Les courants vagabonds

Mars 1896 Le mystère du téléphone qui brûle

C’est par un début d’après midi de Mars 1896, vers une heure et demie, que des crépitements se firent entendre en même temps qu’une vive lueur apparut autour de la sonnerie du téléphone installée chez les époux Desoubrie et destinée à recevoir les appels en l’absence du personnel municipal. Au même instant, une fumée acre et intense s’échappait des bureaux du secrétariat de la Mairie, qui se trouvait à l’époque dans l’actuelle rue Florimond Lecomte. Toute l’installation téléphonique municipale obtenue à la suite d’une décision du Conseil du 18 Août 1892 fondait littéralement suite à un échauffement subit.

Mairie de Wattrelos en 1896 Collection Particulière

Ce n’est que tard dans la soirée qu’on sut la cause de cet étrange incident. Un fil de traverse soutenant le tramway s’était détaché et avait touché le fil téléphonique, ce qui provoqua instantanément la combustion des deux sonneries et de l’installation entière qui fut détériorée au point qu’elle fut déclarée irréparable par Monsieur Schmidt, chef du service téléphonique venu en Mairie le lendemain.

Monsieur Henri Pollet Maire de Wattrelos rencontre aussitôt la Compagnie des Tramways et celle-ci s’engage à remplacer toute l’installation, ainsi que tous les frais occasionnés par l’incident. Ce contact entre fils eut d’autres répercussions : certains abonnés furent « électrisés » par leur téléphone, ou privés de communication pendant quelques temps. Les employées du bureau central avaient également ressenti les effets de l’incident, en éprouvant une certaine commotion au toucher des plaques. Autrement dit, un certain nombre de personnes manquèrent d’être électrocutées par ce malencontreux contact et par ce qu’on appellera désormais les courants vagabonds. Ce problème amènera la Compagnie des Tramways de Roubaix et Tourcoing (T.R.T.) devant le Conseil de Préfecture à l’occasion d’une action intentée par les P.T.T en 1912, et elle fut condamnée à payer à l’État les dégradations occasionnées par l’électrolyse provenant des courants vagabonds.

Le passage à niveau de la rue Carnot Collection Particulière

Le tramway électrique était tout récent à Wattrelos et ses délateurs étaient nombreux. La ligne fut prolongée du Laboureur où se trouvait le dépôt jusqu’à la Grand Place de Wattrelos grâce à l’ouverture de la rue Carnot en 1894. L’année 1895 vit l’établissement de la voie, qui croisera celle du chemin de fer à hauteur des établissements Leclercq Dupire, et l’apparition des sinistres gibets qui soutiennent les fils électriques, du mot d’un correspondant mécontent écrivant au Journal de Roubaix. Ce dernier écrivait encore le 14 Décembre 1895: si encore le trolley et les traverses étaient convenablement soutenus! Mais depuis de longues semaines toute cette ferraille pend lamentablement à demi-accrochée, un des poteaux ayant été brisé à sa base et le fil n’ayant pas été fixé à son remplaçant.

La Mairie elle même était déjà intervenue pour faire cesser cet état de choses qui se situait sur la Grand Place de Wattrelos avec tous les désagréments et les dangers que présentait cette récente installation électrique. Quelques incidents complètent la liste des méfaits du tramway, qui sont plutôt dus à la nouveauté de son apparition : un cheval effrayé est blessé par le tramway le 7 février, la voiture du tripier bloque la voie et occasionne du retard le 2 Mars, sans compter les chutes des personnes qui descendent en marche, intrépides acrobates ou simplement en état d’ébriété.

Le tramway, comme le téléphone, survécurent à ces incidents. Mais qui pouvait prévoir à cette époque, que la rencontre de ces deux instruments du progrès provoquerait des étincelles ?

extrait de Wattrelos fin de siècle Atemem éditions

Travaux pour le tramway

Janvier 1893

Les conseils municipaux de Roubaix et Tourcoing se sont occupés récemment de l’importante question des tramways. Une société nouvelle reprend l’affaire : un accord est intervenu entre le syndic de la faillite de la compagnie ancienne et M. E Francq, administrateur de la compagnie nouvelle. Un projet de convention va être passé entre la ville de Roubaix et la compagnie nouvelle, laquelle est une société anonyme au capital de deux millions de francs1. Elle va se substituer à l’ancienne et elle s’engage à achever le réseau entier des tramways. Les lignes exploitées sont : ligne de la Grand Place de Roubaix à la Grand Place de Tourcoing par la rue de la gare et les nouveaux boulevards, ligne de Mouvaux à Wattrelos, ligne de la Grand Place de Roubaix à la gare de Roubaix-Wattrelos, ligne de la gare de Roubaix à la Fosse aux Chênes.

Action de la société de tramways doc Printerest

Les horaires sont arrêtés en commun accord avec la ville de Roubaix. Le tarif actuel reste en vigueur et sera considéré comme le tarif maximum. Il y a des billets aller et retour permettant de parcourir deux fois dans la même journée une ligne entière du réseau. On peut prendre des abonnements mensuels, réseau entier ou par ligne. Matin, midi et soir, sauf dimanches et jours fériés, il y aura des trains spéciaux dits trains ouvriers 0,10 franc pour toutes les distances. Billets aller et retour, 15 centimes.

Une demande de déclaration d’utilité publique est formulée pour les modifications suivantes : ligne 1bis départ Fosse aux Chênes, rue de la Chapelle Carette rue de l’Alma, gare de Roubaix, ligne n°2 abandon de l’ancien CGC n°9 pour en suivre la rectification depuis le pont du calvaire jusqu’à la Place de Wattrelos, voie prolongée à la demande de la compagnie jusqu’à la limite de l’agglomération de Wattrelos. La ligne n°2 suivra donc le parcours suivant : rue de Mouvaux, rue du Grand Chemin, rue Saint Georges, Grand Place, Grand Rue, la toute nouvelle rue Carnot, Grand Place de Wattrelos, sur un total de 6,270 kms et extension vers la frontière.

Octobre 1894

Les travaux de pose des rails de la nouvelle voie de tramways de Roubaix à la grand place de Wattrelos touchent à leur fin en ce début de mois d’octobre 1894. On évoque déjà la possibilité de faire fonctionner le service avant la fin du mois avec des chevaux. On attend l’arrivée des voitures au dépôt. Aussitôt cette ligne terminée, on commencera les travaux pour celle de Roubaix à Lannoy, tout en continuant ceux de Roubaix à Mouvaux déjà bien avancés.

Le dépôt des tramways du Laboureur doc BNRx

On procède aussi à Wattrelos à la pose des dynamos, mais on ne peut prévoir à quelle date pourra fonctionner la traction électrique. La cheminée du dépôt est aujourd’hui terminée, elle mesure trente cinq mètres de hauteur. La pose des poteaux pour l’installation des fils destinés au fonctionnement des tramways électriques a donné lieu mardi à quatre heures de l’après midi à un accident assez important. Le fil télégraphique de Wattrelos s’est rompu sous le poids d’un des poteaux. Mme Canonne receveuse des postes à Wattrelos a immédiatement informé de ce fait le bureau central de Roubaix qui a pris les mesures nécessaires.

D’après Wattrelos fin de siècle Atemem éditions

1Le réseau urbain de Roubaix et Tourcoing est mis en service à partir de 1874 par la compagnie des Tramways de Roubaix et de Tourcoing (TRT) repris en 1894 par la compagnie nouvelle des Tramways de Roubaix et de Tourcoing (TRT) l’ancienne compagnie étant en faillite.

La ligne F : dans les rues anciennes de Lille

La ligne départementale de tramways F Lille-Roubaix démarre à l’origine de la grand-place de Lille, devant la bourse (celle qu’on appelle aujourd’hui l’ancienne bourse). Les photos qui suivent montrent, la première au premier plan un tram à cheval, et au fond à gauche une locomotive système Franck et une remorque arrivant sur la place en venant de Roubaix, et l’autre une machine de même type manœuvrant devant la bourse. En effet, au terminus, la machine devait emprunter une bretelle pour contourner sa rame de manière à se remettre en tête pour le voyage retour.

Photos Translille et Collection Particulière

La voie va se diriger vers la porte de Roubaix à travers les rues étroites d’un ancien quartier dont la démolition débute en 1870 avec le percement de la rue Faidherbe entre la place du théatre et la nouvelle place de la gare. Le quartier est bouleversé et la halle échevinale, le Minck (marché aux poissons) et la chapelle des bons fils vont disparaître à cette occasion. Le reste du quartier va subir ultérieurement le percement du boulevard Carnot et l’édification de l’Opéra.

Plan cadastral 1881

Quittant la grand place, le F emprunte la courte rue des Manneliers qui, dans la deuxième partie du 20ème siècle a été mise en sens unique soit dans un sens, soit dans l’autre selon les époques, ce qui fait que les tramways, à double voie, circulant dans les deux sens, les automobilistes avaient toutes les chances de se trouver face à un tram venant en sens inverse au milieu de la chaussée, ce qui a généré une certaine pagaille pendant des décennies ! Sur la photo des années 50, une motrice 800 venant de Roubaix arrive grand place, prenant la rue des Manneliers à contre-sens.

La ligne F à Lille près de l’ancienne bourse Collection Particulière

Au sortir de la rue des Manneliers, la ligne passe devant l’ancien théâtre qui va disparaître dans un incendie en 1903, et sera remplacé quelques dizaines de mètres plus loin par l’Opéra que nous connaissons aujourd’hui. La photo suivante, prise depuis la rue Faidherbe, autrefois rue de la Gare, nous montre une rame vapeur en direction de Roubaix devant le théâtre. A gauche de celui-ci, la bourse.

La ligne F passant devant l’ancien théâtre Collection Particulière

Mais le tramway F laisse à sa droite la rue de la gare pour emprunter tout droit la rue des sept sauts, longue d’à peine 35 mètres. Cette rue des sept sauts va disparaître lors du percement du boulevard Carnot au début du 20ème siècle La photo qui suit date des environs de l’année 1870.

Document Gallica, bibliothèque Nationale

Poursuivant sa route, notre tramway pénètre dans le vieux marché aux poulets qu’il traverse et suit la rue du même nom. Sur la photo qui suit, on aperçoit au fond la grand place. L’autre vue est prise en sens inverse avec, au fond, la rue des arts.

Photos site Lille d’antan

La voie parvient ensuite à la rue des arts dans laquelle elle tourne à droite pour un parcours de quelques mètres. Cette rue existe encore aujourd’hui. On y trouvait la quincaillerie Trenois, qui, encore dans les années 70 avait gardé son aspect d’antan avec ses rayonnages et les bureaux hauts en chêne usé par les années d’utilisation, des employés.

Quincaillerie Trenois et Decamps Collection Particulière

La ligne prend à gauche la rue de Roubaix qui existe toujours elle aussi et conduit encore vers jusqu’à la porte homonyme sous les voûtes de laquelle passe le tramway. La photo, prise après des destructions de la première guerre, nous montre l’étroite rue de Roubaix.

Destructions 1418 Collection Particulière

Les portes fortifiées étaient alors les seuls endroits où le franchissement des fortifications était possible. Pour des raisons de sécurité, elles n’offraient qu’un passage étroit. A l’occasion de la création de la ligne, on ouvre deux arches supplémentaires dans cette porte, datant du début du 17ème siècle. La photo la montre avant ces travaux. Elle portait également le nom de porte Saint Maurice.

Document Gallica

Aujourd’hui, la porte de Roubaix a conservé autour d’elle quelques maisons d’époque bien restaurées et débarrassées des enduits « modernes ». La voie unique se dédouble pour passer sous la porte de Roubaix. Sur la photo du bas, on remarque une Simca « Vedette » à moteur 8 cylindres, premier version de 1950 au dos rond, alors que la motrice 880 pénètre dans Lille intra muros.

Photos Lille d’antan et TransLille

Dans les dernières années du siècle, le tracé est modifié et la ligne emprunte la rue Faidherbe en direction de la gare. Ici la locomotive 16 et sa remorque, venant de Roubaix, est proche de son terminus. Au fond, la gare.

Photo Translille

Les rames prennent à gauche, avant d’arriver à la gare, à hauteur de la rue des pont de Comines et traversent la place des Reignaux. Sur la deuxième photo à droite, un magnifique cabriolet traction stationne derrière une 202, et à gauche on remarque une Renault des années 20 qui stationne derrière une charrette à bras.

Photos TransLille et Collection Particulière

La voie rattrape ensuite la rue de Roubaix par l’ancienne rue de la Quenelle et poursuit sa route comme auparavant.

Remerciements aux sites cités en légende, TransLille, Lille d’Antan, Gallica, ainsi que les archives départementales.

A suivre …

Les tramways à l’entrée de Wattrelos

La société des tramways dite Compagnie anonyme des tramways de Roubaix et de Tourcoing a été déclarée en faillite dès 1882, avant d’avoir exécuté toutes les lignes de son réseau. Rappelons que ce sont alors des tramways tirés par des chevaux, dont trois lignes sur les cinq prévues étaient exploitées. Seule la ligne Lille Roubaix est desservie par un car à vapeur.

Les tramways tirés par des chevaux à Lille doc VDN

La ligne n°1 d’une longueur totale de 3800 mètres empruntait à Roubaix, les rues de Lille, Neuve, Grand Place, Grande Rue, rue du Collège et rue de Tourcoing. La ligne n°2 dite de Mouvaux à Wattrelos, passait par les rues de Mouvaux, du Grand Chemin, rue Saint Georges, Grande Place, Grande rue sur une distance de 6935 mètres. La ligne n°3 dite de Roubaix à Lannoy empruntait la grand place, la grand rue, la place de la liberté, la rue de Lannoy sur une longueur de 4115 mètres.

Étaient prévues les lignes n°4, de la Gare de Roubaix-Wattrelos, par la Grand rue, rue Pierre de Roubaix, et boulevard Beaurepaire sur une longueur de 2385 mètres. La ligne n°5 de Roubaix à Tourcoing, par la rue St Vincent de Paul, la rue d’Alsace et le boulevard de la République.

Le pont de Wattrelos doc BNRx

On le voit, la commune de Wattrelos est peu desservie par ce mode de transport. La ligne n°2 s’arrête au canal de Roubaix, arguant de la difficulté technique de traverser le pont. Mais les choses vont bientôt changer suite à la rectification du chemin de grande communication N°9 à Roubaix mais surtout à Wattrelos où l’ouverture de la rue Carnot va donner une nouvelle perspective pour le tramway et une nouvelle destination via la traversée de la commune, à savoir la frontière et la Belgique.

Rue Carnot doc VDN

Ce n’est qu’en 1893 qu’un avant projet suivi d’une enquête d’utilité publique concernera l’établissement d’une voie de tramways de Mouvaux à Wattrelos dans la partie rectifiée du chemin de grande communication n°9 sur le territoire de Wattrelos. Il ne s’agira alors plus de chevaux ni de car à vapeur mais bien de tramways électriques. Entre-temps, une nouvelle société de tramways sera constituée par les villes de Roubaix et Tourcoing qui poursuivra le développement de ce moyen de transport.

à suivre

Extrait de Wattrelos fin de siècle éditions Atemem

Le retour du tramway

Ainsi il semble bien que Wattrelos ne bénéficiera jamais du métro. Jamais, il ne faut jamais dire jamais, selon certains. En attendant c’est bien du tramway qu’on parle et dont on s’interroge sur le futur tracé à Wattrelos. Alors, on concerte, on discute.

Un tracé de référence est proposé sur le boulevard Mendès-France, légèrement décentré par rapport au cœur de ville, l’axe structurant la ville en son centre, la rue Carnot étant trop étroite pour y faire passer un tramway sans remettre radicalement en cause tout ou partie des autres usages (circulation automobile, y compris en sens unique, stationnement, commerces,…). Ce tracé de référence présente également l’avantage de desservir le quartier Beaulieu. Mais il présente l’inconvénient de longer certains secteurs faiblement urbanisés (Friche industrielle au devenir incertain, déchetterie,…) et donc d’offrir un desserte peu satisfaisante.

Le boulevard Mendès-France, vue Google Maps

Nous voilà donc partis pour un tramway quasi-périphérique !

Une alternative consistant à mettre en œuvre un bus à haut niveau de service (BHNS) sur la rue Carnot, axe apparaissant comme le plus logique car desservant la partie la plus dense de la ville et situé dans le prolongement de l’actuel tramway Lille-Roubaix. Les justifications de cette alternative sont d’une part une meilleure desserte de la partie la plus dense de la ville et d’autre part le fait qu’un BHNS peut plus facilement s’intégrer dans une rue relativement étroite et contraignante.

La rue Carnot vue Google Maps

Autre solution renforcer le bus de la rue Carnot. Mais il semble que l’on n’arrive pas à trancher entre les deux projets.

Lors de l’atelier thématique qui s’est tenu à Wattrelos, les participants répartis en cinq groupes de travail se sont exprimés sur ces sujets et ont finalement constaté les avantages et inconvénients des deux tracés sans qu’un consensus ne se dégage pour l’une des deux alternatives.

Des observations sont formulées sur le coût de l’opération.

On peut finalement se demander s’il n’est pas préférable d’améliorer l’existant plutôt que de déployer une nouvelle infrastructure de transports en commun. Le coût d’aménagement urbain sera moindre. Les arrêts de bus existent déjà et des portions de route empruntées par les bus actuels ont même déjà été réhabilitées récemment. Augmenter la fréquence des bus sur le territoire communal voire ajouter une ligne de bus classique pour les quartiers les moins desservis sont des solutions.

D’autres observations ont également été déposées le plus souvent en défaveur du tracé de référence:

Comment faire plus incongru que ça? Alors que toute la vie socio-économique et le potentiel de renouveau sont organisés autour de la rue Carnot et du nouveau quartier du parc. On décide de faire passer le tramway là où il n’y a rien ! Ah si pardon, une usine polluée enfouie sous terre, des casses automobiles, une déchetterie, un crématorium, un terrain vague pour lapin…On a déjà loupé le coche du métro il y a 20 ans, alors un peu de bon de sens .

Des propositions sont avancées qui mixeraient les deux tracés.

L’itinéraire de la variante nord, qui passe par la mairie de Wattrelos et qui va jusqu’à Herseaux est clairement la plus pertinente en matière de desserte de la population comme des emplois, et permettrait de penser la connexion avec le réseau ferré belge. Ce prolongement en tramway était jusque-là une évidence : c’est celle qui était présente dans le SDIT adopté en 2019 et qui a été soumis lors de l’appel à projet de l’État. La contribution de l’État obtenue à cette occasion est-elle garantie en cas de changement majeur du projet comme c’est le cas ici ?…Le tramway est écarté à la seule justification qu’il ne permettrait pas de concilier « tous les usages (stationnement, circulation, modes actifs) ». Pourtant, l’objectif du projet n’est pas de concilier tous les usages, y compris le stationnement, mais bien de prioriser les transports en commun et actifs et de requalifier les axes les plus urbains. De plus, ces usages sont à penser dans leur évolution, notamment avec la mise en œuvre de la ZFE (zone à faibles émissions) obligatoire à partir de 2025. L’abandon du tramway sur cet axe n’est ni légitime, ni cohérent avec les intentions du projet propre dans sa globalité. Il est regrettable qu’afin de conserver du stationnement, le choix du trajet nord en tramway ne soit pas présenté en tant que variante acceptable.

Le tramway en question doc VDN

Un plan prévisionnel nous décrit le projet : arrivant du boulevard de Beaurepaire à Roubaix, le tramway passe sur le pont bleu, et emprunte le boulevard Mendès-France. Un premier arrêt est prévu au débouché de la rue Georges Seghers puis un autre au niveau de la rue Gabriel Péri ensuite rue de Leers, rue Vallon, Beaulieu (en pointillés ?) rue des Fossés (à l’angle de la rue Vallon), rue Jules Guesde (au rond point du Saint Liévin), Pablo Neruda (toujours sur la rue Jules Guesde?) et Hippodrome (nouveau quartier centre). Des questions se posent quant aux pointillés de Beaulieu. Faut-il une voie dans le quartier ou un simple arrêt au rond point de la rue Aristide Briand est-il suffisant ? De plus l’arrêt Pablo Neruda est trop éloigné du collège, un autre nom serait à trouver. À moins que ce soit une erreur des prévisionnistes ? D’autant que la ligne se termine à deux pas de la Grand Place, dans ole nouveau quartier de l’Hippodrome.

Et la MEL de conclure : Sur l’axe Roubaix-Wattrelos, le tracé de tramway par le boulevard Pierre Mendès France à Wattrelos est privilégié. Les études de faisabilité devront permettre de déterminer le terminus de la ligne en tenant compte de l’offre globale de transports en commun. L’opportunité d’une liaison en tramway jusqu’à la gare d’Herseaux en Belgique n’est pas démontrée.

Le projet de tramways sur Wattrelos doc MEL

Comment est desservie la ville de Wattrelos, autrement que par des rues bondées de voitures ? De train ne parlons plus, la voie de chemin de fer est devenue une allée piétonnière et une rue de liaison entre deux grands axes et la gare, une école de musique après d’autres utilisations.

Le bus liane d’Ilevia doc Ilevia

Les lignes de bus sont actuellement les suivantes :

*MWR Roubaix Eurotéléport > Mouscron Gare, qui permet une liaison entre Roubaix et la ville de Mouscron en Belgique en passant par la rue Carnot à Wattrelos.

*ligne 3 Wattrelos Quartier Beaulieu > Leers La Plaine, elle relie Wattrelos à Roubaix Eurotéléport, Lys-Lez-Lannoy, Lannoy, Toufflers et la ZI Roubaix Est

*la ligne 35 Roubaix Eurotéléport > Leers Eglise > Wattrelos Quartier Beaulieu > Tourcoing Centre

*la CIT5 La Citadine de Roubaix et Wattrelos qui relie Wattrelos Centre à Roubaix Fraternité en traversant les différents quartiers wattrelosiens et roubaisiens,

*la 17 Tourcoing Centre > Wattrelos Centre, qui relie Wattrelos Centre à Tourcoing Centre en passant par les quartiers Square Calmette, Sapin Vert et la zone de l’Union avec un terminus à Tourcoing Centre,

*la Z6 Gare Jean Lebas Roubaix > Wattrelos ZAC Winhoutte via La Martinoire

Et il y a à Wattrelos un dépôt de bus qui gère un partie du réseau ilévia composé de plus de 450 bus qui desservent pas moins de 3200 points d’arrêt sur l’ensemble de la MEL !

Alors le tramway dans tout ça ? C’est pour 2025 ! Cela nous donne envie de nous pencher sur le passé et de suivre l’évolution du tramway de la première époque, c’est à dire de son apparition en 1892 à sa disparition en 1951/1956 et son remplacement par des bus.

À suivre

D’après les différents articles de la VDN, les communications MEL sur le sujet

La ligne F, de Lille à Roubaix

C’est en juin 1874 qu’apparaissent les tramways urbains à Lille. Peu après l’ouverture de la ligne F reliant la Grand-place au Pont du Lion d’Or, un projet prévoyant une ligne entre Lille et Roubaix, prolongeant cette dernière pour une longueur de 7370 mètres est approuvé en 1876, en même temps que d’autres lignes reliant Lille-Tourcoing, Lille-Hellemmes, Lille Haubourdin et Lille-Lomme

Cette ligne dite « départementale » ou suburbaine, sera construite et exploitée par les TDN (Tramways du Département du Nord). La ligne, partant de Lille, traverse Mons, Flers, Croix et a son terminus à Roubaix sur la grand place.

Plan Google Maps

On est alors en pleine époque de la traction par chevaux, bien accueillie sur les différentes lignes à Lille. Mais, au vu de ses inconvénients (vitesse faible et frais généraux élevés dûs à l’importante cavalerie nécessaire), on cherche d’autres modes de traction.

La voiture 17 rue Nationale vers la grand place au temps des trams à chevaux – document Collection Particulière

Tout naturellement, on se tourne vers la vapeur, reine du 19ème siècle. C’est ainsi qu’en 1878 on assiste, en même temps que la création du dépôt du Lion d’Or, à des essais de traction à vapeur. Ces essais se poursuivent et on profite de la mise en service, le 2 Juillet 1880, de la ligne entre Lille et Roubaix, pour assurer la traction par des machines système Hugues, capables de remorquer 2 voitures au maximum. Ces machines à deux essieux, sont des « bicabines », c’est à dire qu’elles possèdent un poste de conduite à chaque extrémité, permettant un fonctionnement dans les deux sens sans retournement aux terminus. Elles sont louées à la société Hughes pour les essais.

Document Au fil des trams

Mais la traction à vapeur reste coûteuse elle aussi, car il faut deux personnes pour faire marcher la machine. De plus, les avis sont peu favorables dans la population et la municipalité craint les accidents. Les polémiques vont bon train et on limite la vitesse à 8km/h en ville derrière des « éclaireurs de voie » à pied, munis de drapeaux. Pourtant, la traction mécanique fait la preuve de ses avantages, mises à part les émissions de fumée et la nécessaire chauffe manuelle. Pour éviter cela, on teste des machines sans foyer système Francq fabriquées par Cail à Fives. Egalement à deux essieux, elles comportent un réservoir calorifugé rempli d’eau et de vapeur à haute pression. En 1881, on procède à des essais qui donnent toute satisfaction entre la grand place et le Lion d’Or.

La machine Franck numéro 7 baptisée « Roubaix »

Les machines viennent au dépôt recevoir leur plein d’eau bouillante qui dégage la vapeur destinée à assurer la traction. Les machines sont également des bicabines. Malgré tout, les riverains protestent. Ils ont du mal à accepter ces mécaniques bruyantes qui risquent d’effrayer les chevaux. Pourtant, la préfecture demande à la ville d’entériner le choix de la traction vapeur à titre définitif. Le conseil municipal, fait examiner la proposition par la commission des tramways qui, considérant que cette solution est un progrès, entérine le choix.

Les machines Franck sillonneront une vingtaine d’années la ligne, alors que la traction électrique se généralise aussi bien à Lille qu’à Roubaix-Tourcoing. Les utilisateurs sont habitués à ces trams qui prennent le courant par une perche et, en 1903, ce mode de traction finit par supplanter la vapeur sur la ligne Lille-Roubaix.

On met en service des motrices numérotées dans la série 800. Les premières de la série possèdent sur la toiture deux phares côte à côte, les autres deux phares aux coins.

La motrice 804, première série – photo collection particulière

Elles possèdent deux moteurs de 50 chevaux et deux plate-formes d’extrémité. Au centre ; deux compartiments à banquettes longitudinales, première et deuxième classe, séparés par une cloison de verre. Elles tractent une remorque de type « Morel-Thibaut » possédant une seule plate-forme centrale et deux compartiments extrêmes.

La motrice 919, dernière de la série, et sa remorque

Au milieu des années 30, on assiste à l’arrivée d’une nouvelle série de motrices baptisées 800 également, livrées neuves à partir de 1934. C’est à ce moment que les voitures de la compagnie prennent les couleurs dont on se souvient : vert lumineux sous les fenêtres, et crème au dessus.

La motrice 801, prototype de la série, grand place à Lille – document site Delcampe

La fermeture de la ligne aura lieu en 1956, après près de 75 ans de bons et loyaux services. Nous allons maintenant la parcourir de bout en bout.

A suivre

Cette étude se base sur les documents de la médiathèque de Roubaix et des archives municipales, ainsi que sur le livre de Claude Gay intitulé « Au fil des trams ».

Les tracteurs du canal

Le 25 février 1957 se produit un accident au bord du canal. Les journaux du 27 nous montrent un curieux véhicule qu’on sort de l’eau à grand peine. Le conducteur, ébloui par les phares d’une moto a fait une embardée terminée par un plongeon dans les eaux froides. Remonté sur la berge, il rentre chez lui sans savoir que les sapeurs pompiers le recherchent au fond de l’eau et essaient de remonter le tracteur à l’aide d’un camion-grue. Ce n’est que le lendemain qu’il se fera connaître, au grand soulagement général.

Cette scène évoque irrésistiblement dans notre souvenir les petits tracteurs qui parcouraient inlassablement les chemins de halage des canaux en remorquant les péniches.

Sur la photo, on peut distinguer sur le châssis les lettres CGTVN.

Photos La Voix du Nord 1957

La CGTVN, ou Compagnie Générale de Traction sur les Voies Navigables regroupe au 1er janvier 1927 diverses compagnies privées qui partageaient cette vocation.

Un article de « La navigation du Rhin » de 1926 fait état de la prochaine constitution de la compagnie, mais indique également que la Chambre de Commerce de Roubaix a émis un vœu favorable à l’établissement de la traction mécanique sur le canal de Roubaix. Le Journal de Roubaix d’octobre 1927 indique que celle-ci donne mandat à la chambre de commerce de Lille pour obtenir la concession et le monopole du halage mécanique. C’est ainsi que dès 1928 apparaissent 16 autochenilles sur les berges du canal.

Document site Papidema.fr

Il faut bien se dire que, à l’origine, la traction des chalands se faisait à bras d’hommes, pris dans la famille ou l’équipage du bateau, ou encore en louant les services de haleurs spécialisées. La traction se faisait grâce à des cordes fixées à des sangles qui barraient la poitrine. C’est ce qu’on appelait « la bricole ». Il faut dire que les bateaux étaient plus petits et moins lourds qu’aujourd’hui .

A partir de 1885, et l’apparition des péniches de 300 tonnes au gabarit Freycinet, les bras ne suffisent plus, et les chevaux remplacent l’homme dans ce dur travail. Certains mariniers avaient leurs propres chevaux qu’ils logeaient dans une écurie placée au milieu du bateau.

Une péniche halée par un cheval à Lille

Mais ce mode de transport est lent et coûteux pour le marinier. Sur le canal de Roubaix, les autochenilles arrivent à point pour améliorer et simplifier le service de halage.

Le Journal de Roubaix 1928

Le journal de Roubaix du 29 janvier 1928 annonce l’arrivée de ces « puissants et gracieux tracteurs à chenilles » sont capables de remorquer 3 péniches pleines ou six vides à trois kilomètres à l’heure grâce à leur moteur de 10 chevaux. On retrouve des engins identiques sur d’autres canaux dans le nord.

Une autochenille Citroën système Kegresse en service entre Calais et St Omer (Document G.Kiffer)

Pourtant, les inconvénients de ce mode de halage sont importants, en particulier, les chemins qui s’abîment sous l’action des chenilles. D’ailleurs, la SEAC, société d’exploitation des autochenilles, est rapidement absorbée par la CGTVN qui mise principalement sur le halage électrique.

Documents site Papidema.fr

C’est ainsi que, en 1931 les tracteurs électriques remplacent les auto-chenilles sur le canal de Roubaix. Pourtant, ce ne sont pas des tracteurs sur rails, comme on en rencontre sur la Deule, à Lille où deux tracteurs sont restés des années à l’abandon près de l’écluse de la Barre…

Un tracteur sur rails Jeumont J30 à Lille Photo origine indéterminée

Sur le canal de Roubaix, pas de voie ferrée. Les tracteurs étaient sur pneus car le trafic moins important ne justifiait pas l’installation de rails. Par ailleurs, la voie ferrée a un rayon de courbure minimum, alors que les tracteurs sur pneus, avec leur quatre roues directrices, passaient partout, simplement alimentés par deux fils de contact aériens. La photo suivante nous montre un pont roubaisien et l’angle prononcé de la courbe du chemin. Elle nous permet de remarquer en haut à droite sous le tablier le chemin de planches isolants les fils de contact.

Le chemin de halage sous le pont du chemin de fer.

Ces tracteurs comportent deux essieux accouplés, toutes les roues étant directrices, et pèsent entre 2 tonnes et demie à trois tonnes, embarquant des gueuses de lest. Ils fonctionnent en prenant le courant continu sur une double ligne aérienne dont la tension est 600 volts. Ils possèdent une cabine centrale comportant deux sièges et deux volants verticaux en vis à vis. Un seul escalier en permettait l’accès à l’opposé de l’au, pour des raisons de sécurité. Le moteur est placé à une extrémité sous un capotage. A l’autre extrémité, un lest. Ils furent construits par la CGTVN elle-même à Douai en 1930.

Un tracteur flambant neuf à Douai. A l’arrière, le lest. Photo site Papidema.fr

Les tracteurs ne peuvent se croiser. En cas de rencontre, ils échangent leur remorques et repartent en sens inverse. La conduite de ces engins était relativement dangereuse lors des démarrages : si l’on tirait trop brusquement, c’était le tracteur qui allait à l’eau ! Ceci explique les cabines largement ouvertes pour éviter la noyade au conducteur…

Pourtant, les tracteurs du canal de Roubaix étaient carrossés de manière à ce que l’abri protège un peu mieux le conducteur des intempéries. La photo suivante nous montre, à l’extrême droite, un tracteur quai de Marseille en plein hiver.

Mais tout évolue, et, bientôt, la multiplication des automoteurs, péniches possédant leur propre motorisation, entraîne la disparition progressive des demandes de remorquage. Le service est donc supprimé en 1970, et la dissolution de la compagnie suit de peu en 1973. Le public a tôt fait d’oublier ces sympathiques tracteurs électriques qui parcouraient les berges du canal…

Seul émergeait le toit de l’engin… Photo Nord Matin

Sauf précisions dans les légendes, Tous les documents proviennent de la médiathèque et des archives municipales, que nous remercions.

La gare du Pile

Soucieux d’avoir un accès plus direct aux régions charbonnières, on ouvre une ligne allant de Tourcoing à Somain, concédée à la compagnie du Nord-Est mais reprise presque tout de suite par la compagnie des chemins de fer du Nord. Sur cette ligne est installée la gare dite de Roubaix-Wattrelos qu’on situe finalement après beaucoup d’hésitations dans le quartier des trois ponts. Elle se situe non loin du canal et de la limite de Wattrelos, entre le boulevard de Beaurepaire et la rue de Carihem. C’est une gare d’embranchement (qui dessert plusieurs directions), avec une ligne qui se dirige vers Wattrelos et la frontière après avoir effectué un demi-tour sur elle-même, et une autre vers Orchies et Somain par Lys et Villeneuve-d’Ascq. Pour les roubaisiens, elle prend tout de suite le nom de gare du Pile.

Plan de 1899

Le bâtiment des voyageurs de la gare du Pile est construite en 1878 sur le type courant des bâtiments voyageurs de la région. Il possède un corps central à trois portes comportant un étage, et deux corps latéraux bas à une seule porte. Mais les ailes en seront allongées en 1897 pour suivre l’importance du trafic : elles auront alors cinq portes chacune. Le chef de gare a son logement réservé à l’étage.

Par ailleurs, on construit une halle à marchandises importante, qui sera dédoublée ensuite, un quai de déchargement, ainsi qu’un bureau d’octroi et une cabine d’aiguillage surélevée. La photo nous montre le bâtiment-voyageurs au centre, à gauche le toit de l’abri de quai, et, au fond, la cabine d’aiguillage et la halle. Tout à fait à gauche, on aperçoit une locomotive à marchandises à l’arrêt, apparemment du type à marchandises Nord 040 à tender séparé, datant des années 1870.

Photo archives municipales

Côté voies, la gare ne dispose que de deux quais, protégés pour le premier par une marquise et un abri, desservant trois voies. En effet, elle n’est pas prévue pour un trafic voyageurs très fourni. Les voyageurs sont majoritairement à destination ou originaires de Herseaux par Wattrelos, ligne ouverte en 1900, mais aussi les différentes stations vers Villeneuve d’Ascq. En 1908, 52000 voyageurs empruntent les convois, en troisième classe dans 95 % des cas . Ce sont le plus souvent des ouvriers qui viennent travailler à Roubaix.

Cette situation ne dure pourtant pas car, durant la première guerre, la ligne de Somain est coupée par les allemands et celle de Herseaux est fermée au trafic voyageurs. La gare du Pile devient alors une gare sans voyageurs.

Document Nord Eclair

Par contre, la gare étant conçue essentiellement pour le traitement des marchandises, les installations correspondantes sont particulièrement importantes. Le faisceau des voies marchandises est particulièrement développé. Il comporte 6 voies de tri et des voies pour desservir le quai de déchargement et la halle, mais aussi des voies encadrant la cour aux marchandises, et d’autres desservant la cour aux charbons, assidûment fréquentée par les marchands locaux. Le faisceau comporte également une voie mère desservant des zones charbonnières particulières, louées aux négociants les plus importants. Les diverses entreprises situées près de la gare sont reliées au chemin de fer par des voies d’embranchement qui permettent chargements et déchargements direct.

Tout ceci sera complété ensuite par un accès au faisceau de voies réservé au tri postal, comportant 8 voies et deux voies de garages des rames en attente.

Photo IGN 1978

Tout ceci représente un trafic marchandises considérable : en 1947, la gare expédie des marchandises diverses (6800 wagons expédiés depuis la cour aux marchandises) mais aussi de nombreux colis. Dans l’autre sens, elle reçoit plus de 21 000 wagons et de nombreux colis, tout cela avec un effectif de 32 agents et un chef de gare. L’ensemble représente, en 1959, quatre trains à l’arrivée et trois au départ pour la station et les 37 embranchements desservant les usines des alentours.

Document Nord Eclair 1959

Les manœuvres sont réalisées par les locomotives du dépôt de Tourcoing qui, après avoir assuré leur train jusqu’en gare, sont ensuite utilisées au tri et au placement des wagons sur les voies disponibles.

La photo qui suit, datée de 1949, donne une idée du trafic généré par la gare. On est surpris par le nombre et la taille des tas de charbons, par le nombre de wagons attendant d’être chargés ou déchargés, de la quantité de camions qui animaient le quartier toute la journée de leurs navettes incessantes…

Photo IGN 1949

Les deux voies centrales dans la cour des marchandises permettaient de charger ou de décharger deux fois plus de Wagons. La photo suivante montre qu’il suffisait d’approcher le camion devant la porte du wagon pour pouvoir opérer le transfert. Ici, on voit le marchand de charbon opérer la mise en sac directement sur le wagon avant de charger le plateau de son camion Renault. A l’époque, il fallait plusieurs camions pour vider un tombereau de 20 tonnes !

Photo Nord Matin 1963

La photo suivante, prise dos au pont de Carihem en 1993, nous montre la gare vers la fin de son activité. On y remarque au centre des parcs à charbon envahis par la végétation, précédés de l’aiguille menant aux deux voies centrales de la cour des marchandises. A gauche, la voie mère menant aux parcs à charbon et aux embranchements de l’avenue Brame. Le sol est saturé de poussière de charbon. A droite au fond, on distingue la halle à marchandises et, plus près, une « sauterelle », tapis roulant mobile pour le chargement, abandonnée en position basse. La fin est proche !

Photo D. Labbe – 1993

Aujourd’hui, le bâtiment des voyageurs a été vendu, les herbes folles ont pris possession des installations, et un chemin de promenade emprunte les emprises de la station.

Photo Jpm 2012

Entre les traverses des voies de l’ancien faisceau marchandises poussent les bouleaux. La végétation est maîtresse du terrain.

Photo Jpm 2020

Les documents proviennent des archives municipales, des sites de la médiathèque de Roubaix et de l’Institut Géographique National.

Le Pont Emile Duhamel

le pont Emile Duhamel ( document N. Duhamel )

Tous les roubaisiens connaissent ce pont de la Grand rue sous le nom de pont du Galon d’ Eau ou Entrepont. En revanche, peu de personnes savent que ce pont s’appelle, en réalité, Emile Duhamel, depuis 2010.

Mais qui était donc ce Monsieur ?

Plaque ( photo BT )

Emile Duhamel naît à Wattrelos en 1923. Il commence par être ouvrier tisserand, puis devient militant du Parti Communiste et syndicaliste CGT. Il est adjoint au maire de Roubaix, conseiller municipal, vice-président de la CUDL, membre du conseil d’administration du CCAS de Roubaix, de la CPAM, ainsi que de l’office D’HLM, conseiller régional , président des Amis du Parc de Barbieux, etc.

Emile Duhamel ( document YouTube )

Mais c’est surtout parce que Émile est un fervent défenseur du canal de Roubaix, que ce pont a été rebaptisé « Pont Emile Duhamel » en Octobre 2010

Dans les années 1970, Émile Duhamel, conseiller régional, milite pour la ré-industrialisation de la zone de l’union, à partir du canal, quand Jacques Coru adjoint au maire de Tourcoing fait réhabiliter le canal sur sa ville.

Emile Duhamel devant le canal ( document YouTube )

Plus tard à la fin des années 80 on doit encore à la mobilisation initiée par Émile Duhamel au service des pêcheurs, que le canal n’ait  pas été détruit à Roubaix à l’occasion de la construction de la voie rapide allant du quai de Gravelines au quai d’Anvers.

En 1990, une grande opération de nettoyage a lieu sur le canal de Roubaix et des centaines de mètres cubes de déchets sont ainsi récupérés.

Et enfin en 1992, c’est la remise en navigation du canal qui intervient et le rétablissement de la liaison Deule-Escaut, en partenariat avec des homologues belges.

Émile Duhamel a donc beaucoup défendu le canal de Roubaix. Il a lutté pendant plus de 20 ans et a réussi à obtenir que le canal ne soit pas fermé pour favoriser la voix rapide.

( document YouTube )

Émile Duhamel obtient la décoration de chevalier de la Légion d’Honneur, remise par Georges Séguy en 1998, lors d’une cérémonie à l’Hôtel de ville.

document N. Duhamel

Slimane Tir, conseiller municipal a beaucoup insisté, pour que l’entrepont prenne le nom d’Émile Duhamel. C’est en effet un bel hommage à lui rendre, que de donner son nom au pont de la Grand-Rue, entre Roubaix et Wattrelos, face au café « A l’As de cœur » et face à la maison où se trouve le syndicat des pêcheurs.

document Nord Eclair et document N. Duhamel

Une cérémonie émouvante se déroule en Octobre 2010, en présence de son épouse Denise et de sa fille Nicole, René Vandierendonck maire de Roubaix, Slimane Tir conseiller municipal, Dominique Baert maire de Wattrelos, Jean-Jacques Fertelle président du syndicat des pêcheurs, Jean-Marie Duriez secrétaire de la section du PC, et Manou Masquellier patoisante roubaisienne.

documents N. Duhamel

Emile Duhamel, le communiste au grand cœur est un grand homme par la taille, par l’esprit et par le cœur. Il a marqué la vie politique roubaisienne de ses coups de gueule et de ses combats, défenseur infatigable des pêcheurs de Roubaix et du retour à la navigation du canal.

document N. Duhamel

Émile Duhamel, homme exceptionnel, nous a quitté le 22 décembre 2006

« Quelle belle vie, j’ai eue  » disait-il . . .

Une vie entière consacrée à aider les autres et au bonheur de sa famille .

Pour d’autres aspects de la personnalité d’Émile Duhamel :

http://emile-duhamel.over-blog.com

Remerciements à Nicole Duhamel

La ligne Lille-Leers – dernière partie : Lys et Leers

 

Nous avons parcouru la ligne depuis Lille jusqu’à la sortie de Lannoy, où elle a suivi un parcours très sinueux. Elle va maintenant former une ligne droite ponctuée de quelques larges courbes pour traverser Lys et Leers.

Avant cela, elle doit abandonner les rails de la compagnie des TRT (Tramways de Roubaix-Tourcoing) qu’elle a empruntés sur une centaine de mètres et tourner à droite dans la rue de Leers.

Le carrefour que nous voyons sur la photo a bien changé. L’usine Boutemy à gauche a disparu, remplacée par l’entreprise Stein, disparue depuis elle aussi. A cet emplacement s’est récemment installé un supermarché. Le bâtiment qui fait l’angle a été remplacé dans les années 50 par un autre, à vocation semble-t-il différente.

Photo collection particulière

La photo date d’avant l’ouverture de la ligne en 1908, puisqu’on ne voit ni l’aiguille, ni la courbe d’entrée dans la rue de Leers qu’on aperçoit à droite. Elle pourrait même être antérieure à 1895 : les rails que l’on voit sont ceux de la ligne 3 de Roubaix à Toufflers et leur écartement fait penser à une voie de 1m44, celle utilisée par les tramways à chevaux. En effet ce n’est que lors de l’électrification en 1895 que l’écartement a été réduit à 1 mètre.

Le même endroit aujourd’hui – Photo Jpm

La voie emprunte donc vers la droite la direction de Leers, en suivant l’actuelle rue Jean-Baptiste Lebas, laissant sur sa gauche les arbres de l’ancien parc Motte, passées les quelques maisons bordant le carrefour. Deux cent mètres plus loin, juste après la mairie, on la retrouve dans une vue, prise en sens inverse en direction de Lannoy avant la construction de la ligne. Au premier plan gauche l’entrée de la rue Delory, au deuxième plan à droite on devine, avant les arbres, le renfoncement de la mairie.

Document site Delcampe.

Avançons encore en direction de Leers. Nous voici au carrefour suivant à quelques dizaines de mètres vers Leers. A gauche la rue Jeanne Hachette, à gauche la rue Jeanne d’Arc. La voie suit toujours fidèlement le trottoir.

La rue Jeanne Hachette – Photo collection particulière

150 mètres plus loin, la voie passe devant l’église que nous apercevons au bout de la rue Alfred Bara. L’horlogerie « Au coin doré » est aujourd’hui une maison d’habitation, mais l’aspect du site est inchangé.

L’Église – Document coll. Particulière

Encore quelques centaines de mètres, et nous approchons des limites de Lys. La rue prend le nom de rue du Fresnoy. La photo suivante nous montre le carrefour avec les rues Fénelon à gauche et de Toufflers à droite. On voit la motrice 20 en état et en livrée d’origine se diriger vers Leers. Pour parvenir à cet endroit, il faut aujourd’hui emprunter le pont au dessus de la voie rapide et traverser le rond-point qui le jouxte, laissant sur la droite la zone industrielle de Roubaix-Est.

Le Fresnoy – Document Trans’Lille

Avançons encore en ligne droite dans une zone moins urbanisée pour parvenir sur le territoire de Leers. La rue s’appelle maintenant la rue de Lys et nous allons pénétrer dans le village. La photo qui suit est prise dans cette zone, bien qu’elle soit difficile à situer exactement. On y voit une motrice venant de Leers le jour de l’inauguration de la ligne.

Le jour de l’inauguration – Document Historihem

Entrant dans le village, la ligne va passer non loin du dépôt des tramways de l’ ELRT qu’elle laisse sur sa gauche. Une aiguille et une courbe permettent d’y accéder depuis la rue de Lys en empruntant ce qui était à l’époque une voie spécifique, et qui est aujourd’hui la rue Colbert. Un autre accès pour les véhicules routiers est aménagé dans la rue du Maréchal Leclerc à l’arrière de la remise.

Le site du dépôt – Photo IGN 1933

Une photo nous montre justement la grille d’accès à la rue du Maréchal Leclerc. On y voit la motrice 104 dans sa magnifique livrée d’origine, filets bleu foncé et armes des trois villes, en cours de levage. Le bâtiment qu’on voit à l’arrière plan existe encore aujourd’hui.

L’accès côté rue du Maréchal Leclerc – Photo TransLille

Le dépôt est majoritairement constitué de hangars servant à remiser le matériel à l’intérieur desquels des voies parallèles desservies par des aiguillages permettent d’aligner les motrices. La photo précédente nous montre qu’on y pratique les révisions courantes, les trams n’ayant, à l’origine, pas accès au reste du réseau ELRT. La photo qui suit nous montre la remise le jour de l’inauguration.

L’intérieur du dépôt le jour de l’inauguration – Document TransLille

Ce dépôt est abandonné dans les années 30, alors que le terminus est ramené à Lys. Il sera ensuite démoli : il n’apparaît plus sur les photos aériennes en 1949. Depuis, le terrain a été loti de maisons individuelles. Toutes les motrices de L’ELRT seront alors regroupées sur le dépôt de Marcq au croisé Laroche, également disparu aujourd’hui.

La photo suivante est prise au bout de la rue de Lys, après le dépôt et juste avant le carrefour avec la rue du Maréchal Leclerc.

Document site Delcampe

Au carrefour, la voie va prendre à droite pour se rapprocher de son terminus en suivant la rue Joseph Leroy, qui, relativement étroite, ne devait pas laisser beaucoup de place pour le trafic routier…

La rue Leroy – Photo La Voix du Nord 2021

Encore quelques centaines de mètres et la voie vire à 90 degrés vers la gauche pour emprunter la rue Thiers. Elle se dédouble dans la rue avant de parvenir à l’église, terminus de la ligne et terme de son périple. On distingue au fond une des motrices du réseau.

La rue Thiers et l’église de Leers – Photo site Delcampe

Une dernière photo est un retour à l’origine de la ligne. Elle nous montre l’autre terminus, à Lille, distant de plus de 15 kilomètres par le rail de l’église de Leers.

La place des Buisses à Lille – Photo Trans’Lille

Nous remercions les associations Trans’Lille, Historihem, Amitram et Leers historique, ainsi que les sites de l’Institut Géographique National, de La Voix du Nord et de Delcampe.