U53 à Wattrelos

Il ne s’agit pas d’une histoire de sous marins ni même d’objets volants non identifiés. Il s’agit d’un nouveau type de logement réalisé par le bureau d’études du CIL dans le cadre de la loi Courant, du nom du ministre qui fit voter en 1953 une loi facilitant la construction de logements tant du point de vue foncier que du point de vue du financement et de l’appareil de production. Le projet U53 est également établi dans la perspective des travaux du quartier de la Mousserie, qui seront adjugés en mai-juin 1953 : 1600 logements prévus sur 50 ha, 30 % collectifs et 70 % de maisons individuelles.

Le type U53 bureau d’études CIL vise à la fois à faire baisser les coûts de production et le prix de la maison. Les portes et fenêtres préfabriquées permettent un achat en nombre qui entraîne une baisse des coûts. Par ailleurs, l’utilisation de l’aluminium en tôle pour les toitures a pour conséquence l’allègement des charpentes ce qui représente de sérieuses économies, avec des matières isolantes de qualité supérieure. Les plomberies et tuyauteries également préfabriquées facilitent une pose rapide, soit 40 % d’économie ! La maison U53 offre une baignoire, un chauffe bain, un évier en grès dans la cuisine.

Le plan U53 publié par NE

Comment se présente un U53 ? C’est une maison d’une architecture un peu différente, avec une toiture en pente très faible, 5 degrés seulement, qui suffit à assurer l’écoulement des eaux, surmontée de cheminées très basses. De larges baies facilitent l’entrée de la lumière au rez de chaussée dans un living room de 18 m² avec une cuisine et la salle d’eau. À l’étage, il y a trois chambres bien éclairées et la maison dispose d’une cave. Le prix de revient d’un U53 a été abaissé à moins de 1.700.000 francs.

Les deux U53 de la rue du Commandant Bossut Photo NM

Des prototypes sont en construction au Brun Pain (Tourcoing) et rue du Commandant Bossut (Wattrelos). Le jeudi 16 février premier coup de pioche sur le chantier de la rue du Commandant Bossut. Neuf semaines après, soit quarante jours de travail ouvrables, deux unités de U53 sont construites. C’est une performance ! Des cinq semaines pour le gros œuvre, il n’en a fallu que quatre, les portes et cloisons ont été posées dès leur arrivée, cloisons mises au point d’après un brevet anglais qui servit pendant la guerre à bord des avions de la RAF. Les plafonds sont constitués par des plaques de 3,60 m, l’encadrement des fenêtres est en alliage d’aluminium absolument indéformable et l’équipement sanitaire se monte comme les pièces d’un véritable meccano.

Les deux maisons U53 de la rue du Commandant Bossut sont ouvertes à la visite dès le vendredi 8 mai. Près de huit mille personnes viendront les découvrir. Le succès est tel que le ministre d’État Édouard Bonnefous ne put y accéder.

Ces modèles de maison sont destinés à la Mousserie et la Tannerie pour un millier d’exemplaires. À la Mousserie il y aura aussi un certain nombre de maisons de type W construites selon le principe hollandais c’est-à-dire comprenant deux logements superposés. on pourra devenir propriétaire en 25 ans (apport initial 50.000 francs, mensualité de 5000 francs).

Square des platanes 1952

Le platane commun est largement utilisé comme arbre d’alignement pour orner les places et les rues, nous dit le dictionnaire. Ce sont des arbres qui supportent bien l’élagage et les conditions de vie en milieu urbain.

Le square des Platanes en 1951 doc IGN

Pas une commune en France qui n’ait son square ou sa rue des platanes. Pour Wattrelos, le square des platanes établit la jonction entre la rue des poilus, et se séparant en deux voies avec vers la gauche l’avenue Henri Carrette, et vers la droite se scinde en deux vers la rue des fossés et une dernière dérivation en impasse. Vu du ciel, ce square présente la forme d’un arbre.

Le chantier de 1952 Doc NE

C’est en mai 1952 qu’on apprend par voie de presse que la société de HLM La Maison Roubaisienne, créée en 1925 et basée rue de Roubaix à Tourcoing, réalise un ensemble de douze maisons le long des voies du square des Platanes. L’article annonce la bonne tenue du chantier. Ces maisons sont placées sous le régime de l’accession à la propriété et seront sans doute occupées en octobre.

Le square des platanes aujourd’hui doc google maps

Elles se répartissent de la manière suivante : deux maisons juste avant la branche gauche qui rejoint l’avenue Henri Carrette. Juste en face trois autres maisons. Puis dans l’impasse formée par le square des Platanes, cinq autres maisons, trois d’un côté et deux de l’autre. Enfin les deux dernières se situent après l’impasse, sur la droite, dans la partie qui rejoint la rue des fossés.

Il n’y a plus de platanes dans le square. De fait on les trouve maintenant sur le terre plein de l’avenue Henri Carrette.

CIL Laboureur 1951

Le Laboureur de 1947 vue IGN

La photo aérienne de 1947 nous montre un quartier du Laboureur encore fort champêtre, où apparaissent néanmoins les maisons construites par la Société Roubaisienne d’habitations ouvrières dans les années vingt (cf notre article les 52 maisons du Laboureur). Sur la gauche, l’ensemble des maisons situées rue du Commandant Bossut et square Louise de Bettignies, sur la droite les maisons du square Léon Marlot.

Vue des chantiers 1951 au Laboureur vue IGN

Un article de presse de janvier 1951 nous apprend que la construction a repris et occupe progressivement les espaces libres. Les nouvelles habitations sont édifiées par le CIL, à l’image de ce qui se fait dans le Nouveau Roubaix ou la cité des Canaux entre Roubaix et Tourcoing. À Wattrelos, cela se fait en trois tranches : la première, déjà entamée au moment de l’article, comprend 78 logements entre la rue Faidherbe et la rue des Dragons. Les travaux qui ont du être interrompus à cause du gel ont repris et on pense que la location pour ces logements sera ouverte dans quelques mois. Sur cette autre vue aérienne datant de 1951, on peut voir nettement le chantier des nouvelles constructions au dessus de la rue Faidherbe, et à côté des maisons des années vingt.

Les nouveaux bâtiments terminés rue Monge Coll Particulière

La seconde tranche, dont le gros œuvre est en cours, comprend la construction de 294 maisons qui borderont la rue Monge jusqu’à la rue Ma Campagne. Une troisième tranche de 190 habitations qui rejoindront la rue de Béthune seront constituées par des appartements. À l’instar du Nouveau Roubaix et de la cité des canaux, les premiers immeubles collectifs du CIL apparaissent, alors que jusqu’ici on reproduisait le modèle de maison plébiscité par les visiteurs et les professionnels lors de l’exposition de la cité expérimentale du Congo au Blanc Seau en 1946. Des espaces verts sont ménagés ça et là entre les immeubles, il est même prévu qu’une Maison de l’Enfance avec personnel spécialisé vienne compléter l’ensemble. Nous reparlerons ultérieurement plus longuement de cet établissement particulier.

Les 52 maisons du Laboureur

Autrefois appelée le chemin de la Hornuyère et dénommée dans l’immédiat après première guerre, la rue du Commandant Bossut établit la jonction entre le quartier du Laboureur et celui du Crétinier.

La société anonyme roubaisienne d’habitations ouvrières créée en 1921 (président Édouard Rasson, Victor Hache secrétaire et cheville ouvrière) va construire là, au Laboureur, son plus gros chantier d’après la première guerre. En effet, quelques mois après sa création, cette société va construire dix maisons au Hutin à Roubaix, vingt rue du Congo au Blanc Seau, quatorze rue Kléber à Croix, vingt deux avenue Linné à Roubaix, douze rue Motte-Bossut à Lys et cinquante deux au Laboureur, à Wattrelos.

Les premières maisons rue du commandant Bossut en 1923 Photo JdeRx

En 1923, le groupe d’habitations du Laboureur comprend deux séries : l’une de 28 maisons, l’autre de 24. La première correspond à l’emplacement du square Louise de Bettignies, le long de la rue du Commandant Bossut, et la seconde à celui du square Léon Marlot. La dénomination des rues rendant hommage aux héros (en l’occurrence roubaisiens) de la première guerre est caractéristique du début des années vingt.

La rue du Commandant Bossut en 1932 Photo IGN

Œuvre d’un architecte roubaisien, ces maisons sont d’un aspect agréable quoique sobre, d’une grande simplicité et bien dégagées. Le loyer de chaque maison s’élève à 65 francs. Plusieurs rues plantées d’arbres traversent le groupe de maisons. Il faut également noter que la rue du Commandant Bossut met en relation le quartier du Laboureur aux importants équipements industriels du Peignage Amédée Prouvost dans le quartier du Crétinier et au-delà à la Lainière de Roubaix.

La rue du Commandant Bossut aujourd’hui vue google maps
Maisons du square Marlot de nos jours vue google maps

Le Tilleul

J’ai eu la chance de vivre une enfance heureuse dans un quartier tranquille de Wattrelos : le sapin-vert. J’habitais une rue paisible : la rue Marcel Van Eslander. Des maisons alignées avec au bout une épicerie tenue par M. Verkees vêtu de son immuable blouse grise et son crayon derrière l’oreille. Mon paternel m’envoyait régulièrement y chercher sa bouteille de Gévéor, celle avec une petit bouchon en plastique coloré en forme de chapeau. Je pouvais garder la monnaie de la consigne pour acheter un malabar à 10 centimes. Notre maison avait un grand jardin qui donnait sur une barre d’immeubles de trois étages qu’on appelait « le talus » parce qu’elle était construite sur une butte.

Ensemble tour et centre commercial du Tilleul CP Coll Part

Beaucoup de familles étaient logées là et quand on demandait aux copains ce que faisaient leurs pères, la grande majorité d’entre eux répondait : « il travaille à la Lainière ». Il y avait du boulot pour tout le monde à l’époque, ça évitait aux gens de faire trop de conneries. Derrière cette longue barre d’appartements se trouvait un square et autour de ce square d’autres immeubles ainsi que la haute tour du tilleul qui surplombait l’ensemble. Le square c’était notre territoire à nous, les mômes. Deux bacs à sables remplis de sable bizarre faisant plus penser à une litière pour chat, les crottes en cadeau ! Deux balançoires tape-cul qu’on aimait bien utiliser avec une copine car lorsqu’elle était en l’air, on lui voyait la culotte. Comme on était plus lourd, on la laissait en l’air hurler et agiter ses gambettes puis on pouvait se marrer en sautant vite fait de la balançoire, elle retombait à toute vitesse sur le sol et se faisait mal aux fesses ! Un cage à poule trônait au milieu de cette « aire de jeux » décorée d’un tas de petits cochons pendus. Là aussi, on aimait bien quand la petite copine faisait ça, jambes accrochées, tête en bas, c’était spectacle de mate assuré avec vue sur le coton Petit-Bateau ! Par-ci, par-là des bancs pour les buts du foot, un terrain avec des panneaux de baskets, des tas d’endroits avec des buissons pour se planquer… Bref ce square c’était le pied !

Vue tour et square CP Coll Part

A côté il y avait un petit centre commercial. Fallait bien nourrir les habitants du quartier ! Moi il ne me semblait pas si petit que ça en fait. C’est qu’il y en avait des commerces ! J’en ai sans doute oublié mais, de mémoire, il y avait : une boucherie, une pharmacie, une Caisse d’épargne, un dentiste, un café, une auto-école, deux épiceries genre supérette dont une qui avait pour symbole un lapin qui ressemblait à Bugs Bunny. Mes deux magasins préférés c’était la boulangerie tenue par une gentille dame toujours impeccablement permanentée. L’été elle vendait des glaces : vanille, chocolat, fraise, café et mon parfum préférée : pistache. « Une, deux ou trois boules ? » Qu’elle te demandait en souriant comme une mère qui sourit à son enfant. Mais moi mon truc c’était les Pez, ces distributeurs de bonbons rectangulaires qui avaient des têtes de personnages humoristiques souvent du Walt Disney. J’avais toute la collec’ : Donald, Mickey, Dingo, les nains de Blanche-Neige, et même Astérix et Obélix. J’ai, encore aujourd’hui, le goût de ses bonbons dans la bouche tellement j’en aurai avalé ! Autre magasin super : la libraire qui faisait aussi débit de tabac. J’y étais souvent fourré. Dès qu’il y avait un nouveau Lucky Luke, il se trouvait en vitrine alors ça donnait envie ! On y trouvait aussi des petites figurines JIM siglées ORTF par exemple celles du Manège enchantée ou de Kiri le clown. Mais je ne pouvais, hélas, pas tout acheter. Au bout du centre commercial se trouvait une station-service Fina. Avant les vacances, à chaque plein, on y distribuait des points pour obtenir le ballon de plage, la bouée ou le bateau gonflable. Pour ce dernier, il en fallait des litres d’essence ! A mon avis seuls les enfants de conducteurs de poids-lourds pouvaient l’obtenir.

La Tour du Tilleul CP Coll Part

C’était une belle époque, les gosses pouvaient déambuler sans que cela cause des soucis aux parents, la violence et les incivilités n ‘étaient pas de mise. De temps en temps un exhibitionniste venait créer un peu d’animation ou la bande de la Mousserie se pointait (je ne faisais pas long-feu, c’était pas des tendres !) mais rien de bien méchant… Ce quartier vivant respirait les 30 glorieuses, le square et le centre commercial en étaient les deux poumons.

Forage au Sapin Vert

En octobre 1951, les villes de Roubaix, Tourcoing et Wattrelos se sont associées pour entreprendre en commun un nouveau forage pour trouver de l’eau potable. Jusqu’ici, le service des eaux de Roubaix Tourcoing utilisait deux stations de pompage : l’une à Pecquencourt et l’autre à Tourcoing.

Chaque jour les deux stations fournissent 22.500 m³ d’eau, or la consommation moyenne des deux villes sœurs est de 21.000 m³. La marge de sécurité est mince, d’autant que les nouvelles constructions commencent et avec elles les nouveaux branchements, sans parler des période de pointe en été.

La station de pompage du Sapin Vert en 1951 Photo NE

Le nouveau forage se trouve sur le territoire wattrelosien, au Sapin Vert, rue Alfred Delecourt. Deux forages vont chercher l’eau à plus de 120 mètres de profondeur. La production s’élèvera à 7200 m³ par jour sachant qu’un tiers de l’eau recueillie appartiendra à la ville de Wattrelos.

La station du Sapin Vert aujourd’hui vue Google Maps

Les villes de Roubaix et Tourcoing augmentent leur marge de sécurité de 4800 m³ par jour. L’autre intérêt c’est de pouvoir rétablir automatiquement toute la pression désirable par la remise en service du bassin supérieur de réservoir de Mouvaux grâce à l’apport wattrelosien. La mise en service de la station du Sapin Vert est prévue pour le Nouvel An 1952, assure Monsieur Jean Quinsace, directeur du service des eaux de Roubaix Tourcoing.

d’après la presse de l’époque

Inauguration au Beck

Les trois villes de Roubaix, Tourcoing et Wattrelos se retrouvent associées au moment de l’inauguration de de la station de pompage du Beck en novembre 1961. Cette station est en effet destinée à alimenter en eau potable les trois cités. Monsieur Quinsac, directeur du service municipal des eaux de Roubaix-Tourcoing rappelle les enjeux : les trois cités regroupent une population de plus de 230.000 habitants et le besoin en eau va croissant. En 1957, il fut envisagé de construire une usine élévatoire et le premier forage eut lieu en octobre 1957 sur le territoire de Wattrelos. L’emplacement idéal fut trouvé dans le quartier du Beck, rue Leuridan Noclain, à l’est des usines Kuhlmann, au nord du canal de Roubaix.

L’inauguration de la station de pompage du Beck Photo NE

La construction a duré quatre ans. Trois forages permettent de pomper l’eau et de la stocker dans un réservoir de 1000 m³ à travers trois batteries de déferrisation. L’eau est ensuite envoyée directement dans les réseaux de distribution de Roubaix Tourcoing Wattrelos. L’usine est entièrement électrifiée et la station est télécommandée à partir de la division « travaux » du service des eaux de Roubaix, rue de la Lys. Chaque jour c’est 23.000 m³ d’une eau très pure qui est ainsi fournie. M. Bourgin, secrétaire général de la préfecture du Nord prend alors contact par téléphone avec le service « travaux » et par télécommande la station est mise en marche.

Un banquet est alors servi au Grand Hôtel de Roubaix pendant lequel les trois maires, MM Delvainquière pour Wattrelos, Victor Provo pour Roubaix et Lecocq pour Tourcoing insistent sur l’urgence et l’importance du problème de l’eau. Ils sont suivis dans cette préoccupation par M. Bourgin représentant le Préfet du Nord.

d’après  la presse de l’époque

Forage au Beck

La question de l’alimentation en eau potable est récurrente à Wattrelos comme dans les autres communes alentour. Avec l’urbanisation croissante, les besoins ne font qu’augmenter. À tel point qu’en 1960, les stations élévatrices de Pecquencourt, de Wattrelos (Sapin Vert) de Tourcoing et de Roubaix aux Trois Ponts peinent à répondre à la demande. En dix ans, de 1945 à 1959, la consommation des roubaisiens et tourquennois a presque quadruplé passant d’un peu plus de 3 millions de m³ à près de 12 millions de m³. On évalue la moyenne journalière à 32.000 m³ mais c’est sans compter avec les pointes saisonnières de l’été. Les pompes travaillent jour et nuit, les réservoirs s’épuisent et on approche de la pénurie.

Forage au Beck en février 1960 Photo NE

Les géologues cherchent alors et découvrent une nappe aquifère suffisamment importante sur le territoire de Wattrelos au hameau du Beck, non loin du canal. Le Syndicat intercommunal des eaux de Roubaix Tourcoing et la commune de Wattrelos décident d’y édifier une nouvelle usine élévatrice en février 1960. Trois forages ont atteint la mappe et une citerne de 1200 m³ a été installée dans la proximité. Une salle des machines va être bâtie et on espère qu’au début de 1961 on débitera 20.000 m³ par jour !

Forage à proximité du canal Photo NE

La station du Beck sera commandée et contrôlée automatiquement, ce sera une sorte d’usine-robot, selon l’expression de l’époque. Elle va coûter deux millions de francs et elle couvrira les besoins en eau potable jusqu’en 1970. Mais il faut déjà se préoccuper de l’avenir. Rappelons que la ZUP de Beaulieu n’existe pas encore, entre autres chantiers importants. Des stations sont prévues à Billy Berclau, Pont-à-Marcq, Wavrin, Emmerin, comme une large ceinture d’usines élévatrices. L’eau potable est alors vendue 34 francs le m³, ce qui est plus bas que la normale, compte tenu des taxes prélevées par l’État pour les adductions d’eau dans les campagnes et le syndicat pour le renouvellement du réseau.

Vestiges de l’usine du Beck ? Vue Google Maps

Un étrange commissariat

La ville de Wattrelos fut longtemps desservie par un commissariat dont le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’avait rien d’un commissariat. Ce bâtiment se situait dans l’alignement de la rue des otages. Bien avant la construction de la salle Roger Salengro et du Centre Socio-éducatif, il y avait là un genre de jardin sur l’emplacement de l’ancien cimetière où venaient évoluer les défilés des écoles. À l’occasion, cela pouvait servir de terrain de sport pour les jeunes collégiens qui occupaient l’ancienne gare et on passait en courant autour du commissariat. Les murs sombres et la toiture en zinc indiquaient l’ancienneté de ce bâtiment. Autrefois, avant 1900, ce local servit à héberger une centrale électrique dont le but était l’éclairage de la ville de Wattrelos, à une époque où rares étaient les communes qui le tentaient. De nombreux incidents et dysfonctionnements firent qu’on abandonna l’électricité pour en revenir au gaz.

L’ancien commissariat de Wattrelos Photo NE

Le local étant libre, fut réaffecté en 1920 pour accueillir les services de la police. Trente cinq ans plus tard, alors qu’on évoque sa démolition, il n’a pas changé. L’humidité suinte sur les murs lors des fortes pluies et il arrivait fréquemment que le téléphone soit en dérangement. L’unique cellule non chauffée pouvait à coup sûr entraîner la congestion pulmonaire du moindre délinquant égaré là en hiver. Certaines jeunes pousses du collège installé dans l’ancienne gare se souviennent d’y être allées pour faire établir une carte d’identité. Elles évoquent un décor sombre, un mobilier sommaire tout à fait à l’opposé de la gentillesse et de la prévenance des agents de police qui l’occupaient. Les policiers méritaient d’être mieux installés.

Le nouveau commissariat en chantier Photo NE

Ce sera chose faite en 1965. On pensa dans un premier temps reloger la police au 22 de la rue Faidherbe où se trouvaient déjà les services de la perception municipale et le dispensaire venant tout droit de la gare. Finalement un nouveau bâtiment sera construit à deux pas du centre, à côté de la maternelle dans la rue Saint Joseph où il y avait encore quelques jardins !

Démolition de l’ancien commissariat Photo NE

En juillet 1965, le nouveau commissariat est inauguré au 21 de la rue St Joseph et l’ancien local entre ainsi dans l’histoire sinon dans les mémoires. En fait, il est détruit quelques temps après l’ouverture du nouveau.

L’actuel commissariat Vue Google Maps

Ballon(s) et inondations

Une première question au moment d’entamer cet article. Parle-t-on du quartier du Ballon ou des Ballons ? Il semble que l’appellation soit issue de la partie belge herseautoise comprise entre les deux rivières Berckem et Espierre. Mais nos amis belges parlent du quartier des Ballons, alors que côté wattrelosien, nous avions une rue du Ballon venant de la Vieille Place et qui correspond aujourd’hui au tracé des rues Louis Dornier et Georges Philippot. Les deux rivières citées plus haut ont régulièrement fait du quartier du ou des Ballons des plaines d’inondations. Un rapport de 1925 signale une année particulièrement catastrophique, avec 3 à 400 habitations régulièrement inondées et contaminées. Le quartier du Ballon connaît de manière plus ou moins fréquente entre 20 et 30 inondations par an, entraînant la destruction de récoltes, la contamination des puits et la dégradation des immeubles. Le 8 janvier 1925, les prairies et le champs qui entourent le gazomètre de Wattrelos, situé non loin de l’abattoir, donnent l’impression d’être un vaste étang. De fortes pluies en avril, juillet et août 1928 entraînent des inondations dont les dégâts seront indemnisés pour certains agriculteurs, notamment Clotaire Flipot, demeurant 1 rue du Ballon et Louis Houzet pour les dommages subis par son champ de betteraves. L’Espierre débordera à nouveau en juin, juillet et août 1930. La même année est créée l’« Association des victimes de l’Espierre et du Berckem ».

Wattrelos au temps du Consultat ext ADN ca 1807

On peut apercevoir sur ce cadastre du Consulat le parcours de l’Espierre partant du hameau du Ballon, tout en haut du plan, et formant un arc de cercle au travers des Près, passant entre la Vieille Place et la grand Place et rejoignant par de légers méandres le Laboureur. Les inondations vont donc concerner une grande partie du territoire wattrelosien. Les fortes pluies orageuses sont à l’origine du phénomène mais pas seulement. Il apparaît que le lit des deux rivières responsables des inondations se sont progressivement comblés à la suite du développement industriel et des rejets des usines roubaisiennes, tourquennoises et wattrelosiennes. La configuration des lieux est également propice aux inondations. Les ponts ou passerelles sont positionnés trop bas et forment barrage lors de fortes pluies. Le cours de l’Espierre présente plusieurs coudes ce qui ne favorise pas l’écoulement des eaux. De plus, le Berckem qui rejoint l’Espierre, se jette à angle droit et augmente fortement l’arrivée d’eau dans le cours principal. Lors d’abondantes pluies, le niveau des eaux s’élève rapidement, et quelques minutes suffisent pour provoquer des envahissements de 40, 50 voire 60 cm d’eau ! Sans oublier les odeurs amenées par les eaux polluées par les nombreuses industries. Il faut incessamment curer les ruisseaux obstrués, élargir les berges, redresser le lit des cours d’eaux. Entre les deux guerres ont lieu les débordements les plus catastrophiques de l’Espierre.

Quartier du Ballon inondé en 1957 Photo NE

D’avril à septembre 1957, d’importants travaux sont menés qui aboutissent aux résultats suivants : côté français, on a redressé le cours de l’Espierre et établi un nouveau pont pour faire la jonction entre la Martinoire et les Ballons. La rectification du cours de l’Espierre a entraîné de gros travaux de terrassement sur plus de cent mètres pour établir le nouveau lit de l’Espierre, plus profond et plus large que l’ancien. L’ancien lit a été comblé et une route reliera désormais à cet endroit la Martinoire et les Ballons. Les travaux français ont entraîné des craintes côté belge, car l’arrivée plus directe des eaux risque d’entraîner des inondations plus massives encore de l’autre côté de la frontière. D’autres travaux sont à envisager sur le territoire de Wattrelos afin de contenir les eaux, comme l’amélioration de l’étroit Pont des Vaches situé dans la plaine des Près ainsi que la suppression de méandres existant encore au sud de la rue Pierre Catteau.

La cité du 11 Novembre sous les eaux en 1957 Photo NE

En 1961, en vue de régler le problème de l’Espierre, les villes de Roubaix, Tourcoing, Wattrelos, Mouvaux, Croix, Wasquehal, Lys lez Lannoy, Leers, Hem et Bondues s’associent sous la forme d’un syndicat intercommunal d’assainissement du bassin de l’Espierre et du bassin de Tourcoing, tributaire de la Lys. Le problème qui existait déjà en 1925 s’est amplifié au fur et à mesure du développement industriel de la région. Ces vingt dernières années, l’urbanisation intensive du bassin de l’Espierre a augmenté les surfaces de ruissellement imperméables et a aggravé l’insuffisance de débit provoquant des inondations fréquentes sur le territoire de Wattrelos dans les quartiers du Mont à Leux, des Ballons, de la Broche de fer, du Breuil, du Rivage, pareil sur Roubaix, en raison du refoulement des eaux dans les égouts.

Les Ballons en 1964 Photo NE

En 1964, un important programme de construction de collecteurs a été mis en place par ce syndicat, dont le financement sera pris en compte par l’État. Pour Wattrelos, il s’agit d’un collecteur d’assainissement démarrant au Mont-à-Leux, empruntant la rue de la Martinoire, le lit actuel de L’Espierre jusqu’à la gare de Wattrelos, avec une dérivation par la rue de l’abattoir, la rue du général de Gaulle, la rue des poilus, le cimetière pour aboutir à la station d’épuration du Grimonpont. D’autre part, l’Espierre et le Berckhem, son affluent, seront entièrement canalisés entre le quartier de l’Union et la cité Amédée Prouvost, ce qui signifie qu’ils seront convertis en collecteurs souterrains. La dérivation vers le Grimonpont doit permettre la suppression du lit actuel de L’Espierre entre la gare de Wattrelos et le Sartel, et son remplacement par un aqueduc de section moyenne, un diamètre de 1,80 m enterré à une profondeur variable de 9 à 14 mètres. Coût des travaux, près de deux milliards d’anciens francs. Roubaix de son côté creuse un collecteur qui part de Mouvaux jusqu’au Laboureur. Ces travaux suffiront-ils ?

à suivre