de filature.
    Certains articles étaient vendus sous la contremarque FTW, filature et tissage de Wattrelos.

    1. Merci pour toutes ces précisions…Avez vous des illustrations (marques, dessins, photos) qui pourraient compléter votre commentaire ? Étiez vous un ancien de ces établissements ? Encore merci pour votre contribution…

  5. Mon épouse, née en 1948, jouait avec son frère dans la fanfare « France d’abord », ils habitaient alors dans le quartier du Pile. Les répétitions de la fanfare avaient lieu à l’étage d’un café de la rue des Longues Haies ou de la rue du Collège selon leur disponibilité. La chèvre était bien leur mascotte en tête de cortège. Je n’ai qu’une photo d’époque de ma femme et de son frère costumés mais aucune de la fanfare au complet, mais nous serions très heureux d’en découvrir… Merci

    1. Si nous en trouvons, aucun problème. Plus de précisions sur le café des longues haies ? à quel numéro ? à quelle époque ? D’avance merci

  6. J’y suis née en 1947 cour perquie ,souvenirs:les 2 chevaux de la brasserie Moderne qui livrait la bière,Jeannot le glacier en tricycle au son de l’Internationale ! Agnès la boulangère, Marie Bonheur l’épiciére, Collot le coiffeur, les bistrots :chez Verstraate de la famille de l’accordéoniste. Les gosses allaient « en vacance »à Niques plage par dérision ,puis c’est devenu le douar Anseele avec cafés algériens et français …Aujourd’hui ,aujourd’hui …

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