Une rue pour Léonie

En août 1914, Marie Léonie Vanhoutte, qui exerçait la profession de giletière, travaille à l’installation des ambulances de la Croix Rouge, rue Pellart, où elle est infirmière de salle. Au moment de l’invasion allemande, elle laisse la place aux infirmières allemandes, en emportant cependant deux objets précieux, qui lui seront fort utiles par la suite, son brassard et sa carte d’infirmière.

 Affiche occupation allemande & Léonie Vanhoutte documents archives municipales de Roubaix

Son premier voyage de passeuse, elle le fait pour son frère, un évacué mobilisable n’ayant pu rejoindre le front, qui souhaitait rejoindre la France libre. Elle fera soixante dix kilomètres à pied de Roubaix à Gand, passera en Hollande, et mènera quatre hommes à la liberté. Lors d’un nouveau voyage, elle recueille des informations sur les mouvements de troupe et les emplacements des batteries ennemies. Elle vient de rencontrer son amie Louise de Bettignies, qui fait d’elle son lieutenant sous le sobriquet de Charlotte, dans un réseau financé par les anglais. Ses missions sont les suivantes : passages de personnes, collectes de renseignements, transferts de correspondance, de la France occupée vers la Hollande, à travers la Belgique.

 Roubaix occupée par les allemands, ici au Pile Photo Nord Eclair

Le 24 septembre 1915, elle sera arrêtée sur dénonciation, à Bruxelles, quelques jours à peine avant Louise de Bettignies. Incarcérées toutes les deux à la prison St Gilles de Bruxelles, elles seront d’abord condamnées à mort, puis déportées à Siegburg en Allemagne, où Louise de Bettignies mourra d’une pleurésie purulente en septembre 1918, alors que Marie Léonie luttait elle-même contre le typhus qu’elle avait contracté à force de soigner ses compagnes de captivité atteintes de cette maladie.  Elle sera libérée le 3 octobre 1918 par des évadés belges et fronçais accompagnés de soldats allemands au moment de la proclamation de la République allemande.

 Léonie Vanhoutte honorée en 1919 et en 1927 Photo Journal de Roubaix

Le 24 Août 1919, elle reçoit la croix de guerre, Elle recevra aussi la Médaille Militaire anglaise, la Croix de Chevalier de l’Ordre de l’Empire Britannique ainsi que la Croix Civique belge. Antoine Redier écrira l’histoire de Louise de Bettignies et de Marie Léonie Vanhoutte en 1923 dans un ouvrage intitulé La Guerre des Femmes publié aux éditions de la Vraie France. Le 27 février 1927, elle obtient la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur. Elle épousera Antoine Redier, son chroniqueur en 1934.

En 1966, elle était promue au grade d’Officier de la Légion d’Honneur. Elle s’éteignit le 4 mai 1967 à l’âge de 79 ans et repose désormais dans l’ancien cimetière de Hauteville, dans le caveau de la famille Redier. Une rue porte désormais son nom dans la cité des Trois Ponts.

On lira avec intérêt

Le livre d’Antoine Rédier La Guerre des femmes, couronné par l'Académie Française
dont sera tiré le film Sœurs d'armes de Léon Poirier en 1937
Et on visitera la magnifique exposition virtuelle de la bibliothèque numérique de la médiathèque de Roubaix intitulée la Fleur au fusil
http://www.bn-r.fr/expositions/lafleuraufusil

Visite au square des platanes

La société anonyme Roubaisienne d’habitations ouvrières, dont le siège est situé 1bis rue du Pays, désire construire une cité jardin avenue Linné. Elle adresse en 1923, par la voix de son secrétaire M. Hache, une demande portant sur 26 maisons doubles.

Document archives municipales

 L’autorisation est donnée en janvier 1924, mais les constructions sont différées. En 1925, la société réitère sa demande, mais pour 32 maisons. M Hache demande l’autorisation de construire la 32ème sur un terrain lui appartenant à l’est du lotissement sur le même plan que les autres. Au total, le lotissement comprend 65 logements. Ces maisons sont réparties en deux types distincts architecturalement, les unes revêtues de briques sont situées le long de l’avenue Linné. Les autres aux murs cimentés sont situées en retrait et constituent le square des platanes proprement dit.

Le lotissement lors de la construction – document archives municipales

 Nous avons eu l’occasion de visiter l’une de ces maisons, habitée jusqu’à aujourd’hui par la même famille et restée pratiquement dans son état d’origine. Laissons à Carole le soin de nous présenter cette maison sortie tout droit des années 30.

La maison aujourd’hui – photo Jpm

 En 1924, mon grand-père était garde chasse, employé par le patron de la bonneterie Rousselle, au château des deux lions, et on lui a proposé un logement ici. Il ont emménagé au mois de juin. Les premiers locataires c’était eux ; les autres maisons sont plus récentes. Il y avait deux ménages dans la maison : Quand mes grands parents sont morts, mes parents, qui habitaient au premier, ont repris la location.

La grand-mère, la sœur et les parents de Carole ; le jardin- photos collection particulière

 Au début, mes parents avaient un petit jardin, puis après, on leur a donné un autre morceau, pris sur un chemin qui menait de l’avenue Linne à l’avenue Motte. Le garage a été construit par mes parents dans les années 50.

Le garage. Le jardin d’aujourd’hui a inclus l’ancien chemin menant vers l’avenue Motte (photo de droite)

 La maison comporte trois pièces principales au rez de chaussée comme à l’étage. La chambre 1, au dessus de la cuisine, a été utilisée très longtemps comme cuisine par les parents de Carole.

 

La pompe actuelle a remplacé l’ancienne, en fonte, mais elle puise toujours l’eau de la citerne située sous la maison, avec un regard dans le séjour. Pas d’eau chaude à l’évier, mais la cuisine était équipée à l’origine de placards. Une cave, souvent remplacée par une penderie dans les autres maisons n’était qu’un petit espace sous l’escalier : on y mettait le beurre, quand il n’y avait pas de frigo.

Tout est pratiquement resté d’origine dans la maison– photos jpm

 Trois belles chambres à l’étage. Il y avait un feu en bas, et un en haut, c’était suffisant : Les gens ne chauffaient pas comme maintenant.

Une chambre et son papier peint dans le style des années 30– photos jpm

 Le cagibi extérieur, construit avec des plaques de ciment, était équipé d’origine avec un clapier à lapins. Tout était prévu par les concepteurs !

Les parents de Carole– photo collection particulière

Un grand merci à Carole pour avoir partagé avec nous souvenirs et documents.

 

Une rue coupée en deux

Vingt ans après le tracé de la rue de Leers, et à la demande des riverains, on projette en 1890 le percement d’une rue parallèle, qui relierait le chemin du Sartel et le chemin de Carihem. Cette voie va couper en deux les terres de la ferme Bury-Courcelles, appartenant alors à Emile Tiers, qui représentent l’essentiel des terrains entre le canal et la voie du chemin de fer. La ferme elle-même est desservie par un court chemin privé ouvrant sur la rue de Leers. La nouvelle rue la borderait ainsi à l’Ouest. M. Tiers est également propriétaire d’une autre ferme située rue de Carihem, à son carrefour avec la future rue. Le plan d’origine s’arrête à l’ancien chemin n°9 dont la partie allant du Sartel aux trois Ponts a été coupée en deux par la construction de la gare du Pile. La dernière partie du chemin allant vers le canal deviendra la rue Basse.

Le quartier en 1886 – Document archives municipales

 Les riverains signataires de la pétition s’engagent à céder le terrain nécessaire au percement d’une voie de 12 mètres de large, comportant une chaussée de 7 mètres qui serait pavée au fur et à mesure des constructions et comporterait un aqueduc destiné à évacuer les eaux de cette zone. Ils s’engagent également à participer aux frais d’établissement de la voie et de l’aqueduc. La mairie, soucieuse d’ajouter une voie qui permettra aux industries de s’installer entre chemin de fer et canal, autorise l’ouverture de la rue Boucicaut, et la classe dans le réseau des voies publiques roubaisiennes. Mais l’aqueduc ne dépassera jamais la rue d’Amsterdam. Dès l’année suivante, les Hospices, propriétaires du triangle formé par le boulevard Beaurepaire, la rue Basse, et le chemin de fer, acceptent de céder gratuitement le terrain nécessaire à la prolongation de la rue jusqu’au boulevard.

La proximité du canal et du chemin de fer favorisent la desserte d’entreprises industrielles, et celles-ci s’installent très vite : dès 1903 s’installe le long de la rue, la fabrique d’engrais Honoré de Koning qui s’étend sur 80 mètres de façade ; puis, un peu plus loin, l’atelier de mécanique de M. Grau. De l’autre coté, s’implante la brasserie Brichaert Gertgen. En 1909, M. Deroubaix demande l’autorisation de construire une fonderie de fer et de cuivre. On trouvera dans les années suivantes une fonderie au 3 (Cateau et Espriet), et une autre au 75 après la rue d’Amsterdam (J. Menu). En 1935, on la retrouve sous la dénomination des fonderies du Sartel. Cette même année, s’implante une entreprise de charpente métallique au 14 (M. Browaeys) et du côté pair une usine d’engrais Houzet-Debruycker. Plus tard, après la guerre, l’entreprise Mather et Platt font construire un atelier de mécanique à côté des établissements Browaeys.

Une photo aérienne de 1932 nous montre la densité des constructions du début de la rue :

Photo IGN

On voit également que la rue accueille aussi des habitations, souvent implantées par rangées transversales, propriétés de MM. Triboux, Tiberghien et Farvacque. En 1943, on trouve la cité Dorchies après le numéro 67.

Mais, sans qu’on sache trop pourquoi, les constructions ne semblent pas s’étendre au delà de la limite de l’ancienne ferme de Bury-Courcelles. La rue, encore qu’incomplètement viabilisée, et revêtue de scories, est pourtant tracée jusqu’à la rue de Carihem. Elle est même suffisamment empruntée pour que la traversée de la voie ferrée soit protégée (après guerre, M. Lemaire est garde-barrière). Mais, ne desservant pas d’habitations, la rue est de moins en moins utilisée. Sa largeur diminue faute de passage et elle ne dessert plus que des jardins ouvriers. Enfin, en 1973,  la création du centre de tri lui porte le coup de grâce ; la maison du garde-barrière est rasée et la rue est barrée, n’offrant plus, vue du ciel, que l’aspect d’un simple sentier.

Photos IGN 1962 et 1976

La rue, qui comptait 945 mètres de longueur en 1958, est désormais coupée en son milieu et sa dernière partie annexée au centre de tri. Les passants n’auront même pas eu à perdre l’habitude de l’emprunter jusqu’au bout !

 

Le lotissement fantôme 

Sur une propriété allant de la rue de Lannoy à la rue Leconte-Baillon, appartenant en 1903 à Mme veuve Boittiaux, et reprise par Bernard Spriet en 1930, est construite une maison de maître en bordure de la rue Leconte-Baillon. Un second bâtiment , plus petit, est également visible près de l’autre. Un mur haut clôture la propriété du côté de la rue.

Photos aériennes IGN 1965 et 1976
La propriété dans les années 50. Photo L’Usine

En 1939, Bernard Spriet partage sa maison avec J. Bernard, industriel. Celui-ci figure à cette adresse jusqu’après 1970. Mais, d’après les voisins, la propriété est ensuite assez vite laissée à l’abandon, et une photo aérienne de 1983 montre les bâtiments supprimés, en prologue à une construction future. On voit encore aujourd’hui sur le mur de la maison voisine la trace du pignon du plus petit des bâtiments, qui s’avançait plus sur le trottoir.

Photo Jpm

A cette époque, la propriétaire, se fait construire une maison du côté de la rue de Lannoy et cède le reste du terrain pour y construire un lotissement. C’est sous la houlette du crédit immobilier de Douai que démarrent les travaux. La première maison, celle du fond, est vendue en Août 1984, mais le premier propriétaire va rester isolé près d’un an et demi : ce n’est qu’en décembre 1985 qu’un deuxième acheteur s’installe.

En Juillet 1986, un article paraît dans Nord Éclair s’inquiétant de ce qu’un nouveau lotissement soit complètement laissé à l’abandon, avec seulement deux maisons habitées, alors que le quartier paraît avoir tout pour attirer les acquéreurs.

Photo Nord Eclair 1986

André nous confie : « C’était un terrain qui allait de le rue de Lannoy et la rue Leconte-Baillon. Le mur de séparation avec la propriété suivante (là où a été construite la résidence Passy) est resté en place ». Au cours d’un déplacement professionnel, il passe devant le lotissement qu’il voyait en construction depuis très longtemps. S’engageant dans l’impasse, il rencontre sa future voisine. Celle-ci lui propose de visiter la maison-témoin. Intéressé, il prend contact avec le notaire de Douai pour entamer une transaction.
Selon lui, le promoteur, peut-être pour des raisons financières, avait dû arrêter le chantier en cours de réalisation. « Il y avait une grande tranchée au milieu de la chaussée ». Le premier acheteur, celui de la maison du fond, a essuyé les plâtres pendant de nombreux mois, et le chantier est resté en panne derrière le grand panneau de bois placé à l’entrée. « Il a dû se raccorder électriquement au branchement du chantier... » Finalement, les travaux ont repris et menés à bien, les maisons ont été terminées pour être vendues. Quand André l’a visitée, sa maison était terminée, sauf la décoration (papiers peints et peintures). Il l’a achetée et a été ainsi le troisième propriétaire de la rue. Dans les six mois qui ont suivi, toutes les autres ont été vendues, et le lotissement fantôme est devenu un lieu de vie paisible…

La Closeraie Photo Jpm

 

 

Rénovation des HBM

En 1984, la rénovation des immeubles HBM va commencer. Comment en est-on arrivé là ? Un article daté de février 1979, relate la visite de Bernard Carton, adjoint à l’urbanisme, aux comités de quartier, et particulièrement à celui qui regroupe à l’époque les représentants du secteur Justice Hauts Champs Chemin Neuf Nouveau Roubaix Edouard Vaillant.

Il est venu pour insister sur l’importance de la concertation sur la question des aménagements futurs du quartier. Il en vient à parler de la rénovation des vieilles HBM[1], donnant sur le boulevard de Fourmies et sur l’avenue Motte. Ces grands immeubles qui ont fait la fierté du Nouveau Roubaix datent du début des années trente, et on commence à s’intéresser à leur modernisation. Un programme de réhabilitation est annoncé, qui devrait concerner 300 logements.

Les vieilles HBM dans les années soixante Collection Particulière

En avril, le journal Nord Éclair signale un certain laisser aller dans le quartier, notamment rue Rubens où les papiers rejoignent les feuilles des arbres par terre. Les riverains garent leurs voitures sur les pelouses et les transforment en bourbiers. On est loin de l’aspect champêtre et salubre des immeubles du temps de Jean Lebas.

En janvier 1980, la question a avancé : les organismes de logement social concernés sont d’accord avec le principe, mais s’inquiètent du coût pour les locataires. Le Carihem et les immeubles HBM du Nouveau Roubaix sont concernés, pour des raisons différentes, l’insonorisation pour le premier, le coup de neuf pour le second.

Les locataires eux s’inquiètent déjà : l’augmentation annuelle des loyers près de 15%, le chauffage insuffisant des hlm de la rue Carpeaux et du Nouveau Roubaix, entre autres sujets de mécontentement.

Les HBM en 1980 Photo Nord Éclair

Le mot réhabilitation ne parle pas aux habitants. Le comité de quartier organise alors en juin 1980 une réunion qui se déroule au centre familial Carpeaux. Sont invités le groupement de défense des locataires, la CSCV (Confédération Sociale du Cadre de Vie) et la CNL (Confédération Nationale du Logement). Dans le débat qui s’instaure, il apparaît qu’une part du loyer payé par les locataires doit servir à l’entretien et aux réparations des logements, ce qui n’a pas l’air d’être le cas. Une dame témoigne : voilà 56 ans que j’habite dans mon appartement et jamais de gros travaux n’ont été réalisés ! Les locataires font part de leurs craintes quant à l’augmentation du loyer qu’entraînera la réhabilitation.

à suivre

D’après Nord Éclair

[1] Habitations à bon marché construites en deux tranches fin des années vingt et début des années trente

Du théâtre à la tour

En Janvier 1964, le journal Nord Éclair titre : le glas va-t-il sonner prochainement pour l’Hippodrome ? Le vénérable théâtre de l’Hippodrome avait ouvert ses portes le 5 novembre 1882, quelques mois à peine après le comblement du canal. Pendant trois quarts de siècles, il aura été un des lieux de spectacle favoris de la population roubaisienne. A la fois cirque, salle de théâtre et d’art lyrique, de meetings et de débats politiques, et dans les derniers temps salle de cinéma, l’Hippodrome théâtre a fermé ses portes en 1957.

L’hippodrome théâtre, en cinéma Capitole Collection Particulière

En 1963, la Compagnie d’Investissements Fonciers a racheté le dernier café adossé au vieux théâtre, et annoncé un projet de construction d’un immeuble et d’une station service. En Juillet 1964, c’en est fini du vieux théâtre, jeté à terre par les bulldozers. Cependant le projet ne démarre pas immédiatement. La surface n’était-elle pas suffisante ?

Les bureaux de l’entreprise Motte Bossut et le rond point de l’Europe en 1969 Photo Nord Éclair

Il faut attendre 1971 pour qu’il soit envisagé de récupérer l’espace occupé par deux cafés et par les bureaux de la maison Motte Bossut, situés à l’angle de la rue du Coq Français et du boulevard Leclerc, dans le prolongement de l’usine. Le crédit municipal situé sur le même trottoir au n°42 serait également concerné par la démolition, mais on ne sait pas où le reloger.

Projet publié en 1972 par Nord Éclair

Le projet de construction est alors porté par le CIL de Roubaix Tourcoing, et il est envisagé une importante opération immobilière comprenant un immeuble de 16 étages, des commerces, un restaurant, une station service. Un second immeuble de dix étages est prévu le long de la rue Vincent Auriol. La démolition intervient en octobre 1971. On prévoit de donner le nom de Résidence du Théâtre à la tour de seize étages…

Chaussées de l’avenue Delory

A l’origine, la chaussée de l’avenue des Villas (première dénomination de l’avenue Delory) est simplement couverte de scories. On songe très vite à un revêtement plus efficace, et c’est ainsi que l’avenue va être empierrée tronçon après tronçon par l’emploi de Macadam. C’est une technique d’empierrement développée par un écossais, M. Mc Adam, et qui consiste à étaler des couches de pierres de plus en plus petites, les plus grosses à la base et les plus fines au dessus, l’ensemble étant ensuite compacté.

En 1906 on envisage d’effectuer cette opération depuis la rue de Barbieux jusqu’à la rue de Beaumont en utilisant en sous-couche des cassons de porphyre, recouverts de gravier de St Omer sur une largeur de 12 mètres. Jules Noyelle, conseiller municipal, explique que cette partie de l’Avenue des Villas est assez fréquentée pour qu’on améliore la viabilité qui est très mauvaise. Les rechargements en scories que l’on y fait fréquemment n’ont pas de durée efficace… Louis Cauche obtient l’adjudication et effectue les travaux.

Document archives municipales

En 1907, M. Watel-Dhalluin et plusieurs autres propriétaires demandent la construction d’un aqueduc dans l’axe de l’avenue. Ce conduit se déverserait dans les fossés et les étangs du parc Barbieux. La municipalité refuse de polluer le parc. Néanmoins, la question de l’aqueduc se pose. Le fameux fossé sera couvert et séparé des étangs dans les années 20. L’aqueduc de l’avenue Delory pourra alors s’y déverser.

En 1910, on termine l’empierrement de la partie entre les rues de Barbieux et Lenôtre. Pour la plus grande partie de l’avenue la chaussée n’est bordée que de bas-côtés herbeux plantés d’arbres.

L’avenue en 1936 – Photo Collection B. Thiebaut

Les travaux resteront au point mort jusqu’après la guerre, et la chaussée va se dégrader progressivement. L’avenue est boueuse l’hiver et poussiéreuse l’été. Une partie des arbres plantés à l’origine, situés entre les fermes de Gourgemetz et de la Haye vont ensuite disparaître. Pour quelle raison ? Ils seront replantés dans les années 50. Deux photos aériennes de 1950 et 1957 nous le montrent :

Photos IGN

En l’espace de sept ans, les fermes et les champs ont été remplacés par des lotissements. Les travaux ont sans doute contribué à dégrader les trottoirs, car les journaux se font l’écho des nouveaux riverains qui dénoncent l’état des accès aux habitations, et attendent impatiemment les travaux de voirie nécessaires. C’est chose faite en 1957. On aménage les trottoirs et on replante les arbres manquants. Notez les moyens techniques utilisés qui sont un « must » pour l’époque : le camion GMC récupéré des surplus militaires et la pelle mécanique à câbles. C’est également à cette époque qu’on recouvre la chaussée de tarmacadam.

Photos Nord Eclair 1957

L’avenue commence à prendre l’aspect qu’on lui connaît. Les prochains aménagements concerneront essentiellement les mesures de sécurité à prendre concernant la circulation qui va progressivement se densifier.

 

Le groupe Carpeaux

Autrefois se trouvait à l’angle de la rue Ingres et de la rue Carpeaux un grand terrain de football entouré d’une bande de jardins ouvriers. L’usine Platt dont les bâtiments existent encore aujourd’hui, jouxte cette surface entre la rue Ingres et le boulevard de Lyon.

L’emplacement en 1953 Photo IGN

C’est sur cet emplacement que va être édifié le groupe Carpeaux, qui est réalisé par l’Office public HLM à partir de l’année 1960. En juin 1960, une visite de chantier réunit quelques personnalités, dont le maire Victor Provo, et les représentants des HLM, de la ville, les architectes et les entrepreneurs. Ils découvrent ainsi un grand bâtiment de quatre étages, comportant 69 appartements et deux autres constitués chacun par seize appartements. Une tour de huit étages, dite altière, présente quatre appartements par niveau et au rez-de-chaussée, la place est prévue pour accueillir deux magasins. Des garages sont prévus pour les véhicules des futurs habitants. Les personnalités visitent un logement témoin, c’est-à-dire peint et meublé comme s’il était habité. Puis ces messieurs gravissent les étages de la tour par les escaliers, car l’ascenseur n’est pas encore installé. Un vin d’honneur servi au rez-de-chaussée récompensera leurs efforts.

Le même emplacement en 1962 Photo IGN

Ce chantier a précédé de peu celui du boulevard de Reims, dont l’adjudication des travaux venait d’être lancée début 1960.

La tour Carpeaux en 1964 Photo Nord Éclair

Ce groupe est composé d’appartements agréables et confortables et il est doté du chauffage central. Les architectes Aureau et Verdonck sont les auteurs de ce magnifique lotissement. On peut y loger 133 familles. Le rez-de-chaussée de la tour Carpeaux a longtemps été occupé par un petit centre commercial, tenu par les Docks du Nord. Avec le temps, le groupe Carpeaux est entouré de petits arbres et de pelouses et présente un aspect de verdure agréable, malgré la présence automobile accrue.

Le groupe Carpeaux en 2012 Photo PhW

Origines de l’avenue Linné

A la fin du 19e siècle, la municipalité se préoccupe de structurer les quartiers situés au sud de la ville, ceux-ci étant alors constitués de grands domaines et de terres agricoles.  Il s’agit de tracer des voies de circulation mais aussi de mettre en place les infrastructures nécessaires à la vie des futurs habitants. C’est ainsi qu’on trace en 1894, le long de la rue de Lannoy, la place de la Justice, (notre place de la Fraternité actuelle), mais celle-ci n’est encore reliée à aucune autre voie.
A cette époque, le chemin n°2 de Roubaix à Hem, après avoir emprunté les rues du Moulin et de Hem, longe le domaine de la Potennerie, traverse le boulevard de Lyon, laisse à sa droite la ferme de la petite Vigne et prend un virage à 90 degrés vers la droite pour se diriger vers la ferme de la Haye et Hem en coupant l’extrémité du boulevard de Fourmies, qui se termine encore à cet endroit, et celle de la rue Henri Regnault, nouvellement ouverte.
Les élus voudraient prolonger ce chemin vers l’est en ouvrant une voie partant du coude qu’il forme et rejoignant la place de la Justice. Depuis cette place, il faudra traverser le domaine des prés que vient d’acheter Jules Dhalluin à Louis Cordonnier, passer près du château, et arriver au chemin n°2, dont la dernière partie va bientôt prendre le nom de rue Linné.


Cette rue longe un  groupe de maisons dont une partie sera démolie lors de la prolongation de l’avenue, mais dont certaines existent encore aujourd’hui, à peine modifiées :

Les maisons de l’ancienne rue Linné Photo Nord Eclair

On lance en 1899 la construction d’une voie en scorie dotée d’un aqueduc qui s’embranchera sur celui de la rue de Lannoy. Elle partira du coin de la place de la Justice, longera l’avenue Cordonnier, traversera la rue Jouffroy, côtoiera le château Cordonnier, et rejoindra en droite ligne le coude du chemin numéro 2. Les plans montrent également une avenue Bossut partant du boulevard de Reims et allant jusqu’au chemin numéro 9, mais n’est-ce pas seulement un tracé envisagé, qui ne prendra forme réelle que bien plus tard sous le nom de rue Braille ? Il semble bien, en tout cas que la partie vers le boulevard de Reims n’ait jamais été réalisée.

Louis Colin est choisi comme adjudicataire. Il réalise les travaux et la réception de la voie, tracée sur une largeur de 20 mètres, a lieu en 1902. Dès l’origine, deux prolongements semblent envisagés à partir du nouveau carrefour, l’un vers le sud-est (la future rue Léon Marlot), et l’autre vers le sud-ouest dans un tracé prolongeant en ligne droite la future voie. On a profité de l’occasion pour acheter, le long de ce tracé, des terrains, anciennement attachés à la seigneurie de la petite vigne, et connus comme « terre des pauvres », qui appartiennent au bureau de bienfaisance et sont alors cultivés par Jean-Baptiste Teneul. Ces terrains sont destinés à la construction d’un groupe scolaire « qui desservirait à la fois le quartier du Pont Rouge et celui de Beaumont ». La vente des terrains convoités est effective en 1902.

On remarque qu’au croisement de la future rue Ingres, le tracé projeté forme un « S » pour se raccorder à la rue Linné en se glissant entre les deux alignements de maisons. C’est ce tracé qui sera finalement choisi, et la municipalité rétrocède les terrains constituant l’ancien tracé de la rue Linné (en rose à gauche sur le plan). Les terrains placés le long de la nouvelle voie appartiennent pour la plus grande partie, au nord à la famille Bossut-Plichon et à la société Lemaire et Lefebvre, tandis qu’au sud, on trouve parmi les propriétaires Louis Cordonnier, Jules Dhalluin, ainsi que le bureau de bienfaisance.
Les travaux de prolongement jusqu’au niveau de la rue Ingres sont menés dans les années qui suivent : construction de l’avenue et des voies autour de l’école, des aqueducs correspondants et du groupe scolaire lui-même. La chaussée sera empierrée et bordée de fils d’eaux pavés. Les travaux de voirie sont terminés en 1910, et on plante des arbres le long de la nouvelle avenue.

Documents archives municipales

 

La rectification du carrefour

Pour faire face à l’afflux de trafic au carrefour, on se préoccupe dès 1886 de favoriser la circulation des tramways. Devant le conseil municipal, M. Roche défend le projet de dégager l’alignement de la rue Neuve (de nos jours, rue du Maréchal Foch), en démolissant les immeubles entre la rue de Lille et le boulevard de Paris,  pour faciliter le passage des tramways de Lille. En effet, la rue de Lille obliquait alors vers la gauche pour rejoindre la rue Neuve en suivant l’alignement de la rue des Loups. Pour aller à droite en direction du boulevard de Paris, il fallait contourner un groupe de maisons placées dans le prolongement de la rue du Moulin, dont l’axe ne correspondait pas à celui de la rue Neuve.

Cet îlot appartient alors aux hospices de Roubaix, et les immeubles sont loués à un certain nombre de commerçants. On trouve au coin de la rue de Lille (n°1) et de la rue du Moulin (n° 2 et 4) un vieil estaminet à l’enseigne de l’ancienne barque d’or, au nom de M.Desbarbieux. Au n°6 de la rue du moulin, un sellier, M. Dupureur-Barot, au n°8 un négociant en vins, M.Coulon-Cuvelier, et au n°10, un autre estaminet au nom de M.Depauw. Rue de Lille, avant la rue des Loups, il y a une pâtisserie au n°3, au nom de R.Vanhaelst. On voit sur le plan qui suit les cinq commerces concernés et en rouge, le tracé du nouvel alignement.

Le projet en 1911 – document archives municipales

Le projet est pourtant reporté pour des raisons financières, le bail de ces commerçants ne se terminant qu’en 1924, ce qui représente des indemnités conséquentes à verser. En 1910, on reprend l’idée, et les immeubles situés entre la rue de Lille et le boulevard de Paris et appartenant aux hospices de Roubaix sont frappés d’alignement pour dégager les entrées de la rue du Moulin et de la rue de Lille, qui serait ainsi redressée. Les immeubles concernés sont un cabaret au coin du boulevard de Paris loué à M Desurmont, brasseur, et tenu par M. Dubus, un tapissier au n°6, Mme Veuve Rohart, un bourrelier au n°4, M. Dupureur, et l’estaminet de la barque d’or au n°2, au nom cette fois d’Henri Duvillers.. Au n°3 de la rue de Lille se trouve toujours la pâtisserie Vanhelst, et un terrain est loué à la compagnie des tramways de Lille à l’angle du boulevard de Paris.

Par ailleurs, il est également prévu d’exproprier trois immeubles situés au bord du boulevard de Paris, où exercent le boulanger Moreau, le photographe Shettle, et le marchand de vins Grimonprez. Il s’agit en fait de démolir tous les immeubles situés entre la rue de Lille et le boulevard de Paris jusqu’au débouché de la rue des Loups, pour créer une vaste place publique… La commission concernée juge que pour des raisons financières, il vaut mieux s’en tenir à la première partie du projet.

L’estaminet Dubus au numéro 10, le tapissier aau numéro 8 et vue des  démolitions 
documents Journal de Roubaix et coll. particulière

La ville reprend les baux et fait évacuer les occupants pour pouvoir démolir, mais Dupureur regimbe : il n’envisage pas d’abandonner aussi précipitamment une maison de commerce aussi bien placée dans l’intersection des plus belles et des plus vitales artères de la ville… La guerre survient, qui repousse les travaux de démolition. Ceux-ci sont finalement réalisés, et l’Écho du Nord nous montre en 1930 une palissade couverte d’affiches et de panneaux publicitaires cachant un terrain vague, et qualifié de véritable lèpre dans le quartier. On voit que les immeubles à l’entrée du boulevard de Paris sont toujours debout.

Le site en 1930 – photo Echo du Nord

En 1932 voit le jour un projet de construction d’un immeuble moderne, et le journal l’Égalité précise que le syndicat d’initiative les amis de Roubaix intervient pour que l’immeuble soit conçu dans le style flamand, bien dans la note locale. On décide aussi de démolir les n° 2 à 10 du boulevard Paris, appartenant à la « foncière des Flandres », avant de construire l’immeuble de rapport. Ces bâtiments, dont on voit le premier sur la photo précédente et qu’on retrouve sur la suivante, abritent au n°2, à l’angle, le pâtissier Vanhelst,  exproprié en 1912 du n°3 rue de Lille, et qui a repris la boulangerie de M. Moreau, le photographe Shettle au n°4, un expert comptable au n°6, suivi des entrepôts du Nord, négociant en vins.

Les immeubles à démolir – document collection particulière

Les travaux vont bon train et l’immeuble prend forme l’année suivante. L’Égalité déclare : par son architecture il se rapproche de l’Hôtel des Postes, tout voisin, et, comme cette construction, il ne manque pas d’élégance.

L’immeuble en construction – photo l’Egalité 1933
Le même, terminé – document médiathèque de Roubaix
 

Mais l’histoire de ce carrefour ne s’arrête pas là, et nous ne manquerons pas de la détailler davantage…