Le RCR ferme trois jours

Au moment où le sport, et particulièrement le football, s’oriente vers le professionnalisme, c’est bien à cause d’un problème financier que le Racing Club de Roubaix réagit en janvier 1933.

Réuni en session extraordinaire le 6 janvier 1933, le comité du Racing-Club de Roubaix décide de suspendre ses activités entre le 8 janvier 1933 à minuit et le 11 janvier 1933 à minuit, soit pendant trois jours. Les portes du Parc Jean Dubrulle resteront donc fermées entre les dates fixées et les membres du club n’y auront pas accès. Les cours de préparation militaire, les cours d’éducation physique, les entraînements de football et de basket-ball seront suspendus pendant cette période. Et afin que nul n’en ignore, copie conforme de cette décision est adressée à MM. Les ministres de la Guerre et des finances, le Sous secrétaire d’état à l’Éducation Physique, diverses autorités militaires, les Présidents des fédérations sportives, le contrôleur des contributions à Roubaix, les Présidents des différentes sections sportives du RCR, MM les rédacteurs en chef des journaux régionaux. Et c’est signé par le Président Raphaël Porisse et le secrétaire G. Desremmieux.

Les portes du stade fermées JdeRx

Qu’est ce qui motive une telle décision ? L’administration des contributions directes vient d’adresser au RCR un avertissement d’avoir à payer une somme de 22.320 francs pour taxe sur les cercles, sociétés et lieux de réunion pour l’année 1932. Le comité du RCR estime que l’administration des contributions directes semble avoir appliqué cette taxe en considérant à tort que le RCR tient des réunions quotidiennes. Le RCR fait donc constater par huissier que les portes sont bien fermées, ce qui valide le fait de ne pas payer de taxe pour 1933.

Un premier titre de champion de France

Le championnat de France de football de l’époque n’est pas celui que nous connaissons de nos jours. Créé pour la saison 1898/99, il oppose les champions régionaux (Nord, Normandie, Centre Est, Paris…) jusqu’à une finale qui déclare le vainqueur champion de France.

Le RCR ne participe pas aux championnats de France de 1898/99, 1899/1900 et 1900/1901 pour d’obscures raisons. Pour ces saisons, les champions de France sont le Havre Athlétic Club pour les deux premières, le Standard Athlétic Club de Paris pour la troisième.

Le RCR fait son entrée dans le championnat de France pendant la saison 1901/1902. Il sera champion du Nord après avoir remporté la finale terriens/maritimes face à l’Union Sportive de Calais. Voilà les roubaisiens compétiteurs pour le titre de champion de France.

Une première demi-finale du championnat de France oppose le Sport Athlétique Sézannais (champion du centre-est) au Racing Club Roubaix (champion du nord). L’autre demi-finale, c’est le Havre Athlétic Club (champion de Normandie) contre le Racing Club de France (champion de Paris). Le 13 avril, le RCR bat le FC Sézannais (12-1) et le RCF l’emporte sur le HAC (5-1). La finale va donc célébrer les retrouvailles des deux Racing, RCF et RCR sur le terrain du Stade Français à Bécon les Bruyères.

L’équipe du RCR en 1902 doc AmRx

Devant 1500 personnes, les roubaisiens l’emportent par 4-3 après deux heures et demie de match. Albert Dubly marque, Ernest Lesur est blessé par un coup de tête involontaire, continue le jeu, a une défaillance, on le soigne, il reprend le match privé de l’usage d’un œil ! Paris marque trois fois après la reprise, Gadenne et Sartorius rétablissent l’égalité. Émile Lesur est un gardien héroïque devant Allemane et ses shoots merveilleux. Pendant les prolongations, Roubaix marque et gagne le match. Les parisiens portent leurs camarades roubaisiens en triomphe.

Les champions de 1902 Doc BNF La Vie au Grand Air

L’équipe du RCR était composée des joueurs suivants : Ernest Lesur, Émile Mongey, Peacock, Léon Dubly, George Scott, Émile Lesur, Henri Lesur. Assis : Émile Sartorius, J. Lefebvre, Albert Dubly, Gadenne, George Hargrave.

Un banquet amical réunit les compétiteurs au « Dîner français ». A l’arrivée en gare de Roubaix, une superbe réception attend les footballeurs roubaisiens. Tous les membres honoraires et actifs du RCR sont là, ainsi que des délégations des différentes sociétés sportives : l’Aviron, la Roubaisienne, la Boxe Française… Musique en tête, c’est un défilé jusqu’à l’hôtel Ferraille, où la fête se prolonge tard dans la nuit. Roubaix champion de France ! Avec cette victoire, c’est aussi le football qui a gagné ses lettres de noblesse.

Un marcheur roubaisien

Tout comme Maurice Garin dans un autre sport, Louis Lebacquer est un roubaisien d’adoption qui a déjà brillé dans sa discipline la marche, avant que la guerre n’interrompe sa carrière. Né à Paris en Janvier 1919, il a passé ensuite de nombreuses années à Le Cateau dans le Nord avant d’arriver à Roubaix. Louis Lebacquer est un artisan ravaleur de façades, il habitait était 6 rue Inkermann à Roubaix et il avait un garage rue Miln pour entreposer son matériel.

Louis Lebacquer ravaleur de façade en 1965 Photo NE

Le néo roubaisien devient membre de l’académie des sports de Roubaix où il peut ainsi reprendre la pratique de son sport, la marche, que les années de guerre et de captivité ont interrompue. Il participe aux 28 heures de 1961, et finit 4e alors que l’aulnésien Charles Guny réalise le triplé en remportant l’épreuve. Louis Lebacquer est alors âgé de 42 ans. En 1962, il mène l’épreuve de bout en bout et marchera 242 kms. C’est sa première victoire avec une tactique qu’il n’abandonnera pas les années suivantes.

Victorieux en 1962 Photo NE

En 1963, Louis Lebacquer gagne les 28 heures pour la seconde fois, un tantinet déçu de ne pas avoir battu le record de distance de Gilbert Roger (250 kms), il s’en faut de quatre kilomètres. En 1964, l’épreuve se déroule en juin et se trouve réduite à 22 heures. Louis Lebacquer l’emporte pour la troisième fois devant un autre membre de l’ASR, Francis Strunc. L’épreuve de 1965 retrouve le mois de septembre et un Louis Lebacquer arborant un beau maillot de champion de France. Bien qu’il soit l’homme à battre, il ne change rien à sa tactique, attaque très tôt et creuse l’écart. Il remporte les 28 heures pour la quatrième fois. En 1966, Louis Lebacquer, devenu Ptit Louis pour ses supporters, s’est fixé comme objectif de battre le vieux record de Gilbert Roger. Ce qu’il fera en remportant l’épreuve pour la cinquième fois et en parcourant 255,540 kms.

L’année du record 1965 Photo NE

En 1967, populaire et imbattable sur son épreuve de prédilection, Louis Lebacquer parle de retraite, il est vrai qu’il approche la cinquantaine. Néanmoins il remporte les 28 heures pour la sixième fois. En 1968, malgré des conditions atmosphériques difficiles, il est à nouveau vainqueur, pour la septième fois. 1969 est l’année de la transition pour les 28 heures. L’organisation de l’épreuve passe de la défunte Académie des Sports de Roubaix au toujours vaillant Racing Club Roubaisien. Louis Lebacquer a cinquante ans et il a déjà remporté quelques épreuves avant de s’aligner au départ des 28 heures. Subissant une défaillance, il est contraint à l’abandon. Il sera tout de même à l’arrivée pour féliciter le vainqueur, le normand Landreau. Ptit Louis sera au départ de l’édition de 1970. Après un beau duel avec le luxembourgeois Josy Simon qui restera toujours à une quinzaine de minutes de lui, Louis Lebacquer sera intraitable et remportera l‘épreuve pour la huitième fois. C’est là sa dernière participation en tant que marcheur.

La huitième victoire Photo NM

Raymond et ses frères

S’il est une famille qui a beaucoup donné pour le football roubaisien et en particulier pour le Racing Club de Roubaix, c’est bien la famille Dubly. Le négociant Henri Dubly (1842-1918) et son épouse Hermance Parent (1850-1922) ont en effet eu neuf enfants dont la plupart ont pratiqué ce digne sport. Suivons donc chronologiquement leur descendance et évoquons les souvenirs qu’ils ont pu laisser.

Il faut tout d’abord préciser que ces jeunes gens n’étaient pas que des footballeurs. En effet, une fois la saison terminée, ils s’adonnaient à d’autres activités sportives telles que la course à pied, l’aviron entre autres sports. Ils incarnaient alors la figure des sportsmen, et cela leur valait une condition physique irréprochable.

Léon Dubly photo Bibliothèque Nationale de France

L’aîné, Léon Dubly né le 23 septembre 1874, fut le capitaine de l’équipe du RCR qui fut cinq fois championne de France, en 1902, 1903, 1904, 1906 et 1908. Maurice Dubly né le 17 juillet 1876, fut international, c’était un joueur fort brillant doué d’une force herculéenne. On n’a pas d’information précise sur les cinq suivants : Léon Ernest né le 29 mars 1878 est voyageur de commerce pour la maison parentale, il se marie à Lille en 1904. Paul Louis né le 17 janvier 1880 s’est marié au Havre en 1910. Albert né le 3 septembre 1881 était docteur en médecine. Pierre Raymond né le 13 septembre 1883 était agent de change. Rien de particulier sur André né le 17 novembre 1884. Il est probable que ces jeunes gens sont passés par le RCR avant d’aller construire leur vie sous d’autres cieux.

Par contre Jean Dubly, né le 9 août 1886 à Roubaix, évoluait au poste de défenseur au RCR de 1908 à 1909. Durant cette saison, il connaît sa première sélection en équipe de France de football qui lors des Jeux olympiques de 1908 rencontre l’équipe du Danemark de football le 22 octobre. Les Danois s’imposent largement sur le score de 17 à 1. Il sera équipier de Bradford City lorsqu’il partira s’installer en Angleterre.

Raymond Dubly photo site Le Ballonrond.fr

Puis sans doute le plus connu, Raymond Dubly né le 5 novembre 1893, le cadet de la fratrie. Il pratique le football en Angleterre de 1909 à 1910 à Uckfield FC durant ses études. De retour en France, il rejoint le club de ses frères en 1911 : le Racing Club de Roubaix. Il s’impose rapidement comme un titulaire de l’équipe première. L’USFSA le sélectionne dès 1911 pour affronter la Bohème. Raymond Dubly comptera 31 sélections en équipe de France entre février 1913 et mai 1925 pour 4 buts et 16 passes décisives. En plus de ces matchs « officiels », il convient d’ajouter les Jeux Interalliés et les tournées de l’équipe de France restées officieuses en Yougoslavie (1921) et en Norvège (1922). Dubly était alors capitaine des Bleus.

Un Jules Dubly était membre de l’Union Sportive Tourquennoise, autre grand club de l’époque. C‘était sans doute un cousin. On imagine sans peine une équipe spécifiquement Dubly, n’était-ce la différence d’âge entre les membres de la fratrie.

Michel Bernard vainqueur à Roubaix en 1960

 

Michel Bernard en pleine action au parc municipal des sports de Roubaix Photo NE

En février 1960, Michel Bernard s’aligne au départ du cross du Racing Club de Roubaix patronné par Nord éclair. L’organisation est confiée àMM Masse, Moerman, Stevens et Quero du RCR aidés par MM Bolle etDepinoy de la LFA (ligue française d’athlétisme). C’est une jolie promotion pour le vieux club roubaisien omnisports car Michel Bernard est la vedette de l’athlétisme français et il se prépare activement à participer aux jeux olympiques qui se déroulent à Rome. Un bon millier de curieux est donc venu assister au parc municipal des sports à la participation du champion de France  à cette épreuve.  Le départ est donné et trois hommes prennent rapidement la tête : Michel Bernard, le tourquennois Wagnon et le liévinois Caillerets. Le champion de France accélère la cadence et termine avec une minute et trente secondes d’avance. Ses deux compagnons d’échappée se disputent la seconde place qui revient finalement à Caillerets.

Bien entouré après son arrivée Photo NE

À l’issue de la course, Michel Bernard est interrogé sur sa participation future au National pour lequel il réserve encore sa réponse. C’est l’année des jeux olympiques de Rome. Michel Bernard pense d’abord à sa préparation physique, il ne faut pas risquer une blessure ! L’année suivante, Bernard reviendra à Roubaix pour remporter pour la deuxième fois le cross du Racing Club de Roubaix.

Michel Bernard est un des leaders de l’athlétisme français des années 50-60, finaliste olympique du 1500 m et du 5000 m (7e) aux JO de Rome en1960. Son ami et concurrent Michel Jazy est médaillé d’or sur 1500 m. Quatre ans plus tard à Tokyo, Michel Bernard obtient son meilleur résultat olympique avec une sixième place au 1500 m. Président de la FFA de 1985 à 1987, fondateur du meeting en salle de Liévin, Michel Bernard s’est éteint le 14 février 2019 à Anzin.