Instantané 1973

La rue Jules Guesde forme avec la rue Jean Goujon un axe commercial  important du quartier de la Potennerie. Au-delà du carrefour avec la rue Jouffroy, et du Coq Français, elle remplit la même fonction jusqu’au quartier du Pile. Restons-en pour l’instant à cette première partie de la rue.

Le photographe Charier Photo Nord Eclair

Si nous suivons les numéros impairs, le photographe Charlier est au n°1, suivi de la mercerie de Mme Knoff n°3. La crémerie de Mme Delsalle au n°7, la boucherie Vandecasteele au n°9 et  les établissements Ledoux, également une crémerie, au n°11-13 forment la première partie de la rue. On traverse alors la rue de Bouvines pour passer devant la bonneterie Delmé au n°23, et devant le magasin d’électricité de M.Riysschaert au n°31. Au-delà de l’impasse St Louis, on trouve au n°33 la droguerie de Mme Vandesompèle, au n°61 l’enseigne Roubaix Camping jouets, de M. Deltête, et au n°63 le café Noyelle Meersman. Après la rue de Denain, le laboratoire d’analyses médicales Dhellemes occupe le n°65, la bimbeloterie Au Petit Bonheur de Mme Dubuisson est au n°67, alors qu’au n°67 bis Mme Chuine vend des articles de ménage, puis au n°69 il y a le boucher Goffette, suivi au n°71 de la droguerie Loens.

On passe la rue des Parvenus, et se succèdent alors au n°73 la pâtisserie Bouten, au n°75 le chemisier Jouniaux, au n°77 le libraire Chapelet, au n°81 la mercerie Aux Ciseaux d’Argent, et au n°83 la lingerie Yveline. Nous traversons la rue de Ma Campagne. Là se trouvent au n°85 l’horlogerie Pruvost, au n°97 le garagiste Desodt, au n°99 la bonneterie Hautekiet, au n°103 les jouets de Mme Moura Douglou.

Après la rue de Tunis, le n°109 est inoccupé, mais pas pour longtemps, car le magasin d’articles de ménage Soetens Duyck, déjà installé aux n°111 113 va encore s’agrandir. Au n°115, un boucher hippophagique après lequel il y a au n°117 le magasin d’articles de ménage Delattre, au n°119 les chaussures Spriet, au n°121 la Société Coopérative de l’Union Roubaix Wattrelos, grossiste en vins, au n°123 le libraire Ducourant, et pour finir au n°125 le boulanger Spriet Raepzaedt.

Les numéros pairs commencent par des établissements scolaires. C’est au n°6 qu’on trouve le magasin de poissons exotiques de Mme Minne, au n°12 le coiffeur pour dames Hache, au n°14 le commerce d’alimentation Ogier. Après la rue de la Potennerie, on passe devant le café A Versailles au n°16, le coiffeur Wanin au n°18, l’épicier Van Moer au n°20, le plombier zingueur Delahaye au n°24. Toujours sur le même trottoir, au n°26 Peersmann, confection pour enfants, au n°32 la boulangerie Hottebart, au n°34 le teinturier dégraisseur Anett dont la gérante est Mme Dieussaert, au n°38 l’enseigne Vins fins au détail, dont la gérante est Mme Hespel, au n°42 Bambi, le magasin de confection pour enfants de Mme Blot. Il y a encore au n°44 la bonneterie Vanhoorde Honoré, aux n°48-50 l’horticulteur Deleusière, au n°52 le commerce de beurre et œufs de M. Deleu, au n°54 Winants et Sevin, fabricants de sacs en jute, et Mme Thiry épicier, au n°56 bis le boucher Prinsie, et au n°60-62 les établissements Le Danois, électricité. On traverse la rue de Maubeuge et voici la caisse d’épargne, bureau de la Potennerie au n°62bis, l’électricité générale Nys aux n°66 68, et pour terminer ce tronçon, le boucher Depuydt au n° 72.

 

Il s’agit d’un relevé instantané de l’année 1973, car beaucoup de ces commerces se sont transformés ou ont disparu. Constatons qu’il y a encore une moyenne d’un commerce pour trois maisons d’habitation, et qu’il y en a encore de toutes les sortes : alimentation, confection, habillement, coiffure, articles de ménage…

 

 

Ah, l’Hippodrome Théâtre !

Le 5 novembre 1882, un nouveau théâtre, d’initiative privée, est inauguré, il s’agit de l’Hippodrome Théâtre. Il se trouvait non loin de l’emplacement occupé par l’actuelle tour du Théâtre, à côté de l’Usine Motte Bossut et des bureaux de cette société.

L’Hippodrome Théâtre Collection Médiathèque de Roubaix

Cette salle de spectacle contenait de 1500 à 1800 personnes, avec une scène d’une longueur de 25 mètres. En prolongement de la scène et séparé de cette dernière par un rideau métallique, se trouvait un grand foyer d’artistes utilisable dans les pièces à grand spectacle et au besoin comme salle de concert. Dans la partie des bâtiments affectés à l’Administration, il y avait des magasins de meubles, les bureaux de la Direction et la bibliothèque, les cabinets de coiffure, tailleurs, médecins, machinistes, foyer d’artistes, de choristes, de comparses et les loges d’artistes. Le magasin des décors comprenait un atelier de peinture, situé en dehors du théâtre et relié avec la scène par une galerie. Selon un témoin, la salle possédait sept sorties : trois en façade, deux sur les côtés, et deux à l’arrière qui donnaient dans l’ancienne rue des Longues Haies. La façade, construite quelques années après l’inauguration, était digne de celle de la Scala de Milan : colonnes en onyx du Maroc, statues représentant une danseuse et une jongleuse.

Plan de l’Hippodrome Collection Privée

L’Hippodrome Théâtre, qui avait coûté un million deux cent mille francs de l’époque, était admirablement situé sur un grand boulevard récemment créé et très passant, à deux pas de la Grand Place et de la Place de la Liberté. En effet, en 1882, on vient tout juste de reboucher l’ancienne partie du canal, ce qui procure à la ville une grande voie pénétrante, à la suite du magnifique boulevard de Paris, et du parc de Barbieux en cours de réalisation. L’Hippodrome n’aura d’égal qu’à Paris. Son architecture est remarquable, la disposition de la salle est ingénieuse moitié cirque, moitié théâtre. Ses représentations seront diversifiées, entre opérette et opéra, théâtre dramatique et comédies, vaudevilles et grands drames. Le cirque franco-belge viendra y séjourner au moment de la grande foire. Des meetings politiques, conférences, débats électoraux, s’y dérouleront aussi, devant une salle comble : Marc Sangnier, Jules Guesde, Jean Jaurès, parmi tant d’autres, viendront y prendre la parole. Les roubaisiens étaient un public de mélomanes, et ils  étaient férus de bel canto et d’art lyrique. L’Hippodrome théâtre devint donc une scène d’audience nationale, qui recevait des artistes comme Sarah Bernhardt, Cécile Sorel, Sacha Guitry. De grands musiciens vinrent y conduire des concerts, comme Camille Saint-Saens, Charles Gounod.

Programme Collection Privée

Après la seconde guerre, on tenta de le moderniser, un écran de cinéma y fut installé et l’Hippodrome théâtre devint le Capitole. On y organisa même des combats de catch ! Un dimanche de mai 1957, le rideau du Capitole théâtre tomba définitivement sur les dernières notes des Mousquetaires au Couvent. Dernière représentation, dernier spectacle. L’évolution des mœurs, le tourisme, la télévision, le cinéma ont été cités comme responsables de cette fermeture. Après une carrière longue de 80 ans, était-il impossible de poursuivre, en aménageant ?

Le Capitole Collection Privée

La société Le Capitole est dissoute le 16 avril 1964. Une compagnie d’investissements immobiliers reprend les bâtiments ainsi que le café voisin et cette surface de 2700 m² servira à la construction d’un vaste immeuble, et d’une station service au rez-de-chaussée. Ainsi disparut à jamais un des grands lieux culturels et historiques de Roubaix.

On prolonge l’avenue Linné

Les travaux d’ouverture de l’avenue Linné se terminent en 1910. L’avenue est pavée dans sa partie centrale sur une largeur de quatre mètres, le reste de la largeur étant empierré. Elle se termine au niveau de la rue Ingres en laissant subsister une difficulté. En effet, l’avenue se raccorde à l’ancienne rue Linné par un « S » brutal, qui risque d’ entraver et de rendre dangereuse la circulation. C’est pourquoi on prévoit, en 1913, de redresser ce carrefour et de prolonger l’avenue en ligne droite. Mais l’ancienne rue Linné est bordée à cet endroit de constructions, certaines situées dans l’alignement de l’avenue, directement sur le tracé projeté.

Le carrefour en « S » et le projet de tracé – document archives municipales

 Le terrain convoité par la municipalité appartient à la veuve Herchuez et comporte deux alignements de bâtiments formant un angle ouvert. Au total 14 maisons dont cinq en front à rue, l’une abritant un estaminet, il faudra en démolir huit. Le café, dont le tenancier est M. Catteau, comprend une bourloire. Ce terrain est encadré par des propriétés de la société Lemaire frères et Lefebvre. Au débouché de la future avenue sur la place de l’Avenir, le terrain appartient à Narcisse Jaune. Ces terrains seront acquis par voie d’échange avec leurs propriétaires en 1913.

Le débouché de l’avenue sur la place – Document Archives municipales

 La guerre suspend l’exécution du projet, qui reprend en 1925 avec l’approbation du tracé par le conseil municipal, suivi de négociations pour l’achat des maisons Herchuez. C’est chose faite en 1926, mais les locataires ne se pressent pas de libérer les lieux (un seul départ dans les six ans qui suivent). Il faut indemniser les occupants pour récupérer les maisons ; la municipalité leur offre mille francs à chacun. M. Catteau, le tenancier du café, sera indemnisé de la perte de son commerce par le don d’un terrain en bordure de la nouvelle avenue en 1932. Il faut maintenant démolir les maisons. On mène activement les travaux dans le cadre des mesures de lutte contre le chômage et, en 1934, les bâtiments gênants sont abattus, l’avenue est tracée, et on lance l’adjudication pour le revêtement de la chaussée en tarmacadam jusqu’à la place. Celle-ci a maintenant pris le nom de Spriet, alors qu’on vient de procéder au revêtement définitif par le même procédé du reste de l’avenue jusqu’à la place de la Fraternité. Les travaux prolongement de l’aqueduc sont réceptionnés l’année suivante.

La ville met en vente le terrain qui lui est inutile pour y construire un lotissement entre les rues Ingres et Rubens.

Le lotissement – document archives municipales

 Les travaux se terminent par la plantation d’arbres le long de la nouvelle avenue. Il ne reste plus qu’à rétrocéder le terrain entre l’ancien tracé de la rue Linné et celui de l’avenue, selon l’engagement pris lors de l’acquisition des terrains par la ville. Le triangle allant de la nouvelle voie aux maisons anciennes désormais en retrait est donc vendu aux ayants-droits de la société Lemaire frères et Lefebvre moyennant un prix de 5 francs le m². Cette rangée de maisons, jadis en front à rue, est désormais en retrait de l’avenue. Elle témoigne encore aujourd’hui de l’ancien tracé de la rue.

L’avenue a pris l’aspect que nous lui connaissons de nos jours. Les seuls travaux qu’elle a connu depuis ne relèvent que de l’entretien.

La Voix du Nord – 1959

Une rue pour Léonie

En août 1914, Marie Léonie Vanhoutte, qui exerçait la profession de giletière, travaille à l’installation des ambulances de la Croix Rouge, rue Pellart, où elle est infirmière de salle. Au moment de l’invasion allemande, elle laisse la place aux infirmières allemandes, en emportant cependant deux objets précieux, qui lui seront fort utiles par la suite, son brassard et sa carte d’infirmière.

 Affiche occupation allemande & Léonie Vanhoutte documents archives municipales de Roubaix

Son premier voyage de passeuse, elle le fait pour son frère, un évacué mobilisable n’ayant pu rejoindre le front, qui souhaitait rejoindre la France libre. Elle fera soixante dix kilomètres à pied de Roubaix à Gand, passera en Hollande, et mènera quatre hommes à la liberté. Lors d’un nouveau voyage, elle recueille des informations sur les mouvements de troupe et les emplacements des batteries ennemies. Elle vient de rencontrer son amie Louise de Bettignies, qui fait d’elle son lieutenant sous le sobriquet de Charlotte, dans un réseau financé par les anglais. Ses missions sont les suivantes : passages de personnes, collectes de renseignements, transferts de correspondance, de la France occupée vers la Hollande, à travers la Belgique.

 Roubaix occupée par les allemands, ici au Pile Photo Nord Eclair

Le 24 septembre 1915, elle sera arrêtée sur dénonciation, à Bruxelles, quelques jours à peine avant Louise de Bettignies. Incarcérées toutes les deux à la prison St Gilles de Bruxelles, elles seront d’abord condamnées à mort, puis déportées à Siegburg en Allemagne, où Louise de Bettignies mourra d’une pleurésie purulente en septembre 1918, alors que Marie Léonie luttait elle-même contre le typhus qu’elle avait contracté à force de soigner ses compagnes de captivité atteintes de cette maladie.  Elle sera libérée le 3 octobre 1918 par des évadés belges et fronçais accompagnés de soldats allemands au moment de la proclamation de la République allemande.

 Léonie Vanhoutte honorée en 1919 et en 1927 Photo Journal de Roubaix

Le 24 Août 1919, elle reçoit la croix de guerre, Elle recevra aussi la Médaille Militaire anglaise, la Croix de Chevalier de l’Ordre de l’Empire Britannique ainsi que la Croix Civique belge. Antoine Redier écrira l’histoire de Louise de Bettignies et de Marie Léonie Vanhoutte en 1923 dans un ouvrage intitulé La Guerre des Femmes publié aux éditions de la Vraie France. Le 27 février 1927, elle obtient la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur. Elle épousera Antoine Redier, son chroniqueur en 1934.

En 1966, elle était promue au grade d’Officier de la Légion d’Honneur. Elle s’éteignit le 4 mai 1967 à l’âge de 79 ans et repose désormais dans l’ancien cimetière de Hauteville, dans le caveau de la famille Redier. Une rue porte désormais son nom dans la cité des Trois Ponts.

On lira avec intérêt

Le livre d’Antoine Rédier La Guerre des femmes, couronné par l'Académie Française
dont sera tiré le film Sœurs d'armes de Léon Poirier en 1937
Et on visitera la magnifique exposition virtuelle de la bibliothèque numérique de la médiathèque de Roubaix intitulée la Fleur au fusil
http://www.bn-r.fr/expositions/lafleuraufusil

Visite au square des platanes

La société anonyme Roubaisienne d’habitations ouvrières, dont le siège est situé 1bis rue du Pays, désire construire une cité jardin avenue Linné. Elle adresse en 1923, par la voix de son secrétaire M. Hache, une demande portant sur 26 maisons doubles.

Document archives municipales

 L’autorisation est donnée en janvier 1924, mais les constructions sont différées. En 1925, la société réitère sa demande, mais pour 32 maisons. M Hache demande l’autorisation de construire la 32ème sur un terrain lui appartenant à l’est du lotissement sur le même plan que les autres. Au total, le lotissement comprend 65 logements. Ces maisons sont réparties en deux types distincts architecturalement, les unes revêtues de briques sont situées le long de l’avenue Linné. Les autres aux murs cimentés sont situées en retrait et constituent le square des platanes proprement dit.

Le lotissement lors de la construction – document archives municipales

 Nous avons eu l’occasion de visiter l’une de ces maisons, habitée jusqu’à aujourd’hui par la même famille et restée pratiquement dans son état d’origine. Laissons à Carole le soin de nous présenter cette maison sortie tout droit des années 30.

La maison aujourd’hui – photo Jpm

 En 1924, mon grand-père était garde chasse, employé par le patron de la bonneterie Rousselle, au château des deux lions, et on lui a proposé un logement ici. Il ont emménagé au mois de juin. Les premiers locataires c’était eux ; les autres maisons sont plus récentes. Il y avait deux ménages dans la maison : Quand mes grands parents sont morts, mes parents, qui habitaient au premier, ont repris la location.

La grand-mère, la sœur et les parents de Carole ; le jardin- photos collection particulière

 Au début, mes parents avaient un petit jardin, puis après, on leur a donné un autre morceau, pris sur un chemin qui menait de l’avenue Linne à l’avenue Motte. Le garage a été construit par mes parents dans les années 50.

Le garage. Le jardin d’aujourd’hui a inclus l’ancien chemin menant vers l’avenue Motte (photo de droite)

 La maison comporte trois pièces principales au rez de chaussée comme à l’étage. La chambre 1, au dessus de la cuisine, a été utilisée très longtemps comme cuisine par les parents de Carole.

 

La pompe actuelle a remplacé l’ancienne, en fonte, mais elle puise toujours l’eau de la citerne située sous la maison, avec un regard dans le séjour. Pas d’eau chaude à l’évier, mais la cuisine était équipée à l’origine de placards. Une cave, souvent remplacée par une penderie dans les autres maisons n’était qu’un petit espace sous l’escalier : on y mettait le beurre, quand il n’y avait pas de frigo.

Tout est pratiquement resté d’origine dans la maison– photos jpm

 Trois belles chambres à l’étage. Il y avait un feu en bas, et un en haut, c’était suffisant : Les gens ne chauffaient pas comme maintenant.

Une chambre et son papier peint dans le style des années 30– photos jpm

 Le cagibi extérieur, construit avec des plaques de ciment, était équipé d’origine avec un clapier à lapins. Tout était prévu par les concepteurs !

Les parents de Carole– photo collection particulière

Un grand merci à Carole pour avoir partagé avec nous souvenirs et documents.

 

Une rue coupée en deux

Vingt ans après le tracé de la rue de Leers, et à la demande des riverains, on projette en 1890 le percement d’une rue parallèle, qui relierait le chemin du Sartel et le chemin de Carihem. Cette voie va couper en deux les terres de la ferme Bury-Courcelles, appartenant alors à Emile Tiers, qui représentent l’essentiel des terrains entre le canal et la voie du chemin de fer. La ferme elle-même est desservie par un court chemin privé ouvrant sur la rue de Leers. La nouvelle rue la borderait ainsi à l’Ouest. M. Tiers est également propriétaire d’une autre ferme située rue de Carihem, à son carrefour avec la future rue. Le plan d’origine s’arrête à l’ancien chemin n°9 dont la partie allant du Sartel aux trois Ponts a été coupée en deux par la construction de la gare du Pile. La dernière partie du chemin allant vers le canal deviendra la rue Basse.

Le quartier en 1886 – Document archives municipales

 Les riverains signataires de la pétition s’engagent à céder le terrain nécessaire au percement d’une voie de 12 mètres de large, comportant une chaussée de 7 mètres qui serait pavée au fur et à mesure des constructions et comporterait un aqueduc destiné à évacuer les eaux de cette zone. Ils s’engagent également à participer aux frais d’établissement de la voie et de l’aqueduc. La mairie, soucieuse d’ajouter une voie qui permettra aux industries de s’installer entre chemin de fer et canal, autorise l’ouverture de la rue Boucicaut, et la classe dans le réseau des voies publiques roubaisiennes. Mais l’aqueduc ne dépassera jamais la rue d’Amsterdam. Dès l’année suivante, les Hospices, propriétaires du triangle formé par le boulevard Beaurepaire, la rue Basse, et le chemin de fer, acceptent de céder gratuitement le terrain nécessaire à la prolongation de la rue jusqu’au boulevard.

La proximité du canal et du chemin de fer favorisent la desserte d’entreprises industrielles, et celles-ci s’installent très vite : dès 1903 s’installe le long de la rue, la fabrique d’engrais Honoré de Koning qui s’étend sur 80 mètres de façade ; puis, un peu plus loin, l’atelier de mécanique de M. Grau. De l’autre coté, s’implante la brasserie Brichaert Gertgen. En 1909, M. Deroubaix demande l’autorisation de construire une fonderie de fer et de cuivre. On trouvera dans les années suivantes une fonderie au 3 (Cateau et Espriet), et une autre au 75 après la rue d’Amsterdam (J. Menu). En 1935, on la retrouve sous la dénomination des fonderies du Sartel. Cette même année, s’implante une entreprise de charpente métallique au 14 (M. Browaeys) et du côté pair une usine d’engrais Houzet-Debruycker. Plus tard, après la guerre, l’entreprise Mather et Platt font construire un atelier de mécanique à côté des établissements Browaeys.

Une photo aérienne de 1932 nous montre la densité des constructions du début de la rue :

Photo IGN

On voit également que la rue accueille aussi des habitations, souvent implantées par rangées transversales, propriétés de MM. Triboux, Tiberghien et Farvacque. En 1943, on trouve la cité Dorchies après le numéro 67.

Mais, sans qu’on sache trop pourquoi, les constructions ne semblent pas s’étendre au delà de la limite de l’ancienne ferme de Bury-Courcelles. La rue, encore qu’incomplètement viabilisée, et revêtue de scories, est pourtant tracée jusqu’à la rue de Carihem. Elle est même suffisamment empruntée pour que la traversée de la voie ferrée soit protégée (après guerre, M. Lemaire est garde-barrière). Mais, ne desservant pas d’habitations, la rue est de moins en moins utilisée. Sa largeur diminue faute de passage et elle ne dessert plus que des jardins ouvriers. Enfin, en 1973,  la création du centre de tri lui porte le coup de grâce ; la maison du garde-barrière est rasée et la rue est barrée, n’offrant plus, vue du ciel, que l’aspect d’un simple sentier.

Photos IGN 1962 et 1976

La rue, qui comptait 945 mètres de longueur en 1958, est désormais coupée en son milieu et sa dernière partie annexée au centre de tri. Les passants n’auront même pas eu à perdre l’habitude de l’emprunter jusqu’au bout !

 

Le lotissement fantôme 

Sur une propriété allant de la rue de Lannoy à la rue Leconte-Baillon, appartenant en 1903 à Mme veuve Boittiaux, et reprise par Bernard Spriet en 1930, est construite une maison de maître en bordure de la rue Leconte-Baillon. Un second bâtiment , plus petit, est également visible près de l’autre. Un mur haut clôture la propriété du côté de la rue.

Photos aériennes IGN 1965 et 1976
La propriété dans les années 50. Photo L’Usine

En 1939, Bernard Spriet partage sa maison avec J. Bernard, industriel. Celui-ci figure à cette adresse jusqu’après 1970. Mais, d’après les voisins, la propriété est ensuite assez vite laissée à l’abandon, et une photo aérienne de 1983 montre les bâtiments supprimés, en prologue à une construction future. On voit encore aujourd’hui sur le mur de la maison voisine la trace du pignon du plus petit des bâtiments, qui s’avançait plus sur le trottoir.

Photo Jpm

A cette époque, la propriétaire, se fait construire une maison du côté de la rue de Lannoy et cède le reste du terrain pour y construire un lotissement. C’est sous la houlette du crédit immobilier de Douai que démarrent les travaux. La première maison, celle du fond, est vendue en Août 1984, mais le premier propriétaire va rester isolé près d’un an et demi : ce n’est qu’en décembre 1985 qu’un deuxième acheteur s’installe.

En Juillet 1986, un article paraît dans Nord Éclair s’inquiétant de ce qu’un nouveau lotissement soit complètement laissé à l’abandon, avec seulement deux maisons habitées, alors que le quartier paraît avoir tout pour attirer les acquéreurs.

Photo Nord Eclair 1986

André nous confie : « C’était un terrain qui allait de le rue de Lannoy et la rue Leconte-Baillon. Le mur de séparation avec la propriété suivante (là où a été construite la résidence Passy) est resté en place ». Au cours d’un déplacement professionnel, il passe devant le lotissement qu’il voyait en construction depuis très longtemps. S’engageant dans l’impasse, il rencontre sa future voisine. Celle-ci lui propose de visiter la maison-témoin. Intéressé, il prend contact avec le notaire de Douai pour entamer une transaction.
Selon lui, le promoteur, peut-être pour des raisons financières, avait dû arrêter le chantier en cours de réalisation. « Il y avait une grande tranchée au milieu de la chaussée ». Le premier acheteur, celui de la maison du fond, a essuyé les plâtres pendant de nombreux mois, et le chantier est resté en panne derrière le grand panneau de bois placé à l’entrée. « Il a dû se raccorder électriquement au branchement du chantier... » Finalement, les travaux ont repris et menés à bien, les maisons ont été terminées pour être vendues. Quand André l’a visitée, sa maison était terminée, sauf la décoration (papiers peints et peintures). Il l’a achetée et a été ainsi le troisième propriétaire de la rue. Dans les six mois qui ont suivi, toutes les autres ont été vendues, et le lotissement fantôme est devenu un lieu de vie paisible…

La Closeraie Photo Jpm

 

 

Rénovation des HBM

En 1984, la rénovation des immeubles HBM va commencer. Comment en est-on arrivé là ? Un article daté de février 1979, relate la visite de Bernard Carton, adjoint à l’urbanisme, aux comités de quartier, et particulièrement à celui qui regroupe à l’époque les représentants du secteur Justice Hauts Champs Chemin Neuf Nouveau Roubaix Edouard Vaillant.

Il est venu pour insister sur l’importance de la concertation sur la question des aménagements futurs du quartier. Il en vient à parler de la rénovation des vieilles HBM[1], donnant sur le boulevard de Fourmies et sur l’avenue Motte. Ces grands immeubles qui ont fait la fierté du Nouveau Roubaix datent du début des années trente, et on commence à s’intéresser à leur modernisation. Un programme de réhabilitation est annoncé, qui devrait concerner 300 logements.

Les vieilles HBM dans les années soixante Collection Particulière

En avril, le journal Nord Éclair signale un certain laisser aller dans le quartier, notamment rue Rubens où les papiers rejoignent les feuilles des arbres par terre. Les riverains garent leurs voitures sur les pelouses et les transforment en bourbiers. On est loin de l’aspect champêtre et salubre des immeubles du temps de Jean Lebas.

En janvier 1980, la question a avancé : les organismes de logement social concernés sont d’accord avec le principe, mais s’inquiètent du coût pour les locataires. Le Carihem et les immeubles HBM du Nouveau Roubaix sont concernés, pour des raisons différentes, l’insonorisation pour le premier, le coup de neuf pour le second.

Les locataires eux s’inquiètent déjà : l’augmentation annuelle des loyers près de 15%, le chauffage insuffisant des hlm de la rue Carpeaux et du Nouveau Roubaix, entre autres sujets de mécontentement.

Les HBM en 1980 Photo Nord Éclair

Le mot réhabilitation ne parle pas aux habitants. Le comité de quartier organise alors en juin 1980 une réunion qui se déroule au centre familial Carpeaux. Sont invités le groupement de défense des locataires, la CSCV (Confédération Sociale du Cadre de Vie) et la CNL (Confédération Nationale du Logement). Dans le débat qui s’instaure, il apparaît qu’une part du loyer payé par les locataires doit servir à l’entretien et aux réparations des logements, ce qui n’a pas l’air d’être le cas. Une dame témoigne : voilà 56 ans que j’habite dans mon appartement et jamais de gros travaux n’ont été réalisés ! Les locataires font part de leurs craintes quant à l’augmentation du loyer qu’entraînera la réhabilitation.

à suivre

D’après Nord Éclair

[1] Habitations à bon marché construites en deux tranches fin des années vingt et début des années trente

Du théâtre à la tour

En Janvier 1964, le journal Nord Éclair titre : le glas va-t-il sonner prochainement pour l’Hippodrome ? Le vénérable théâtre de l’Hippodrome avait ouvert ses portes le 5 novembre 1882, quelques mois à peine après le comblement du canal. Pendant trois quarts de siècles, il aura été un des lieux de spectacle favoris de la population roubaisienne. A la fois cirque, salle de théâtre et d’art lyrique, de meetings et de débats politiques, et dans les derniers temps salle de cinéma, l’Hippodrome théâtre a fermé ses portes en 1957.

L’hippodrome théâtre, en cinéma Capitole Collection Particulière

En 1963, la Compagnie d’Investissements Fonciers a racheté le dernier café adossé au vieux théâtre, et annoncé un projet de construction d’un immeuble et d’une station service. En Juillet 1964, c’en est fini du vieux théâtre, jeté à terre par les bulldozers. Cependant le projet ne démarre pas immédiatement. La surface n’était-elle pas suffisante ?

Les bureaux de l’entreprise Motte Bossut et le rond point de l’Europe en 1969 Photo Nord Éclair

Il faut attendre 1971 pour qu’il soit envisagé de récupérer l’espace occupé par deux cafés et par les bureaux de la maison Motte Bossut, situés à l’angle de la rue du Coq Français et du boulevard Leclerc, dans le prolongement de l’usine. Le crédit municipal situé sur le même trottoir au n°42 serait également concerné par la démolition, mais on ne sait pas où le reloger.

Projet publié en 1972 par Nord Éclair

Le projet de construction est alors porté par le CIL de Roubaix Tourcoing, et il est envisagé une importante opération immobilière comprenant un immeuble de 16 étages, des commerces, un restaurant, une station service. Un second immeuble de dix étages est prévu le long de la rue Vincent Auriol. La démolition intervient en octobre 1971. On prévoit de donner le nom de Résidence du Théâtre à la tour de seize étages…

Chaussées de l’avenue Delory

A l’origine, la chaussée de l’avenue des Villas (première dénomination de l’avenue Delory) est simplement couverte de scories. On songe très vite à un revêtement plus efficace, et c’est ainsi que l’avenue va être empierrée tronçon après tronçon par l’emploi de Macadam. C’est une technique d’empierrement développée par un écossais, M. Mc Adam, et qui consiste à étaler des couches de pierres de plus en plus petites, les plus grosses à la base et les plus fines au dessus, l’ensemble étant ensuite compacté.

En 1906 on envisage d’effectuer cette opération depuis la rue de Barbieux jusqu’à la rue de Beaumont en utilisant en sous-couche des cassons de porphyre, recouverts de gravier de St Omer sur une largeur de 12 mètres. Jules Noyelle, conseiller municipal, explique que cette partie de l’Avenue des Villas est assez fréquentée pour qu’on améliore la viabilité qui est très mauvaise. Les rechargements en scories que l’on y fait fréquemment n’ont pas de durée efficace… Louis Cauche obtient l’adjudication et effectue les travaux.

Document archives municipales

En 1907, M. Watel-Dhalluin et plusieurs autres propriétaires demandent la construction d’un aqueduc dans l’axe de l’avenue. Ce conduit se déverserait dans les fossés et les étangs du parc Barbieux. La municipalité refuse de polluer le parc. Néanmoins, la question de l’aqueduc se pose. Le fameux fossé sera couvert et séparé des étangs dans les années 20. L’aqueduc de l’avenue Delory pourra alors s’y déverser.

En 1910, on termine l’empierrement de la partie entre les rues de Barbieux et Lenôtre. Pour la plus grande partie de l’avenue la chaussée n’est bordée que de bas-côtés herbeux plantés d’arbres.

L’avenue en 1936 – Photo Collection B. Thiebaut

Les travaux resteront au point mort jusqu’après la guerre, et la chaussée va se dégrader progressivement. L’avenue est boueuse l’hiver et poussiéreuse l’été. Une partie des arbres plantés à l’origine, situés entre les fermes de Gourgemetz et de la Haye vont ensuite disparaître. Pour quelle raison ? Ils seront replantés dans les années 50. Deux photos aériennes de 1950 et 1957 nous le montrent :

Photos IGN

En l’espace de sept ans, les fermes et les champs ont été remplacés par des lotissements. Les travaux ont sans doute contribué à dégrader les trottoirs, car les journaux se font l’écho des nouveaux riverains qui dénoncent l’état des accès aux habitations, et attendent impatiemment les travaux de voirie nécessaires. C’est chose faite en 1957. On aménage les trottoirs et on replante les arbres manquants. Notez les moyens techniques utilisés qui sont un « must » pour l’époque : le camion GMC récupéré des surplus militaires et la pelle mécanique à câbles. C’est également à cette époque qu’on recouvre la chaussée de tarmacadam.

Photos Nord Eclair 1957

L’avenue commence à prendre l’aspect qu’on lui connaît. Les prochains aménagements concerneront essentiellement les mesures de sécurité à prendre concernant la circulation qui va progressivement se densifier.