André Roose est né en 1925. A 14 ans, il passe son certificat d’études. Il est passionné de menuiserie et d’ébénisterie, mais ses parents préfèrent l’orienter vers un métier plus »noble » comme la couture. La mère d’André, Hélène Roose est d’ailleurs couturière à son domicile, au 3 avenue Anatole France à Lys lez Lannoy.
André devient donc apprenti-tailleur chez A. Corman dans le quartier de la Justice à Lys lez Lannoy, puis part à Paris continuer sa formation, chez de très grands couturiers. Il commence son apprentissage chez Maggy Rouff (haute couture pour femmes), puis chez O’Rossen (couturier pour hommes). Sa formation consiste à prendre les mensurations des clients, couper le tissu, assembler les pièces, effectuer les essayages. Ces deux grandes maisons parisiennes habillent des personnalités fort connues dans le domaine du spectacle et de la politique : André Roose habille ainsi Yves Montand, Sacha Guitry et son épouse, Vincent Auriol.
André rentre chaque fin de semaine à Lys lez Lannoy. Il rencontre Odette Crépel et ils se marient en 1948.
Son apprentissage étant terminé, André décide de s’installer à son compte en tant qu’artisan tailleur pour hommes et femmes. Il fait l’acquisition d’un local au 21 rue de Lille à Roubaix en 1948.
Les débuts sont laborieux et difficiles car la concurrence est vive. En 1948, on dénombre en effet 127 tailleurs sur la ville de Roubaix ! Pour se démarquer de ses confrères, André choisit de s’orienter vers le haut de gamme, car il connaît parfaitement son sujet, fort de sa formation chez les grands couturiers parisiens.
Sa stratégie est bonne : le nombre de clients augmente dans les années 1950. André est courageux, tenace et persévérant. Odette son épouse, l’aide en tenant la comptabilité et en effectuant quelques travaux de couture dans l’atelier qui se trouve au fond de la maison. Ils habitent à l’étage.
Au début des années 1960, le succès est au rendez vous. Quatre personnes travaillent désormais à l’atelier. Le manque de place se fait cruellement sentir. André a l’opportunité d’acheter la maison voisine au 23 rue de Lille sur le coin de la rue Chanzy. Il en fait l’acquisition et décide de transformer complètement les 2 habitations en un seul point de vente. Le dossier est confié à Marcel Cauwel, décorateur, au 8 bis rue du Collège. Les devis s’élèvent à 42.600 Frs. Les travaux démarrent en 1966.
Le résultat est magnifique et très luxueux. La façade est faite en pierre reconstituée. La porte d’entrée est vitrée, décorée or, de style Empire et encadrée de colonnes ioniques.
A gauche au 21, le local est réservé au »sur mesure ». Dans la vitrine, des pièces de tissu haute draperie sont élégamment exposées, ainsi que des complets de grande classe. André Roose reçoit personnellement la clientèle, et conseille les messieurs ayant choisi la grande mesure.
A droite au 23, la boutique propose 2 possibilités à la clientèle : le prêt-à-porter masculin et la mesure industrielle. La boutique est également très luxueuse, les présentoirs sont de style Empire, la moquette de couleur vert bronze, le plafond en vieil or, le lustre de style Regency ; les murs fonctionnels sont en acajou, et 2 cabines d’essayage sont à disposition de la clientèle.
Dans la vitrine, décorée en fonction de la saison, on trouve les produits des différents fournisseurs : Guy Dormeuil, Pierre Cardin, Mac Gregor, Zegna Ermenegildo.
André lance une campagne de publicité dans la presse locale : » André Roose maître-tailleur, et sa Boutique Monsieur Élégant ». C’est le Temple du chic masculin. André est membre du groupement de commerçants roubaisiens : Élégance et Distinction.
A l’étage, l’appartement est également plus spacieux. Cela tombe très bien car André et Odette ont deux fillettes ; Christine née en 1950 et Catherine née en 1953.
En 1972, la municipalité, après une analyse de la circulation des véhicules dans le quartier, décide que la rue de Lille sera en sens unique, sur une seule voie de circulation. André est le président de l’UCDRL »Union des Commerçants De la Rue de Lille » et déplore cette décision. C’est en effet une catastrophe pour les 25 commerçants de la rue qui enregistrent des baisses de 20 à 30 % de leur activité, l’année suivante.
A la fin des années 1970, le commerce évolue. C’est le déclin du sur mesure et le développement du prêt-à-porter. André embauche une vendeuse pour les vêtements féminins, afin de faire face à cette nouvelle demande .
André arrête son activité en 1985 et prend sa retraite. Il cède son magasin à son ancienne vendeuse Martine Cabre, qui continue l’activité. Peu de temps après, elle garde le 21, et loue le 23 à Philippe Jacob. Les deux points de vente ferment définitivement au début des années 1990.
Remerciements à André Roose et Christine Marichez ainsi qu’aux Archives Municipales.