La ligne 3 : Lys lez Lannoy

Aussitôt sortie de Roubaix, la ligne se sépare et forme une double voie, l’aiguille se situe quelques mètres après l’octroi, à l’intersection avec le chemin vert. La voie d’évitement est placée le long du trottoir de gauche lorsqu’on regarde vers Roubaix. Cet évitement est relativement long comme l’atteste la seconde photo. Au fond le café-octroi, qui a fait l’objet d’un précédent article.

La photo suivante, prise à quelques dizaines de mètres plus loin et dans la même direction, bien que plus ancienne, montre la ligne, encore en voie unique. Elle date d’avant 1905 ainsi que l’atteste la motrice, d’une des deux premières séries, en état d’origine qui se rend à Toufflers. A l’évidence, la ligne n’a cessé d’évoluer tout au long de son histoire.

En se retournant vers Lannoy et après avoir avancé encore quelques dizaines de mètres, on trouve de nouveau une double voie, mais, cette fois-ci, elle est disposée le long du trottoir opposé. Le fil de contact aérien est fixé, comme à Roubaix, sur les bâtiments qui bordent la route.

Avançons encore une centaine de mètres : Une photo nous montre une voie unique qui se dédouble. Sur cette partie double circule une motrice d’origine à deux marchepieds série 1 à 18. Ici aussi l’aspect a beaucoup changé : Tout au fond et à droite, les maisons disparues aujourd’hui étaient situées juste avant le passage à niveau. Les constructions à gauche de la motrice ont été remplacées plus tard par l’usine Lepers-Delespaul qu’on voit ci-dessous sur les photos couleur.

Le passage à niveau est traversé à angle droit par le tramway sur une voie unique. Ici les constructions nouvelles, la disparition de la gare et la suppression des voies de garage SNCF, remplacées par une zone piétonne, ont profondément modifié le point de vue. Les barrières ont laissé place à un passage pour piétons, et la plate-forme de la voie ferrée à un chemin de promenade qui va de la gare du Pile à Forest et Villeneuve d’Ascq.

Avançons encore d’une centaine de mètres vers le terminus. Ici, la voie est de nouveau dédoublée en passant devant un café-tabac qu’on remarque à droite. Celui-ci existe toujours aujourd’hui.

Les vues suivantes, prises en sens inverse à différentes époques nous montrent l’évolution de ce café, aujourd’hui le Flint. Sur la photo la plus ancienne une motrice de type 300 qui négocie la courbe sur une voie unique qui sera doublée par la suite.

Sur la droite la grille de l’ancienne propriété Boutemy, disparue de nos jours.

En avançant encore d’une centaine de mètres vers la place de Lannoy, nous voyons la ligne, empruntée par une autre voiture 300, qui longe l’usine Boutemy dont la première partie a été ensuite remplacée par les bâtiments de l’usine Stein, disparue elle aussi pour faire place à un supermarché. La partie située après le virage a été démolie également pour former une zone piétonne. La photo du bas, provenant de l’Institut Géographique National, date de 1965. Sur celle-ci, une flèche montre la direction de la prise de vue de la première photo. Le carrefour a aujourd’hui fait place à un rond-point

Nous sommes tout près maintenant de la place. Pour y accéder, la ligne fait une courbe à angle droit devant l’ancien Canon d’or, avant d’emprunter l’étroite rue des trois frères Rémy.

La motrice de type 300 vue ci dessous suit cette courte rue avant de virer à gauche et arriver sur la place. La photo du bas montre qu’une aiguille qui permettait aux tramways d’emprunter à droite la rue des Bouchers a été supprimée.

Les photos proviennent de la médiathèque de Roubaix, des archives départementales, et de collections particulières. Photos couleurs Jpm

A suivre…

Des voies sur la grand place

Le Journal de Roubaix annonce en février 1877 la construction de la première ligne de tramways allant de la gare vers Wattrelos par les rues de l’Alma, du Grand chemin, St Georges, la grand place et la grand rue. L’ouverture a lieu cette même année, et on assiste aux premières circulations des cars, comme on les appelle. Ce sont de voitures à chevaux comportant des plate-formes ouvertes à chaque extrémité ; elles circulent sur une voie à l’écartement « normal », c’est à dire 1m44, identique à celui du chemin de fer. La voie traverse la grand place le long de l’église. Deux autres lignes sont mises en service, qui longent également le trottoir de l’église. L’une emprunte la grand rue et se dirige vers Tourcoing par les rues du collège et la rue de Tourcoing, l’autre emprunte les rues Neuve et de Lille vers Croix. Peu après, la ligne 3 quitte la grand place par la grand rue et se dirige vers Lannoy par la place de la liberté et la rue de Lannoy. Pour abriter les nombreux voyageurs, on construit en 1878 un premier kiosque devant St Martin.

Les premières lignes (doc. 1875) – le kiosque-abri (photo coll. particulière)

Presque aussitôt, la compagnie des tramways du Nord inaugure une ligne venant de Lille par Croix. Elle pénètre dans Roubaix par la rue de Lille, suit la rue Neuve, et a son terminus de l’autre côté de la place, devant la Bourse. Cette ligne, baptisée F, est empruntée par des tramways à vapeur, d’abord à l’essai, puis définitivement en 1883. Les rames sont composées d’une locomotive système Francq et d’une remorque, souvent à plate-forme centrale. L’écartement du matériel roulant est également de 1m44, ce qui permettra aux deux compagnies d’utiliser la même voie.

Le tramway à vapeur devant la mairie – photo Nord Matin – une machine système Francq

Ces deux compagnies, celle de Lille et celle de Roubaix-Tourcoing, emprunteront donc la même voie de la grand-place à Croix, puis, à la suite d’un accord, les TRT abandonneront la voie qu’ils exploitent aux TDN en 1880. A ce moment, la zone devant l’église est dévolue aux voitures à chevaux des TRT, et celle devant la mairie et la bourse aux remorqueurs à vapeur des TDN .

Pour alimenter les machines, on installe une prise d’eau devant la bourse, ce qui déplaît à certains élus et fait l’objet de discussions acharnées au conseil municipal. Ce même conseil s’indigne en 1887 de ce que la compagnie lilloise encombre la place pour charger et décharger ses fourgons de messagerie. Une photo de l’époque nous montre au fond un fourgon des TDN en stationnement, et au premier plan les voies des TRT. Le kiosque à musique n’est pas encore construit.

Document bibliothèque de Lille

1882 voit la faillite de la compagnie roubaisienne. Un syndic s’occupe d’assurer les circulations à titre provisoire. On crée alors la compagnie nouvelle tramways de Roubaix-Tourcoing qui abandonne la traction animale pour miser sur l’électricité, la voie normale (1m44 d’écartement) pour la voie métrique (1 mètre).

L’ inauguration des nouvelles installations aura lieu en automne 1894.

Les voies devant l’église sont au nombre de quatre ; elles se réduisent à une seule à l’entrée de la grand rue.

En 1896 on profite du percement de l’avenue de la gare, réalisé en 1882, pour implanter une ligne directe entre les deux places. Pour éviter l’engorgement des voies face à l’église, cette ligne 3, ou ligne de Lannoy, va contourner le rond point central et le kiosque à musique et placer son arrêt côté mairie, avec deux voies le long du terminus des TDN. Elle prendra ensuite la rue du Château pour gagner le boulevard Gambetta par la rue Pierre Motte. Devant l’église, une autre aiguille à droite, placée après le rond-point rejoindra cette même ligne.

On voit ci dessous sur la première photo à gauche une rame des TDN atteignant son terminus et, au centre, une voiture des TRT de la ligne de Lannoy. Sur la seconde, on remarque un ancien tramway hippomobile placé là par la compagnie à poste fixe et servant provisoirement d’abri aux voyageurs pour Lannoy à la demande de la municipalité. Pour le remplacer, on convertira ensuite en abri le kiosque situé près de la bourse, au coin de la rue du château.

En 1902 La ligne lilloise passe à la traction électrique. Il faut soutenir la ligne de trolley par des poteaux, mais aussi en installant des rosaces sur les bâtiments, et notamment la façade de la mairie, ce qui occasionne beaucoup de discussions au conseil municipal.

La voie rue neuve est maintenant à quatre files de rails puisque les deux systèmes d’écartement y cohabitent.

Une photo de 1908 nous montre l’état de la place. A gauche, le kiosque-abri mis à disposition et chauffé par la mairie. A sa droite, une voiture venant de Lannoy et, de l’autre côté du rond-point dont le kiosque à musique a disparu, une voiture des TRT stationne devant St Martin. Notez que les fiacres sont encore nombreux autour du rond-point. La suivante (photo collection particulière) nous permet de voir une voiture emprunter la rue du Château vers Lannoy. Le bâtiment central de la mairie n’est pas encore terminé.

A suivre…

Les autres documents proviennent des archives municipales et de la médiathèque de Roubaix

Le Mongy contourne le Parc

Après le tragique accident de Janvier 1912, la municipalité roubaisienne est confortée dans son idée de détourner le tramway de l’avenue Le Nôtre. Lors de la séance du conseil municipal du 2 août 1912, elle se préoccupe également du danger que constituerait l’ouverture par les propriétaires privés d’une rue à l’ouest du parc et parallèle à celui-ci, limitant la vue des promeneurs aux arrières d’une rangée de maisons.

Considérant que le projet de tracé prévu par la rue de Barbieux n’a pas avancé, personne ne n’étant décidé à le financer, le maire propose de tracer une nouvelle voie d’une largeur de 18 mètres à l’extérieur du parc. Elle prendrait naissance avenue de Jussieu, face au monument de Gustave Nadaud, traverserait les terrains situés en bordure du parc, passerait derrière la Laiterie et aboutirait au grand boulevard. On pourrait ainsi reporter la circulation des véhicules de l’avenue Le Nôtre à cette nouvelle avenue. Sur le terrain situé entre la nouvelle voie et le parc on pourrait établir la double voie de tramways. Circonstance favorable : les terrains nécessaires seraient offerts gratuitement à la ville par les riverains.

Pour atteindre l’accotement de la nouvelle avenue, la ligne va former un S prononcé à partir de l’Hippodrome. La photo nous montre cette double courbe :

Les voies suivent en ligne droite l’avenue Jean Jaurès. Malheureusement, celle-ci passe à frôler le café « la Laiterie » ,ne laissant pas la place pour les voies : celles-ci doivent faire un crochet pour éviter le débit de boissons et empruntent la chaussée, au grand détriment de la sécurité. Aussitôt après, la voie reprend sa place sur le bas-côté de la route au niveau de l’avenue du peuple belge. Après l’arrêt du vélodrome, c’est face de la laiterie que les cars s’arrêtent en 1919 mais un second arrêt « pourra être étudié ». On voit sur la photo les voies rejoignant leur site après avoir contourné la Laiterie, située à gauche.

Les choses restent en l’état plusieurs décennies. Mais on décide dans les années 50 de démolir la Laiterie. On profite naturellement de cette occasion pour redresser les voie de Mongy qui vont ainsi retrouver leur indépendance vis à vis de la circulation automobile, même s’il faut toujours traverser l’avenue du Peuple Belge.

Documents Nord Eclair et la Voix du Nord

Dès l’origine, le tram poursuit plus loin sa route en site propre jusqu’à la courbe formée par l’avenue Jean Jaurès pour rejoindre le boulevard de Paris. A cet endroit les voies se séparent ; si la voie vers Roubaix suit la courbure du Parc, celle menant à Lille traverse l’avenue pour rejoindre le trottoir opposé. Cette traversée, placée ainsi dans une double courbe en S est très dangereuse, et le restera longtemps !

Photo IGN 1947

L’autre voie, celle qui se dirige vers Roubaix quitte le parc en suivant une large courbe à gauche et accoste le trottoir juste avant le coin de boulevard de Douai, où est placé un arrêt. On voit sur la photo parvenir à l’extrémité du boulevard de Paris une motrice encore équipe de son trolley et accompagnée de sa remorque.

Les années 60 voient de nouveaux aménagements, cette fois du côté du « fer à cheval ». En 1963, pour faciliter la circulation automobile et diminuer le nombre des accidents, on élargit la courbe d’accès au nouveau boulevard. L’extrémité de l’avenue Le Nôtre va être infléchie pour ne plus déboucher directement sur le boulevard. Le rond-point situé au débouché de la rue verte va être amputé pour laisser place au tram.

Photos IGN

Il faudra encore attendre une trentaine d’années avant qu’on ne touche de nouveau au tracé de la ligne. Dans le cadre de la modernisation du tramway, la Communauté Urbaine prévoit dans les années 90 des modifications à la partie nord, qui touche au Boulevard de Paris, devenu entre-temps celui du Général De Gaulle.

En effet, le conseil municipal roubaisien décide en juin 1991 de regrouper les deux voies en site propre le long de cette avenue. La traversée de la chaussée de l’avenue Jean Jaurès n’a donc plus lieu d’être et le projet prévoit de faire passer les rails le long du parc, en empiétant légèrement sur celui-ci :

Ainsi en sera-t-il fait. Après bien des modifications de tracé, les voies vont désormais se trouver en site propre depuis la gare de Lille jusqu’à cet endroit.

A suivre, les diverses péripéties qui ont présidé à l’implantation de la ligne dans Roubaix même.

Les documents proviennent des archives municipales et de la médiathèque de Roubaix.

Mongy et Parc Barbieux

Le 19 juin 1900, Alfred Mongy fait  une demande de concession pour un réseau départemental de tramways dont une ligne à double voie reliant Lille à Roubaix et Tourcoing. Cette ligne doit suivre le tracé du boulevard à établir entre ces trois villes, se séparant en deux branches au Croisé-Laroche après une partie en tronc commun et formant ainsi un Y . Les voies seront établies en site propre sur l’une des deux banquettes qui bordent la chaussée centrale. La branche de Roubaix doit aboutir à l’Hippodrome, à l’extrémité sud du parc Barbieux.

L’entrée du vélodrome. Les voies sont en cours de pose – document collection particulière

Informée que le tracé du boulevard aboutira au « Beau Jardin », la municipalité roubaisienne manifeste dès 1901 les plus grandes réserves quant à l’emplacement des voies, craignant que l’harmonie du site ne pâtisse de ce voisinage.

Alfred Mongy, pour présenter son projet de tracé, demande à la ville de lui vendre cinq exemplaires du plan de 1898, introuvable dans le commerce. C’est sur ces cartes qu’il fait tracer les emprises de la ligne bordant le parc par le nord-ouest, le long de l’avenue de Jussieu. L’ingénieur du département préconise le passage sur le trottoir extérieur de l’avenue, qui sera à élargir en conséquence. L’ingénieur Mongy propose l’année suivante un projet alternatif qui ferait passer la ligne par l’avenue Le Nôtre, située dans l’alignement direct du boulevard.

Le premier projet

La municipalité proteste immédiatement contre le projet par le trottoir nord-ouest de l’avenue de Jussieu. Elle souligne les inconvénients de ce tracé qui coupe l’avenue Le Nôtre, les deux extrémités du parc, et interdit la plantation d’arbres sur le trottoir nord-ouest de l’avenue de Jussieu. Elle refuse d’ailleurs tout accès au tramway dans le parc par une délibération du 13 mars 1903. Le département continue néanmoins à privilégier ce tracé, et propose deux variantes pour la dernière partie avant l’accès au boulevard de Paris : les voies passeraient soit devant, soit derrière le monument Nadaud avant de rejoindre le boulevard de Paris devant le café du parc, au coin du boulevard de Cambrai.

Projet 1907

L’ELRT, créée en 1904 pour exploiter les lignes concédées à Alfred Mongy, entame les travaux d’implantation des lignes de Lille à Roubaix et Tourcoing de 1905 à 1909, en même temps que se construit le grand boulevard. Mais tout au long de ces années, le problème du passage du parc Barbieux reste sans solution. En effet, Roubaix considère que l’avenue Le Nôtre est une promenade publique, en aucun cas destinée à recevoir le trafic en provenance de Lille, c’est à dire des véhicules lourds, et rechigne toujours à voir le tramway longer l’avenue de Jussieu. Cette réticence sur ce dernier point n’est peut-être pas étrangère au fait que le maire, Eugène Motte, va proposer au conseil municipal en février de l’année suivante la mise en place d’une exposition internationale qui se tiendrait précisément le long de l’avenue de Jussieu !

Le croisé Laroche, vue vers Roubaix

Les élus roubaisiens privilégient donc un tracé empruntant la verte rue dans Croix, la rue de Barbieux, puis, soit le boulevard de Douai, soit la rue Daguesseau. Ils accepteraient éventuellement un tracé Nord-Ouest pourvu qu’il se situe à l’extérieur de l’emprise du parc, sur une bande de terrain à exproprier aux frais de la compagnie. La municipalité fait établir, par Louis Barbotin, un projet de tracé situé à l’écart de la rue de Jussieu, évitant le café de la Laiterie, et aboutissant au delà de la l’institution Boucicaut, directement au boulevard de Cambrai.

Pourtant, en 1908, malgré les réticences de l’ELRT, peu encline à entreprendre d’autres études, on aboutit à un accord : le tramway empruntera le verte-rue dont la largeur doit être portée à 16 mètres, préservant ainsi le parc. En attendant cet élargissement, une voie unique dotée d’une voie de garage permettant le croisement sera implantée avenue Le Nôtre. Dans un deuxième temps, on implantera la deuxième voie dans la verte rue et on supprimera le garage. On aura alors deux voies uniques, une pour chaque sens de circulation, en attendant de poser définitivement les deux voies dans la verte rue.

L’année suivante, dans le Journal de Roubaix, on se préoccupe de la forme et de l’emplacement des abris. Des arrêts sont prévus au Vélodrome, avec un abri en ciment armé, à l’octroi de Roubaix, et Boulevard de Cambrai.

L’octroi et l’arrêt avenue Le Nôtre

La ligne Mongy jouera un rôle important dans le transport des visiteurs de l’exposition de 1911. A cette occasion, l’ELRT demande l’autorisation de doubler la voie et d’installer une boucle de retournement et une voie de garage supplémentaires avenue Le Nôtre pour mieux assurer la desserte des voyageurs. Sur la boucle seront disposées les gares d’arrivée et de départ.

Toutes ces voies seront supprimées après la clôture de l’exposition. Seule subsiste la voie unique. Celle-ci va bientôt causer un accident spectaculaire : L’Echo du Nord du 23 janvier 1912 annonce en gros titre une collision frontale entre deux cars Mongy.

Cet accident s’explique par le fait que le bloc système (feux interdisant une voiture de pénétrer sur le tronçon à voie unique lorsqu’une autre l’emprunte déjà) ne fonctionnait pas depuis l’exposition. La compagnie attendait la remise en service de l’autre voie, supprimée par la volonté de la mairie à la clôture de l’exposition. La municipalité considère toujours que la voie de l’avenue Le Nôtre est provisoire et qu’elle n’a pas vocation à se pérenniser, surtout sous la forme d’une double voie. Elle attend toujours que la rue verte soit ré-alignée et élargie par le département.

A la place du bloc système défaillant, on instaure un système appelé « bâton-pilote » pour assurer la sécurité des circulations. C’est un dispositif simple, très employé sur les petites lignes de chemin de fer qui consiste à n’autoriser la pénétration dans une portion de voie que muni du fameux bâton, qu’on prend à l’entrée et qu’on rend à la sortie de la zone.

Document Journal de Roubaix – 1912

Sortant de l’avenue Le Nôtre, la ligne, à double voie, rejoint, en formant un S pour contourner le collège de jeunes filles, le haut du boulevard de Paris où est placé un arrêt au coin du boulevard de Douai.

La sortie du Parc Boulevard de Paris – Document collection particulière

A suivre…

Les divers documents proviennent des archives et de la médiathèque municipale.

Des allemandes sur le Boulevard

En 1980, l’agglomération Lilloise se dote d’une première ligne de métro, et tout le monde s’interroge sur l’avenir des transports en commun. On pense notamment à améliorer le service fourni par le Mongy. La grande question est de savoir s’il faut moderniser la ligne de tramway ou la remplacer par un métro. La municipalité roubaisienne, notamment, serait favorable au tramway, à pourvu qu’on en améliore la vitesse et le confort.

A cette époque, c’est le tour des motrices 500 d’arriver en fin de vie ; il faut les remplacer, mais l’incertitude qui pèse sur une éventuelle ligne de métro empêche d’envisager l’achat de tramways neufs. On se tourne prudemment vers une solution provisoire, la mise en service de matériel acheté d’occasion.

La SNELRT se procure en Allemagne, auprès de la ville de Hertem six motrices construites par la firme Düwag en 1954, pour renforcer, dans un premier temps, le service des 500. Les nouvelles motrices arrivent au dépôt de Marcq par la route.

Ces matériels en très bon état vont être sommairement adaptés et repeints aux couleurs de la compagnie. Cette livrée ne changera pas lorsque la SNELRT passera dans le giron de la COTRALI. Les motrices seront mis en service aussitôt les travaux effectués et donneront toute satisfaction en exploitation.

La deuxième photo est de M. Damide – origine Union des Voyageurs du Nord

Le service de ces voitures étant jugé satisfaisant, on imagine de renouveler l’opération de manière à remplacer en totalité le parc des motrices anciennes. C’est ainsi que, dès 1982, on complète l’effectif en achetant à Hertem 20 motrices doubles articulées, du même constructeur. La capacité des nouvelles motrices permettrait d’accroître les capacités de la ligne. On les numérote dans la série 300, les acquisitions de départ ayant été complétées par la suite avec des voitures provenant d’autres villes d’Allemagne pour un total de 34 unités doubles. La photo suivante montre monsieur Notebart, le président de la communauté urbaine, venu au dépôt de Marcq voir les motrices nouvellement arrivées.

Il va falloir rénover l’intérieur des voitures et les repeindre extérieurement. Le service marketing des TCC veut en profiter pour rénover l’image de marque du Mongy, en faire un moyen de transport jeune et confortable. L’aménagement intérieur est mis au goût du jour avec des tissus et moquettes à la mode et, surtout, apparaît la magnifique livrée à rayures rouges et blanches qui transfigurera ces motrices. Cette livrée sera d’ailleurs progressivement étendue aux 6 motrices Düwag simples, puis à l’ensemble des bus.

Elles assurent leur service durant une vingtaine d’années, et laissent une impression de robustesse et de confort. Elles seront les dernières à utiliser à Lille le terminus du théâtre et inaugureront le souterrain les menant, à la gare, cohabitant quai à quai avec le métro.

Boulevard Carnot et au terminus de la Gare

Nos braves allemandes circuleront jusque dans la première moitié des années 90 où elles seront retirées du service pour faire place aux rames italiennes de la société Breda,.Elles prennent alors leur retraite, interdites de ligne par la tension de la caténaire qui passe de 600 à 750 volts pour alimenter les nouveaux trams italiens.

Finalement, ces voitures auront convenablement rendu le service qu’on leur demandait, c’est à dire assurer, à moindre coup, le service pendant la période où menaces et incertitudes s’accumulaient contre le Mongy. Elle disparaissent lorsque la décision est prise de pérenniser le tramway et de le moderniser complètement à coup de grands travaux.

Remerciements aux archives municipales de Roubaix. Les documents sans légende proviennent de www.Translille.com

Les michelines du Mongy

En décembre 1945, alors que les motrices 400 ont près de 40 ans de bons et loyaux services et commencent à donner des signes d’usure, la Voix du Nord fait état d’un projet visant à les remplacer par des « michelines » ultra-modernes circulant en unités doubles sous la conduite d’un unique wattman. En janvier 1948, ce quotidien nous présente la maquette d’un de ces couplage, et annonce qu’une première série de 28 motrices, constituant 14 paires, sur les 54 unités prévues est en construction.

Document la Voix du Nord

Les voitures sont finalement livrées en 1950 par leur constructeur, Brissonneau et Lotz. Elles représentent un effectif de 28 motrices numérotées de 501 à 528. Elles ressemblent aux motrices de la série 200 livrées par le même constructeur juste avant la guerre dont elles héritent la livrée crème, et la ligne nettement plus aérodynamique que les « cars » de la série 400 mises en service entre Lille, Roubaix et Tourcoing en 1909. Le public les adopte sous le nom de « Michelines ».

La 501 en couplage en 1950 bd Gambetta

Plus longues et plus puissantes que les motrices 200, les voitures de la nouvelle série reprennent la plupart de leurs caractéristiques : Plancher abaissé, contacteurs électro-pneumatiques pour la commande des moteurs, caisse en bois recouverte de feuilles d’aluminium ; elles sont prévues pour une utilisation en unités multiples. Leur vitesse maximum est portée à 80 km/h grâce à 4 moteurs de 50 chevaux. Les marchepieds, couplés aux portes à ouverture électro-pneumatique sont articulés et se déplient à l’arrêt. Les voitures prennent le courant par pantographes. Le conducteur, pour la première fois à l’ELRT, est assis. Les faces avant sont aérodynamiques, à pans coupés sous un bandeau supérieur semi-circulaire.

Photos Le Lampiste et SNELRT

Les « 500 » circulent d’abord en rames de deux éléments, puis, la longueur de l’ensemble étant jugée trop importante et gênante pour la circulation en ville, elles sont désaccouplées. On installe alors un second poste de conduite, un peu plus rustique, à l’autre extrémité des voitures pour permettre la circulation dans les deux sens (le terminus place de la liberté ne permet pas le retournement : il faudra attendre le prolongement par la grand-place et la rue du Maréchal Foch pour pouvoir le faire).

Les motrices sont rénovées en 1968-70. Les opérations concernent une modernisation intérieure avec changement des sièges, et surtout la mise en place de l’exploitation à un seul agent, permettant la suppression du receveur qui officiait jusque-là à l’arrière. Le poste de conduite est modifié pour permettre la perception du prix des billets. On en profite également un « relooking » du poste de conduite et du tableau de bord et la modification des couleurs extérieures, les panneaux situés sous la ceinture de caisse adoptant une teinte rouge « corail » alors que les portes restent crème.

La 507 en haut du boulevard de Paris – Photo origine indéterminée

Les michelines sont retirées du service en 1984, après avoir épaulé quelques années leurs remplaçantes. Elles ont assuré un service satisfaisant durant plus de trente ans et laissent un souvenir vivace dans l’esprit des habitants.

Une motrice 500 au croisé-Laroche

Remerciements à l’Amtuir, l’Amitram, à la médiathèque de Roubaix et aux archives municipales.

 

Les cars Mongy

Alfred Mongy, ingénieur de la ville de Lille, puis du Département, pense à améliorer les communications entre villes. Il projette de notamment relier les agglomérations de Lille, Roubaix et Tourcoing en créant un boulevard en Y, qui comporte trois chaussées de circulation, une piste cavalière, et une double voie réservée à un tramway interurbains. Il fonde à cet effet la compagnie de l’Electrique Lille Roubaix Tourcoing (ELRT) dont le but est d’exploiter des lignes de tramway. A l’issue des travaux, la ligne est inaugurée par des personnalités locales qui parcourent la ligne, en décembre 1909, dans les voitures pavoisées.

Journal de Roubaix – 1909

La ligne comporte une double voie située en site propre, commune entre Lille et le croisé Laroche, qui se sépare ensuite pour se diriger vers les deux destinations. Les rails en sont à l’écartement d’un mètre, comme ceux des tramways de Roubaix-Tourcoing, et à la différence de ceux de Lille, construits à l’écartement « normal » de 1 mètre 43. La ligne ne comporte qu’un nombre réduit d’arrêts, placés aux intersections des routes qui croisent le nouveau boulevard. Ces heureuses dispositions permettent des communications rapides entre les trois villes.

Photo collection particulière

Le matériel utilisé est d’abord constitué de motrices à bogies, le type 400, qui réunit des caractéristiques innovantes. Pour profiter des possibilités de vitesse fournies par la ligne tracée majoritairement en site propre, elles sont placées sur des bogies qui améliorent la tenue de voie et donc le confort et la célérité. Elle comportent un lanterneau vitré sur le toit pour augmenter l’éclairement intérieur, à la manière des voitures à voyageurs qui parcourent les voies ferrées américaines à cette époque.

Photo Journal de Roubaix 1909

Ces voitures ultra-modernes, comportant quatre moteurs leur permettant d’atteindre près de 60 kilomètres-heure, sont tout de suite surnommées les cars Mongy. Une première série de 25 voitures, numérotées 401 à 425 et construites par la société Franco-Belge, sont d’abord mises en service, et complétée ensuite par dix autres automotrices. Elles sont conçues au départ pour prendre le courant par une perche, mais celle-ci sera remplacée par un pantographe Siemens en 1950.

Des motrices 400 au dépôt de Marcq.

Document Translille

Outre l’unique phare, caractéristique des tramways roubaisiens, elles comportent également une curieuse lanterne en toiture. L’intérieur est équipé de confortables banquettes aux dossiers basculables pour faire face à la marche.

On leur adjoint à partir de 1911, pour renforcer leur capacité lors de l’exposition, des remorques à essieux d’abord, construites par Baume et Marpent, puis à bogies, construites cette fois par la Franco-Belge. Les couples motrice/remorque vont parcourir les lignes jusqu’en 1950. Les dernières automotrices 400 seront réformées en 1972.

Une motrice et sa remorque à l’entrée du parc Barbieux.

Une partie des informations provient de l’ouvrage « Au fil des Trams » de Claude Gay.

Les documents proviennent des archives municipales et de la Médiathèque de Roubaix.

Les photos couleur sont des documents qui proviennent de l’Amitram.

A suivre…

Les bus et le tout béton

Nos kiosques « vitrés de glaces » vont rester en place une cinquantaine d’années. Puis, atteints par la limite d’âge, ils seront remplacés dans le paysage roubaisien par des « aubettes modernes » selon l’expression de la Voix du Nord. Ces aubettes en béton seront, pour le modèle courant, ouvertes et disposeront de fenêtres de petites dimensions, plus faciles à entretenir.

Le premier kiosque ancien à disparaître, à la fin de l’année 1954, est celui de la grand-place. Il est remplacé l’année suivante par une construction spécifique comportant des bureaux, rapatriés du laboureur, et un abri pour les usagers. Nord Éclair souligne que sa « sobriété de lignes sera appréciée des connaisseurs ».

Photo Nord Eclair
Photo Nord Éclair

La même année, on projette de déplacer le terminus des Mongy de la place de la Liberté à la grand-place. La voie sera tracée sur un terre-plein dans l’axe de la place, bordé de places de stationnement en épi pour les voitures. Ce projet signe l’arrêt de mort de l’ancien kiosque qui disparaît peu après.

Photo Nord Matin
Photo Nord Matin

Le kiosque situé sur le terre-plein central du boulevard Leclerc, presque en face du Broutteux, perd sa raison d’être avec la disparition des tramways. Il verra pourtant son existence temporairement prolongée par reconversion, et sera transformé en 1956 en magasin de fleurs à l’enseigne des « Floralies Roubaisiennes ». On le voit encore sur les photos aériennes de 1968, mais il a disparu sur celles de 1969.

 

Photo Nord Matin
Photo Nord Matin

Le kiosque de la place Chaptal est victime de l’automobile en 1957. Relativement grand, il interdisait pratiquement le stationnement sur la place. On le remplace par un abri béton décentré et beaucoup plus petit, ce qui libérera des places de stationnement. Ce dernier est édifié avant la destruction de l’ancien, qui remplira ainsi son office jusqu’au bout.

Photos la Voix du Nord
Photos la Voix du Nord

Dès 1962 Nord Matin se fait l’écho d’un projet visant à améliorer la circulation et le stationnement sur la place de la gare. On prévoit notamment d’installer des plate-formes en épis pour les bus, ainsi qu’un kiosque en béton au débouché de la rue de l’Alma. Ces aménagements entraîneront la démolition de l’ancien kiosque. Tous ces travaux seront réalisés en 63-64.

document collection particulière
document collection particulière

Le remplacement de celui de la place de la Fraternité suivra de peu. Toujours présent en 1965, il disparaît lui aussi, laissant la place à une aubette béton reportée quelques mètres plus loin. Les photos aériennes successives montrent l’ancien puis le nouvel abri.

Photos IGN
Photos IGN

Mais, à côté des remplacements, il est des aubettes qui apparaissent. C’est le cas du quartier de Barbieux, où l’on crée, en 1955, un abri béton juste à la porte de l’hospice. Il est destiné aux usagers de la ligne 15.

Photo Nord Eclair
Photo Nord Éclair

De même, un nouveau kiosque est installé au coin de la rue rue Charles Fourier et de l’avenue Delory, face à la « banane ». Il est visible sur les photos aériennes de 1962 à 1988. Il sera ensuite délogé de son emplacement par des plantations.

Document Médiathèque de Roubaix
Document Médiathèque de Roubaix

Il est d’autres kiosques, construits aux arrêts du Mongy notamment le long du parc Barbieux. L’un d’eux est même déplacé d’une quarantaine de mètres en 1951 lors des travaux d’aménagement de la ligne à la suite de la suppression la Laiterie.

Photo Nord Matin
Photo Nord Matin

Il reste à évoquer le cas du kiosque de la compagnie TELB, celle des tramways de Lille. Il a été installé au coin de la rue de Lille et du boulevard de Cambrai, près du bureau de l’octroi en 1907,et semble encore présent sur une photo aérienne de 1953. Il disparaîtra sans doute un peu plus tard, peut-être lors de la suppression de la ligne F entre Lille et Roubaix en 1956 ?

Document collection privée
Document collection privée

 

L’indésirable kiosque

Sur la place de la gare, l’introduction d’un kiosque-abri va soulever des problèmes et être à l’origine d’échanges et de nombreux affrontements.

gare00-96dpiL’abri, d’abord prévu par le cahier des charges « sur le refuge existant au centre de la place », est placé sur ce trottoir circulaire, dans l’alignement de l’avenue qui y mène, à l’intérieur de la raquette formée par les voies. Son accès se fait côté gare.

gare02-96dpiMais, très vite, on se rend compte qu’il gêne la circulation. Une lettre du service de la voirie de juin 1920 fait état « d’études et pourparlers établis avant la guerre, pour le déplacement du kiosque-abri de la place de la gare » : on propose d’abord en 1908 à la compagnie de diminuer l’emprise du refuge. Celle-ci fait une contre-proposition en 1911. Elle préférerait carrément supprimer l’abri pour en installer un plus petit sur le trottoir de gauche de la place, face à l’impasse Deldique, ruelle allant de la rue du chemin de fer à la rue de la Gare. Il se trouve que la municipalité verrait d’un bon œil la suppression d’un obstacle dans la perspective de l’avenue de la gare, mais on demande d’abord l’avis de la chambre de commerce. Celle-ci se prononce contre cette solution. On réunit alors une commission municipale qui examine la question.

Gare03-96dpiLa municipalité opte pour le déplacement et choisit pour y implanter le kiosque le trottoir situé devant les bureaux de la grande vitesse et l’octroi, c’est à dire à droite en regardant la gare. La compagnie du Nord répond que l’emplacement est très mal choisi et demande de trouver un autre point de chute pour cette construction. Elle propose le côté gauche, près de la passerelle du Fresnoy. La municipalité juge très incommode cet emplacement gênant l’accès à la passerelle. La compagnie de tramways remarque de son côté que l’emplacement est situé trop loin des voies.

Toutes ces études, sont faites avant la guerre, et les hostilités arrêtent le projet. Il ne revient à la surface qu’à partir de 1920. Cette année là, une commission municipale se rend sur place et préconise enfin l’entrée du passage Deldique, avec une partie en saillie sur le trottoir, de même importance que celles des terrasses des cafés situés à côté. Elle ne prévoit plus une démolition, mais un simple déplacement.

Document archives municipales
Document archives municipales

Les travaux sont réalisés par la compagnie des tramways et le kiosque rejoint son nouvel emplacement. Il est maintenant placé sur la gauche de la place, à la limite de la rue de la gare, à côté du café du Coq Hardi. L’impasse a été couverte entre-temps et seule une partie de l’abri en émerge. Un photo nous laisse apercevoir son toit au dessus de l’autobus :

gare04-96dpiUn article du Journal de Roubaix de 1935 nous informe que la l’ELRT propose de déplacer l’abri depuis « la petite ruelle » vers le trottoir des numéros impairs, de manière à ce que le chef de station puisse « commodément surveiller l’embarquement des voyageurs et donner au wattman le signal de départ ». Cette proposition n’a pas de suite, et l’abri reste au même endroit jusque bien après la guerre.

Photo Nord-Eclair
Photo Nord-Eclair

Néanmoins on se préoccupe d’aménager la place cette même année 1935 pour faciliter la circulation, gênée par le nombre des tramways mis en réserve et stationnés au milieu de la place en attendant les heures de pointe pour être mis en service. En effet, l’abondance des véhicules particuliers devient telle que les bouchons se multiplient à cet endroit. L’idée est de reporter les stationnements des trams le long des trottoirs, de supprimer les poteaux supportant les lignes aériennes, et de créer une double voie dans la rue de l’Alma pour y reporter les tramways en réserve d’utilisation. L’abri est de plus en plus mal placé…

Les autres documents proviennent de collections particulières