Le Taureau du Nord

Lorsque Charles Crupelandt effectue son service militaire en 1907, sa fiche militaire indique déjà comme profession «vélocipédiste». Car ce jeune homme aux cheveux châtains et aux yeux gris bleu a commencé une carrière de coureur cycliste depuis 1904. Il court tantôt avec des sponsors, tels la marque Radiator, ou les cycles La Française,ou en individuel, le reste du temps. Ses premiers résultats sont discrets, mais en progression constante : en 1904, il se classe 13ede Paris-Roubaix, en 1905 5e de Bruxelles-Roubaix, en 1906 6e de Paris-Tourcoing, et en 1907 1er des 24 heures d’Anvers, 1er des 8heures d’Andrimont, 2e de Paris-Bruxelles. Il court autant sur route que sur les pistes des vélodromes. En 1907, il effectue donc son service militaire pendant deux ans et revient à la vie civile en septembre 1909, soldat de 1ère classe, avec un certificat de bonne conduite, et un brevet de vélocipédiste dûment délivré par l’autorité militaire, suite à une épreuve effectuée le 23septembre 1909.

Charles Crupelandt photo JdeRx

Sa carrière reprend de plus belle. Chaque année, de 1910 à 1914, il est désormais sponsorisé : en 1910 la marque Le Globe Dunlop et les cycles Depas ; de 1911-1913, les cycles La Française Diamant et en 1914 La Française Hutchinson. En 1910, le jeune champion gagne une étape du Tour  de France qui se déroule entre Paris et Roubaix. Il gagnera deux étapes lors du Tour de France 1911, ce qui lui vaudra d’être accueilli à Roubaix par une foule dense et d’être reçu à l’Hôtel de ville de Roubaix. Son palmarès s’étoffe : en 1910, il se classe deuxième de Bruxelles-Roubaix, et cinquième de Paris-Roubaix, entre autres nombreuses places d’honneur. En 1911, il remporte la course Paris-Menin, fait troisième de Paris-Bruxelles, et quatrième des 24 Heures de Buffalo, le célèbre vélodrome parisien.

Vainqueur d’une étape du Tour 1910 à Roubaix Photo JdeRx

En 1912, consécration, il remporte son premier Paris-Roubaix en dominant au sprint Gustave Garrigou Il participe à des classiques italiennes, comme le tour de Lombardie ou Milan San Remo. En 1913, il gagne la classique Paris-Tours, fait troisième du Championnat de France, troisième de Paris-Roubaix, troisième de Paris-Bruxelles et s’illustre sur les pistes des vélodromes de Paris et de Roubaix. En 1914, il est au sommet de sa forme, c’est sa meilleure saison : il est sacré champion de France à Rambouillet, il gagne Paris-Roubaix pour la seconde fois, il est premier des 24 heures d’Anvers, troisième de Milan-San Remo. Pendant toutes ces années, le Tour de France, créé en 1903, ne lui aura pas vraiment souri. Il est forfait en 1904, il abandonne en 1906 et en 1907. Mais en 1910, il finit à la sixième place du classement, après s’être octroyé la première étape, Paris Roubaix ! En 1911, il prend la quatrième place au classement général, après avoir remporté la quatrième étape, Belfort-Chamonix, et la septième étape, Nice Marseille. Il abandonnera les trois années suivantes. À la fois pistard et routard, Charles Crupelandt se situait parmi les meilleurs coureurs cyclistes français de l’époque, tels Lapize et Fabert.

Crupelandt champion de France Coll Particulière

Le 2août 1914, c’est la mobilisation générale, et Charles Crupelandt rejoint dès le lendemain le 13e régiment d’artillerie. En 1915,on lui décerne la Croix de guerre pour faits de bravoure. Mais il a été gravement blessé par deux fois : fracture ouverte de la clavicule et perte des deux premières phalanges à l’index et au médius de la main droite. La guerre a-t-elle détruit l’homme ? Il est condamné par le conseil de guerre en 1916 pour vol, est gracié en 1917. Il travaille alors au dépôt des métallurgistes à Paris, puis à Courbevoie où il apprendra le métier d’ajusteur. Le 15 avril 1918, il est intégré au 1er régiment de zouaves. A nouveau condamné pour vol en février 1919, il écope de deux ans de prison. En 1921, il est de retour à Roubaix, et veut reprendre la compétition cycliste. Mais à la différence de l’armée en 1916, l’Union vélocipédique de France ne lui trouvera pas de circonstances atténuantes, et refusera de lui délivrer une licence. Suspendu à vie, Charles Crupelandt ne disputera plus que des courses de seconde zone au sein d’une fédération dissidente, la Société des courses. Crupelandt se reconvertit à Roubaix dans la vente de vélos puis y tient un bistrot. Il meurt à Roubaix, amputé des deux jambes et quasiment aveugle, le 18 février 1955.

Jean Marcelli

D’origine courtraisienne et arrivée à Roubaix au milieu du XIXe siècle, la famille Marcelli est d’abord une famille de bouchers. Comme son oncle et son père, Jean Marcelli, né en 1881, est destiné à reprendre le flambeau. Sa fiche militaire le présente comme tel en 1901. Il semble avoir suivi une formation à Bruxelles où il habite quelque temps. Mais il est aussi décrit comme mécanicien en cycles et il a déjà à son actif le titre de champion du nord.

Jean Marcelli pistard roubaisien

Jean Marcelli est décrit comme un gaillard d’un mètre soixante seize,aux yeux gris, atteint d’une forte myopie. Il est toujours boucher, rue du Pile, quand il se marie en novembre 1903, mais deux ans plus tard, il apparaît comme cycliste professionnel et en 1906, il reprend le magasin de cycles concessionnaire de la marque « la Française » au 107 de la rue de la Gare et il abandonne le métier de boucher, s’adonnant ainsi à sa passion. Son cousin et homonyme fera de même, mais pour une autre passion : étant violoniste, il deviendra marchand de pianos dans la rue du Bois. Jean Marcelli est décrit comme un gaillard d’un mètre soixante seize,aux yeux gris, atteint d’une forte myopie. Il est toujours boucher,rue du Pile quand il se marie en novembre 1903, mais deux ans plus tard, il apparaît comme cycliste professionnel et en 1906, il reprend le magasin de cycles concessionnaire de la marque « la Française » au 107 de la rue de la Gare et il abandonne le métier de boucher, s’adonnant ainsi à sa passion. Son cousin et homonyme fera de même, mais pour une autre passion : étant violoniste, il deviendra marchand de pianos dans la rue du Bois.

Jean Marcelli en 1911

Jean Marcelli est plutôt un pistard, plus à l’aise sur les vélodromes que sur les routes.  Sa carrière professionnelle se déroule de 1905 à 1913. Parmi ses nombreuses victoires dont l’inventaire reste à faire, il remporte une régionale professionnelle en 1907, à nouveau le championnat du nord sur la piste du vélodrome de Barbieux en octobre 1908. Il va régulièrement s’illustrer dans les courses de vitesse sur piste au vélodrome de Roubaix ou au vélodrome des quatre villes à Wattrelos. Comme beaucoup de marchand de cycles, il deviendra négociant en cycles et automobiles, toujours au 107 rue de la Gare.

Concessionnaire automobile en 1914

Les illustrations sont extraites des pages du Journal de Roubaix

Le berceau du rugby roubaisien

Le lycée Van Der Meersch réunissait toutes les conditions requises et nécessaires à la création d’un club de rugby à Roubaix, à savoir un terrain, de l’encadrement sportif et administratif, et surtout des joueurs !

La création du foyer socio-éducatif du lycée intervient fin 1968. A cette date, il y a une symbiose forte entre les parents d’élèves, l’équipe pédagogique et les élèves. De nombreuses sections sont créées parmi lesquelles des activités de chorale, de théâtre, un cercle historique animé par M. Wytteman, professeur d’histoire et géographie, et l’organisation de voyages (Autriche, Angleterre). Il y a aussi des activités sportives animées par les professeurs d’éducation physique du lycée, à l’occasion des après midi sportives (football, hand ball, natation, équitation, golf…et rugby).

Le lycée Van Der Meersch réunissait toutes les conditions requises et nécessaires à la création d’un club de rugby à Roubaix, à savoir un terrain, de l’encadrement sportif et administratif, et surtout des joueurs !

La création du foyer socio-éducatif du lycée intervient fin 1968. A cette date, il y a une symbiose forte entre les parents d’élèves, l’équipe pédagogique et les élèves. De nombreuses sections sont créées parmi lesquelles des activités de chorale, de théâtre, un cercle historique animé par M. Wytteman, professeur d’histoire et géographie, et l’organisation de voyages (Autriche, Angleterre). Il y a aussi des activités sportives animées par les professeurs d’éducation physique du lycée, à l’occasion des après midi sportives (football, hand ball, natation, équitation, golf…et rugby).

La naissance du rugby club Roubaix en 1975 Photo Nord Éclair

C’est André Burette, professeur d’éducation physique, natif du nord, passionné de rugby, qui lance la pratique de ce sport à partir de 1970. D’abord pendant les heures de cours, il est bientôt rejoint par son collègue Perez qui lui, est originaire du sud ouest. On se souvient encore des rencontres mémorables entre littéraires et scientifiques, notamment ce match où le hasard d’un drop littéraire anéantit la stratégie scientifique…Les deux professeurs lancent une équipe de rugby dans le championnat scolaire universitaire à partir de 1972.

Les élèves rugbymen brillent dans les premiers championnats d’académie. Arrive leur dernière année de terminale, ils décident de rester à Roubaix et de créer un club, pour conserver les liens de camaraderie. A l’époque, dans la région, il existe comme clubs de rugby, le Lille Université Club, le Rugby Olympique Club  Tourcoing, et l’Iris de Lambersart.

Le club roubaisien va se créer en 1975 à partir d’un noyau d’une bonne centaine de personnes, avec des équipes cadets, juniors et seniors. L’impulsion vient surtout des juniors, parmi lesquels on peut citer Dominique Vermeulen, futur président et Patrick Mullié.

Terrains sportifs, l’un est aux normes du rugby, l’autre non Cliché IGN 1964

Pour créer un club, il faut un terrain de rugby homologué, et celui du lycée Van Der Meersch est le seul qui le soit à Roubaix. Cela est du au fait que les installations sportives de l’établissement ont été utilisées très tôt pour le sport universitaire. Mais il faut également parler des classes de préparation au professorat d’éducation physique, où sont passés des sportifs comme Guy Drut, et Jacques Carrette. Le lycée dispose ainsi d’une piste d’athlétisme, de terrains de basket homologués. André Burette a pris contact avec la fédération, et le terrain a donc été homologué pour le rugby.

M. Vergin, proviseur du lycée devient ainsi le Président d’honneur du club. Mais il faut un Président actif, et ce sera une présidente, Mme Gillette Mullié. Elle a les compétences requises : professeur d’éducation physique, présidente des parents d’élèves (association Cornec), des fils rugbymen…et quelques relations, en ville comme dans le monde sportif.

Dans un premier temps, il faut s’adresser à la mairie, pour présenter le projet et porter le nom de Roubaix. Gillette rencontre le maire de l’époque, Victor Provo. Le premier magistrat de la ville est enthousiasmé, mais ayant eu quelques déboires avec un autre sport au passé glorieux, il pose une condition en ces termes :

Petit, un club de rugby, mais pas comme le football, il y en aura un, pas d’autre !

Ensuite, ce sont les démarches à la fédération, et la demande de création du club qui prend pour nom Rugby club Roubaix et pour siège le foyer socio-éducatif du lycée Van Der Meersch. Très vite, les joueurs se sont inscrits pour se former, car il faut fournir un arbitre par an, entre autres exigences sportives. A sa création, le Rugby Club de Roubaix joue en division d’honneur, ses couleurs sont celles du club de Narbonne qui va parrainer les rugbymen roubaisiens : maillot et chaussettes orange, short noir. C’est le début d’une grande aventure qui dure toujours, et dont nous espérons raconter l’histoire dans de prochains épisodes…

Merci à Gillette Mullié, première Présidente active d’un club de rugby masculin, de 1975 à 1981, pour ce magnifique témoignage. Précisons qu’elle est toujours Présidente d’Honneur du club auquel elle est restée très attachée !

Maurice Garin roubaisien

 

Italien d’origine, Maurice Garin est né le 3 mars 1871 à Arvier, une commune de la Vallée d’Aoste. À l’âge de 14 ans, il passe la frontière pour chercher du travail en France. Il sera ramoneur, ce qui lui vaudra ultérieurement son surnom de coureur cycliste (le petit ramoneur). Après avoir travaillé en Savoie, il arrive dans le nord de la France. C’est à Maubeuge qu’il découvre le cyclisme en  1892.

En 1893, il remporte la course Dinant-Namur-Dinant, puis finit troisième d’Amiens-Dieppe. Sur piste, il gagne les 800 km de Paris.En 1894, il gagne le Prix d’Avesnes-sur-Helpe, finit deuxième de Paris-Besançon, deuxième de Lille-Boulogne, deuxième de Bruxelles-Nieuport, troisième de Paris-Spa, quatrième de Liège-Bastogne-Liège. Un beau palmarès pour un coureur encore amateur ! La même année, sur piste, il remporte les vingt-quatre heures de Liège. Il passe professionnel en 1895, remporte sa première victoire avec les vingt-quatre heures des Arts libéraux de Paris et il établit un record du monde des 500 km sur route derrière entraîneur.

Maurice Garin dessin du Journal de Roubaix

Maurice Garin arrive à donc Roubaix en mars 1896, déjà auréolé d’un certain nombre de victoires. Il habite un temps avec sa compagne Gabrielle Lecocq rue de l’Alma puis il devient agent officiel de la marque de vélos La Française qui lui confie la gestion d’un magasin situé rue de la Gare à Roubaix. Le vélodrome de Barbieux a été construit l’année précédente et Garin a déjà brillé sur sa piste. Il va participer à la première édition de Paris-Roubaix, pour laquelle il est cité parmi les favoris. Il se classe troisième derrière l’Allemand Josef Fischer. Un incident de route l’a empêché de figurer mieux, deux tandems dont celui de son entraîneur l’ayant renversé1. Trois mois plus tard, le 30 août 1896, il est complètement remis et il remporte Paris-Mons. Il enchaîne avec Liège-Thuin, termine deuxième de Roubaix-Ostende. L’année suivante, en 1897, ilremporte Paris-Roubaix en battant le Néerlandais Mathieu Cordang dans les deux derniers kilomètres sur le vélodrome de Roubaix. Le25 mai 1897, Maurice Garin et sa compagne sont parents d’un petit garçon qu’ils prénomment Louis Maurice. Durant l’été 1897,Maurice Garin s’impose sur Paris-Cabourg, puis au début du mois de septembre, il gagne la course Paris-Royan, longue de 561 kilomètres.

Vainqueur de Paris Brest Paris in cuisinepratique.blogspot.

En 1898, Maurice Garin gagne à nouveau Paris-Roubaix avec un écart beaucoup plus conséquent que l’année précédente sur ses concurrents. Suivront Tourcoing-Béthune-Tourcoing, Valenciennes-Nouvion-Valenciennes, Douai-Doullens-Douai. Il est deuxième de Bordeaux-Paris. Sur piste, il remporte les cinquante kilomètres d’Ostende. Maurice n’est pas le seul Garin qui soit coureur cycliste : ses deux frères César et Ambroise s’y essaient également avec des fortunes diverses et des palmarès moins importants. En 1899, Maurice Garin fait troisième de Bordeaux-Paris,troisième de Roubaix-Bray-Dunes. Sur piste, il finit troisième du Bol d’or. En 1900, il obtient des résultats équivalents :deuxième de Bordeaux-Paris, troisième de Paris-Roubaix et sur piste à nouveau troisième du Bol d’or. Le temps des vaches maigres serait-il venu ? Après deux années sans victoire, Maurice Garin renoue avec le succès lors de la saison 1901 en gagnant la très longue épreuve Paris-Brest-Paris, après avoir parcouru 1 208 kilomètres en un peu plus de 52 heures ! La même année, il est également naturalisé français. En 1902, Garin remporte enfin Bordeaux-Paris, une course de 500 kilomètres, qui s’est longtemps refusée à lui. Cette année là, il quitte Roubaix pour Lens où il vivra jusqu’à sa mort intervenue le 19 février 1957.

Maurice Garin extrait du site https://www.arvier.eu

Roubaix n’aura donc pas hébergé le vainqueur du premier tour de France de 1903, il s’en est fallu de peu. Mais les roubaisiens ont toujours conservé une place dans leur cœur au premier roubaisien, certes d’adoption, qui remporta leur célèbre classique Paris Roubaix, à deux reprises, en 1897 et 1898.

1 d’après le Journal de Roubaix

 

René Libeer, champion d’Europe

René Libeer avec la ceinture de champion d’Europe après le match Photo NE

Né le 28 novembre 1934 à Roubaix, René Libeer est le dernier enfant d’une famille de huit, dont les garçons fréquentent la salle de boxe et il ne faillira pas à la tradition. Il livre son premier combat à l’âge de quinze ans. Il effectue son service militaire au bataillon de Joinville lequel vient d’être créé en 1956, pour accueillir les appelés sportifs de renom. La même année ont lieu les Jeux olympiques d’été à Melbourne, de fin novembre à début décembre. René Libeer alors âgé de 22 ans boxe dans la catégorie des « mouches », les moins de 51 kg. Il fait partie de la sélection française. Il va éliminer le Sud-Coréen Pyo Hyun-Ki puis le Japonais Kenji Yonekura pour accéder à la demi-finale. Mais il est battu aux points par l’Anglais Terence Sprinks, le futur champion olympique. Il reçoit donc une médaille de bronze, comme son compatriote le poids moyen Gilbert Chapron.

Après les Jeux, et après avoir rempli ses obligations militaires, René Libeer passe boxeur professionnel en 1958. Une belle série de douze victoires, dont cinq par KO, l’amène au titre de champion de France, qu’il remporte le 21 décembre 1959 face à Jean Guerard, au Palais des Sports de Paris.

Après une première tentative infructueuse en 1963, René Libeer finit par décrocher la ceinture européenne le 13 juin 1965 aux dépends de Paul Chervet à la Salle Roger Salengro de Lille. Il la perdra en 1967 face à l’Italien Atzori, de façon injustifiée selon la presse de l’époque. Ses demandes de match revanche resteront lettres mortes, aussi décide-t-il, le 2 novembre 1967, de tirer un trait sur sa carrière. Il devient un anonyme patron de bistrot à Tourcoing. René Libeer est décédé le 13 novembre 2006 à Roubaix.

D’après la presse de l’époque

Jean Motte champion de France des poids lourds

Di Meglio à gauche et Jean Motte à droite Photo JdeRX

Le dimanche 12 février 1939 à Lille, après quatre minutes et trente cinq secondes de combat, un splendide crochet du droit met au tapis le marseillais Di Méglio. L’auteur de ce geste pugilistique est Jean Motte, qui devient ainsi champion de France au Palais des Sports de Lille, à la grande joie des supporters roubaisiens et de son manager Édouard Dubus.

Personne ne s’attendait à une victoire si nette et si rapide. Ce titre couronne la carrière d’un boxeur encore jeune, il a 25 ans, et il est plein d’avenir. Jean Motte confiera par la suite qu’il avait senti qu’il pouvait gagner dès le premier round, car Di Méglio avait accusé les premiers coups. Il a vu l’ouverture et saisi sa chance. Le combat était prévu en douze rounds de trois minutes et Jean Motte accusait quatre kilos à son adversaire, 85 kg contre 89. Les deux adversaires ne se connaissaient pas et pendant le premier round ils se testent, quoique Jean Motte, plus nerveux et plus agressif, marque deux fois le marseillais au corps et au visage par des droites. À l’entame du second round le roubaisien cherche le corps à corps et Di Méglio se dégage, mais à ce moment précis, Motte bondit et place un terrible crochet du droit. Le marseillais tombe sur le dos, tente de se relever mais n’y parvient pas, il est KO.

D’après la presse de l’époque

Praxille Gydé champion d’Europe

Praxille Gydé à gauche Willie Metzner à droite championnat d’Europe 1932 Photo JdeRx

Le 1er novembre 1932, se dispute un combat important à l’hippodrome lillois qui permettra d’attribuer le titre de champion d’Europe des poids mouches. Le tenant est le champion d’Allemagne Willie Metzner et son challenger est le roubaisien Praxille Gydé, dit Gydé jeune. L’allemand est plus grand que le français et plus près de la catégorie des coqs que des plumes. Il est d’ailleurs champion d’Allemagne de la catégorie coqs. Si la boxe du français est plus stylée, plus variante, plus étincelante, celle du champion allemand est plus mordante, plus vigoureuse, plus puissante.

Metzner arrive à Lille la veille du combat, accompagné de son manager et de M. Offermann juge allemand désigné pour donner une des trois décisions du combat. Praxille Gydé s’est entraîné au Mont de l’Enclus où il est resté le plus longtemps possible avec son entraîneur, le célèbre professeur Dubus. Il se présente à la pesée qui a lieu le matin à 11 heures.

Le match va se dérouler en quinze rounds de trois minutes. Outre Offermann le juge allemand, il y a aussi un juge belge De Munter et un juge français, Henri Decraene. C’est le juge belge qui arbitre la rencontre.

Praxille Gydé est alors champion du nord. Il est présenté comme un petit champion modeste, timide et travailleur, issu d’une famille nombreuse. Longtemps desservi par les juges parisiens qui l’ont privé selon la presse locale du titre national, le voici en lice pour championnat d’Europe.

Metzner, connu comme un boxeur dangereux et puissant, sera cependant battu. Gydé, rapide, doté d’un souffle inépuisable, boxe avec un allant et une précision admirables. Il va  littéralement écœurer le dur allemand, pris de vitesse, qui ne pourra rien contre la pluie de gauches décochés par son adversaire. Cela se traduit par un abandon à la huitième reprise.

Lors du premier round, Gydé touche plusieurs fois du gauche. Pendant la seconde reprise, c’est une bataille en corps à corps, l’allemand cherche à toucher en swing, mais Gydé esquive et touche encore du gauche. Au cours du troisième round, Metzner place quelques crochets du droit, Gydé riposte en courts swings du gauche et en directs, le match semble s’équilibrer. Quatrième round, l’allemand touche le français avec un dur crochet du gauche au visage, Gydé saigne du nez. Mais il ne ralentit pas pour autant, attaque toujours du gauche, Metzner encaisse. Cinquième round, l’allemand attaque, Gydé esquive, une droite pour l’allemand, contre de nombreux directs et crochets du gauche pour le français. Sixième round, Metzner toujours à l’attaque est arrêté par les gauches de Gydé, un coup de tête de l’allemand ouvre l’arcade gauche du français. Septième round, Metzner attaque toujours sans succès, Gydé l’arrête toujours et encore. Il touche plusieurs fois son adversaire au visage. Huitième round, les gauches au visage continuent, avec deux crochets au foie, l’allemand est acculé dans un coin du ring, le souffle coupé. Dures séries au corps et au visage. L’arbitre sépare les combattants, Metzner lève la main en signe d’abandon. C’est fini, Praxille Gydé est champion d’Europe.

d’après la presse de l’époque

Auguste Gydé, dit Gydé aîné

Auguste Gydé, dit Gydé aîné CP Méd Rx

Auguste Gydé est né le 24 juin 1904 à Roubaix, d’un père peigneur et d’une mère ménagère. S’il reste Gydé aîné pour la postérité des boxeurs de la famille, il n’est cependant que le second enfant de la longue fratrie des Gydé, après sa sœur Julie et devant son cadet Praxille.

Sa carrière pugilistique commence en 1923 dans le team du professeur Dubus au sein de l’Académie des Sports sise 41 rue du chemin de fer. Il boxe dans les poids moyens et s’affirme très vite comme un cogneur, ce qui lui vaudra la réputation d’être le roi du KO. On lui prête une carrière de plus de 500 combats, ce qui est énorme. En en peu plus de vingt ans de carrière, cela lui fait une moyenne de vingt à vingt cinq combats par an ! Mais il a fait de la boxe son métier, ce qu’il affirme sur son acte de mariage en 1926. Le métier de boxeur le fait-il vivre ? En tous cas, il le fait voyager.

Même s’il boxe beaucoup à Roubaix (Salle Watremez, Hippodrome Théâtre, salle de l’académie des sports), il est présent sur les rings de la région : Lille, Tourcoing, Armentières, Valenciennes, Douai, Denain, Liévin, Dunkerque, Boulogne sur mer, Calais, entre autres rencontres régionales. Il combat un peu partout en France : à Paris (Sporting Club de France, Ring de Belleville, Salle Wagram), à Marseille au Grand Casino, à Nîmes dans le cadre des arènes, à Brest au théâtre municipal. Il participe à de nombreux galas en Belgique : à Mouscron, Liege, Bruxelles, Courtrai, Ronse, à la Halle-aux-Draps de Tournai… Il tourne régulièrement en Grande Bretagne, où il ne gagne pas souvent mais où il est très apprécié : Northhampton, au Stadium de Liverpool, Holborn, à Portsmouth, Newcastle, au Ring Blackfriars Road de Southwark. Impossible de tout citer ! On le retrouve même à Barcelone.

Beaucoup de combats et au bilan un solde positif des victoires sur les défaites. Mais peu de titres : ainsi le 11 janvier 1929, il affronte Raymond Defer sur le ring de l’Hippodrome Lillois, pour le titre des poids plume. Il est battu aux points. Deux ans plus tard, le 11 août 1931, il enlève le titre de champion de France des poids léger après sa victoire aux points contre Marius Baudry le tenant du titre sur le ring de l’Hippodrome douaisien.

Auguste Gydé ne connut pas la gloire de son cadet qui fut champion d’Europe en 1932, mais il vécut plus longtemps que lui. En effet si Praxille décède en 1946, à presque quarante ans, l’aîné des Gydé vivra chichement jusqu’à son décès intervenu dans le Val d’Oise en 1984, soit à l’âge de quatre-vingts ans.

Louis Vasseur, force et énergie

Louis Vasseur Photo Gallica BNF

Louis Vasseur est né à Roubaix le 24 janvier 1885. Il exerce la profession de magasinier et il est la révélation du championnat international de Lille en 1906, où il prend une prometteuse troisième place. Il effectue alors une période militaire de deux ans, devient trompette du régiment, et il est de retour en septembre 1908. Sa fiche militaire le décrit comme un homme de 1,78 m au visage ovale, aux yeux gris et au menton à fossettes. Il se marie en 1909 avec Irma Decorte. Sa carrière sportive démarre vraiment en 1910 : il bat le record d’Alexandre Maspoli (135,5 kg) avec 136,5 kg au jeté à deux bras et il réussira plus tard 142,5 kg. Il participe aux épreuves organisées dans le cadre de l’exposition de 1911 à Roubaix. Le samedi 5 octobre 1912 au gymnase Rosset à Ménilmontant, il soulève à droite le poids formidable de 100 kg (en barre), c’est la 1ère fois que cet exploit a lieu officiellement. Il pèse alors 97 kg. En 1913 il arrache 116 kg à deux bras et c’est un nouveau record du monde. Tous ces records font date, même s’ils ont été battus aujourd’hui. Mais Louis Vasseur en établit quelques autres qui tinrent quarante ans !

Louis Vasseur au Trocadero Photo Gallica BNF

Il est passé professionnel et sera dix fois champion du monde d’haltérophilie. Il sera aussi recordman de France amateur du lancer de poids (7,257 kg) avec 12,78 m en 1909, et du lancer du disque avec 33,20 m en 1906. Mobilisé en août au 1er régiment d’artillerie, il est démobilisé le 20 mars 1919 et vit à Paris. En 1922, il poursuit sa carrière et notamment à la Société Athlétique de Montmartre, où il bat le record du monde en haltères séparées, détenu, avec 206 livres, par l’amateur Joseph Alzin de Marseille, avec 210 livres. Entre les deux guerres, Louis Vasseur comme avant lui le célèbre Apollon et Charles Rigoulot fera l’hercule sur des pistes de cirque, ce qui va attirer nombre d’amateurs de force pure et ce qui lui vaudra la mention artiste sur sa fiche militaire.

Louis Vasseur, recordman du monde en poids et haltères, publie, sous le titre «La Force, ayez de l’énergie », un recueil de souvenirs et de conseils paru dans la célèbre collection des Champions Sportifs aux éditions Nilsson (73, boulevard Saint-Michel, à Paris). Avis aux amateurs ! Louis Vasseur qui n’hésitait pas à revenir à Roubaix, notamment pour saluer son camarade Dumoulin, s’est éteint à Issy les Moulineaux le 11 octobre 1968.