L’extraordinaire vie de Théodore Vienne

Théodore Vienne Coll particulière

Né à Roubaix le 29 juillet 1864, Théodore Vienne est un industriel du textile français, mais également un organisateur sportif pour le cyclisme et la boxe. Sa passion pour le sport débute avec la pratique de la vélocipédie, on ne parle pas encore de cyclisme à l’époque, et il devient le Président d’une des quatre sociétés vélocipédiques roubaisiennes en 1891, le cercle vélocipédique roubaisien. Il organise les premières courses sur la piste de Barbieux, c’est à dire l’anneau formé par les allées extérieures du Parc avec son compère Maurice Pérez, lui-même président du sport vélocipédique roubaisien. Les conditions ne conviennent plus à une activité sportive en plein développement, tant du point de vue des pratiquants que de celui des spectateurs. Théodore Vienne et Maurice Pérez s’associent pour fonder le vélodrome de Barbieux en 1895, dont on sait qu’il est plus sur le territoire croisien que roubaisien. Des courses sur piste sont bientôt organisées régulièrement sur le nouveau vélodrome. L’année suivante, les deux compères s’associent avec le Journal le Vélo pour la création de la course cycliste Paris-Roubaix en 1896, qui deviendra l’une des classiques préférées des champions cyclistes, malgré la difficulté de son parcours.

Paris Roubaix 1898 Photo Site Le Lensois Normand

Théodore Vienne est toujours amateur de sport, mais il s’oriente de plus en plus vers sa vocation d’organisateur de spectacles. Ainsi accepte-t-il de faire construire des arènes jouxtant le vélodrome de Barbieux, après avoir accueilli les taureaux dans un premier temps dans l’enceinte du vélodrome. En 1899, la tauromachie à Roubaix se pratique donc comme il se doit dans des arènes et cela durera cinq ans avant qu’elles ne soient démolies.

Démolition des arènes CP Méd Rx

Mais Théodore Vienne est déjà à Paris, où il devient le directeur puis le propriétaire de la Grande Roue de Paris. La combinaison vélodrome et arènes a-t-elle fait germer en lui l’idée d’un lieu proposant plusieurs attractions ? Toujours est-il qu’il fait construire, quartier de Grenelle à Paris, pour l’Exposition Universelle de 1900, cette roue immense à rayons comme ceux d’une bicyclette, de 100 mètres de diamètre. Il l’exploitera encore après la fin de la première guerre, au sein d’un Luna Park fort en vogue.

La grand roue en 1900 Coll particulière

Le sport l’intéresse toujours. En 1907 il fonde avec Robert Coquelle et Victor Breyer, le Wonderland français. C’est à la fois une salle et une école de boxe, ouverte à tous les jeunes gens capables de boxer ou voulant apprendre à boxer, sur le modèle du Wonderland anglais, la salle de Whitechapel dans l’est de Londres. Le Wonderland opère « salle de la Grande-Roue », 74 avenue de Suffren et aussi salle Wagram. Théodore Vienne et Robert Coquelle organisent les premiers matchs de boxe anglaise en France. On peut au voir, au Wonderland, les vedettes étrangères comme Frank Erne, Joe Jeannette, Willie Lewis, Sam McVea et Georges Carpentier. En imitant le Wonderland de Londres, pépinière de champions, les directeurs parisiens rendent un énorme service au noble art, en créant un mouvement en faveur de la boxe. On dispute les éliminatoires des championnats de France professionnels en 1909 et Le Wonderland français devient le ring officiel de la Fédération française de boxe.

Le luna park en 1923 Coll Particulière

Construit en 1909, le Luna Park de Théodore Vienne sera le troisième parc d’attractions de l’histoire de France, après les jardins du Tivoli et Magic City. Il devient l’équivalent, pour Paris, du Prater de Vienne ou du Tivoli de Copenhague. Le vaisseau spatial de l’attraction « Un Voyage vers la Lune », mis en place lors de l’exposition Pan-Américaine, a inspiré le nom de ces parcs, et de ceux qui ont suivi. Le départ du Tour de France cycliste 1912 aura lieu au Luna Park qui abrite également des Montagnes Russes.

En 1912, Théodore Vienne est le président de la commission des organisateurs de matchs de la Fédération française de boxe, et il se marie en 1913 à 51 ans. Après la Première Guerre mondiale, Henri Decoin succède à Théodore Vienne et rouvre le Wonderland en février 1920. Décédé le 1er mars 1921 dans le 15e arrondissement de Paris, Théodore Vienne est inhumé au cimetière du Père-Lachaise à Paris.

Le p’tit chef de la Roubaisienne

Jules Piesvaux Coll Particulière

Né à Reims le 2 février 1858, c’est dans cette ville que Jules Piesvaux fera ses premières armes dans la gymnastique: dès l’âge de 15 ans il est parmi les meilleurs éléments de « la Gauloise », société de sa ville natale, dont il prendra la direction quelques années plus tard. Il effectuera ensuite son service militaire dans les chasseurs à pied. En 1887, il quitte Reims pour Dunkerque où il devient professeur de gymnastique à la « Dunkerquoise », l’espace d’un an, le temps de rejoindre en 1888 « la Roubaisienne » pour succéder à M Libouton, qui accède à la Présidence de cette société. Il est engagé le 18 avril 1888 comme professeur municipal de gymnastique et détaché comme tel à la société municipale de gymnastique « la Roubaisienne ». Son contrat inclut des leçons de gymnastique dans les établissements scolaires qui lui seront désignés par l’administration municipale avec l’assentiment de l’Autorité Académique » et l’approbation du Préfet.

Pendant près de quarante ans, il accompagnera le développement de « la Roubaisienne », dans ses pérégrinations à la recherche de locaux, mais également dans tous ses déplacements et ses succès nationaux et internationaux. Il participa activement à l’organisation de la 23ème fête fédérale des sociétés de gymnastique de France qui eut lieu à Roubaix en 1897. Un an plus tôt, il épousait une roubaisienne, Jeanne Hélène Hennion, le 12 décembre 1896.

La Roubaisienne et son moniteur chef CP Méd Rx

Le moniteur chef deviendra bientôt le directeur de la Roubaisienne. Jules Piésvaux est décrit comme un homme énergique et plein de savoir faire. Il sera nommé officier de l’Instruction publique en 1905, puis Chevalier de la Légion d’Honneur en 1921. Membre permanent de l’Association régionale des gymnastes du Nord, Jules Piesvaux est unaniment reconnu comme un grand gymnaste, un technicien remarquable, mais également comme un  « honnête homme, un sportif animé du plus pur idéal », qui avait trouvé à Roubaix « les plus chaudes et vibrantes sympathies ».

Il prend sa retraite en 1922, laissant le souvenir d’une carrière sportive personnelle brillante, mais également auréolé des succès que la Roubaisienne obtint dans de nombreux concours. C’est le 26 septembre 1941 soit à l’âge de 83 ans, que Jules Piesvaux décédera en son domicile roubaisien de la rue Colbert.

Achille Libouton

Achille Libouton Coll Particulière

Né en 1856 à Roubaix où il passe toute sa jeunesse, Achille Libouton entre en 1876 à la société de gymnastique et d’armes dont il fut l’un des premiers membres. Il s’y fait remarquer par des qualités tant morales que physiques. Avec ses camarades il montre un fond de bonne humeur toujours égale, et une grande aménité de caractère. Pour les exercices il fait preuve de souplesse et d’endurance. Quatre ans après son entrée dans la société, il en devient le moniteur directeur, prenant la succession de M. Peterman. Trois ans plus tard, en 1883, c’est la fusion entre les trois sociétés de gymnastique de Roubaix : l’Ancienne, la Jeunesse et la Française. Il est le moniteur général de la nouvelle société qui est appelée La Roubaisienne. Le Président de la Roubaisienne, Isidore Roche, décède en 1888, Achille Libouton lui succède, tout en conservant ses fonctions de moniteur général jusqu’à l’arrivée de M. Piesvaux.

Lettre de la main d’Achille Libouton doc AmRx

Sous sa présidence, la Roubaisienne récolte les succès, à Calais en 1888, à Paris 1889, Tourcoing 1890. Elle remporte de nombreuses palmes dans d’autres villes et se fait connaître comme une des meilleurs phalanges de gymnastique de France. Achille Libouton est également vice président de l’association régionale des gymnastes du Nord et du Pas de Calais. De profession, il était fabricant de tissus. Il quittera Roubaix en 1894 pour reprendre un grand commerce de fers à Cambrai. Nommé président d’honneur de la Roubaisienne, il sera de tous les jurys dans les grands concours. Ainsi en 1897, il présidera le jury de la XXIIIe fête de gymnastique de Roubaix. À Cambrai, il était membre du comité de la société de gymnastique La Cambrésienne. Il décède à l’âge de 43 ans d’un mal fulgurant au ventre, malgré une opération chirurgicale. (D’après le Journal de Roubaix)

Des arènes à Roubaix

La passion tauromachique se saisit de la bourgeoisie roubaisienne qui décide de s’offrir des « courses de taureaux » entendre des corridas dès le mois de septembre 1893 à Roubaix. Pas d’arènes, ni d’endroit spécifique à ce moment pour ce genre de spectacle. Le 24 septembre 1893, une première course tauromachique se déroule dans le Manège roubaisien, lieu plutôt réservé aux évolutions équestres ou cavalières. Les trois initiateurs sont MM. Wattine, Ribeaucourt et Bossut. Le Manège roubaisien donnera son nom à la rue du même nom, perpendiculaire au boulevard de Paris. Nous la connaissons aujourd’hui comme rue du Maréchal Delattre de Tassigny. L’attraction plaît et on récidive le 1er octobre et le 8 octobre dans le même endroit. Mais on cherche bientôt un autre lieu pour ces évolutions tauromachiques. Quelles sont les raisons de ce « déménagement » ? Manque de place pour l’accueil des spectateurs, enceinte non sécurisée ?

Corridas au vélodrome CP Méd Rx

Le 23 septembre 1897, c’est au tour du vélodrome de Barbieux d’accueillir les toros pour une série de corridas. Mais pour satisfaire les spectateurs et la tradition tauromachique, il fallait un lieu consacré à cette pratique. On décida de construire des arènes juste à côté du vélodrome, lequel n’était sans doute pas trop adapté pour accueillir les corridas. Conçu pour les courses cyclistes, il était utilisé à l’occasion pour des courses pédestres, et pour les premiers matches de football du Racing Club de Roubaix. On imagine aisément les dégâts que pouvaient occasionner les taureaux ! L’inauguration des arènes, dites le torodrome eut lieu le 23 octobre 1899.

Les arènes de Roubaix collection Jules Beau 1899

Des corridas seront organisées sur la piste des arènes entre 1899 et 1904, mais également des attractions n’ayant rien à voir avec la tauromachie, qui desservirent son image et sa réputation déjà peu appréciée des défenseurs de la loi Grammont votée le 2 juillet 1850, qui stipulait ceci : « Seront punis d’une amende de cinq à quinze francs, et pourront l’être d’un à cinq jours de prison, ceux qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques. » À l’origine, le texte de la loi Grammont de 1850 ne visait pas les corridas, mais en 1884 le ministre de l’Intérieur, Pierre Waldeck-Rousseau, donna des instructions pour que le texte soit appliqué aux corridas. Le 16 février 1895, un arrêt de la Cour de cassation jugeait le taureau de combat comme animal domestique, et ce faisant, le faisait entrer dans le champ d’application de la loi Grammont1.

Les arènes de Roubaix CP Méd Rx

On peut constater que malgré cet arrêt, on poursuivit la tauromachie à Roubaix et qu’on fit pire encore : le 14 juillet 1899, un combat à mort entre un taureau et un vieux lion y est présenté à 12.000 spectateurs. Le lion est rapidement vaincu, sans résistance, tandis que le taureau est tué par un matador. D’autres attractions ont suivi : Dona Tancrède, la statue au milieu de l’arène.

Dona Tancrède, le taureau et la statue CP méd Rx

Ces spectacles tauromachiques regroupent des milliers de spectateurs, mais sont de plus en plus critiquées par certains Roubaisiens qui, en 1904, obtiennent la démolition des arènes. Les corridas se poursuivent alors au vélodrome voisin, et continuent d’accueillir des matadors renommés. La dernière corrida se déroule le 15 juin 1914 quelques mois avant une autre boucherie, humaine celle-là  qu’on a appelé la Grande Guerre. L’engouement roubaisien pour la tauromachie fut passager, il s’agissait plus d’une mode que d’un réel sport. Il ne survivra pas à la première guerre mondiale.

1d’après Wikipédia

Roussel rue Watt

Fronton du 48 rue Watt vue Google Maps

Le fronton de l’entrée de l’usine du 48 rue Watt affiche fièrement 1887. C’est la deuxième implantation d’Émile Roussel, après le 144 de la rue de l’épeule. Mais il s’agit de la société Roussel Desrousseaux, du nom de la deuxième épouse d’Émile, Célina Desrousseaux, qu’il a épousé le 25 février 1884, à Roubaix. Émile Roussel a-t-il voulu anticiper la transmission de ses usines aux enfants de ses deux lits ?

En tête Roussel Desrousseaux doc AmRx

En 1929, l’entreprise figure au Ravet-Anceau comme suit : S.A.R.L Émile Roussel et fils (Rayon E Roussel Desrousseaux et fils) teinturier apprêteur. La famille (ou la société) est également propriétaire de deux courées donnant dans la rue de l’épeule, au bout de son parcours, dont l’une s’appelle la cour Desrousseaux. Le 30 mai 1950, la société Émile Roussel et fils demande la possibilité d’approprier en logements le n°51 de la rue Watt. À partir de 1970, le site de la rue Watt ne cesse de s’agrandir, est-ce une stratégie pour rapatrier les éléments du 144 rue de l’épeule et regrouper les deux sociétés ?

Le premier agrandissement vers la rue de l’épeule doc AmRx

Le 6 juillet 1970, la société Émile Roussel Desrousseaux obtient l’autorisation d’agrandissement de l’atelier de teinturerie, les travaux sont rondement menés, terminés le 20 novembre 1970, et déclarés conformes le 4 février 1971. Au préalable, il a fallu démolir les n°243 et 245 de la rue de l’épeule. C’est un premier agrandissement de l’entreprise vers la rue de l’épeule où elle dispose à présent d’un bâtiment en front de rue, voire d’un accès. Quelques jours plus tard, le 12 février 1971, une nouvelle demande d’agrandissement d’atelier entraîne la disparition des n° 249 et 251 de la rue de l’épeule. Le dossier est bouclé et les travaux sont terminés le 24 janvier 1972.

Deuxième agrandissement doc AmRx

Vingt ans plus tard, une demande d’extension va entraîner en Janvier 1991 la démolition totale des numéros 237 239 241 de la rue de l’épeule. En Février 1991 l’extension est demandée et les travaux commencent. À ce moment, l’entreprise Roussel Desrousseaux occupe 9405 m² entre la rue Watt, le boulevard Montesquieu et la rue de l’épeule.

L’emprise de l’implantation en 1990 doc AmRx

Mais la teinturerie Roussel-Desrousseaux, devenue filiale du groupe Chargeurs, est bientôt mise en vente, en mai 2003. Depuis septembre 2002, l’entreprise enregistrait en effet une baisse des commandes, et son principal fournisseur, Les Tissages de Linselles, a été mis en liquidation judiciaire. Dans une interview du 19 mai 2003 donnée au magasine Investir, Eduardo Malone, le président du groupe Chargeurs déclarait : « il faut payer ce qu’il faut pour enterrer les sociétés qui ne sont pas rentables ». L’entreprise est en cessation d’activité, d’après Bernard Brossard, le secrétaire du comité d’entreprise, le 4 juillet 2003. Même si les commandes des derniers clients seront bel et bien honorées, soixante quinze salariés, soit la totalité du personnel, sont menacés de licenciement. Suite à diverses manifestations (enterrement symbolique de l’entreprise avec brûlage du cercueil) le plan social est ouvert le 2 juillet 2003 avec comme revendication de la part des employés une indemnité pour préjudice moral. Située entre la rue Watt, la rue de l’épeule et le Boulevard Montesquieu, la teinturerie Roussel-Desrousseaux, cette ancienne entreprise textile familiale récemment intégrée au groupe Chargeurs, était spécialisée dans le secteur d’activité de l’ennoblissement textile, elle a fermé ses portes en 2003.

La mosquée Bilal photo site Mosquée Bilal

Depuis 1979, l’association musulmane de la mosquée Bilal offrait un lieu de culte pour les musulmans vivant dans le quartier de l’épeule et les autres quartiers avoisinants et aussi de donner la possibilité d’apprendre la langue arabe. Elle se situait rue de Wasquehal avec une salle de prières de 50 m² !

En 2005, grâce aux dons de ses fidèles, l’association a acquis un local d’une superficie 1500 m² du site Roussel rue de l’épeule. Les travaux de la mosquée Bilal ont débuté en début de l’année 2010. Elle est inaugurée en août 2012 avec son grand dôme et sa salle de prière. En septembre 2014, l’association a fait édifier un minaret qui surplombe la mosquée Bilal de ses dix huit mètres de haut.

 

 

Roussel rue des Arts

Les n°139 à 143 de la rue des Arts sont encore connus aujourd’hui comme le site Roussel. C’est une longue histoire que celle de la famille Roussel, l’une des familles, devrait-on dire, puisque les différents sites notamment ceux de la rue de l’épeule et de la rue Watt appartiennent à une autre des nombreuses familles Roussel de la région.

En tête de lettre des années 1870 Coll Part

La branche Roussel qui va occuper le 139 de la rue des Arts est l’une des plus anciennes familles de Roubaix. Au plus loin que la généalogie permette de remonter, c’est à dire au milieu du quinzième siècle, on trouve déjà à Roubaix des représentants de cette famille, c’est à dire à l’époque de la fondation du bourg de Roubaix par Jean et Pierre de Roubaix. Aussi trouve-t-on des baillis, des lieutenants, des échevins, d’importants censiers, qui sont associés au fil des années à la gouvernance de Roubaix sous l’égide des Marquis des grandes familles. Leurs activités vont bientôt évoluer de l’exploitation de la terre vers la brasserie avec Arthus au début du dix septième siècle mais aussi et surtout vers la manufacture textile, au sein de laquelle des membres de la famille Roussel sont reconnus maîtres, ce qui signifie qu’ils font partie de l’organisation mise en place dans la ville depuis sa reconnaissance comme ville drapière par Charles Quint. Après la Révolution Française, on trouve un Gabriel Roussel fabricant et filateur, dont les enfants poursuivront l’œuvre de fabricant tout en étant dans les grandes instances commerciales qui se créent à Roubaix : chambre consultative des arts puis chambre de commerce en 1872. François Roussel y siège lui qui est alors référencé au n°32 rue des Arts pour un tissage mécanique. Cette adresse restera longtemps le siège de l’entreprise, dans cette rue Nain qui fut une importante artère négociante de Roubaix avant que l’on ouvre la rue de la Gare, aujourd’hui l’avenue Jean Baptiste Lebas.

L’usine Roussel avant réhabilitation Coll Part

Cependant l’entreprise Roussel cherche à se développer et finit par s’intéresser à un établissement abritant une filature de laine peignée datant de 1863 et tenue par les frères Carré. Elle est reprise en 1887 par les Établissements François Roussel père et fils. Au moment de la première guerre mondiale, la société anonyme des établissements François Roussel et fils occupe plus de mille ouvriers et comprend une filature de fantaisies, tissage et apprêt. Les efforts persévérants des directeurs de cette maison ont été officiellement proclamés par quatre croix de la Légion d’Honneur, quatre grand prix, onze médailles d’or et cinq médailles d’argent.

L’installation d’une chambre d’allaitement avant la crèche Coll Part

Spécialisée dans les tissus pour l’habillement de la femme, en laine ou en coton, elle est en 1923, l’une des usines les plus importantes du nord de la France. En 1926, l’architecte René Dupire procède à l’agrandissement des locaux de la crèche de l’usine qui se trouve au n°143 rue des Arts. En 1928, l’architecte tourquennois Georges Forest intervient pour la réorganisation et l’agrandissement de l’usine : une cave pour la réception des matières premières, le rez-de chaussée pour les pièces finies, une retorderie au premier étage et au deuxième étage « les visites et piqurages ». En 1929, il est procédé au remplacement des planchers en bois par des planchers en béton, et à l’agrandissement des baies vitrées.

La façade et les bâtiments de 1928 Photo Part

En 1938, une fête est organisée pour célébrer quatre-vingts nouveaux médaillés du travail pour avoir contribué à la prospérité de la maison François Roussel et fils pendant 30, 40, 50 ou 60 ans. Un hommage est également rendu à la direction : sont cités Pierre François Roussel Destombes le bisaïeul (1819-1903), ses fils François (1851-?), Ernest Roussel-Masurel (1857-1890) et Édouard Roussel-Lecomte (1852-1911). Puis les fils du dernier nommé, François Edmond Roussel Motte (1888-1915) et Édouard Émile Joseph Roussel-Motte (1890-1965) et enfin François Édouard Ernest Joseph Roussel (né en 1914) neveu et fils des précédents. Peu de temps après, l’entreprise fait installer un « massif ensemble électrogène » dans l’usine sur les plans de l’architecte René Dupire.

Édouard Roussel Motte (1890-1965) Photo Sénat

La société est alors dirigée par Édouard Émile Joseph Roussel-Motte, Amand Dhellemes et Raymond Masurel, ce qui a permis au premier nommé d’entamer une carrière politique : candidat de concentration républicaine, aux élections cantonales de 1928, il enlève au socialiste Lebas le siège de conseiller général, et le 12 juin 1932, il bat le socialiste Brack pour la succession du sénateur Debièvre. Son père Édouard Roussel avait assuré l’intérim de la mairie de Roubaix au moment de la démission d’Henri Carrette en 1901.

En tête de la société en 1948 Coll Part

La société François Roussel poursuit ses activités jusqu’au milieu des années soixante. En 1965, on voit apparaître d’autres noms de sociétés dans l’espace des n°139 à 143. L’activité s’est-elle restreinte ? Il semble que des surfaces aient été louées à la société textile de l’Alma, retorderie de rayonne, et à la société Pronal. En 1972, aux n° 139 à 143 apparaît encore la SA François Roussel fabricant de tissus, mais elle est côtoyée désormais par la Sté Pronal (réservoirs souples), et les activités de moulinage et retorderie de Chavanoz. En 1977, les établissements Derville frères,fabricants de tissus ont remplacé le SA Roussel et d’autres colocataires sont apparus : la retorderie Luxor, les tissus Réquillart, le négociant Quesnoit, la SA Dubly (tissus). En 1981, c’est au tour de la société Créafil d’occuper les lieux.

Le site réhabilité après 1999 Crédit photos © Max Lerouge

Roubaix entre dans une période de réhabilitations d’envergure avec l’usine Motte-Bossut après sa fermeture en 1981. L’ancien site Roussel de la rue des Arts sera finalement réhabilité en 1999 en bureaux et studios de danse pour le Ballet du Nord (devenu aujourd’hui Centre Chorégraphique national Roubaix Nord Pas-de-Calais) par l’architecte Jean-Charles Huet. La façade arts déco monumentale de l’usine Roussel abrite désormais 4.000 m² de bureaux répartis sur les quatre étages du bâtiment principal appelé « La Tour » ainsi que 10.000 m² d’entrepôts.


Dans l’actualité récente, le Plateau Fertile a été ouvert en mai 2018 dans le site Roussel de la rue des Arts. Ce Tiers-Lieu est un espace inspiré et inspirant pour des professionnels créatifs, des entreprises, des porteurs de projets. Un lieu unique qui croise compétences créatives, entrepreneuriales et citoyennes. Un lieu engagé pour créer des projets à impact social sur le territoire.

 

 

 

Roubaix, de la boxe française à la boxe anglaise

La France est d’abord le pays de la savate-boxe française, discipline de combat pieds-poings popularisée et codifiée par Joseph Charlemont1 et son fils Charles Charlemont, qui en ont fait la boxe française pratiquée encore aujourd’hui. Charlemont fils vient en tournée de démonstration à Roubaix en novembre 1900. Ils font de nombreux émules, parmi lesquels les frères Desruelles.

Jean Desruelles ill JdeRx

Jean Desruelles2, élève de Charlemont, développe la boxe française académique au début du vingtième siècle à Roubaix où il fonde en 1901 une Académie de boxe française rue Saint-Georges3. Il gagne le titre de champion du monde des poids lourds professionnels de boxe française en mars 1908. Professeur de culture physique, il donne des cours privés à la bourgeoisie industrielle roubaisienne.

La publicité pour la salle Desruelles doc AmRx

Hubert Desruelles son jeune frère sera son associé. Ils vont organiser ou participer à des solennités sportives à Roubaix, et organiser les premières démonstrations de boxe anglaise en 1901, 1902, 1903. Les frères Desruelles l’enseigneront bientôt comme professeurs dans leur salle de la rue Saint-Georges. La boxe anglaise va prendre place à proximité des sports de force, comme la lutte et l’haltérophilie.

1Auteur de l’ouvrage La Boxe française, historique et biographique, souvenirs, notes, impressions, anecdotes.

2 Né le 14 août 1874 à Roncq,

3Actuelle rue du Général Sarrail.

Le parc avant le vélodrome

Cyclisme au parc Coll part

Voici le commentaire des amateurs de vélocipédie dans le Journal de Roubaix. Ce n’est guère flatteur pour le Parc de Barbieux dont il faut cependant rappeler qu’il n’a pas été conçu spécialement pour le cyclisme.

Voilà trois saisons déjà que les coureurs n’ont pour s’entraîner que la piste circulaire de Barbieux. Ovale irrégulier de 1100 m, cette pseudo-piste sillonnée de trous et de bosses descend sur 600 m. Arrivé en face du kiosque, le coureur aperçoit une côte tellement raide qu’il hésite à la gravir, on la surnommée le casse-jambes, longue de 500 m, on la monte, on la parcourt en emballage sur des cailloux gros comme le poing et au sommet c’est l’arrivée. Les Duquenne, les Delespierre, les Accou ont souvent tempêté contre les sabots des chevaux qui détérioraient cette route, ou cette piste. Certains jours des centaines de visiteurs, on se fait renverser par les bicyclettes ou on renverse les cyclistes. Cela démontre l’utilité d’un vélodrome. Les lillois possèdent déja une piste cimentée.

Au moins, les vélocipédistes sont conscients des problèmes rencontrés. Cet article date de 1894. Leurs vœux seront bientôt exaucés.

 

Le vélodrome roubaisien à Croix

Le vélodrome de Roubaix à Croix Photo Coll Particulière

Depuis déjà longtemps, un vélodrome s’imposait à Roubaix. C’est aujourd’hui chose faite. En descendant le Beau Jardin vers Croix, on trouve à l’angle de la verte rue, parallèle au Beau Jardin et de la route de l’Hempempont (route de Croix à Hem) un vaste terrain de 16.000 m² situé à la hauteur du club hippique et lui faisant pendant, de l’autre côté de la route du Bean Jardin, est fortement en pente, mais présente une profondeur de 160 m. La piste sera faite en ciment posé en partie sur la terre et dans la partie basse du terrain et sur des voûtes en maçonnerie de l’aspect le plus élégant. Ses dimensions principales sont de 333 m 33 de tour, soit 3 tours au km, et 6 m 35 de largeur. Les virages qui auront 21 m de rayon seront relevés de 37 centimètres par m et construits d’après ceux du vélodrome de l’est, le plus récent des vélodromes parisiens. Les lignes droites de la piste auront 100 m 80. Les créateurs se sont attchés à en faire une piste de vitesse en même temps que parfaitement propices à des courses en ligne dont nos concitoyens sont si friands.

Les travaux de terrassement viennent de commencer et l’entrepreneur espère tout terminer pour la fin du mois de mai.

Extrait du Journal de Roubaix

Vingt ans de Bol d’air

Les équipements du Bol d’air vont bientôt se compléter. Le vase de Sèvres en grès disparaîtra en 1962, à cause de son mauvais état. Nous avons déjà raconté son histoire dans un article antérieur. Les concessionnaires du Bol d’Air utilisèrent son emplacement pour établir des pistes de pétanque, et l’espace compris entre le Bol d’Air et le vase est reconverti en golf miniature. Victor Provo, maire de Roubaix, viendra inaugurer début juillet 1962 le golf miniature et les cinq pistes de pétanque qui faisaient partie d’un ensemble de travaux comprenant également de nouvelles terrasses.

Vues aériennes de 1962 et 1971. ext IGN

L’activité du Bol d’Air est également commerciale. En octobre 1962, sept commerçants roubaisiens viennent présenter la mode automne hiver 62/63, parmi lesquels Dany Laure prêt à porter 39 grand rue, Vick grand prix national de coiffures dames 163 rue de lannoy, Elle et lui parfumeur 36 rue de lannoy, Véronique modiste rue Pauvrée, Lucien maroquinier 56 rue de lannoy, la ganterie Ganord et le chausseur Termeulen 138 rue de l’alma. La Régie Renault s’associe et présente entre autres véhicules la Floride dont Brigitte Bardot fit la promotion. A Lobry et son quartette pour l’ambiance musicale et christiane Rabiega speakrine de la radio télévision lilloise depuis 1957 au commentaire. Quatre mannequins Brigitte, Corinne, Rosine et Virginie présentent les modèles avec le sourire, malgré la chaleur. Robes de flanelle, robes du soir en mousseline, mais aussi coiffures agrémentées de paillettes, de plumes ou d’un nœud de velours de maître Vick. Sans oublier les chapeaux qui accompagnent les robes, manteaux, redingotes et tailleurs de Dany Laure. Melons, toques, bonnets et casquettes, et même un ravissant chapeau de plumes de faisan. Lucien le maroquinier intervient pour l’indispensable accessoire de la femme moderne, le sac, dont il propose d’innombrables versions, en daim, en vachette, en lézard ou en agneau. Les mannequins étaient gantés par Ganord, et chaussés avec les escarpins de la maison Termeulen. Une tombola dotée de parfums par le parfumeur « Elle et lui » clotûre l’événement. Roubaix a le goût de ce genre de défilés, qu’on retrouve dans des endroits aussi divers que la salle Watremez ou la Grand Place de Roubaix.

Grande salle en construction photo NE

Mais la question du restaurant n’est pas résolue, comme le souligne un article de novembre 1962. Signes positifs, on pense déjà fléchage spécial en ville et éclairage décoratif pour indiquer et mettre en valeur le futur restaurant. Mais il faudra attendre quelques années encore avant que Victor Provo inaugure le dimanche 29 juin 1969, une nouvelle et immense salle de restaurant de 400 places, sans doute à l’occasion des fêtes célébrant les cinq cents ans de la Charte (ou de la promesse de Charte) accordée par Charles Quint aux roubaisiens. En cette année 1969, la convention du Bol d’air est renouvelée à Loisirs et Sports. C’est également en 1969, au mois de juillet que le 24° Championnat de France de pétanque est organisé à Roubaix1.

Les lieux en 1969 CP Méd Rx

Mais les choses changent en 1981. La société « Loisirs et Sports » se retrouve en règlement judiciaire et sa gestion est assurée par un syndic. Résultat, les jeux ne sont plus réparés ni entretenus et le golf n’a pas réouvert en 1980, les barques et pédalos n’ont pas été remis à l’eau à Pâques. Le lieu est mal protégé, et il y a des risques d’accident. Ainsi un enfant s’est-il déchiré la jambe en jouant sur un toboggan dont une tôle dépassait. Le restaurant et la brasserie sont restés ouverts, et M Colin en a la gérance depuis 1976. Il y a 800.000 francs de travaux pour remettre en état la partie jeux, mais M . Colin ne veut pas prendre en charge. Il fermera le restaurant le 30 septembre 1981. On pense tout raser pour mettre fin au vandalisme, et en mairie, on émet le projet d’un hôtel Sofitel.

Incendie de janvier 1982 Photo NE

Le 15 janvier 1982, un incendie se déclare dans le restaurant qui n’offre plus les garanties de sécurité nécessaires. Le bâtiment se fissure et la société sports et loisirs déclarée en faillite ne peut procéder aux réparations. L’incendie se déclare vers 19 heures dans le restaurant. Il y a deux foyers : l’un au centre du restaurant, près de la cheminée, et l’autre dans la rotonde où se trouvaient les archives de la société sports et loisirs. L’éventualité d’un acte criminel n’est pas exclue.

En juillet 1982, la mairie fait débarrasser les décombres et envisage de remettre en service une buvette et l’aire de jeux, avant un programme plus important comprenant un café, un restaurant et peut-être même un hôtel, à condition de trouver les exploitants pour tous ces services. Comme le dit ironiquement la presse, c’est reparti comme en 1960 !

à suivre

Remerciements à Jean Pierre pour les éléments et l’iconographie

1Voir l’article de Bernard Termeulen dans le site http://roubaix-sports.com