Biehler

Emile De Jumné crée son activité de ferrailleur en 1886, au 82 rue Descartes, à Roubaix. Avec son entreprise de démolition, il achète et vend des vieux métaux ( des machines à vapeur, des transmissions et des outillages ).

En tête 1928 ( document collection privée )

Emile de Jumné s’associe avec son gendre Joseph Biehler, dans les années 1920. Ils décident alors de développer leur affaire en créant une récupération de fers de réemploi. Ils reprennent même parfois des usines complètes. Les affaires se développent de façon très satisfaisante, leurs locaux deviennent rapidement trop exigus. Ils déménagent alors leur entreprise en Novembre 1932 au 61 et 63 boulevard Montesquieu.

document 1932 ( document collection privée )
document 1937 ( document collection privée )

Ce n’est qu’en 1947 que le département « Matériel Industriel d’Occasion » est créé. L’entreprise devient « Biehler et cie » et propose d’acheter et de vendre des machines outil, machines à bois, moteurs, matériel de chauffage de ventilation etc.

Publicité 1948 ( document collection privée )
document Ravet Anceau 1948
En tête 1957 ( document bnr )

Depuis 1970, le département Matériel Industriel d’Occasion est désormais l’unique activité de la maison. Dans les années1980, le PDG, Hervé Le Chevalier, petit fils du fondateur, dirige l’entreprise avec, à ses côtés, 17 salariés dont 3 vendeurs pour la partie commerciale et 4 techniciens très qualifiés pour la remise en état du matériel dans les ateliers.

Hervé Le Chevalier 1987 ( document Nord Eclair )
Hervé Le Chevalier 1987 ( document Nord Eclair )

L’activité essentielle de l’entreprise est de réviser et reconditionner le matériel d’occasion pour les industries chimiques, pharmaceutiques et agro-alimentaires. La société Biehler fait partie des plus grosses entreprises dans leur domaine. Elle est leader dans la région Nord où elle réalise 50 % de son chiffres d’affaires, mais est présente également dans toute la France et même à l’étranger ( 10 % du volume ) en particulier en Belgique, Pays-Bas, Angleterre et Maghreb.

Publicité 1989 ( document Nord Eclair )

De nombreuses entreprises contactent Hervé Le Chevalier, lorsque elles changent de matériel, cessent leur activité, se modernisent et remplacent leur matériel . Biehler rénove alors les machines en parfait état de fonctionnement, les repeint et les revend 20 à 30 % moins cher que le prix du neuf. Cela permet à l’entreprise de proposer aux PME un outil de production d’occasion bien moins cher, et aussi performant que du matériel neuf.

documents collection privée

L’entreprise se développe alors de façon considérable, fait l’acquisition de plusieurs parcelles voisines pour s’agrandir et pour stocker les 2.000 tonnes de matériel. La société s’étend désormais sur une surface totale de plus de 10.000 m2 sur le boulevard de Montesquieu bien sûr et la rue de Croix, mais également sur les rues adjacentes sur la ville de Croix : les rues Eugène Duthoit et de l’amiral Courbet.

le plan de l’entreprise ( document archives municipales )
la rue de Croix ( document archives municipales )

Pour prospecter une nouvelle clientèle, Bieher édite un catalogue très complet. L’entreprise propose également le dépôt vente, et la location de matériel comme par exemple des chariots élévateurs. Dans les années 2000 la société continue de se développer et rachète encore des parcelles de terrain. L’entreprise s’étale désormais sur 12.000 m2.

document collection privée

Au milieu des années 2010, le patron de l’entreprise, Benoit Coqueval, constate que la conjoncture économique se dégrade et que malheureusement le volume des affaires diminue. En 2015, c’est la cessation de paiement et, en Janvier 2016, Biehler est placé en redressement judiciaire. Le nombre de salariés passe alors de 18 à 15 personnes.

L’entreprise fondée en 1886, véritable institution, n’a pas vocation à rester en centre ville, car l’espace est trop grand et le stock trop important. Biehler est locataire du terrain, et pourrait bien plier bagages. A la place, la ville de Croix qui est la plus concernée, pourrait envisager de faire construire des logements.

document Nord Eclair

En 2017, l’entreprise Biehler déménage à Neuville en Ferrain, sur le site de l’ancienne société PRS, et passe de 12.000 m2 à 5.000 m2 : moins d’espace mais mieux investi. Le nombre de références est réduit également et passe de 6.000 à 2.000 pièces. Une grosse partie du matériel est liquidé par les ventes aux enchères. Les machines restantes sont déménagées par 150 semi-remorques. Biehler ne compte plus que 10 salariés. Quelques temps après, l’entreprise Biehler rejoint le groupe Perry et devient « Perry Biehler »

document Pierry

Quant au terrain de l’ancienne entreprise Biehler, situé sur les communes de Roubaix et Croix, un projet voit le jour en 2022. Après la destruction des anciens bâtiments Biehler, quatre immeubles vont sortir de terre pour un total de 106 logements de type 2 3 et 4.

documents archives municipales et Nord Eclair

Deux immeubles seront commercialisés en accession classique, et deux en accession maîtrisée pour des primo-accédants avec plafond de ressources.

document Nord Eclair

L’entreprise créée en 1886 quitte donc Roubaix après plus de 130 années d’existence.

Remerciements aux archives municipales

Relais Masséna

En Aout 1965, un permis de démolir est accordé pour 4 maisons, rue de Lannoy à Roubaix ( les numéros 326 328 330 et 332 ) pour raisons de vétusté. Sur la photo ci-dessous, on distingue les 4 maisons du 326 au 332 de la rue de Lannoy. A droite, au 322 324 se trouve le siège des Ets Carrez Bernard, et à gauche au 334, l’électricien Alfred Derly.

les 4 maisons du 326 au 332 ( document archives municipales)

André Carrez, PDG des Ets Carrez Bernard, au 322 324 rue de Lannoy est grossiste en épicerie, torréfacteur de cafés et fabricant de savons mous ( voir sur notre site un article précédemment édité et intitulé Carrez Bernard ).

Publicité Carrez Bernard ( document collection privée )

En mai 1966, l’emplacement des 4 maisonnettes étant libre, André Carrez dépose une demande pour construire une station-service de distribution de carburants, sur ce terrain de 450 m2 lui appartenant.

plan de la station ( document archives municipales)

Le cabinet d’architectes J. Delrue à Lille, dresse les plans de la station essence avec un bâtiment de 142 m2 abritant : une piste pour le graissage des véhicules, une piste pour le lavage, le bureau d’accueil pour la clientèle, le dépôt du compresseur, l’atelier et une pièce vestiaire-toilettes pour le personnel.

publicité ouverture du Relais Masséna ( document Nord Eclair )

Les travaux se terminent, la station-essence ouvre alors en 1969 sous l’enseigne « Relais Masséna ». C’est une station ultra-moderne qui propose un matériel performant pour les vidanges, les réparations de pneus, l’équilibrage des roues, mais surtout le fleuron de la station, c’est le bloc-lavage qui permet à tout usager de faire laver son véhicule sans en sortir, dans un temps record de 2 minutes et pour la modique somme de 5 Francs. Trois pompes distribuent les carburants ; super, essence et gas-oil, et une pompe pour le 2 temps est à disposition des clients, en libre service. M Waquier et sa fille accueillent chaleureusement les clients. Leur sourire sympathique et leur compétence permettent de répondre aux plus grandes exigences de la clientèle.

En 1979 la direction décide de faire construire un auvent de 40 m2 ( de 6m sur 7m ) au dessus des 3 pompes, de façon à abriter la clientèle des intempéries surtout par temps pluvieux.

Auvent ( document archives municipales)

La station essence ferme au milieu des années 1980, et en 1991 l’entreprise de Pompes Funèbres Lemaitre qui se trouve juste en face au 271 rue de Lannoy, reprend le terrain et décide de construire un funérarium pour pouvoir agrandir et développer son activité.

L’architecte Jean Michel Vergne de Croix établit le projet : le bâtiment de l’ancienne station essence est conservé, les 3 pompes de distribution de carburants sont supprimées et remplacées par la construction du funérarium accolé à l’ancien bâtiment, avec deux salons funéraires.

( documents archives municipales)

photo BT et publicité Nord Eclair

En moins de 3 décennies, quatre maisons ont disparues, remplacées par une station essence, puis par un funérarium.

Document PF Lemaitre

Remerciements aux archives municipales.

Cinquantenaire du Minck

Le marché aux poissons, appelé le Minck, est créé en 1862, place du Trichon, dans un des plus vieux quartiers de Roubaix. Tous les roubaisiens amateurs de poissons frais viennent au Minck pour y acheter du poisson à la criée. Le succès de ce marché ne se dément pas et, au début du siècle dernier, on compte 38 tables de vente.

documents collection privée

En 1912, le Minck a 50 ans. Le Comité des fêtes du quartier décide de célébrer cet événement, avec l’aide financière de la municipalité. Le Cinquantenaire du Minck a lieu les 18 19 et 20 Mai 1912. Il faut beaucoup d’ingéniosité de la part du Comité organisateur pour préparer les festivités dès le mois de Mars. Leurs efforts persévérants doivent aboutir à un succès total de cette manifestation.

Sur le document ci-dessous, on reconnait, assis de gauche à droite, Mrs Catteau, Lefebvre, Tiers, Meyer, Kerkhove et Delcambre

Le Comité des fêtes du Trichon ( document Journal de Roubaix 1912 )

Samedi 18 Mai 1912, tout est prêt. C’est l’effervescence dans tout le centre ville. Les festivités vont durer trois jours sur la place du Trichon. Dans toutes les maisons du quartier, on s’apprête à pavoiser et à décorer. De nombreux chars sont préparés pour ces fêtes originales et importantes pour la population. Les couturières se sont mises à disposition pour confectionner la robe et le manteau de la Fée du Trichon ( représentée par Emilienne Mathon ), et de la Reine de l’Industrie ( représentée par Blanche Bombecke ). Ces deux demoiselles sont deux modestes ouvrières que tout le quartier applaudira le jour de leur royauté éphémère. Leurs luxueux vêtements confectionnés sont exposés dans la vitrine de M. Potage, peintre décorateur au 9 place du Trichon.

documents Journal de Roubaix 1912

A 20h, la retraite féérique comprenant des chars avec de nombreux motifs lumineux, parcourt tout le quartier, au départ de la salle des fêtes de la rue de l’Hospice, puis défile dans la rue St Georges, la Grand Place, les rues Neuve et Sébastopol, la place du Trichon, les rues des Fleurs, des Arts, d’Inkerman, du Bois, et enfin revient rue de l’Hospice à la salle des fêtes. Pour faire bon accueil aux visiteurs, tout le quartier est paré d’ornements décoratifs : des drapeaux tricolores à toutes les fenêtres, des mâts surmontés d’oriflammes, des banderoles multicolores, des fleurs, des guirlandes et le soir d’une féerie d’illuminations.

document collection privée

Le défilé se met en route à 20h30 : des enfants avec des lanternes vénitiennes commencent l’itinéraire suivis par la fanfare des Trompettes, le char du Roi des Mers, le char à transformation La Fée, des porteurs de torches et d’autres lanternes vénitiennes terminent le cortège. La retraite lumineuse obtient un franc succès. Le cortège est accueilli chaleureusement par de vifs applaudissements. Une foule très dense entoure le Minck brillamment illuminé, orné d’une cascade du plus bel effet. Les spectateurs enchantés par cette soirée se dispersent vers 22h.

document Journal de Roubaix

Dimanche 19 Mai 1912, une braderie est organisée le dimanche matin dans la rue du Bois et la rue des Fabricants. De nombreuses manifestations ont également lieu dans le quartier : 2 courses cyclistes, l’une de 1000 mètres et l’autre de 3000 mètres, des combats de coqs, un lâcher de pigeons voyageurs.

A 11h30, les membres du comité de la fête, reçoivent dans le palais communal de la rue de l’Hospice, le roi George V d’Angleterre et le remercient pour sa présence, nouvelle preuve de l’amitié franco-anglaise. Un succulent repas est ensuite servi à de nombreux convives. Sur le document ci-dessous, A noter un clin d’oeil sympathique : la caricature de Théophile Meyer, épicier rue Jacquard et président honoraire du Comité d’organisation.

Le menu du repas proposé aux invités le 20 Mai 1912 ( document collection privée )

Après le repas, vers 14h30, Mrs Tiers, président, et Kerkhove, vice-président reçoivent Jean Lebas, maire, ainsi que ses principaux adjoints. Dans l’après midi, au square Pierre Catteau, est organisée une grande et charmante « Fête enfantine » pour une soixantaine de couples de garçons et filles, vêtus de costumes les plus divers. Beaucoup de roubaisiens font le déplacement pour contempler les évolutions de ces enfants. Les réjouissances attirent une foule considérable. Pendant ces trois jours de festivités, un concours photographique est organisé. Les épreuves doivent être envoyées au secrétaire du Comité au 21 rue du Trichon.

Lundi 20 Mai 1912 à 15h, une fête aérostatique a lieu au square Pierre Catteau. Un grand concours de ballons-pilotes ( un concours de ballonnets ) est proposé pour les enfants ; chaque enfant attache sur un ballon, une carte qui porte son nom et son adresse. L’enfant lance le ballon depuis la pelouse du square. Les distances sont ensuite calculées et les ballonnets qui ont parcouru la plus longue distance font gagner aux enfants de superbes cadeaux.

document Journal de Roubaix

A 17h30 a lieu la cérémonie du baptême du ballon Madeleine de 1200 mètres-cube. L’aérostat tout enguirlandé de roses et de feuillages décolle ensuite à 18h pour sa première ascension officielle, piloté par son propriétaire Georges Delcambre. Cette fête aérostatique de clôture connaît un grand succès. C’est une véritable réunion de famille pour les roubaisiens. Ces trois jours de festivité dans le quartier du Trichon remportent donc un immense et légitime succès populaire pour le plus grand bonheur des habitants du quartier et de tous les roubaisiens.

Le Minck sera rasé en 1950 pour raisons de vétusté et de sécurité ( voir sur notre site, un article précédemment édité et intitulé : la démolition du Minck )

Remerciements aux archives municipales.

Adieu Jacques Brel

Le dernier concert de Jacques Brel a lieu à Roubaix le Mardi 16 Mai 1967 dans la salle du Casino, place de la Liberté. Pour sa dernière tournée, Jacques Brel souhaite terminer par notre ville, car c’est dans le Nord qu’il a commencé sa carrière. Cela fait pourtant bien longtemps qu’il avait annoncé son intention de ne plus donner de galas sur scène. Mais Jacques a longuement envisagé avec calme et confiance, ce départ réfléchi et ce jour est arrivé à Roubaix.

Jacques Brel arrive au Casino de Roubaix par la Grand rue, avec son directeur de tournée Georges Olivier ( document Nord Eclair )

Pour ce dernier concert, 2000 billets sont mis en vente. Monsieur Maes, directeur du Casino n’en revient pas. C’est un véritable raz de marée. Les 2000 tickets sont vendus en 30 minutes ! De nombreuses personnalités du spectacle sont présentes pour assister à cet événement : Bruno Coquatrix a quitté son Olympia et Eddie Barclay est venu spécialement de Cannes.

Eddie Barclay de dos, Bruno Coquatrix au centre, et Jacques Brel ( document Nord Eclair )

La place de la Liberté est envahie par les voitures des radios périphériques (RTL, Europe 1…), des photographes de grands hebdomadaires parisiens. Le public est venu de toute la France : Marseille, Bordeaux, Nantes …et bien sûr de Belgique : des fans acharnés qui ne veulent absolument pas rater l’événement : la dernière de Jacques Brel. Tout le public espère que ce ne sera qu’un faux départ, qu’il va changer d’avis et remontera sur les planches prochainement.

Jacques Brel sur la scène du Casino ( document Nord Eclair )

Jacques Brel entre en scène devant un public très ému et les 20 chansons interprétées prennent, en cette occasion, un accent particulier. Les titres se succèdent à un rythme rapide, tandis qu’il essuie d’un revers de main, son front ruisselant ; « Les Vieux, Madeleine, Jef, Le plat pays, Ne me quitte pas ». Les titres se bousculent. Le public hurle, trépigne, exige, comme si, cette folle nuit ne devait jamais se terminer. Les photographes mitraillent prennent des milliers de photos, les éclairs de flash éblouissent toute la salle du Casino.

document Nord Eclair

Le spectacle se termine. Une vive émotion s’empare alors du public dans la salle, lorsque le rideau tombe. Tout le public se lève pour une « standing ovation » en criant « Encore Encore ! ». Malgré les rappels et les cris, Jacques ne revient pas sur scène. Personne ne réalise encore vraiment qu’il n’y remontera plus.

document Nord Eclair

L’émotion est encore plus vive derrière le rideau, lorsque tout le monde reprend en choeur : « Ce n’est qu’un au revoir ». Dans les salles de rédaction, personne n’y croit encore. Jacques Brel n’est pourtant pas un de ces farfelus qui nous ont habitué à de fausses sorties publicitaires.

« La dernière » est toujours un spectacle émouvant. Ce n’est plus le chanteur seul qui a le trac, mais ses amis, les musiciens, les ouvreuses, les journalistes, les spectateurs. Tous savent qu’ils emportent avec eux, la dernière image d’un très grand Monsieur, le dernier salut de Monsieur Brel.

document Nord Eclair

Cette fois, c’est bien fini. Bruno Coquatrix lui déclare alors : A 38 ans, on ne s’en va pas sur la pointe des pieds, avec le spectacle de ce soir, vous nous reviendrez encore, Monsieur Brel !

Mais non, Jacques a pris sa décision et c’est bien  »la der des der ». La salle se vide, les lumières s’éteignent une à une. C’est fini.

document Nord Eclair

Jacques Brel ne fera plus de concerts exténuants, mais ne prendra pas sa retraite pour autant. Il se tourne alors vers le théâtre où il crée la version francophone de « l’Homme de la Mancha », et surtout vers le cinéma où il enchaine les succès : « les Risques du Métier, mon Oncle Benjamin, l’Emmerdeur, l’Aventure c’est l’Aventure », et bien d’autres, jusqu’au début des années 1970.

Jacques Brel en 1973 sur le tournage de l’Emmerdeur ( document collection privée )

Après avoir passé son brevet de pilote, il achète un avion bimoteur et un voilier pour son propre plaisir et part habiter aux îles Marquises. Gros fumeur, il est atteint d’un cancer du poumon. Jacques s’éteint à Paris en Octobre 1978 et repose au cimetière des Iles Marquises.

Remerciements aux archives municipales.

Un meurtre à Jean XXIII

Jeudi 14 Juin 1984 vers 15h, la jeune secrétaire de l’institution Jean XXIII rue Notre Dame des Victoires à Roubaix, vient d’être assassinée.

document Nord Ecla

Françoise Petit, née Rinsveldt, âgée de 27 ans, demeurant à Bouvignies mais qui a longtemps habité rue Dupuy de Lomme à Roubaix, est tuée avec une sauvagerie inouïe. C’est un drame horrible. Une vingtaine de coups de poignards lui ont été portés, dont trois au thorax et au cou, qui ont été fatals, ce qui ne laisse guère de doutes sur les intentions de l’assassin.

Françoise Petit ( document Nord Eclair )

Les enquêteurs de la Sûreté ainsi que Mlle Poinsot, substitut du procureur de la République sont sur place. C’est la stupeur et la consternation pour la direction, les enseignants et les élèves de l’institution. Mr l’abbé Jaeger, directeur de l’établissement, est complètement abasourdi car Mme Petit est arrivée en 1976 et c’était une femme sans problèmes qui n’a jamais donné l’impression d’être menacée. C’était d’ailleurs une ancienne élève de l’école. Et pourtant le sang a coulé à Jean XXIII.

L’enquête commence. La fouille de tous les bâtiments et de toutes les classes ne donne rien. Il n’y a pas d’indices et beaucoup de questions restent en suspens :

Un élève serait il responsable de ce crime abominable ? Les policiers en doutent, car si un élève voulait se venger d’une réprimande, il réglerait ses comptes avec l’enseignant et non pas la secrétaire.

Le meurtrier serait il venu de l’extérieur ? Qui ? Dans quel but ?

Françoise Petit était à son poste et elle actionnait, au moyen d’une pédale, le système d’accès à l’établissement, mais n’avait certainement rien constaté de suspect.

document Nord Eclair

L’enquête commence ; un homme au comportement bizarre avait été aperçu à proximité du lycée, peu de temps avant le meurtre. Cet homme, connu des services de police pour alcoolisme et violence, est finalement libéré car les charges sont insuffisantes. Les policiers reprennent le dossier au départ et l’investigation continue. Les jours, les semaines, les mois passent, et l’enquête piétine.

Enfin 9 mois après, en Mars 1985, la presse locale annonce que Françoise aurait pu être assassinée par hasard ! L’un des deux auteurs présumés du crime est déjà en prison pour le meurtre de son beau frère. Il semble donc que l’assassinat soit en voie d’élucidation. Et pourtant les deux hommes de 24 et 26 ans sont mis hors de cause, et libérés à leur procès en cour d’assises en 1991.

document Nord Eclair

Dix ans après le meurtre, en 1995, la famille de la jeune femme, avec l’aide de leur avocat, Patrice Cottignies, s’en remet à la célèbre émission de télévision animée par Jacques Pradel « Témoin Numéro Un » pour tenter d’avoir enfin des réponses à ces questions : Qui a assassiné Françoise Petit-Rinsvelt ? Et pourquoi ? Un nouveau juge d’instruction s’occupe désormais du dossier et c’est la gendarmerie qui est chargée d’enquêter.

En mars 2015, un journaliste édite un article dans la presse locale : 30 ans après cet assassinat, cette affaire effroyable dans une institution réputée et respectable : Jean XXIII ( aujourd’hui Saint Rémi ), n’est toujours pas élucidée. On ne peut que constater et déplorer que le meurtrier court toujours !

Françoise Petit ( document Nord Eclair )

Remerciements aux archives municipales.

Agnès Joye ( suite )

A la fin des années 1960, l’entreprise devient importante, mais reste surtout une affaire familiale. Agnès, Jean, son fils, et Paul, son beau fils, arrivent à établir une très bonne ambiance de travail, dans un climat de respect du personnel. Tous les ans, à fin Juillet, c’est la fête des couturières à la Sainte Anne. Agnès invite l’ensemble du personnel à fêter cet événement dans sa grande maison de Cysoing pour un repas amical.

Photographies d’Agnès dans son magasin et son fils Jean ( documents J. Kahla )

Les moeurs évoluent en 1968, le M.L.F, Mouvement de Libération des Femmes, se crée. Ce groupement féministe autonome revendique la libre disposition du corps des femmes. Ce mouvement est en grande partie à l’origine de la chute vertigineuse des ventes de gaines chez tous les fabricants. Agnès Joye n’est pas épargnée mais, fort heureusement elle <dispose de sa gamme lingerie. Toujours prête à rebondir, elle développe sa gamme de produits « Jeune Fille ».

document publicité Nord Eclair

En 1967, Paul Kahla devient Président du groupement Elégance et Distinction. Elu par les membres, il remplace Jacques Bonnehon de la « Maison du Livre », qui devient vice-président. Paul est réélu président, l’année suivante en 1968

Paul Kahla à droite sur la photo et Jacques Bonnehon à gauche ( document publicité Nord Eclair )

Au début des années 1970, Agnès Joye commence à avoir quelques problèmes de santé, mais continue de gérer son commerce et ce, jusqu’en Juin 1975. Elle décède un mois plus tard, au mois de Juillet de cette même année dans sa maison de Cysoing, à l’âge de 74 ans, après plus de 40 années de commerce de lingerie. Les éloges sont nombreux sur sa compétence et sa ténacité qui lui ont valu l’estime et le respect de tous.

Décès d’Agnès ( document Nord Eclair )

Jean Joye et Paul Kahla continuent l’activité du commerce, toujours dans une ambiance familiale et gardent bien sûr l’enseigne  »Agnès Joye », bien connue des roubaisiens. Dans les années 1970, ils développent une nouvelle gamme de lingerie : les produits Warner fabriqués aux Etats Unis : un éventail de produits légers et de grand maintien, des produits d’excellente qualité à un prix raisonnable. La « Quinzaine Warner » est une période importante pour les affaires, car le magasin propose des promotions dynamiques pendant deux semaines.

Publicités Warner ( documents publicité Nord Eclair )

En 1971, le magasin remporte le premier prix du concours de la plus belle vitrine à l’occasion des fêtes de fin d’année.

La vitrine ( document Nord Eclair )

Jean et Paul souhaitent moderniser l’image de l’enseigne et n’hésitent pas à faire appel à des mannequins célèbres comme Laure Moutoussamy, en 1972, pour la quinzaine Warner ainsi que pour la quinzaine des maillots de bain. Ils organisent également des défilés de mode au Colisée de la rue de l’Epeule.

document publicité Nord Eclair

A la fin des années 1970, la situation économique se dégrade, le niveau d’affaires baisse assez fortement, Paul Kahla décide donc de se retirer de l’entreprise en fin d’année 1974. Jean Joye continue seul l’activité avec l’aide de sa fidèle secrétaire Mme Crohin. Jean prend sa retraite au milieu des années 1980 et ferme définitivement le magasin.

En 1986, deux commerçants reprennent les deux parties du rez de chaussée : Francine Caron propose des chaussures avec son enseigne « Asphalte » et Josy Cau des tissus et de la mercerie sous l’enseigne « Marion ».

document collection privée

Dans les années 1990, 2000 et 2010 de nombreuses enseignes se succèdent dans ces 2 boutiques ; aujourd’hui, Fanny L. institut Bio et MS créations, vêtements de cérémonies

La façade en 2017 et en 2022 ( photos BT )

Remerciements à Jean Kahla ainsi qu’aux archives municipales.

7 place de la Gare

En Septembre 1903, Emile Van Belleghem transforme sa maison, située 7 place de la Gare à Roubaix, en hôtel, en construisant deux étages. Sa décision est judicieuse car l’immeuble se trouve juste en face de la gare, côté droit ; les voyageurs arrivant en train à Roubaix sont donc sur place immédiatement.

document collection privée

Le nom choisi pour son établissement est : Grand Hôtel-Restaurant d’Isly. L’enseigne provient certainement de la rivière Isly, d’Afrique du Nord, au bord de laquelle le maréchal Bugeaud remporte une victoire, en 1844, sur les cavaliers du sultan marocain.

L’hôtel ouvre en 1904 : les chambres neuves aux étages sont superbement bien meublées et le restaurant est situé au rez de chaussée. Des salons de réception sont mis à disposition de la clientèle pour les noces et banquets, ainsi qu’une salle de billard.

document collection privée

Le Grand Hôtel d’Isly est repris ensuite par Arthur Masclet et dans les années 1910 par G. Paris. Ce dernier organise des apéritifs-concerts.

documents collection privée

Pendant la première guerre mondiale, l’hôtel est réquisitionné par l’armée allemande et devient une caserne pour les officiers et soldats.

document collection privée

Dans les années 1920, l’immeuble est transformé en commerce de tissus, tenu par R. Ladreyt en 1928, puis par Léon Thieffry dans les années 1930. Ce dernier se spécialise en tissus, draperies et lainages.

document collection privée

Léon Thieffry partage ensuite ce bâtiment avec Marcel Guilbert, grossiste en fournitures de bureau, dans les années 1940 1950. Marcel Guilbert propose une gamme complète d’articles de papeterie, est dépositaire de grandes marques dont « 3m Scotch » et vend des meubles métalliques de bureaux.

document collection privée

Marcel Guilbert décide en 1963 de modifier sa façade. Il connait une expansion importante, il quittera la région à la fin des années 1960 pour s’installer dans la Zone Industrielle de Senlis dans l’Oise, pour devenir un des plus gros fournituristes de France.

document archives municipales

Entre 1968 et 1972, l’immeuble reste inoccupé. En 1972, Paul Najberg s’y installe. Paul est tailleur, installé au 8 rue Royale à Lille et s’approvisionne en tissus à Roubaix dans les nombreuses usines textiles. Paul livre également ses tissus à de nombreux confectionneurs installés sur la région parisienne.

Cette activité de négoce de tissus étant devenue de plus en plus importante, il décide donc, en 1972, d’ouvrir son magasin au n° 7 place de la gare à Roubaix. Paul Najbert, très connu des nombreux fabricants de tissus de la ville, achète principalement des seconds choix et des fins de série. Les usines sont encore si nombreuses à Roubaix qu’il lui faut plusieurs jours pour toutes les visiter.

document archives municipales

Dans les années 1980 1990, les fils de Paul Najberg, Daniel et Serge, sont appelés à travailler dans l’entreprise familiale. Serge s’occupe de l’achat et de la vente des tissus, tandis que Daniel s’occupe de la bonne gestion de l’entreprise. Après le décès de Paul, ses deux garçons continuent à faire vivre l’entreprise en tant que négociants grossistes jusqu’à la fin des années 1990.

Daniel Najberg ( document Nord Eclair )

Le bâtiment du 7 place de la gare reste ensuite inoccupé quelques temps, puis deux agences d’intérim vont se succéder dans les locaux : Vedior Bis et Randstadt.

document google Maps

C’est en 2010, que Marie Najberg, la petite fille de Paul, décide de renouer avec cet héritage familial. Lors de la première édition du Marché aux Tissus, organisé par l’office de Tourisme de Roubaix, Marie et son père Daniel, décident de vendre des coupons de l’entreprise familiale. C’est le déclic : ils prennent conscience du besoin des particuliers de se fournir en tissus à Roubaix.

Marie et Nicolas Nieto ( document Nord Eclair )

Marie et son époux Nicolas Nieto vont au bout de leurs idées et ouvrent alors une boutique de tissus à destination des particuliers. L’aventure commence dans les anciens locaux du magasin de chaussures Papillon Bonte au 6 et 8 avenue Jean Lebas à Roubaix, avec leur enseigne « Aux Tissus de Roubaix ».

Le 6 8 avenue Jean lebas ( document google Maps )

Puis très vite, le succès aidant, et se trouvant très à l’étroit, Marie Nieto décide de transférer son commerce au bout de l’avenue Jean Lebas, dans un autre établissement au 7 place de la Gare en 2014. C’est une adresse qui n’a pas été choisie par hasard puisque, dans ces mêmes locaux, son grand-père Paul tenait son point de vente de tissus. Cela fait maintenant presque 10 années, que Marie gère avec réussite, son magasin de tissus en gros.

Aux Tissus de Roubaix, 7 place de la gare ( photo BT )

L’immeuble du 7 place de la Gare existe depuis maintenant 12 décennies, a été occupé par de nombreux commerçants et entreprises, et a toujours été bien entretenu. On y retrouve encore, au niveau du toit, la structure métallique qui soutenait la balustrade, les 4 piliers et l’enseigne d’origine du Grand Hôtel d’Isly.

photo montage BT

Remerciements aux archives municipales

Agnès Joye

Agnès Joye naît en Belgique en 1900 et sa sœur cadette, Anaïs en 1903. Toutes deux, très jeunes apprennent le décès de leur père pendant la première guerre mondiale. Elles sont dans un réel besoin mais, passionnées par la couture et ambitieuses, elles décident de créer leur petite entreprise de fabrication de corsets, très en vogue à l’époque dans les années 1920.

Leur compétence dans le domaine de la création et de la production amène le succès très rapidement. Les deux sœurs ouvrent alors un magasin, au 27 rue de la Gare à Roubaix au début des années 1930.

le bâtiment dans les années 1980, entre le Crédit Lyonnais et les tissus Hallynck ( document archives municipales )

Le bâtiment choisi est magnifique et très vaste, sur un terrain de 154 m2, sur 5 niveaux, soit près de 800 m2. Une grand-porte centrale sépare deux magasins latéraux, l’un d’eux occupé par le commerce de confection pour dames de Mlle Varlet, l’autre par Agnès et Anaïs Joye qui aménagent par ailleurs leur atelier de fabrication à l’étage. Anaïs ouvre ensuite un deuxième magasin à Lille, au 42 rue Nationale, juste en face du « Printemps », auquel elle se consacre pleinement.

Ce sont deux femmes de communication et elles créent leur propre marque de corsets : « Scandale », dans les années 1950. Agnès se spécialise également dans le commerce de lingerie, de dessous féminins et maillots de bain.

publicité Scandale 1956 ( document publicité Nord Eclair )
publicité maillots de bains 1956 ( document publicité Nord Eclair )

En 1950, Agnès crée la gamme « Occulta Médical », la première gaine orthopédique moderne. Le succès de ce nouveau produit est tel que cette gaine sera, peu de temps après, remboursée par la Sécurité Sociale. Elle crée ensuite la gamme de produits « Incognito » car la gaine est invisible.

Occulta ( document publicité Nord Eclair )

Agnès habite à Cysoing, son mari Arthur Joye est conducteur de travaux chez Ferret Savinel. Il emmène Agnès chaque matin en voiture au magasin avenue Jean Lebas. Ils ont 4 enfants : Jean, Luc, Marie-Thérèse et Philippe.

Après la seconde guerre mondiale, l’aîné Jean, sous l’impulsion de sa mère, suit des cours de formation de « bandage », ( technique sanitaire de soins corporels et médicaux ), ce qui lui permet, dans les années 1950, de venir aider Agnès à la gestion de l’entreprise qui se développe fortement. Agnès investit alors dans des machines à coudre professionnelles supplémentaires, Singer et Pfaff, pour le 1er étage. Le personnel compétent devient nombreux : deux vendeuses au rez de chaussée dont Jacqueline Taine première vendeuse. A l’étage, Mme Colin la secrétaire et 25 à 30 personnes dont Mme Dewindt cheffe d’atelier. Le magasin d’Arras ouvre, au 52 rue Ronville, en 1958, et c’est l’occasion de communiquer encore davantage dans la presse locale.

publicité des 3 points de vente ( document publicité Nord Eclair )

Agnès Joye communique toujours sur ses propres marques de corsets, Scandale et Incognito, mais également sur une gamme de produits de lingerie féminine de fournisseurs réputés tels que : Lou, Rosy, Valisére, Lejaby et même des marques prestigieuses comme Dior.

document collection privée

Au début des années 1960, Mlle Varlet qui occupait la moitié du rez de chaussée quitte son commerce. Agnès profite de l’occasion pour reprendre son emplacement. Elle dispose maintenant d’un point de vente plus spacieux et peut ainsi élargir sa gamme de produits et développer son affaire. Son fils Jean, excellent vendeur, devient le directeur commercial de la petite entreprise. Agnès Joye exporte ainsi à l’étranger ses productions fabriquées à Roubaix.

Paul Kahla, le mari de Marie Thérèse, la fille d’Agnès, entre dans l’entreprise dans les années 1960. Il est à l’origine de l’adhésion de l’enseigne « Agnès Joye » dans le groupement de commerçants roubaisiens : « Elégance et Distinction » en 1965.

Elégance et Distinction ( document publicité Nord Eclair )

à suivre . . .

Remerciements à Jean Kahla ainsi qu’aux archives municipales.

Les Cascades

Un énorme projet de construction de 372 logements voit le jour en 1971, à la limite du parc de Barbieux, entre les villes de Croix et Roubaix. La SCIC Société Centrale Immobilière de la Caisse des Dépôts, propriétaire du terrain, lance un appel d’offres pour la construction de 18 immeubles séparés pour un total de 372 logements. Cet immense terrain de 85.000 m2 était composé auparavant de quelques propriétés, bâties et non bâties, du 309 au 337 de la rue Verte, appartenant à des propriétaires privés dont quelques industriels roubaisiens.

Photo aérienne années 1960 ( document IGN )
Document Nord Eclair

L’endroit est très verdoyant et boisé. Les Roubaisiens le connaissent bien puisque l’avenue Le Notre sépare ce terrain du parc de Barbieux. La SCIC choisit les architectes Guy et Jacques Lapchin, pour la construction de l’ensemble. Trois tranches, de 124 logements chacune, sont programmées pour les travaux qui vont s’étaler entre 1972 et 1973. La SCIC avait déjà eu l’occasion de construire les célèbres tours des Aviateurs « Edouard Anseele ».

Document Nord Eclair

En Septembre 1972, la construction de l’ensemble dénommé « Les Cascades » démarre sur l’immense terrain. La première tranche comprend 6 tours carrées pour 124 logements : une tour de 10 étages, une de 6, et quatre de 4 étages. Tous les appartements disposent d’un balcon qui fait le tour complet du bâtiment. Trois parkings souterrains immenses sont construits et les places de stationnement extérieures limitées, pour respecter le cadre exceptionnel du parc de Barbieux.

Document Nord Eclair

Les 124 appartements se répartissent de la façon suivante : 13 studios F1, 13 appartements F2, 13 appartements F3, 37 appartements F4, 42 appartements F5 et 6 appartements F6. Les prix varient de 73.700 Frs pour un studio à 194.300 Frs pour le plus vaste appartement.

l’appartement témoin ( Document Nord Eclair )

Un logement témoin est ouvert pour le public désireux de visiter. C’est un 4 pièces entièrement aménagé et disposé au sol comme un plain pied. La « G.SCIC Promotion Immobilière », avenue Kennedy à Lille est chargée de la commercialisation qui démarre fin 1972, pour une livraison programmée en 1973.

Publicité 1972 ( Document Nord Eclair )

Manifestement, c’est une résidence de très grand standing : hall d’entrée en marbre de Carrare, ascenseur avec desserte directe des garages au sous-sol, adoucisseur d’eau, chauffage central au gaz, interphone individuel, et surtout les 6 immeubles sont cachés dans la verdure à la lisière du magnifique parc roubaisien. L’entrée de la résidence se fait par la rue Verte à Croix.

Publicité 1973 ( Document Nord Eclair )

Deux autres tranches identiques de 6 bâtiments pour 248 logements sont ensuite réalisées, quelques temps après.

Photo aérienne ( Document Google Maps )
Photos aériennes 1960 2020 ( Documents IGN )

Remerciements aux archives municipales

Le Numide

Dans les années 1930, la rue de l’Alouette à Roubaix part de la rue de l’Epeule et se termine rue du Chemin de fer. Elle n’arrive dans la rue de la Gare qu’à partir de 1942 après démolition des bâtiments existants ( voir sur notre site, un article précédemment édité et intitulé : l’alouette s’ouvre à la gare )

vue aérienne 1932 ( document IGN )

Dans les années 1950, côté impair se construit un bâtiment neuf, au N° 75 sur toute la longueur qui démarre donc depuis la rue du chemin de fer jusque l’avenue Jean Lebas.

Cet emplacement a d’ailleurs 3 adresses possibles : le 75 rue de l’alouette, le 123 avenue Jean Lebas et le 36 rue du chemin de fer.

plan cadastral

La surface importante de 193 m2 permet l’implantation, au début des années 1960, du « Soldeur de l’Alouette », un magasin de chaussures à des prix imbattables.

publicité 1964 ( document collection privée )

Un permis de construire pour un projet d’aménagement d’un hôtel restaurant est déposé en 1972 par les propriétaires des lieux, Mrs Abdelkader Djender et Miloud Mebtouche. Le cabinet Delcour de Wasquehal est chargé du dossier pour l’agencement et la décoration. Le restaurant se trouve au rez de chaussée sur la partie gauche, la cuisine et les dépendances se trouvent à droite. Au premier étage, sept chambres sont prévues pour accueillir les clients de passage, car nous sommes à deux pas de la gare SNCF.

la façade ( document archives municipales )
le rez de chaussée et le 1er étage ( documents archives municipales )

Le nom choisi pour cet établissement est : « Le Numide », car la Numidie est un territoire berbère en Algérie. L’inauguration a lieu le 22 Mars 1973. De nombreuses personnalités sont accueillies par les propriétaires du lieu et découvrent ce cadre typique oriental et chaleureux. La salle de restaurant peut accueillir 110 personnes, le décor est subtil et raffiné, les couleurs chaudes des tapis contrastent avec le crépis blanc des murs où se situent de nombreuses petites niches d’inspiration mauresque. Uns cuisine orientale est proposée ( couscous, méchoui préparé sur un barbecue panoramique dans la salle etc ) ainsi qu’une carte complète de vins d’Algérie.

L’entrée de l’hôtel est indépendante du restaurant. Il offre d’emblée, une sensation de confort intime. Les 7 chambres disposent d’une salle de bains complète et fonctionnelle. Un salon permet aux clients de se relaxer en suivant le programme TV.

publicité Nord Eclair 1973
publicité Nord Eclair 1974

Les débuts de l’établissement sont prometteurs et encourageants. L’année suivante, en Janvier 1974, les deux associés projettent d’agrandir l’hôtel en construisant un 2° étage. Le nombre de chambres serait alors doublé en passant de 7 à 14.

Le permis de construire est accordé en 1974, mais en Juin 1975, Miloud Mebtouche décide de reporter les travaux à une date ultérieure, pour raisons de conjoncture économique difficile.

le projet du deuxième étage ( document archives municipales )

En 1981, pour encore mieux accueillir leur clientèle, Abdelkader et Miloud décident de redonner un coup de jeune à leur hôtel restaurant. Le cadre est embelli, une nouvelle carte est réaménagée au restaurant : couscous, méchoui et également désormais, côte à l’os, fruits de mer, vins français et algériens. Occasionnellement le chanteur kabyle Akli Yahiatene et sa troupe vient animer les soirées. En Avril 1983 Mouloud annonce l’ouverture de son club dîner spectacle.

publicité Nord Eclair 1983

Mardi 9 Août 1983 à 9h15, une violente explosion secoue tout le quartier. Les habitants sortent de chez eux et découvrent que le Numide vient littéralement d’exploser. Des fenêtres ont volé en éclats, des briques du mur de façade sont descellées ainsi que des garde-fous.

Nord Eclair Août 1983

Les sapeurs pompiers et les policiers arrivent rapidement sur place ainsi que M Mebtouche qui habite avenue Jean Jaurès. A l’intérieur, c’est la désolation, l’escalier qui mène à l’hôtel s’est écroulé, la porte qui sépare le restaurant pend en lambeaux. Personne ne se trouve à l’intérieur, car l’établissement est fermé pour congés annuels depuis le 1° Août. Aucun passant n’a été touché par des éclats. Un miracleD’après les premiers éléments de l’enquête, une fuite à la chaudière à gaz qui se trouve dans la cave serait à l’origine de l’explosion qui n’a pas provoqué d’incendie. Autre miracle ! La dalle de béton entre la cave et le rez de chaussée a été soulevée. Le bâtiment a été fortement ébranlé sur ses bases. Le Numide est détruit à 75 %.

Photos Nord Eclair

Au printemps 1987, M Mesbahi qui habite Wasquehal reprend le bâtiment et fait effectuer des travaux : remplacement de la porte d’entrée, des vitrines et des menuiseries, sablage et peinture de la façade. Ces travaux importants sont destinés à remettre l’immeuble en état et le diviser en plusieurs parties en vue de le louer.

la façade en travaux en 1988 ( document archives municipales )
la façade en 2008 ( document Google Maps )

Malheureusement en 2023, on ne peut que constater que l’immeuble ainsi restauré et transformé à usage d’habitation 15 ans plus tôt, manque cruellement d’entretien, est tagué sur l’ensemble du rez-de-chaussée où des arbustes poussent autour de la gouttière et semble s’être vidé de ses occupants.

Photos BT 2023

Remerciements aux archives municipales