De Motte-Bossut aux Archives Nationales du Monde du Travail

C’est en 1983 que la décision est prise de créer des CAMT (Centre des Archives du Monde du Travail). Le premier site sera sur Roubaix, dans un bâtiment emblématique : l’usine Motte-Bossut, une des plus grandes usines textiles de Roubaix, aujourd’hui désaffectée, au cœur de la cité textile nordiste. L’État décide, dans le cadre de la décentralisation de ses services en région d’installer les Archives nationales du monde du travail dans la nef principale de l’usine. L’architecte Alain Sarfati, maître d’œuvre de l’ensemble de la transformation, choisit d’évider la partie centrale en maintenant les structures et en privilégiant l’apport de lumière naturelle. Avec ses 40 kilomètres linéaires d’archivage, ses salles d’exposition et de conférences, c’est un projet d’envergure nationale qui doit changer le visage de Roubaix.

La réhabilitation de Motte Bossut doc ANMT

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Platt frères

La société Platt frères est installée boulevard de Lyon depuis fort longtemps. En voyant ce site fermé depuis plusieurs années, le curieux peut se demander d’où vient cette société, et ce qu’elle fabriquait.

En faisant quelques recherches, on trouve au 19eme siècle à Old’Ham en Angleterre une entreprise Platt brothers (ou Platt Bros) qui fabriquent des machines textiles. Elle deviendra dans sa branche l’une des plus importantes d’Angleterre. L’un des membres de cette famille va-t-il s’expatrier en Normandie ? Toujours est-il que, en 1864 et 1866, naissent à Sotteville les Rouen John et William Platt. Leur père, Samuel, né en 1837 est ouvrier régleur de cardes. Après 1880, la famille quitte la Normandie et vient s’installer à Roubaix, où Samuel ouvre avant 1886 une fabrique de cardes et d’outils trempés au 187-189 rue de l’Alma, entre la rue de France et la rue de Tourcoing. L’entreprise prend le nom de Samuel Platt et compagnie.

La société quitte la rue de l’Alma avant 1906, Samuel prenant peut-être sa retraite (il est né en 1837), et l’affaire est reprise par John et William et on la retrouve en 1909 au 108 rue La Fontaine sous la nouvelle raison sociale de Platt frères.

Documents médiathèque de Roubaix et coll. particulière
Documents médiathèque de Roubaix et coll. particulière

Ils sont mécaniciens constructeurs, fabriquent de l’outillage nécessitant une trempe. La porte cochère conduit à une cour dans lequel se trouve l’atelier. Ils resteront à cette adresse jusqu’en 1924, date à laquelle ils installent d’abord leurs bureaux, puis l’entreprise elle-même boulevard de Lyon au numéro 106 à partir de 1926. Ils se spécialisent alors dans la fabrication de cardes destinées à l’industrie textile.

L’usine occupe un terrain qui s’étend jusqu’à la rue Ingres, d’où on aperçoit une cour servant aux chargements et déchargements. La grand porte métallique du Boulevard de Lyon sert à l’entrée du personnel. A sa droite se trouvent les bureaux techniques, dont la première fenêtre est celle du responsable d’atelier. Les bureaux situés à gauche de la porte métallique sont beaucoup plus récents et abritent les personnels administratifs et commerciaux qui ne figurent pas encore sur cette photo aérienne de 1962 :

Document IGN

La fabrication comportait plusieurs opérations. A partir d’un ruban d’acier reçu en bobine, on commence par l’emboutissage des dents. Puis le ruban est étire, passe dans un four à induction pour être préchauffé, puis sur les rampes à brûleurs à gaz pour être chauffé au rouge. Il traverse ensuite un bain contenant de l’huile pour être trempé et acquérir la dureté nécessaire. Ensuite, les dents sont avivées sous un jet d’huile de coupe. En bout de chaîne, le ruban est reçu sur un rouleau, puis emballé et expédié. Dans certains cas, le ruban est enroulé en hélice sur un tambour de carde pour emploi direct, mais, le plus souvent, le ruban est installé sur la machine par les soins du client.

Quelques étapes de la fabrication – photos DR
Quelques étapes de la fabrication – photos DR

Jusque dans les années 80, toutes les machines étaient anglaises, ainsi que les pièces détachées. A chaque panne, il faut attendre que les pièces arrivent d’Angleterre. L’alimentation de la chaîne se fait à la main, mais, à partir des années 60-70, la vitesse de parcours du ruban est régulée automatiquement, d’abord avec des platines électroniques pilotant des armoires à relais. Dans les années 90, on transforme et on améliore les machines avec des pièces françaises, et on en ré-automatise l’asservissement et la commande avec des automates français Télémécanique au départ, puis Siemens. Cette technologie n’a plus évolué jusqu’à la fin (pas d’informatisation). Dans les derniers temps, le directeur de production est belge.

Une armoire de commande - Photo DR
Une armoire de commande – Photo DR

Mais l’entreprise éprouve des difficultés et est contrainte à la fermeture. La société Bekaert tente en 2004 de reprendre l’activité, mais a doit, elle aussi, fermer en 2008. Elle regroupe aujourd’hui ses activités à Armentières. Depuis cette époque, le site est une transformé en friche industrielle. On pense y construire des logements, mais le terrain est peut-être pollué, ce qui retarde les choses.

Remercions Daniel pour sa collaboration.

 

Photos Jpm
Photos Jpm

 

 

 

 

Les débitants réunis

En février 1986, la Voix du Nord titre : « La Brasserie Deher est proprement dépecée et transportée à St Omer ! ». Le journal explique que la brasserie a fermé ses portes en septembre 1985, mais que l’entreprise Bonnet Baudouin est chargée de récupérer le matériel racheté par les caves de St Arnould pour le réinstaller à St Omer, dans les locaux de l’ancienne brasserie artésienne, devenue ensuite la brasserie de St Omer. C’est la fin d’une histoire roubaisienne commencée en 1904.

Document La Voix du Nord
Document La Voix du Nord

A cette époque, s’installe tout au bout de la rue du Luxembourg une brasserie coopérative qui prend le nom des « débitants réunis ». D’après un encart publicitaire inséré dans le programme des fêtes de bienfaisance de 1925, elle démarre son activité le 21 mars 1905. Elle est à l’origine fondée par 11 actionnaires cabaretiers. Ces actionnaires seront plus de 300 en 1923, et elle doit son essor « à ses principes si justes et si égalitaires, qui sont sa raison d’être ». Sa renommée grandit au fil du temps et elle supplante petit à petit bien d’autres brasseries roubaisiennes.

Document médiathèque de Roubaix
Document médiathèque de Roubaix

Les locaux sont situés juste avant la gare de débord de l’Allumette, entre la voie ferrée et l’extrémité de la rue du Luxembourg.. La brasserie s’étend peu à peu : en 1910, on construit sur un terrain resté libre une malterie et un logement pour le directeur de la brasserie ; en 1922, un bâtiment à étage le long de la gare de débord s’ajoute aux autres, et en 1927, une écurie pour 15 chevaux…

Documents archives municipales et la Voix du Nord
Documents archives municipales et la Voix du Nord

La brasserie prend en 1974 l’appellation brasserie Deher dans le Ravet-Anceau, nom hérité d’une de ses productions phares, la bière Deher. Elle aura eu au final, une existence très longue, et les roubaisiens lui auront constitué une clientèle fidèle. C’est l’une des dernières brasseries locales à disparaître.

Document Médiathèque de Roubaix
Document Médiathèque de Roubaix

 

 

Le peignage des bords du canal

Dès la fin des années 1840, Léon Allart introduit l’un des premiers peignages mécanisés de laine à Roubaix, profitant de l’invention récente de la peigneuse mécanique. Il installe son usine le long de l’ancien canal, comblé ensuite et devenu le boulevard Gambetta, et fabrique également du feutre pour l’habillement (en particulier pour les chapeaux) et l’ameublement.

Document archives départementales
Document archives départementales

Le peignage prend très vite de l’extension et participe à des expositions.

Le journal de Vienne 1905
Le journal de Vienne 1905

Il traverse grèves et incendies, mais aussi la grande guerre.

L'Egalité 1903 et l'Express du Midi 1904
L’Egalité 1903 et l’Express du Midi 1904

L’entreprise Allart devient ensuite Allart-Rousseau, puis la Compagnie Générale des Industries Textiles.

Document collection particulière
Document collection particulière

Mais l’usine, qui a employé jusqu’à 1200 ouvriers, est victime de la crise et doit fermer ses portes en décembre 1935. Le journal de Roubaix annonce en 1937 sa démolition prochaine, mis à part le bâtiment de gauche, relativement récent, qui va être épargné. Le journal évoque plusieurs projets possibles pour occuper le terrain, dont celui d’un lotissement. Il évoque également la possibilité d’élargir la rue Nadaud au même gabarit que le boulevard de Strasbourg. Une grande partie de l’usine est rasée en 1937-38, mais les bâtiments situés de l’autre côté de la rue Nadaud subsistent. Le même journal annonce en 1941 la démolition du cette partie de l’usine.

Documents Journal de Roubaix 1937 et 1941
Documents Journal de Roubaix 1937 et 1941

C’est l’entreprise Vandecasteele, rue du Fresnoy qui procède aux travaux. La démolition se termine par l’abattage de l’ancienne cheminée qui dominait le peignage. Le journal se félicite de l’élargissement de la rue Nadaud « admirablement dégagée, … [elle] ne fait plus qu’un avec le boulevard de Strasbourg, dont elle continue la sobre perspective ».

La cheminée et la rue Nadaud. Documents Journal de Roubaix 1942
La cheminée et la rue Nadaud. Documents Journal de Roubaix 1942

Le bâtiment épargné, près du petit Lycée est aujourd’hui reconverti en Lofts. L’ancienne ruelle des 15 ballots, reliant autrefois la grand rue et le boulevard, existe toujours, même si elle a perdu son nom et son statut dans la voirie urbaine pour devenir le parking privé de la résidence.

L'ancienne rue des 15 ballots, qui desservait l'usine – photo Jpm.
L’ancienne rue des 15 ballots, qui desservait l’usine – photo Jpm.

Sur l’espace libéré par l’ancienne usine vont se construire, au début des années 50, les collectifs du Galon d’eau.

 

La briqueterie des Hauts Champs

Le Ravet-Anceau de 1900 nous présente, sous la rubrique fabricants de briques, la société Delecourt frères, située 50 boulevard de la République. Sont-ce ces mêmes frères qui prennent ensuite leur essor chacun de son côté ? Toujours est-il qu’à partir de 1925 apparaît au 47 rue de l’Amiral Courbet le siège social de la société Alfred Delecourt, installée jusque là à Rosendaël, près de Dunkerque. Cette société, spécialisée précédemment dans les briques silico-calcaires, voisine alors dans le Ravet-Anceau avec une autre société, celle d’Alphonse Delecourt et fils qui possède plusieurs briqueteries dans la métropole lilloise. Y a-t-il un rapport familial entre tous ces Delecourt, briquetiers ?

La raison sociale de l’entreprise de la rue de l’Amiral Courbet devient vers 1930 Alfred Delecourt, fils et gendre, alors que son activité s’exerce sur la plaine des Hauts-Champs, ainsi que l’attestent les photos aériennes de l’époque.

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L’entrée de l’entreprise s’ouvre face à la rue du chemin vert, et dans son prolongement. Elle comporte un vaste bâtiment servant de four pour cuire les briques, surmonté d’une haute cheminée, et d’un grand nombre de séchoirs, disposés parallèlement les uns aux autres et constitués d’une simple toiture, sous laquelle sèchent les briques récemment moulées. On extrait l’argile des terres environnantes grâce à un système mécanique de chaînes de godets qui raclent la surface supérieure du sol. Des wagonnets parcourent les emprises pour transporter les terres extraites et les amener à l’atelier de moulage des briques.

La briqueterie en 1947 – document IGN
La briqueterie en 1947 – document IGN

Tout ceci formait un ensemble imposant qui couvrait une bonne partie du quartier. Sa production a certainement été employée au début des années 30 à la construction des immeubles HBM et de l’église Sainte Bernadette qu’on voit au premier plan sur la photo suivante, datant de 1956, et sur laquelle on distingue les bâtiments de la briqueterie, et sa haute cheminée :

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Nord Matin, dans un article de 1951, nous présente cette entreprise. L’article précise que la société aurait été fondée en 1892 rue de l’Union (?). On y apprend qu’elle est dirigée depuis de nombreuses années par M. Camille Verkest, que les séchoirs représentent une surface de 12000 mètres carrés, et que la production de l’usine est de 30 000 briques par jour.

Vue générale de l'usine et détail d'un séchoir – Photos Nord Matin
Vue générale de l’usine et détail d’un séchoir – Photos Nord Matin

L’activité de la briqueterie ne dépassera pourtant pas la fin des années 50 : les années qui suivent vont voir la construction des grands ensembles qui constituent aujourd’hui le quartier, et notre briqueterie va être démolie progressivement pour faire place à ces immeubles qui, commençant par l’enserrer, vont finalement l’investir entièrement.

Photos IGN
Photos IGN

Pendant une période transitoire, les activités de la briqueterie sont arrêtées et la société place un gardien pour éviter que les enfants des premiers immeubles construits ne s’approprient les lieux. Peine perdue, et nombreux sont les témoignages de jeux dangereux sur les emprises de l’entreprise: les wagonnets sont pris d’assaut, ainsi que les trous provoqués par l’extraction, désormais remplis d’eau ! Finalement, les constructions rasées et les remblais effectués, la construction du nouveau quartier se poursuit.

L’ancienne briqueterie dans le nouveau quartier

Les autres documents proviennent des archives municipales.

L’ entreprise Cordonnier

Venant de la rue de Mouvaux, et à gauche de la rue, passés quelques commerces et maisons particulières, les établissements Cordonnier s’étendaient sur un vaste terrain circonscrit par les rues de Mouvaux, Boucher de Perthes et la voie ferrée.

Ils étaient constitués de deux bâtiments hauts, placés l’un sur la rue du Luxembourg, l’autre le long de la voie ferrée. Deux autres ensemble d’ateliers étaient situés le long de la rue de Mouvaux d’une part, et de la rue Boucher de Perthes d’autre part.

Les anciens établissements Cordonnier en 1962. Document IGN
Les anciens établissements Cordonnier en 1962. Document IGN

L’usine, qui figure déjà dans le plan cadastral de 1884, a pour adresse le 7 de la rue de Mouvaux et figure sous les noms de Louis Cordonnier, fabricant et filateur en 1886 , Louis Cordonnier frères et Léon Screpel, fabricants de tissus en 1895. Ce n’est qu’en 1906 qu’elle apparaît au 15 du la rue du Luxembourg, mais la raison sociale a changé entre-temps : on trouve en effet mention de Masurel-Leclercq, tissage mécanique, puis G. Masurel-Leclercq et fils.

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On la retrouve ensuite sous le nom de filature Lepoutre et Cie en 1914, alors que figure au 5 rue de Mouvaux la société anonyme de tissage, anciens établissements Cordonnier, puis société des anciens établissements Cordonnier, filature de laines peignées. Cette entreprise voisine en 1953 avec la société anonyme Manulaines (laines peignées) au numéro 9. Les différents bâtiments semblent avoir abrité plusieurs activités (au moins filature et tissage).

A près guerre, réside au 15 rue du Luxembourg le dépôt de la SARL des anciens établissements Cordonnier. A partir de 1961 s’installe au numéro 21, partageant les locaux de cette entreprise, la société Westaflex-France, qui fabrique des tuyaux souples, ainsi que, vers 1965, la société logique de l’Electronique (SOCAP Electronique).

Cette dernière société fait place à Westaflex en 1970. Dans une partie de l’usine s’installe en 74 G Devilder, négociant en déchets textile, remplacé en 1979 par G Losfeld, fromager en gros. A cette époque, Cordonnier et Westaflex figurent toujours au Ravet-Anceau à cette adresse.

En 1984 ne restent plus dans l’ancienne usine que Losfeld et Westaflex. On trouvera sur le site, après leur fermeture, les restos du cœur. Le bâtiment le long de la rue de Mouvaux, lui, deviendra un garage (voitures italiennes, puis japonaises) avant d’être démoli assez récemment. (L’exposition des voitures se faisait face à la rue de Mouvaux).

Document Nord Eclair 1990
Document Nord Eclair 1990

La tour située près du chemin de fer a brûlé un 14 juillet au début des années 70, et a disparu. L’autre, celle donnant sur la rue du Luxembourg, est utilisée comme garde-meubles sous l’enseigne de Liberty Box. Tous les bâtiments qui longeaient la rue de Mouvaux ont finalement été rasés, et ont fait place à une pelouse.

Cliché collection particulière.
Cliché collection particulière.

 

Les autres documents proviennent des archives municipales.

 

 

Une quincaillerie rue de Cohem

En mars 1921, Albert Bossu et Camille Dubrulle fondent pour une durée de 25 ans la société Bossu-Cuvelier et Camille Dubrulle, dont le siège social est situé 81-83 boulevard Gambetta. Le but de l’entreprise est la vente et l’achat de métaux. Pour stocker ces métaux, la société a besoin de place. Elle fait donc dans les jours qui suivent l’acquisition auprès de Mme Veuve Motte-Boutemy et ses deux enfants mineurs d’environ 5.000 m² de terres situées rue de Cohem. Jusqu’en 1911, ces terrains faisaient partie de la ferme Watteau, située un peu plus haut dans la rue et comportant deux maisons. La société acquiert également 2700 m² appartenant à M. et Mme Jones avec deux autres maisons frappées d’alignement en bordure de cette même rue. MM. Bossu et Dubrulle comptent utiliser ce terrain pour y installer un dépôt de métaux. Le Ravet-Anceau de 1925 indique qu’au numéro 12 ter habite le magasinier du dépôt, A. Marcq.

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plan 1914

Au fil du temps, la municipalité veut redresser et élargir la rue et, en 1937, une part du terrain contenant les maisons doit être exproprié pour rectifier son tracé. En 1939, c’est M. Devernay qui est concierge sur le site. Vient la guerre, et en 1941 La société Bossu-Cuvelier, demande l’autorisation de construire un baraquement provisoire sur l’emplacement d’un bâtiment qui vient d’être démoli par un bombardement, « pour abriter le veilleur de nuit et entreposer des quincailleries ». Après la guerre, les installations s’étoffent et un plan de 1958 fait état d’un magasin couvert, d’autres bâtiments et d’un pont roulant, alors qu’une photo aérienne de 1953 nous montre un certain nombre de bâtiments, une importante zone de stockage pour les métaux.

Photo IGN 1953

Le concierge en 1965 est N. Massart et 1977 voit la transformation de la façade pour installer une quincaillerie industrielle. Le bardage actuel, vétuste est remplacé ; une vitrine est installée et des cours existantes sont transformées en parking. Le plan de masse des installations montre notamment un embranchement particulier du chemin de fer permettant le déchargement des tôles et profilés métalliques.

Plan 1977

Le magasin ouvre ses portes pour les professionnels, et la publicité contribue à faire connaître le nouveau site.

Document Nord Eclair 1978

Mais l’entreprise a rapidement l’opportunité de s’installer sur un site plus favorable : la fermeture de l’usine Stein libère un terrain situé en contrebas du pont du Sartel, et Bossu-Cuvelier migre vers cet emplacement. L’ancienne usine est démolie et les nouveaux bâtiments la remplacent. C’est ainsi qu’au début des années 90, la société Camaïeu rachète les terrains de plusieurs entreprises, dont Bossu-Cuvelier avenue Brame et rue de Cohem pour y installer ses propres locaux ainsi qu’ un immense parking pour ses employés. Les bâtiments existants sont démolis et les nouveaux s’élèvent bientôt, modifiant complètement l’aspect du quartier.

Documents IGN – en haut Bossu-Cuvelier en 1988, en bas Camaïeu en 2000

 

Les documentsnon IGN  proviennent des archives municipales.

 

 

 

La bonneterie Cavrois et Fils

En 1928 La société des filatures Auguste Cavrois et fils, déjà implantée boulevard Industriel (avenue Roger Salengro), demande l’autorisation de construire un bâtiment «à usage de Bonneterie » à côté de la filature de Maufait, dont le propriétaire est également Auguste Cavrois. L’architecte est le cabinet Sergent et Maury, de Lille. Le plan prévoit un quai latéral élevé de 1m10, sans doute pour le déchargement de wagons provenant de la voie implantée dans l’axe du boulevard industriel. On distingue sur le plan un lotissement d’habitations situé devant l’usine et un autre bâtiment prévu le long du premier ; cette partie du projet ne sera pas réalisée.

Document archives municipales

 Le bâtiment de la bonneterie est de taille relativement modeste, et nécessitera assez vite diverses extensions. Dès 1936 l’entreprise demande un agrandissement des bureaux et l’ajout d’un étage, prévu sur le plan d’origine, mais non encore réalisé ; en 1946 elle fait une autre demande pour l’agrandissement des locaux sur les trois étages, désirant installer des vestiaires et des ateliers de mécanique.

Document archives municipales

La bonneterie mène une existence relativement durable, puisqu’elle figure au Ravet-Anceau jusqu’en 1974. Mais finalement, la crise du textile a raison d’elle : en 1977, s’installent au 135 les établissements J.Defrenne et Cie, entreprise de tissage et draperies. Implantation éphémère, puisqu’elle est rapidement remplacée à son tour. On trouve à cette adresse en 1979 la S.A.R.L Imex F.B , Import-Export, qui prend le nom d’Artimex, en 1981. Cette société toujours présente à cette adresse, partage ses locaux et accueille en 1983 la Halle aux Chaussures. En 1984, la société Gel 2000 vient se joindre aux deux autres dans l’ancienne bonneterie.

 Les locaux sont finalement rénovés complètement et offerts en location, mais, suscitant apparemment peu d’intérêt pour les entrepreneurs, ils restent depuis de nombreuses années vides, en attente de locataires.

Photo jpm

 

La Filature de Maufait

Au début des années 1910 on projette de créer un boulevard Industriel comprenant une voie ferrée centrale entre la gare de Roubaix-Wattrelos, dite gare du Pile, et une autre gare, dite de débord qui se situerait au confluent des avenues Motte et Delory, dans le quartier des petites haies.

Pour cela, il s’agit de prolonger l’avenue Motte, qui s’arrête alors rue de Lannoy, à travers une zone constituée des terres des anciennes fermes de l’Espierre et de Maufait, récemment acquises par les hospices de Roubaix. La première guerre mondiale stoppe ce projet, qui doit attendre le milieu des années 20 pour se concrétiser.

Sans attendre la réalisation effective du boulevard, des industriels, et en particulier Auguste Cavrois, s’installent sur cette zone. Celui-ci fait construire dans l’immédiat après-guerre une filature qui prend la dénomination de « Filature de Maufait » le long du futur tracé du boulevard. On voit sur le plan que le terrain à gauche est au nom de Cavrois, qui ouvrira là une dizaine d’année plus tard la filature Cavrois et Fils. A droite, le terrain est la propriété des hospices.

Plan de 1926 – document archives municipales

Cette usine sera plusieurs fois agrandie et modifiée tout au long de son existence. Dès 1919, M. Bonte fait une demande pour la construction d’une cabine de distribution électrique au coin du chemin menant à l’usine, sur l’emplacement de jardins ouvriers. En 1930 la société fait deux autres demandes concernant l’agrandissement de deux nefs du magasin

Document archives municipales

 Cette même année, l’entreprise demande l’autorisation de construire une rangée de 10 maisons ouvrières sur le type E3 de la maison Roubaisienne le long de l’avenue, devant la filature. Seront-elles réservées aux employés de la filature ? Ces maisons bordent encore l’avenue Roger Salengro aujourd’hui.

Plan archives municipales – Photo Jpm

 D’autres travaux modernisent les locaux : la reconstruction d’une tour réfrigérante au même endroit que l’ancienne en 1936, la construction d’un monte-charge en 1939, et l’agrandissement d’un atelier en 1947. Par ailleurs, la dénomination de la société change au fil du temps : Le Ravet-Anceau fait, au départ, état de la dénomination « Filature de Maufait, laines peignées » au 105 Boulevard Industriel. Dès 1932 un changement de numérotation fait passer l’adresse au 137, puis 139 en 1935. En 1939 la société devient « Etablissements Bonte et Cie », puis en 1953 « Filature de Beaurepaire, Etablissements Bonte et Cie ». En 1959 l’intitulé redevient « Etablissements Bonte et Cie (Filature de Maufait) ».

L’entreprise n’échappe pas à la crise du textile, et notre filature finit par disparaître du Ravet-Anceau en 1984. Les bâtiments survivent quelque temps à l’entreprise : une photo aérienne de 1988 nous montre l’usine en place. Elle sera pourtant remplacée par un lotissement bâti autour de la rue Henri Delvarre.

Le site de la filature en 1964 et de nos jours – photos IGN

 

Histoire d’une filature

Le 18 avril1893, Carlos Masurel-Leclercq, alors âgé de 31 ans et demeurant 78 boulevard de Paris, demande l’autorisation de construire une filature de coton sur le boulevard de Fourmies. Cette voie, récemment construite, s’arrête alors à la place de l’Avenir (future place Spriet).  Sa prolongation jusqu’à la future avenue Motte ne sera pas décidée avant 1896. L’usine sera construite sur un terrain situé à droite en venant de la place du Travail, et s’étendant jusqu’à la rue Henri Régnault. La façade de l’usine doit se prolonger vers la gauche par un mur de clôture interrompu par un portail d’accès, lui même suivi de la maison du concierge. Le bâtiment compte trois étages et six modules d’une fenêtre surmontés chacun d’un toit pointu, ainsi qu’une tour abritant un monte-charge.

Le plan original – Document archives municipales

Ce sont les premières années d’existence du boulevard, et on y trouve seulement l’usine Ternynck et fils, et l’estaminet Dubron. En 1903, notre filature prend le numéro 20, alors que le numéro 1, première maison sur le trottoir d’en face, abrite le directeur de l’usine H. Rive. Au 28, juste à côté de la maison du concierge, s’installe l’estaminet Herbaut.

En 1905, la filature change de raison sociale, et prend le nom de Dazin-Motte Fils. Le nouveau propriétaire demande en 1909 l’autorisation d’agrandir l’usine. Le plan joint à la demande prévoit 7 modules-fenêtres supplémentaires identiques aux anciens, mais sans la toiture en pointe correspondant. Une nouvelle demande d’agrandissement est faite en 1927. L’entreprise se préoccupe du bien-être de ses employées, avec une demande de construction pour une garderie d’enfants déposée en 1926. On distingue également sur les photos aériennes des jardins aménagés pour les ouvriers près de l’usine le long de la rue Bernard Palissy. Une photo datant des années 30 montre par ailleurs que la tour d’angle a été surélevée de deux étages.

Photo collection Bernard Thiebaut

Les photos aériennes depuis les années 30 montrent l’usine dans son état définitif. On y voit nettement deux extensions au bâtiment principal, ne comportant pas de toits pointus comme la construction d’origine. On distingue également les jardins ouvriers et la disposition interne de l’usine avec un bâtiment derrière la maison du concierge et deux bâtiments annexes situés le long de la rue Henri Régnault.

Photo IGN 1962

Cette photo nous montre l’usine à la fin de son existence, puisqu’elle va disparaître en 1963.Un reportage de la Voix du Nord de l’époque nous montre le bâtiment en cours de démolition et nous apprend que les travaux ont donné lieu à un accident puisque le vent, soufflant en tempête, a fait s’écrouler un mur affaibli par les travaux, tuant un ouvrier qui se trouvait là.

Photo La Voix du Nord

Le terrain de l’ancienne usine reste en friche très longtemps, et des photos de 1970 nous montrent cette zone transformée en terrain vague, les restes des anciens bâtiments, et de nombreux gravats. Cette situation perdure au delà de la construction de la résidence Palissy, érigée à l’emplacement du bâtiment principal de la filature.

Documents archives municipales

Ainsi se scelle le destin d’une des nombreuses entreprises textiles roubaisiennes, qui prélude à bien d’autres disparitions.