Que reste-t-il de la rue des Longues haies ?

Il n’est pas rare qu’un visiteur demande à voir la fameuse rue des Longues Haies, qu’évoque Maxence Van Der Meersch dans son livre « Quand les sirènes se taisent ». Cette voie toute droite de plus d’un kilomètre de long évoque toujours dans la mémoire des anciens le passé d’un quartier populaire : de grandes usines, un labyrinthe de courées, la solidarité et les luttes ouvrières, des estaminets et des commerces, le Mont de Piété, les Bains Municipaux, le Gazomètre…Que reste-t-il de tout cela, que peut-on montrer au visiteur curieux de légendes ?

La rue des longues haies autrefois CP Méd Rx
La rue des longues haies autrefois CP Méd Rx

On serait tenté de répondre : rien. La première disparition de la rue des longues haies intervient le 3 juillet 1938, quand la rue change de nom, à l’initiative du Conseil Municipal de Roubaix. Il s’agit de rendre hommage à Edouard Anseele, ce grand militant socialiste belge, décédé la même année, venu soutenir la classe ouvrière roubaisienne lors des grandes grèves de 1880. Mais bien qu’on ait  donné le nom d’Edouard Anseele à la rue, le nom du quartier des Longues Haies a longtemps  survécu. Cette rue était l’épine dorsale d’un quartier,  car derrière ses maisons en front à rue, ses cabarets, ses épiceries et entre les maisons, presque tous les dix mètres, il y avait des entrées de courées. Au début du vingtième siècle, il y avait une quarantaine de courées et plus de trois mille habitants. Un village dans la ville.

Démolitions 1959 Photo NE
Démolitions 1959 Photo NE

En 1957, le conseil municipal décide la rénovation du quartier, c’est-à-dire de raser les logements insalubres et de reconstruire. En 1959, au moment de la démolition, il restait encore 32 courées. On démolissait encore en 1963, quand le premier immeuble du bloc Anseele sortit de terre. Il se situait rue Bernard (aujourd’hui rue Jules Watteuw) et ses premiers locataires furent les pompiers de la caserne tout proche (démolie en 1984).La rue des longues haies s’étendait de la rue du Moulin (rue Jean Moulin) jusqu’au boulevard de Colmar. Après la disparition de la première partie de la rue de Lannoy, le tronçon de la rue du Moulin jusqu’à la rue des filatures prit le nom du Président Vincent Auriol en mars 1967. On peut donc encore voir le tracé du début de la rue, dans l’ombre de l’immeuble de la rue des Paraboles. Tout juste peut-on encore apercevoir l’arrière des maisons bourgeoises du boulevard Leclerc.

Entrée de la rue du Président Auriol Photo PhW
Entrée de la rue du Président Auriol Photo PhW

Son parcours est ensuite interrompu, puis elle reprend à partir de la rue Dupleix, et passe derrière la tour du théâtre, dont le nom seul porte le souvenir de l’hippodrome théâtre, haut lieu de la culture roubaisienne, démoli en 1964. La sortie des artistes donnait dans la rue des longues haies. Puis elle va rejoindre la rue Winston Churchill (ex rue des filatures), peu après l’IUP Infocom (ex usine Lemaire et Dillies reconvertie en site universitaire).

Suite de la rue Photo PhW
Suite de la rue Photo PhW

Ensuite, elle disparaît complètement, recouverte par le grand bâtiment du H13, autrement nommé l’Os à moelle, et par les cellules commerciales de Roubaix 2000, à présent remplacé par Mac Arthur Glenn, qui occupent ce qui constitua la première partie de la rue de Lannoy. Nous avons déjà raconté les péripéties de cette autre disparition.  Puis c’est le bloc Anseele, avec les trois tours des aviateurs, les immeubles entourant le groupe scolaire. On n’y trouvera plus l’âme des longues haies, cet endroit étant d’ailleurs nommé un bloc, privé de réelle vie commune, enserré dans le flot de la circulation des boulevards de Belfort et  Gambetta, et de la rue Pierre de Roubaix. Le parcours initial reprend, à partir de la rue Pierre de Roubaix jusqu’au boulevard de Colmar. Il porte encore le nom d’Édouard Anseele, mais ce n’est plus la rue des longues haies d’autrefois, même si quelques murs d’usine, des façades de commerces aujourd’hui fermés évoquent sa vie passée.

La rue Edouard Anseele vue du boulevard de Colmar Photo PhW
La rue Édouard Anseele vue du boulevard de Colmar Photo PhW

Le visiteur devra donc confronter son imaginaire avec le récit des anciens habitants que nous avons pu recueillir dans ces annales, et avec les quelques cartes postales anciennes de la Médiathèque de Roubaix.

Le projet Dom Bosco

Un précédent article laissait entendre que la maison St Jean Bosco avait été envisagée dès le mois de janvier 1945. De nouvelles découvertes nous amènent à préciser ce point.

Déjà à l’origine de la construction de l’église Ste Bernadette en 1935, l’abbé Carissimo devenu doyen de la paroisse Ste Elisabeth, souhaitait la création d’un nouveau centre d’œuvres charitables dans le quartier des Longues Haies. Son vœu est exaucé au début du mois de décembre 1942, époque à laquelle quelques religieuses se sont installées dans un assez vaste immeuble au n°102 de la rue Bernard. D’après le Ravet Anceau, c’était autrefois l’atelier du charpentier menuisier Vanacker Florin.

Saint Jean Bosco et les sœurs de l’ouvrier Photos Coll Privée

Cette œuvre est mise sous la protection de Saint Jean Bosco, fondateur des patronages dominicaux et de l’ordre des Salésiens, dont la mission consistait à recueillir les enfants pauvres ou abandonnés, à les éduquer et à leur donner une instruction professionnelle susceptible de faire d’eux des bons ouvriers. Saint Jean Bosco n’est pas un inconnu pour les roubaisiens, car il vint prêcher à Roubaix le 11 mai 1883 dans l’église Saint Martin. Il n’était alors que Dom Bosco, et il sera canonisé le 1er avril 1934.  Ce sont les « sœurs de l’ouvrier » dont la maison mère est à Croix, qui vont mettre leur dévouement à la disposition des familles du quartier, en visitant les malades, et en dispensant leur sacerdoce auprès des infirmes, des vieillards et des petits enfants. Elles s’occuperont de soupes populaires, d’ouvroirs et de vestiaires pour les déshérités. A partir de fin janvier 1943, leur chapelle permettra à tous ceux qui le souhaitent, et qui trouvent l’église paroissiale trop éloignée, de remplir leurs devoirs religieux.

L’autel de la chapelle de la maison Saint Jean Bosco Photo Brunin

La chapelle fonctionnait donc dans le cadre de la maison d’œuvres de St Jean Bosco, mais elle s’avéra très vite trop petite. On projeta un moment de construire une chapelle plus importante, sur un vaste terrain où se situait la cour Binet, au n°170, rue des Longues Haies. Un architecte, M. Forest, en dressa les plans, et la maquette fut présentée à la presse. Le projet ne fut jamais réalisé, mais le centre d’œuvres sociales de la rue Bernard continua d’exister et sa chapelle de fonctionner, jusqu’à la disparition intégrale du quartier en 1960.

Le 102 rue Bernard en 1942 et le projet de chapelle Photos Journal de Roubaix

La question de la centrale

La centrale autrefois Photo Nord Éclair

Alors que la démolition du gazomètre de la rue Bernard est intervenue en 1960, celle des bâtiments de la centrale électrique est envisagée pour 1972. Il y a en effet un projet de construction de quatre tours dans l’alignement d’une rue qui prendra le nom du fondateur de la Croix Rouge, Henri Dunant.

Cette centrale électrique se trouvait dans la rue qui lui doit son nom, la rue de la centrale, parfois raccourcie en rue centrale, petite voie parallèle à la rue de Lannoy, et qui rejoignait également le boulevard Gambetta, en venant de la rue Bernard. Cet équipement devait être remplacé par des installations nouvelles à l’angle de la rue de Tourcoing et de la rue Jacquard. En mars 1968, on commence l’édification des deux tours « du milieu », alors que les travaux de la troisième, du côté du boulevard de Belfort, démarrent en février 1969. L’année 1972 passe sans que rien ne bouge. La construction de la quatrième tour est différée. Fin 1973, rien n’a bougé.

La centrale et la rue Henri Dunant Photo Nord Éclair

La rue Henri Dunant a repris dans son parcours l’ancienne rue centrale. La démolition de l’usine Huet a libéré l’espace nécessaire pour la construction de la quatrième tour, qui ne sera donc pas dans l’alignement des trois autres. La vieille centrale électrique désaffectée devient alors un véritable chancre dans ce quartier composé de bâtiments neufs, à deux pas d’un centre commercial important. Un magasin de vêtements et une pharmacie sont venus refaire un morceau de front à rue au boulevard Gambetta, alors que la vieille centrale devient un lieu de squatters. Il faudra attendre février 1985 pour enfin voir disparaître ce dernier vestige du quartier des longues haies.

Les bains-douches

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Les Bains douches de la rue des Longues Haies Plan et vue 1911 docs AmRx

L’établissement des bains-douches du n°153 de la rue des Longues Haies a été construit dans le cadre des œuvres sociales de la Caisse d’épargne de Roubaix. Il ne s’agit toutefois pas de libéralité ou de bienfaisance, mais bien de placement en vue d’obtenir un rendement plus ou moins intéressant[1]. Le médaillon de façade est explicite sur la destination de l’équipement : Propreté donne Santé. L’établissement est composé de vingt cabines réparties dix de chaque côté dans le sens de la longueur. La céramique blanche et le système d’aération garantissent la salubrité des lieux. Chaque cabine comprend un coin déshabilloir[2], et la salle de douches. A l’époque de l’inauguration, on paie 20 centimes le bain-douche, savon compris, et le bain est limité à 20 minutes. On met en valeur la modicité du prix, tout en précisant que l’avenir de la propreté dépend du bon marché auquel on peut l’obtenir[3]. Autrement dit, plus les gens viendront se laver, plus l’établissement sera rentable.

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Vue intérieure des Bains douches doc JdeRx

Les Bains douches municipaux de la rue des Longues Haies ouvrent au public le 1er juillet 1911, pendant la grande exposition internationale. Ils seront inaugurés le 25 septembre 1911, à l’occasion de la conférence des caisses d’Epargne de l’Est et du Nord. Puis l’établissement des bains est acquis par la ville en 1921. Les anciens du quartier ont encore en mémoire la grande salle carrelée où l’on attend son tour, assis sur un banc avant d’accéder aux cabines de douches. Certains chantent dans les douches, ou font leur lessive, ce qui est strictement interdit. Il arrive qu’un client s’attarde, dépasse les vingt minutes imparties, mais quelques coups sur la porte lui signalent qu’il doit laisser la place. On sort de là tout frais, tout propre. Les derniers temps, une baisse de la clientèle et un déficit conséquent entraînent une augmentation qui porte le prix d’entrée à 50 francs. Les bains-douches ont fermé à la St Sylvestre 1960 pour difficultés financières et disparaissent dans les démolitions de l’opération de rénovation de la rue Edouard Anseele.

D’après le Journal de Roubaix
Remerciements à Robert et à Bernadette pour les témoignages.

[1] Les expressions employées sont du journaliste de l’époque
[2] Id
[3] Id

Cours d’infirmières

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Les futures infirmières du dispensaire Photo NE

Le dispensaire de la rue Edouard Anseele accueillait les élèves infirmières, les assistantes sociales ou les jeunes filles pour des formations. Il s’agissait de cours concernant la puériculture et les soins à donner aux malades et aux blessés. Les élèves infirmières pouvaient également y effectuer leur stage d’instruction, sous l’égide de la Croix Rouge.

Il fallait être âgée de 19 au moins et de 35 ans au plus pour être admise dans cette école. Les candidates infirmières viennent y préparer un diplôme d’Etat en deux ans. Trois cours de deux heures par semaine se déroulent dans une salle de cours pouvant accueillir une vingtaine d’élèves, et une salle de démonstration permet les travaux pratiques. Puis il y aura un stage obligatoire de onze mois à la clinique, au dispensaire, chez les infirmières visiteuses, à l’hôpital. Onze médecins donnent bénévolement des cours ainsi que trois religieuses qui sont des répétitrices, également chargées de cours de morale professionnelle[1] et de démonstrations pratiques.

Des jeunes filles viennent également là recevoir un enseignement médico-social qui est sanctionné par un diplôme d’infirmière de la Croix Rouge, qui ne leur donne pas le droit d’exercer, mais les prépare à leur rôle de future reine du foyer[2].

Il y a aussi des sessions pour les secouristes qui durent trois mois, à la cadence de trois cours du soir par semaine.

Les élèves ne manquent pas, il y a beaucoup d’inscriptions, et un examen d’entrée a lieu en juillet pour les candidates qui ne peuvent justifier d’un certain niveau d’études générales[3].

D’après Nord Éclair

[1] L’article d’où l’on a extrait tous ces détails date de 1950. Le milieu hospitalier était partagé entre religieuses et laïques. On parlerait aujourd’hui de déontologie et d’éthique.
[2] C’est l’époque de la formation de la femme comme future « reine du foyer » : cours à l’école ménagère, cours de puériculture.
[3] Quel pouvait être le contenu de cet examen de sélection ?

Les Longues Haies en 1931

Le roman de Maxence Van Der Meersch intitulé Quand les sirènes se taisent est paru en 1933. Il évoque le quartier des longues haies pendant les grèves de 1931.

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Van Der Meersch et son ouvrage
Collection particulière

Pierre Pierrard écrit dans la préface : c’est le Roubaix de l’avant guerre, de l’avant-36, le Roubaix de notre enfance, à la fois terriblement austère et terriblement attachant, qui tournait interminablement autour des trois pôles fixés par le XIXème siècle industriel : l’usine, le taudis, le cabaret. Ce roman est une des contributions de Maxence Van Der Meersch à la mémoire roubaisienne. Ce témoignage nous donne un grand nombre de descriptions des lieux et de la vie roubaisienne de l’époque, qu’il faut confronter à d’autres mémoires, celle des familles, des journaux, des différents syndicats, du monde politique. A lire ou à relire

La rue Edouard Anseele, héritière des Longues Haies

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La rue des Longues Haies doc Brunin

Il y a soixante dix ans la rue des longues haies prenait le nom de rue Édouard Anseele, par une décision du conseil municipal, qui souhaitait rendre hommage au grand dirigeant socialiste belge. Mais si le nom de la rue a changé, ses caractéristiques principales subsistent.

Tout d’abord la présence importante de l’industrie, de grandes usines, des filatures de laine principalement : au n°28 la filature des longues haies, Motte Porisse, qui produisait la marque des laines du Chat Botté, dont le souvenir subsiste avec le rond point auquel on a donné ce nom, au carrefour du boulevard de Belfort, de la rue du Coq français et de la rue St Jean. Cette usine sera détruite par un monstrueux incendie qui dura plusieurs jours en 1983. Il y avait aussi au n°38 la Manufacture des deux gendarmes, qui était une marque de linge de maison et de tissu éponge.  La rue passe ensuite entre l’usine Motte Bossut et la fabrique de couvertures Lemaire et Dillies ; la première abrite désormais les archives nationales du monde du travail et l’autre accueille l’IUP Infocom. Puis, à l’autre bout de la longue ligne droite, après la rue Pierre de Roubaix, il y a d’autres entreprises, principalement des bonneteries, dans la partie encore existante de la rue Edouard Anseele.

Entre la rue du Coq français et la rue Pierre de Roubaix se trouve un habitat de maisons serrées, avec de petites façades en front à rue, mais aussi avec de nombreuses courées, composées en moyenne d’une dizaine de maisons. Il y en a encore plus d’une trentaine en 1960. A la même époque, on y trouvait aussi huit épiceries, trois boucheries, deux drogueries, deux marchands de vins et spiritueux, quatre coiffeurs, deux libraires, et douze cafés.

La vitrine de ces commerces est souvent suivie par l’entrée d’une courée, avec ou sans porte, devant un court boyau sombre qui donne dans la cour entourée de deux alignements de maisons. Un point d’eau, une pompe, au fond les toilettes communes et les casiers à charbon…Souvent les cours communiquent entre elles, ce qui forme un labyrinthe inextricable à qui n’est pas du coin. Cet habitat est très ancien, certaines courées étant déjà citées en 1895, comme la cour Boucau au n°167, ou la cité Jénart-Beny au n°353. Malgré l’entretien et le nettoyage régulier, les maisons sont vieilles, et il arrive parfois que l’une ou l’autre s’effondre, comme ce fut le cas de la cour Leman, où six maisons s’effondrèrent, en décembre 1958.

Dès le début du vingtième siècle, dans un souci d’hygiène, de salubrité et de santé publique, ont été créés le dispensaire anti tuberculeux de la croix rouge qui abritera également l’école d’infirmières, et l’établissement des bains douches fondé par la caisse d’épargne en 1911. Ces deux établissements étaient encore en fonction avant l’opération de rénovation.

La caisse de crédit municipal, ex Mont de Piété, est installée entre la rue Dupleix et la rue du Coq Français ; on disait qu’on allait « Chez Ma Tante » pour y gager un bien quelconque en échange d’un peu d’argent. Près de là, se trouve la sortie de l’hippodrome, grand lieu roubaisien de spectacles : le cirque franco-belge y donne de nombreuses représentations, et c’est aussi une scène de music hall, d’opérette et d’opéra, rebaptisée Capitole pour les besoins du cinéma. Il sera démoli en 1964.

La rue est aussi le décor d’une braderie en avril, qui associe les marchands d’occasion avec les bradeux d’un jour, sans oublier les animations des commerçants et des cafés, où l’on joue, l’on chante et l’on danse.

A la fin des années cinquante, les fusillades entre partisans algériens du MNA et du FLN troublent la paix du quartier, qui devient alors le « douar Anseele ». Que le quartier ait été considéré comme un village (un douar), rien d’étonnant, car on trouvait dans la rue Édouard Anseele et les rues alentour, tous les ingrédients de la vie sociale, de travail et de loisirs.

Ces derniers épisodes, ainsi que l’insalubrité de l’habitat amenèrent la question : faut-il détruire le bloc Anseele ?  Lorsque Roubaix eut épuisé ses derniers terrains libres pour construire, commença alors l’opération rénovation des ilots insalubres, dont l’îlot Édouard Anseele fut l’un des premiers chantiers, dans lequel les démolitions commencèrent en 1959.Photo collection particulière

Les petits et les grands commerces

tricommerceslannoyLa rue « chic »

La rue de Lannoy traverse le quartier des Longues Haies. C’est une rue très commerçante, considérée comme une rue « chic » par les habitants des courées. Elle est bordée de magasins d’habillement renommés comme le chapelier Jean, les vêtements Blondeau, les chaussures Papillon Bonte, le chemisier Violette. Pour les articles de puériculture, on va chez Drouffe, depuis très longtemps. Il y a aussi la grande pharmacie Corbeau où un témoin se rappelle avoir acheté ses premières lunettes. Pour l’alimentation,  on se souvient encore de la boulangerie pâtisserie Raepzadt.

lannoy44rapzaedtLa maison Rapzaedt 44 rue de Lannoy Nord Eclair

Commerces de quartier

Le quartier des longues haies foisonne de petits commerces utiles à la vie de tous les jours : l’alimentation, la droguerie, le coiffeur, le cordonnier, le tailleur. Les petits commerçants pratiquent le petit crédit, et le remboursement vient avec les allocations en fin de mois ou avec la paie à la fin de la semaine. Il y a chez ces commerçants une convivialité qu’on ne trouve pas dans les grands rues marchandes. On va chez Marcel le coiffeur pour regarder la télé même si on ne se fait pas coiffer. On achète des bonbons chez Marie Bonheur, c’était une dame qui s’appelait Larmoyeur. Dans le quartier, il y a un marchand de charbon, chez Delbar rue Magenta, et le tailleur du quartier s’appelle Derasse. C’est l’époque où les brasseurs livrent des rondelles de bière aux cafés et des caisses de bouteilles aux particuliers avec des voitures à chevaux.

livraisonbrasseurUne livraison du brasseur Collection Particulière

Deux lieux importants : La Paix et le Mont de Piété

La Paix, une société coopérative

La Paix est issue de la fusion de deux coopératives : la première qui porte ce nom est créée en 1885 par un groupe socialiste majoritairement belge. La seconde, l’Avenir du Parti Ouvrier, inaugurée en 1887 par Jules Guesde, est l’œuvre d’Henri Carrette et de ses amis. En 1890, les deux sociétés se réunissent et vont s’installer au n°73 boulevard de Belfort. La coopérative la Paix vend du charbon et met en œuvre une boulangerie qu’Edouard Anseele vient inaugurer en 1892. La coopérative a pour objectifs de vendre moins cher le pain et le charbon aux populations ouvrières, en même temps que d’alimenter et de financer la propagande du parti ouvrier. Le n°73 du boulevard de Belfort devient ainsi le siège d’un grand nombre de syndicats ouvriers du textile, et celui du parti ouvrier, qui devient la section française de l’internationale ouvrière (SFIO)  en 1905.

Jules Guesde est député de Roubaix de 1893 à 1898, et de 1906 à 1919. Henri Carrette est maire de Roubaix de 1892 à 1901.

La salle des fêtes de la Paix doc AmRx

La Paix, un lieu politique et culturel

La Coopérative la Paix s’est vite développée et ses locaux accueillent de nombreuses activités. Ils sont composés d’un vaste café, de bureaux pour les réunions (syndicats, mutuelles, parti ouvrier) d’une bibliothèque. Une fanfare est créée et le théâtre populaire vient y tenir siège et scène. La Paix possède en effet une superbe salle des fêtes, où se déroulent les meetings politiques, les assemblées générales des coopératives, des syndicats et du parti, les conférences, les fêtes diverses à l’occasion du 18 mars et du 1er mai, et même le cinéma qui vient côtoyer le théâtre et la politique avant 1914.

La Paix en 1964 avant sa démolition doc AmRx

Le Mont de Piété

Familièrement surnommé chez Ma tante, le Mont de Piété se trouve au n°65 de la rue des Longues Haies. Il devient le crédit municipal, bureau des prêts sur gages en 1934. Un silence général régnait dans la grande salle sombre où étaient installés des bancs. Quand venait son tour, on pénétrait dans un petit isoloir en bois, où à l’abri des regards, on présentait l’objet qu’on allait mettre au clou contre quelque argent. Un employé en blouse bleue l’examinait et l’estimait, en général au tiers de sa valeur. Puis il sortait trois papiers roses, l’un pour le déposant, le deuxième pour l’objet, le troisième pour les archives, sur lesquels il inscrivait l’identité du déposant, la nature de l’objet, le montant du prêt. La destruction progressive du quartier Anseele à partir de 1958 lui enlève beaucoup de clients, car on allait au Mont de Piété comme on allait chez l’épicier ou le boucher. On y déposait généralement un bijou, une montre, parfois un transistor le lundi, qu’on récupérait en fin de semaine. Il arrivait aussi que les objets soient vendus aux enchères.

Le Mont de Piété CP Méd Rx

à suivre

La maison Saint Jean Bosco

Un lieu de vie et de culte

Dès le mois de janvier 1945, le principe d’un groupe d’œuvres Saint-Jean-Bosco est envisagé par l’abbé-doyen de Sainte Elisabeth Carissimo, avec la bénédiction de son Eminence le cardinal Liénart. Ce groupe devait comprendre des salles de réunion pour conférence, un cercle d’études, un jardin d’enfants, un terrain de sport, une cantine. Mais ce fut aussi un lieu de culte avec une chapelle, où l’on pratiqua des baptêmes, des communions et des mariages.

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Mariage et communion Photo Brunin et NE
Les personnes

L’abbé André Dalle est vicaire à la chapelle Dom Bosco depuis 1949. Il exerce dans le quartier des longues haies un apostolat méritoire, quand en 1955 il est désigné par l’autorité diocésaine aux importantes fonctions d’aumônier de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne de Roubaix. Pendant six ans, avec l’abbé Langlart et l’abbé Cockenpot, il se dévoue corps et âme au bien matériel et moral de ses humbles paroissiens, vivant au milieu d’eux, travaillant comme eux, ce qui lui vaut le respect et l’amitié de la population du quartier. Sœur Saint-Ignace, Petite Sœur de l’ouvrier a longtemps dirigé un jardin d’enfants dans cette maison. Les petits roubaisiens de 3 à 6 ans y sont accueillis, à condition qu’ils résident dans le quartier des Longues Haies. C’est un lieu d’accueil et d’éducation apprécié par la population.

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Sœur Ignace et Abbé Dalle Photos Brunin

La visite

La maison Saint Jean Bosco se trouve dans la rue Bernard. L’entrée est au n°102. Dans le hall, sur la droite, il y a une salle de dispensaire et de soins médicaux donnés par les bonnes sœurs, puis la salle de bibliothèque. Sur la gauche, le logement des sœurs. On accède ensuite à une cour intérieure qui donne sur deux classes pour les petits, la salle de cantine et le dortoir. Au fond, la chapelle et à l’étage, une salle pour le catéchisme.

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La façade de la chapelle St Jean Bosco Coll Particulière
à suivre