La présence industrielle s’est développée à partir de la Gare du Pile construite en 1878, agrandie et reliée à la Belgique par Wattrelos en 1897. La même année, le 11 juin, l’alignement de la rue Brame est décidé, ainsi que celui de la rue du Pile, avec les rues Molière et d’Anzin. C’est donc tout le quartier qui s’organise autour de la Gare dite de Roubaix Wattrelos.
En tête de lettre Vandecrux Coll Méd Rx
Entreprises de la rue Brame
La caractéristique de la rue Brame, c’est de n’avoir longtemps eu que des numéros impairs où se trouvaient des entreprises, l’autre côté de la rue étant constitué de champs et de jardins, propriétés d’horticulteurs ou de cultivateurs.
Dans les années soixante, parmi les entreprises de la rue, il y a la Société de Teintures et de Produits Chimiques de Monsieur Vandecrux depuis 1894 au n°55. La Société Wattinne Bossut et fils, triage de laines, puis la fonderie de Croix. Le parc à charbon de la Société Gertgen Guiot est au n°19. La grande brasserie de Lille y eut un dépôt au n° 189. Des maraîchers y ont encore quelques arpents de terre, comme M. Delbecque du Carihem ou encore M Corne de la rue de Tournai. De nos jours, cette rue a changé: elle possède désormais deux voies séparées par un terre plein, et depuis le 27 janvier 1964, elle a pris le nom d’avenue Jules Brame, désignation plus en rapport avec sa taille, en hommage à la mémoire d’un important personnage politique nordiste du siècle dernier.
Publicités 1958 Coll Particulière
Fonderie de Croix
Créée à Croix en 1896, rue de la fonderie, par M. Vanoverschelde, cette société ne prendra son nom actuel qu’en 1955, quand elle sera reprise par une entreprise …tourquennoise. En 1962, la Fonderie de Croix s’installe dans le quartier des Trois Ponts, à l’emplacement du triage de laine Wattinne Bosssut dont les bâtiments ont été complètement démolis pour laisser place à des installations neuves. La cité n’existait pas encore, il n’y avait que des champs en face. La Fonderie de Croix employait soixante ouvriers et produisait des pièces industrielles pour le textile, le bâtiment et le matériel agricole, et du mobilier urbain (bornes en fonte, barrières de protection, grilles).
La fonderie de Croix aux Trois Ponts Photo Nord Éclair
A l’extrémité du boulevard de Beaurepaire, il existe un double siphon qui passe sous le canal de Roubaix, où se déversent tous les égouts de la ville. La boue accumulée gène le passage des eaux polluées et plus les aqueducs sont encombrés, plus le quartier des Trois Ponts risque de voir les égouts déborder au moment des inondations. Le siphon du Sartel sera désormais dragué deux fois par an par les égoutiers.
Le siphon du Sartel (photo Nord Éclair)
Construction d’un vaste aqueduc
En 1958, d’importants travaux commencent aux Trois Ponts pour assainir le quartier. Il s’agit de construire un vaste égout collecteur qui partant du passage à niveau qui se trouve à l’extrémité de l’avenue Salengro, aboutira au riez de l’Espierre, qui se trouve de l’autre côté du canal. Il faudra donc construire un siphon qui permettra de conduire les eaux usées dans l’Espierre sans pour autant se mélanger à celles du canal. Le nouveau collecteur avance à la cadence de sept mètres par jour. De même passera-t-on sous les rails de chemin de fer du passage à niveau des Trois Ponts, lequel sera fermé pour un temps à la circulation automobile et ferroviaire. Le nouveau collecteur devait être mis en eau au printemps 1959.
Les travaux d’assainissement aux Trois Ponts (photos Nord Éclair)
L’avenue de Verdun
La création de l’avenue de Verdun va transformer l’ancien quartier des Trois Ponts. Ouverte du côté de l’avenue Salengro, elle va rejoindre en ligne droite le quartier du Pile, après avoir établi la jonction avec l’avenue Julien Lagache prolongée. Le carrefour formé par les rues Beaumarchais, Charleroi et des Trois Ponts disparaît à l’endroit de la jonction avec le boulevard de Mulhouse. L’avenue de Verdun se présente comme la nouvelle grande voie de passage des Trois Ponts au détriment de la rue de Tournai.
L’avenue de Verdun à ses débuts (photo Nord Éclair)
De l’eau, il y en avait donc aux Trois Ponts, du moins on en cherchait…en 1955, des forages sont effectués sous l’égide du service intercommunal des eaux de Roubaix Tourcoing. On va creuser jusqu’à 120 mètres de profondeur, et pour cela l’énergie électrique est nécessaire, comme d’ailleurs par la suite le pompage. On prévoit de placer une conduite de 450 millimètres de diamètre. Un derrick est bientôt installé à deux pas du stand de tir, afin de remonter l’eau de la nappe aquifère de l’Escaut.
Forages et derrick aux Trois Ponts (photos Nord Éclair)
L’eau, ce fléau.
Mais l’eau, c’est aussi beaucoup de désagréments dans le quartier des Trois Ponts. Dès qu’un violent orage éclate, les eaux de pluie ne sont pas absorbées par les terres, remplissent les aqueducs et les égouts, ressortent en bouillonnant par les caniveaux et laissent en se retirant un épais tapis boueux. Quand il y avait un orage, tout le monde se pressait de mettre les chaises sur les tables. Tout était inondé. Dans le bas de la rue de Tournai, on faisait du bateau, il y avait plus d’un mètre cinquante d’eau. Les habitants essaient de se prémunir des inondations : il fallait faire des murets d’un mètre de hauteur devant les maisons parce que le quartier était souvent inondé. Rien n’y fait. Personne n’est épargné : lors des inondations la ferme Lebrun était envahie par les eaux, qui atteignaient parfois un mètre de hauteur dans la cour située au centre des bâtiments. La chaussée est dépavée par endroits avec la violence du courant, la chaufferie d’une usine est inondée.
Les boues des Trois Ponts (photos Nord Éclair)
Les riez insuffisants
Les deux modestes affluents de l’Espierre, le riez de Cohem et celui de Maufait, se révèlent insuffisants pour canaliser les eaux pluviales et résiduelles du secteur.
Quand il pleut à Barbieux, les Trois Ponts ont les pieds dans l’eau !
Les écoles ont entouré le quartier des Trois Ponts, bien avant qu’il soit question d’en faire une cité nouvelle. L’avenue de Verdun qui est aujourd’hui la voie principale du nouveau quartier, a aussi établi la jonction entre les trois établissements scolaires qui l’ont précédée.
Le Groupe Scolaire Jean Macé boulevard de Mulhouse (photo PhW)
Le Groupe scolaire Jean Macé
L’école Jean Macé, boulevard de Mulhouse a été construite pour remplacer la vétuste école de la rue Delzenne. Bien que l’établissement fonctionne déjà depuis la rentrée d’octobre, il est inauguré le dimanche 24 décembre 1933, en présence du député-maire de Roubaix, Jean Lebas, des députés du Nord Bracke et Dupré et des représentants de l’académie et des amicales laïques. Quelques innovations sont remarquées: le sol sans joint de l’école, solide, résistant à l’usure, lavable et incombustible. Egalement le mobilier scolaire moderne de la société Fischer de Paris. L’ensemble est moderne, clair, harmonieux. Pendant la visite, un spectacle se déroule dans la salle des fêtes de l’école. Même si elle semble tourner le dos au quartier des trois Ponts, elle en sera longtemps le centre de la vie scolaire, sportive et culturelle.
Le lycée Maxence Van Der Meersch photo Archives Municipales
Un nouveau lycée
Le principe de la construction d’un lycée complet de garçons est adopté en 1950. Il accueillera un millier d’élèves dans un quartier tranquille, bien exposé et aéré, affranchi des mitoyennetés. Le 1er octobre 1955, le lycée Maxence Van Der Meersch accueille 450 élèves pour sa première rentrée scolaire. La première tranche des travaux est terminée, elle comprend le bâtiment d’administration, deux bâtiments de classe et un réfectoire. La seconde tranche de travaux se termine en 1958 : un gymnase, un internat, deux nouveaux bâtiments d’étude viennent compléter l’ensemble. Entre-temps, le lycée a été inauguré par Guy Mollet président du conseil, le 30 septembre 1956.
La future école Pierre de Ronsard en 1957 (photo Nord Éclair)
L’école des vaches
L’architecte Pierre Neveux est le concepteur de ce nouvel établissement scolaire qui comporte seize classes. L’avenue Julien Lagache s’arrêtant bien avant l’école, le groupe scolaire voisine encore avec pâturages et vaches, ce qui lui vaut le nom d’école des vaches. L’inauguration du nouveau groupe scolaire aura lieu le 21 septembre 1957 et sa première directrice sera Madame Julienne Pruvot Lozé. Il comporte dix classes de filles, avec une section d’enseignement ménager, six classes maternelles, et une cantine. Cette école perdue au milieu de terrains encore embroussaillés et de pâtures ne restera pas longtemps isolée. On l’appelle déjà l’école publique des Trois Ponts, car elle accueille des enfants de la rue de Cohem et du Carihem, avec ceux de la Fraternité et du Pile. Elle verra la cité des Trois Ponts se construire, et d’autres enfants arriver, en 1969 de la rue Léonie Vanhoutte et de l’avenue Kennedy, en 1970 de la rue Léo Lagrange… Le groupe scolaire devient alors l’école Pierre de Ronsard.
C’est en 1953, à l’initiative d’un groupe de résistants des Trois Ponts qu’un cortège se forme avenue Julien Lagache, traverse la quartier des Trois Ponts pour honorer la mémoire du jeune sergent. Depuis lors, chaque année, dans les premiers jours de septembre, Louis Bettremieux reçoit ainsi l’hommage de son quartier, mais aussi des personnalités roubaisiennes et militaires, qui viennent s’incliner, présenter les armes et les drapeaux devant la plaque commémorative de la rue Brame.
Un résistant
Louis Bettremieux est un authentique résistant qui prit part très tôt aux actions directes contre l’ennemi. Sous le pseudonyme de « Georges Dubus », il s’engage dans la lutte clandestine et dès l’année 1942, il est enrôlé dans le 1er bataillon des FFI. Le 2 septembre 1994, il est grièvement blessé par une balle explosive dans la rue Brame à Roubaix. Transporté à l’hôpital de la Fraternité, il meurt sans avoir repris connaissance. La Croix de guerre et la Médaille militaire lui seront décernées le 2 septembre 1952. Une plaque apposée sur le mur de l’usine près de l’endroit où s’est déroulé le drame évoque le souvenir de ce valeureux soldat qui avait moins de 20 ans au moment des faits.
Une rue à son nom
La rue du Sergent Louis Bettremieux a été constituée avec un tronçon de l’ancien sentier qui reliait la rue de Charleroi à l’ancienne rue des Palmiers. C’est au cours d’une délibération du conseil municipal en date du 22 novembre 1971 que l’on décida de donner à cette artère dont la longueur est de 100 mètres environ, le nom d’un héros roubaisien de la résistance qui fut victime des combats qui opposèrent les soldats des Forces Françaises de l’intérieur aux militaires allemands en retraite.
La ferme Lebrun, dite des Trois Ponts, est située au carrefour des rues Victor Hugo, Charleroi et des Trois Ponts. Elle est dans la famille Lebrun depuis 1753 soit six générations. Expropriée depuis 1953, elle est démolie en 1959, peu avant la construction de l’avenue de Verdun. C’est une exploitation importante avec ses huit hectares et ses dix huit vaches. Mais le cultivateur devait effectuer un parcours de vingt minutes pour atteindre ses champs qui se trouvaient non loin du stand de tir.
En 1959, la ferme Loridan ne possède plus que quelques hectares de terres, insuffisantes pour assurer la nourriture de ses huit vaches La ferme Loridan disparaîtra en 1970. Elle se situait rue de Charleroi.
Tradition horticole et maraîchère
Les fermiers sont présents dans le quartier depuis de nombreuses générations, mais on trouvait aussi dans le quartier des maraîchers et des sociétés horticoles auxquelles venaient s’approvisionner les nombreux fleuristes roubaisiens. Parmi les plus anciennes se trouvait l’établissement d’horticulture Willem, bouquets en tous genre et entreprise de jardin, puis l’établissement d’horticulture des Trois Ponts Lauwick Berche, 10 rue de Tournai, dont les serres se situaient à deux pas de l’usine Vandecrux. Plus récemment on peut citer les maraichers Delbecque au 176 rue du Carihem et Corne au 47 de la rue de Tournai. La rue des Palmiers toute proche tire sans doute son nom des pratiques horticoles de l’endroit.
Derniers vestiges
Ces maisons situées dans la rue de Charleroi sont les derniers vestiges du temps où les Trois Ponts étaient encore un lieu champêtre. Elles témoignent du passé rural par la forme du toit à pan coupé, les petites fenêtres dans le fronton et les marches du seuil de la porte.
Photos Nord Éclair, Médiathèque de Roubaix et Collection Particulière
Monté avec des moyens de fortune, l’expression est de la presse de l’époque, le centre social du boulevard de Belfort dispose de petits berceaux, de meubles de bébé, d’un parc, d’une machine à coudre, d’un poste de radio dans sa salle d’accueil. La responsable du centre, Melle Houmer reçoit les visiteurs qui ont un dossier à établir, une démarche à accomplir. Une monitrice d’enseignement ménager, Melle Jacquart donne des cours de cuisine le jeudi. Melle Vandamme s’occupe de la bibliothèque qui reçoit plus de cent lecteurs adultes. Melle Vanwelden enseigne le chant et la danse, la peinture et la décoration aux fillettes. Melle Trackoen prépare une exposition avec des enfants pour une fête qui doit avoir lieu le 30 avril. Ce centre est présenté comme la Maison du quartier, amicale, accueillante, serviable où l’on est accueilli par des amis, et entouré d’amis. Cette description extraite du journal Nord Éclair d’avril 1950 décrit un lieu aujourd’hui disparu, car il se situait dans les numéros impairs du boulevard de Belfort (vraisemblablement au n°51). Cet endroit éveille-t-il des souvenirs pour certains ?
Le premier plan maquette du nouveau quartier Edouard Anseele présenté à la presse en novembre 1959 ne prévoit pas encore de groupe scolaire, ni de surface commerciale. A l’emplacement de la future école figure un square, enclavé entre les nouveaux bâtiments projetés. Cependant une nouvelle maquette projet d’avril 1962 intègre ces deux structures. Alors que les premiers bâtiments sont à peine terminés dans la rue Bernard, qui deviendra la rue Jules Watteuw, la question de l’implantation d’un groupe scolaire dans le nouveau quartier Edouard Anseele est portée devant le conseil municipal, qui délibère le 6 juillet 1964 pour un avant projet d’un peu plus de 4 millions et demi de francs.
Le projet sera revu à la baisse et l’on économisera en construisant en largeur, plutôt qu’en hauteur. Le groupe scolaire ne disposera que d’un étage au lieu de deux, ce qui entraine une réduction des coûts de 25%. Un plan prévisionnel du quartier de novembre 1966 montre que le groupe scolaire occupe une surface de 7500m² et se trouve dans un quadrilatère formé par la rue Bernard, la rue Pierre de Roubaix, le Boulevard de Belfort, et le futur centre commercial Roubaix 2000. Une ceinture de bâtiments en voie d’achèvement l’isole des rues citées. On prévoit de tracer une rue entre le bâtiment de la rue Bernard et l’école : ce sera la rue Albert Camus. Les architectes Bourget et Pucheaux ont tracé les plans du futur groupe scolaire qui comprend une école maternelle, une école de garçons, une école de filles -ces deux dernières de sept classes- et un gymnase. L’année 1966 voit le démarrage de l’opération : l’adjudication en mars, l’obtention des crédits en juillet, et le début des travaux en septembre. La première tranche de travaux concerne l’école de garçons et la maternelle, et doit être terminée pour Pâques 1967, mais il y un peu de retard. L’entreprise roubaisienne Ferret Savinel en a réalisé le gros œuvre. L’établissement bénéficie des dernières techniques modernes : panneaux d’aluminium avec isolateur thermique, allèges des nombreuses fenêtres garnies de châssis en aluminium et garnies de tôles émaillées vertes.
L’inauguration a lieu le samedi 9 septembre 1967 en présence de M. Bon inspecteur d’académie, des inspecteurs de l’Education Nationale Mme Valade et M. Bourret, du maire de Roubaix Victor Provo, des maires de Lys et de Wattrelos et de nombreux représentants du corps enseignant, des amicales, des délégations cantonales et des entreprises ayant participé à la construction du groupe.
La première année scolaire de l’établissement est donc 1967-1968. Il fonctionne avec quatre classes sur sept, tant pour la maternelle que pour l’école de garçons. Mme Debels quitte la direction de l’école maternelle de la rue Beaurewaert pour celle de la maternelle Camus. M. Waret quitte la direction de l’école de la rue Archimède pour celle de l’école de garçons Albert Camus, qui devient une école mixte. M.et Mme Waret, M. Jean Noël, et Mme Anne Marie Droit seront les quatre premiers enseignants de l’école. Au moment de l’ouverture, on ne savait pas exactement le nombre d’enfants habitant dans les appartements entourant le groupe scolaire. Il était cependant destiné à décharger les classes encombrées des écoles de la rue Pierre de Roubaix et de la rue Beaurewaert.
L’atelier mémoire continue l’écriture de l’histoire du groupe scolaire, jalonnée de nombreux projets et événements.
Bertrand, un des fils du premier directeur Jean Waret, nous écrit :
Il me semble qu’à la toute première rentrée de l’école primaire, les enseignants en place étaient M et Mme Waret, M. Noël, et M. Moreau qui ne finira pas l’année scolaire. J’ai souvenir d’un départ en cours d’année. Mme Droit est arrivée soit en remplacement soit la deuxième année. Monsieur Moreau devait habiter dans les immeubles de la rue Albert Camus. Mon souvenir repose sur l’emménagement de Mme Droit sur notre palier dans le logement de fonction de l’école primaire alors que nous étions installés depuis 1968.
Cela est confirmé par le témoignage de Jean Noël. D’après lui,
L’école Albert Camus est la première école mixte de Roubaix, elle a été ouverte en septembre 1967. Quatre enseignants ont été nommés à cette occasion : M. et Mme Waret, M. Jean Noël, M. Jean Moreau. Comme il n’y avait que 65 élèves (ou un nombre approchant), M. Moreau est parti rue Chanzy où il a pris une classe spéciale (adaptation ?) puis il a pris un poste en tant que PEGC à Van Der Meersch. Il faisait partie du PS de Roubaix, et se trouve actuellement en Italie, il est atteint de la maladie de Parkinson. L’inspecteur de cette époque était M. Bouret.
La rue de Lannoy traverse le quartier des Longues Haies. C’est une rue très commerçante, considérée comme une rue « chic » par les habitants des courées. Elle est bordée de magasins d’habillement renommés comme le chapelier Jean, les vêtements Blondeau, les chaussures Papillon Bonte, le chemisier Violette. Pour les articles de puériculture, on va chez Drouffe, depuis très longtemps. Il y a aussi la grande pharmacie Corbeau où un témoin se rappelle avoir acheté ses premières lunettes. Pour l’alimentation, on se souvient encore de la boulangerie pâtisserie Raepzadt.
La maison Rapzaedt 44 rue de Lannoy Nord Eclair
Commerces de quartier
Le quartier des longues haies foisonne de petits commerces utiles à la vie de tous les jours : l’alimentation, la droguerie, le coiffeur, le cordonnier, le tailleur. Les petits commerçants pratiquent le petit crédit, et le remboursement vient avec les allocations en fin de mois ou avec la paie à la fin de la semaine. Il y a chez ces commerçants une convivialité qu’on ne trouve pas dans les grands rues marchandes. On va chez Marcel le coiffeur pour regarder la télé même si on ne se fait pas coiffer. On achète des bonbons chez Marie Bonheur, c’était une dame qui s’appelait Larmoyeur. Dans le quartier, il y a un marchand de charbon, chez Delbar rue Magenta, et le tailleur du quartier s’appelle Derasse. C’est l’époque où les brasseurs livrent des rondelles de bière aux cafés et des caisses de bouteilles aux particuliers avec des voitures à chevaux.
La Paix est issue de la fusion de deux coopératives : la première qui porte ce nom est créée en 1885 par un groupe socialiste majoritairement belge. La seconde, l’Avenir du Parti Ouvrier, inaugurée en 1887 par Jules Guesde, est l’œuvre d’Henri Carrette et de ses amis. En 1890, les deux sociétés se réunissent et vont s’installer au n°73 boulevard de Belfort. La coopérative la Paix vend du charbon et met en œuvre une boulangerie qu’Edouard Anseele vient inaugurer en 1892. La coopérative a pour objectifs de vendre moins cher le pain et le charbon aux populations ouvrières, en même temps que d’alimenter et de financer la propagande du parti ouvrier. Le n°73 du boulevard de Belfort devient ainsi le siège d’un grand nombre de syndicats ouvriers du textile, et celui du parti ouvrier, qui devient la section française de l’internationale ouvrière (SFIO) en 1905.
Jules Guesde est député de Roubaix de 1893 à 1898, et de 1906 à 1919. Henri Carrette est maire de Roubaix de 1892 à 1901.
La Paix, un lieu politique et culturel
La Coopérative la Paix s’est vite développée et ses locaux accueillent de nombreuses activités. Ils sont composés d’un vaste café, de bureaux pour les réunions (syndicats, mutuelles, parti ouvrier) d’une bibliothèque. Une fanfare est créée et le théâtre populaire vient y tenir siège et scène. La Paix possède en effet une superbe salle des fêtes, où se déroulent les meetings politiques, les assemblées générales des coopératives, des syndicats et du parti, les conférences, les fêtes diverses à l’occasion du 18 mars et du 1er mai, et même le cinéma qui vient côtoyer le théâtre et la politique avant 1914.
Le Mont de Piété
Familièrement surnommé chez Ma tante, le Mont de Piété se trouve au n°65 de la rue des Longues Haies. Il devient le crédit municipal, bureau des prêts sur gages en 1934. Un silence général régnait dans la grande salle sombre où étaient installés des bancs. Quand venait son tour, on pénétrait dans un petit isoloir en bois, où à l’abri des regards, on présentait l’objet qu’on allait mettre au clou contre quelque argent. Un employé en blouse bleue l’examinait et l’estimait, en général au tiers de sa valeur. Puis il sortait trois papiers roses, l’un pour le déposant, le deuxième pour l’objet, le troisième pour les archives, sur lesquels il inscrivait l’identité du déposant, la nature de l’objet, le montant du prêt. La destruction progressive du quartier Anseele à partir de 1958 lui enlève beaucoup de clients, car on allait au Mont de Piété comme on allait chez l’épicier ou le boucher. On y déposait généralement un bijou, une montre, parfois un transistor le lundi, qu’on récupérait en fin de semaine. Il arrivait aussi que les objets soient vendus aux enchères.