Les bijouteries « Vieille »

Dans les années 1950, Marc Vieille est ouvrier horloger dans une petite entreprise à Morteau dans le Doubs. C’est l’époque où les commerçants en horlogerie se déplacent chez leurs fabricants pour y effectuer leurs achats en montres, pendules et réveils. G. Dallenne, horloger installé à Roubaix au 30 rue du Moulin, est reçu par Marc Vieille. Au cours de l’entretien, le commerçant lui annonce son intention prochaine de céder son affaire. Marc est ambitieux et souhaite créer un jour son commerce. Il étudie alors, la possibilité d’enfin s’installer à son compte.

L’affaire est conclue, et en 1960, Marc et son épouse Yvette quittent leur Doubs natal et arrivent à Roubaix avec leurs 3 enfants pour gérer leur commerce à l’enseigne : « AU 4° TOP ».

Publicité 1966 ( document Nord Eclair )

Marc a un très grand savoir-faire en horlogerie, Yvette a un sens inné du commerce. Ils ne comptent pas leurs heures de travail et les affaires fonctionnent de façon très satisfaisante. En 1967, ils achètent la maison voisine, au 28 de la rue, ( rebaptisée rue Jean Moulin ) à Roger Gaspar négociant en vins.

Ils font appel à Marcel Cauwel décorateur situé au 50 rue de Lille pour la transformation de la façade et l’aménagement complet de l’intérieur. Cet agrandissement leur permet de développer des gammes de bijouterie et d’orfèvrerie.

Publicité 1971 ( document collection privée )

En 1977, Auchan V2 s’ouvre à Villeneuve d’Ascq. Un nouvel hypermarché, certes, mais cette fois-ci, avec une énorme galerie marchande sur deux niveaux. Marc saisit l’opportunité et implante son magasin à l’enseigne « Vieille » dans une cellule, que le centre commercial lui propose. Il décide d’intégrer le groupement de détaillants bijoutiers indépendants :  »Alliance 2000 ».

Le magasin Vieille dans la galerie marchande Auchan V2 ( document P. Vieille )
Publicité commune aux deux magasins en 1978 ( document collection privée )

Le succès est immédiat ; Marc Vieille continue son envie d’entreprendre, et agrandit son magasin à V2 en reprenant la cellule voisine de son commerce, puis en créant un autre point de vente, toujours à V2 à l’enseigne « Place Vendôme » à un emplacement un peu plus éloigné. Marc Vieille devient président de l’association des commerçants de V2 en 1979.

agrandissement du magasin ( document P. Vieille )
le magasin « Place Vendôme » à V2 ( document P. Vieille )

Marc est toujours ambitieux, curieux et insatiable. Il continue donc son développement en ouvrant un magasin dans le centre commercial Auchan à Leers, dans les années 1980.

le magasin de Leers ( document P. Vieille )

Au début des années 1990, son énorme envie d’entreprendre l’amène à ouvrir un magasin toujours à l’enseigne « Vieille » dans le magnifique centre commercial à « Euralille » et en 1998 enfin, un magasin dans la galerie d’Auchan Roncq.

le magasin d’Euralille ( document P. Vieille )

Marc est récompensé d’un Mercure d’Or , en 1996 par le ministère du Commerce et de l’Artisanat

Mercure d’Or ( document P. Vieille )

Marc prend sa retraite à 67 ans, ferme le magasin de détail de la rue Jean Moulin, mais continue de gérer la comptabilité et les boutiques des galeries marchandes des centres commerciaux.

Marc et Yvette dans leur magasin de Roubaix en 1996 ( document Nord Eclair )
documents Nord Eclair

Marc a toujours entretenu d’excellentes relations avec ses confrères. En 2001, lorsque Eric Belmonte, le Président de la chaîne de magasins « Histoire d’Or » lui propose de reprendre ses 4 magasins, Marc accepte, car c’est encore une occasion à saisir. Les 4 magasins prennent donc l’enseigne Histoire d’Or. Les salariés des boutiques Vieille gardent leur emploi. La société de Marc Vieille est dissoute.

Son fils, Patrice qui l’aidait depuis de nombreuses années, décide de créer son atelier dans les locaux de la rue Jean Moulin. Il assure le S.A.V pour la réparation des articles de bijouterie, pour les particuliers et les confrères détaillants.

L’atelier du 28 30 rue Jean Moulin en 2008 ( documents archives municipales )

En 2011, Patrice Vieille décide de vendre l’immeuble du 28 30 rue Jean Moulin pour installer son atelier dans un espace plus spacieux et mieux adapté. Il s’installe en 2011 au 13 Boulevard Leclerc, où il est toujours de nos jours. Patrice assure la création, la transformation et la réparation de bijoux. Les affaires sont florissantes, et de nos jours, une douzaine de personnes travaillent dans l’entreprise.

( documents P. Vieille )

Maxime Vieille, le fils de Patrice, travaille dans l’atelier depuis une vingtaine d’années. Il prendra la succession, lorsque Patrice prendra une retraite bien méritée, d’ici peu.

Depuis 1960, trois générations ont donc développé l’entreprise Vieille : plus de 60 années d’expérience et de professionnalisme au service de la clientèle.

Maxime et Patrice Vieille dans leur atelier ( Photo BT )

Remerciements à Patrice et Maxime Vieille ainsi qu’aux archives municipales.

Les bijouteries Jouvenel

Jules Jouvenel naît à Bruxelles en 1900. En 1914, suite à la déclaration de la guerre il part en exode à Londres en Anglerterre. Il trouve un travail à Wimbledon, sur le terrain d’aviation : il apprend sur le tas à réparer des tableaux de bord de navigation aérienne, des instruments à aiguilles. Il se passionne alors pour cette activité nouvelle. A son retour en 1919, Jules est bien décidé à créer son commerce. Il se perfectionne dans un atelier d’horlogerie à Roubaix. Il reprend en 1921, le commerce  »A la Gerbe d’Or » d’ Eugène Clauss horloger, bijoutier, opticien au 154 rue de l’Alma.

Jules se marie avec Mathilde. Ils ont deux enfants : Pierre né en 1927 et Jean-Claude né en 1933.

Jules, Mathilde et Pierre en 1927 devant le magasin au 154 rue de l’Alma ( document D. Jouvenel )

Dans les années 1930, Jules Jouvenel développe son commerce de façon importante. Son expérience est reconnue et appréciée de la clientèle. Il vend des marques célèbres, comme les carillons Westminster, mais également les réveils Jaz, les montres Lip et Oméga. Il commence à transformer des vieux bijoux en créations originales.

Publicité 1932 ( document collection privée )

Dans les années 1940, l’aîné des deux garçons, Pierre, devenu adolescent, commence à apprendre le métier. Jules délaisse peu à peu l’activité d’opticien, pour se consacrer à ses deux passions : l’horlogerie et la bijouterie.

la façade en 1950 ( document D. Jouvenel )

L’affaire de Jules et Mathilde se développe fortement, et le manque de place se fait cruellement sentir. L’occasion se présente en 1956, lorsque la maison voisine au 156 de la rue de l’Alma se libère. Jules en fait l’acquisition et transforme complètement le 154 et 156 en un seul point de vente. Les travaux sont confiés à Fernand Rotty 24 ter rue Stephenson. La nouvelle façade de couleur grise et rouge foncé est magnifique.

Le 154 156 rue de l’Alma en 1956 ( document D. Jouvenel )

En 1952, le fils aîné, Pierre, ouvre son magasin à Lys lez Lannoy au 112 rue Jules Guesde.

Tous les ans au mois de Juillet, se déroule la braderie de la rue de l’Alma ; c’est l’occasion de proposer l’ensemble des produits du magasin avec une baisse de prix.

Publicité braderie ( document collection privée )

Jean-Claude abandonne son poste d’employé comptable au tissage Emile Toulemonde, pour aider son père à l’atelier d’horlogerie et se consacrer à temps plein au commerce de ses parents.

Jean- Claude dans l’extension du magasin en 1956 ( document D. Jouvenel )

Jules prend sa retraite à la fin des années 1960. Jean-Claude et son épouse Christine reprennent le magasin de la rue de l’Alma en 1970, et font appel en 1977 à l’entreprise de Christian Dupont à Tourcoing pour un nouvel habillage de la façade du magasin, en couleur gris anthracite et acier.

La façade en 1978 ( document D. Jouvenel )

La 3° génération Jouvenel arrive !

Jean-Claude et Christine ont 5 enfants : 4 garçons et une fille.

Les 4 garçons sont apprentis et apprennent le métier, soit horloger, soit bijoutier et sont prêts à assurer la relève.

La relève en 1978, de gauche à droite : Damien, Christine, Anne-France, Mathilde, Stéphane, Jean-Claude ( document D. Jouvenel )

– Stéphane se spécialise en horlogerie, il passe son diplôme à l’école d’horlogerie de Morteau, il ouvre un magasin au 85 rue de Mouvaux puis part s’installer à Bergues en 1996.

– Xavier diplômé également en horlogerie, reprend le magasin, de son oncle Pierre, du 112 rue Jules Guesde, puis ouvre un magasin quelques années plus tard, à Lannoy au 6 rue des canonniers

le magasin de Lannoy ( Photo BT )

– Damien, après son apprentissage chez un maître joaillier à Lille, s’installe en 1982  »bijoutier en chambre » c’est à dire qu’il travaille en tant qu’artisan-bijoutier à son domicile personnel, rue Léon Marlot à Roubaix. Il crée des bijoux et assure le SAV des bijoutiers roubaisiens : Bousquet et Soyez : confrères et amis.

– Christophe fait des études commerciales, et aide son père Jean-Claude à gérer le magasin de la rue de l’Alma

Publicité commune aux magasins 1988 ( document collection privée )

Dans les années 1990, Jean-Claude et Christine refont complètement le magasin de la rue de l’Alma, intérieur et extérieur, pour un accueil encore plus chaleureux de leur clientèle.

Jean-Claude devient, en 1978, président de l’association des commerçants de la rue de l’Alma.

( documents D. Jouvenel )
( document D. Jouvenel )

En 2002, Jean-Claude et Christine Jouvenel prennent leur retraite. Christophe reprend le magasin de la rue de l’Alma.

La devise de Christophe, c’est : l’expérience au service de la clientèle. Il propose :

– un choix immense de montres avec des marques prestigieuses Festina, Lorus et Bayard

– des bijoux en or garanti 18 carats et non pas 9 carats comme beaucoup de concurrents

– des possibilités de création et de transformation de bijoux

– le rachat d’or au meilleur prix.

( document D. Jouvenel )
Christophe Jouvenel ( document D. Jouvenel )

Damien Jouvenel et son épouse Jocelyne, font l’acquisition en 2001, d’un terrain avenue Gustave Delory à l’angle de la rue Edouard Vaillant, pour y créer leur magasin et atelier. Damien et Jocelyne proposent leurs services de réparation, transformation et création de bijoux sur mesure.

( documents archives municipales et photo BT )
( document collection privée )

Guillaume, le fils de Damien Jouvenel, passe 4 années de formation en bijouterie à Namur en Belgique, puis 3 années à Saint-Amand-Montrond où il obtient le brevet de métier d’art en joaillerie. De retour à Roubaix, il prend le relais de son père qui prend sa retraite, en 2020.

La 4° génération Jouvenel arrive . . .

( document D. Jouvenel )

Jouvenel, c’est un nom, une tradition, un savoir faire, un métier de passion depuis 4 générations, depuis un siècle, puisque l’entreprise a été créée en 1921 à Roubaix.

Le savoir faire familial centenaire !

( document D. Jouvenel )

Remerciements à tous les membres de la famille Jouvenel ainsi qu’aux archives municipales,

La bijouterie Soyez

Au début des années 1900, le 7 de la rue Pierre Motte est composé de deux magasins jumeaux : le 7 et le 7 bis.

Les magasins jumeaux 7 et 7 bis ( document collection privée )

Sur cette photo, à gauche le N° 7 est une bijouterie tenue par M et Mme Desagre-Verfaillie. A droite, au N° 7 bis, se trouve l’imprimerie Castelain.

( document collection privée )

Au N° 7, la bijouterie du couple Desagre-Verfaillie est un commerce de bijoux, certes, mais également d’articles religieux, cadres photos, articles fumeurs, meubles. On peut se demander comment gérer autant d’articles dans une si petite échoppe, car le magasin est peu profond, et très étroit. La maison Verfaillie a été crée en 1880.

( document collection privée )
( document collection privée )

Au N° 7 bis, F. Castelain a créé son commerce en 1895. Il imprime des journaux, des brochures, des catalogues, des registres. Il vend également des articles de papeterie et des cartes postales. Curieusement, sur leurs publicités de l’époque, les deux commerçants préfèrent indiquer leur adresse : Place des Halles, plutôt que le 7 rue Pierre Motte, probablement car leurs points de vente se trouvent juste en face des célèbres Halles de la ville, que tous les roubaisiens connaissent. Pendant de très nombreuses années, les deux magasins vont rester jumeaux : Au N° 7 bis – Le commerce est repris par un ébéniste : J. Herbeau dans les années 1910, puis deviendra un magasin de chaussures tenu par Mlle Chavet dans les années 1920 et par G. Rouzé dans les années 1930-1940.

Au N° 7 – Albert Soyez et son épouse Jeanne, née Delerue, reprennent le commerce d’Hélène Verfaillie, vers 1910. Il était installé bijoutier, au 133 rue de Lannoy, et son souhait est de se rapprocher du centre ville. Il décide de se limiter uniquement au commerce de bijoux, en supprimant le reste des produits vendus jusqu’alors.

Albert Soyez et son épouse Jeanne ( documents P. Heim )
( document collection privée )

Albert Soyez décède en 1914. Sa veuve, Jeanne, continue seule l’activité du commerce. Quelques années plus tard, elle rencontre Fernand Heim. Il reprend la bijouterie, au milieu des années 1920, et garde l’enseigne Soyez qui a une très bonne notoriété : une maison de confiance qui rassure la clientèle. Ils habitent sur place, à l’étage.

( document P. Heim )

Fernand est excellent commerçant et développe son commerce de façon très satisfaisante, toujours avec l’enseigne Soyez, et ce, pendant des années.

Publicités Soyez ( documents collection privée )

Jacques Heim ( le fils de Fernand ) aide son père, dès 1945, à la gestion du commerce. Dans les années 1950, il habite au 112 rue de Lannoy ; Fernand a toujours son domicile rue Pierre Motte.

De gauche à droite : Jacques Heim, Hermance la mère de Fernand, Fernand, et Jeanne devant le magasin en 1945 ( document P. Heim )

En 1963, la locataire du commerce de chaussures du 7 bis, Mlle C Rouzé, quitte les locaux et part s’installer au 14 de la rue du Maréchal Foch. Jacques Heim reprend le point de vente, fermé depuis peu. Il fait effectuer des travaux pour ne faire qu’un seul magasin : le 7 et 7 bis sont ainsi regroupés. Les travaux d’aménagement sont confiés à l’entreprise Romain d’Arras.

La façade avant travaux en 1962 ( document P. Heim )
La façade après travaux en 1964 ( documents Nord Eclair )

La nouvelle Bijouterie-Horlogerie-Joaillerie Soyez ouvre en 1964. Le commerce est bien connu des roubaisiens depuis plusieurs générations et s’est constitué une clientèle désireuse d’acheter dans une maison de confiance.

Intérieur du magasin 1964 ( document P. Heim )

L’installation du nouveau magasin est moderne et de grand standing : vastes rayons, larges comptoirs vitrés ; c’est une véritable exposition permanente. Un personnel compétent conseille les acheteurs pour choisir les prestigieuses pièces de bijouterie joaillerie, ainsi que les montres des plus grandes marques, dont Lip, Universal. Après cette transformation, Jacques Heim continue de développer fortement le commerce dans les années 1970-1980, son fils Philippe vient l’aider en 1978 en tant qu’employé.

Publicités années 70 80 ( documents collection privée )

En 1975, intervient une nouvelle modification de façade et d’aménagement intérieur. Les travaux sont à nouveau confiés à l’installateur Romain à Arras. Il créé un concept moderne, avec hall d’entrée, porte automatique, et de magnifiques vitrines d’exposition.

Nouvelle façade 1975 ( document P. Heim )
Intérieur du magasin en 1985 ( document P. Heim )

En 1985, Jacques Heim prend sa retraite après 40 ans d’activité. Il transmet le magasin à son fils, Philippe. Celui-ci et son épouse Joëlle vont désormais assurer la gestion complète du commerce.

Philippe Heim en 1996 ( document P. Heim )

Philippe Heim cesse son activité en 2008, après 30 années passées derrière le comptoir. La bijouterie Soyez fondée en 1889, ferme ses portes en 2008.

La façade en 2008 ( document Google Maps )

Philippe Heim propose à son voisin Fabien Hamès, opticien adhérent Krys, installé au N° 9 de la rue Pierre Motte, de lui céder son commerce. Un accord est conclu en début d’année 2009 ( voir sur notre site, l’article intitulé : 9 rue Pierre Motte ). Fabien et son épouse Nathalie décident de regrouper les deux magasins en un seul point de vente. Ils confient le dossier à leur architecte d’intérieur Didier Leclercq ; les travaux sont réalisés par l’entreprise Gruson 177 rue de Maufait à Roubaix. Fabien et Nathalie décident de ne pas fermer leur point de vente pendant les 2 ou 3 mois de travaux nécessaires. Le 7 et le 9 de la rue Pierre Motte, sont ainsi regroupés et l’ouverture se fait dans le courant de l’année 2009. Le magasin est superbe.

( document Google maps )

La surface de vente de 240 m2 permet de proposer un choix plus large en montures, de développer les verres progressifs, la basse vision, et l’espace audition. Aujourd’hui, le magasin Krys de Roubaix, est l’un des plus grand point de vente de la marque Krys sur la région.

( documents F Hamès )

Remerciements aux Archives Municipales, ainsi qu’à Philippe Heim, à Fabien et Nathalie Hamès

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Un morceau de rue disparaît

Mai 1999, l’annonce paraît dans les journaux, on va amputer un morceau de Grand Rue, celui qui fermait le rectangle de la place de la liberté à partir de la rue Jean Monnet (ex rue Pauvrée). De l’autre côté du trotttoir c’était autrefois le magasin Nord et Loire qui a disparu (entre autres) pour laisser place à l’entrée de l’ensemble Géant Casino. On va prépare maintenant s’attaquer à la suite de l’alignement des magasins existants pour l’arrivée d’un nouveau cinéma, à ce moment prévu le complexe australien Village Road Show.

Quels sont les immeubles qui vont être abattus ? Il s’agit des n° 43 au 51, des commerces plus que centenaires. Ainsi le n°43 fut-il longtemps un café tenu par M. Vanongeval puis après la seconde guerre, sous l’enseigne « Au Forgeron » par Jules Prez, professeur de musique. C’était aussi le siège des transports en commun Lebas et Dumont et du Trait d’Union Messagers au début des années soixante. Les chaussures Sam viennent s’y installer en 1968 et s’y trouvent encore au moment de la démolition.

Le magasin de chaussures Sam au n°43 Coll particulière

Le n°45 était la célèbre chemiserie de la famille Hamard, à l’enseigne des « Cent mille cravates ». Depuis les années soixante dix, le magasin était occupé par les Tricots Nord Maille.

Les cent mille cravates au n°45 Coll Particulière

Le n°47 a toujours été occupé par un bijoutier, M. Masquelier auquel succéde M. Meurisse à la fin des années soixante. Le n°49 fut longtemps l’échoppe d’un tailleur M Verhelle, puis M. Leroy-Verhelle, avant de laisser la place à la maroquinerie « Au cuir de France », au début des années soixante dix.

Vue aérienne des premiers numéros Photo NE

Le 49bis, c’était la célèbre bijouterie de M Fourgous, « au Coeur d’or », auquel succède M. Daraut. Puis le magasin Lano, confections hommes, s’y installe, tout droit venu de la rue de Lannoy au moment de sa démolition en 1964. Le photographe Bourgeois prendra la suite pendant les années quatre-vingts, venant de la rue Pauvrée. Il se réinstallera par la suite dans la Grand Rue, un peu plus haut, au n°33.

La bijouterie Fourgous, au cœur d’or Coll Particulière

Depuis les années vingt, on pouvait trouver au 49ter les Galeries Ste Anne, mercerie, soieries, tricots. En 1979 l’Office du tourisme y fait un passage avant de s’installer dans l’ancienne entrée du cinéma Casino place de la liberté. Dans les derniers temps, on y trouve Abrinor, une agence immobilière.

Les Galeries Saint Anne au n°49 Coll Particulière

Le n°51 était occupé par les tissus Lesur, puis Massard. Le fabricant de matelas et de literie Cheval vient s’adjoindre aux négociants, en même temps que les jardins populaires de Roubaix.

Vue des derniers bâtiments à démolir Coll Particulière

Le n°53 échappera aux démolitions, c’est un café tenu par Georges Desmytter, qui porte au moment de la démolition l’enseigne des Olympiades.

Les olympiades, le café survivant Coll Particulière

L’ensemble de ces bâtiments disparaît en 1999. C’est en 2004 que s’ouvre le Duplexe, des œuvres de Michel Vermoesen et Daniel Najberg, célébrant le retour du cinéma dans une ville qui en était privée depuis 1986.

Le Duplexe Vue Google Maps

Coryse Salomé et la bijouterie Lauras

André Lauras est né en 1897. Dans les années 1920, il est conducteur de travaux dans une entreprise de bâtiment. Pour arrondir des fins de mois difficiles, il met en vente, à son domicile rue de l’Alouette, des boites de poudre de maquillage de chez Coryse Salomé. Cela fonctionne plutôt bien et il passe des commandes régulières à son fournisseur. Maurice Blanchet, le directeur de Coryse, est informé de son action. Intrigué et curieux, il contacte André Lauras pour faire sa connaissance. Maurice apprécie ses qualités d’homme et lui propose de vendre les produits Coryse Salomé, non plus chez lui, mais dans un point de vente, dont l’emplacement est à trouver.

André Lauras ( Document D Dujardin )

André accepte la proposition et trouve un local, au 17 rue Pierre Motte. C’est un estaminet tenu par L. Matisse. Très peu de temps après, il négocie la reprise du commerce voisin, au 19, un débitant de tabac, F. Lefebvre Lecomte. L’affaire est conclue. Il démarre les travaux d’aménagement des deux magasins et l’inauguration a lieu en 1932. Le 17 rue Pierre Motte devient la parfumerie Coryse Salomé et le 19 se transforme en commerce d’articles de bijouterie fantaisie.

Inauguration du magasin ( Document collection privée )

André Lauras a un sens inné du commerce. Sur la photo ci-dessus, on remarque une grande pancarte publicitaire, à la fois sur les deux façades des magasins mais également sur la porte cochère d’à côté ; il est en effet de bon contact, fin négociateur et a réussi à convaincre son voisin de pouvoir placer son panneau en partie chez lui.

Façade du magasin ( Document collection privée )

André est marié à Yvonne. Tous deux vont bénéficier d’une formation importante des produits, par leur fournisseur Coryse Salomé. Le concept est de proposer à la clientèle des produits en vrac : les eaux de Cologne et les parfums sont vendus dans des flacons consignés, ce qui permet de diminuer le prix de vente de façon significative. Les prix sont donc très compétitifs par rapport aux parfumeries traditionnelles ( 50 % de remise, en moyenne ). Cette formule de vente s’adresse à tous types de clients mais elle est particulièrement intéressante pour la clientèle ouvrière de la ville. Les gens se déplacent de très loin pour profiter des prix imbattables. André n’hésite pas à installer une table sur le trottoir, où une vendeuse est à disposition, pour les conseils et la vente des parfums et eaux de Cologne, quand les conditions météorologiques le permettent. Le succès est immédiat.

L’intérieur du magasin ( Document D Dujardin )

Pour la bonne conservation, les eaux de toilettes et parfums sont stockés dans des « Balarues », sorte de bocaux en verre, parfois très grands ( jusqu’à 50 cm de hauteur ) que l’on peut trouver également dans certaines herboristeries. La fermeture de ce récipient est particulièrement étanche et hermétique, ce qui permet de prolonger indéfiniment la durée de vie des parfums.

L’enseigne fabrique et distribue également des produits cosmétiques en vrac : poudre de maquillage, poudre de riz, crème de soins, rouge à lèvres, fard à paupière, brillantine, dentifrice, savon, ainsi que des accessoires : vaporisateur, houppette, houppe de cygne, etc

Produits ( Document D Dujardin )

André et Yvonne ont eu 4 enfants. Trois d’entre eux, les aident au commerce :

– Roger poursuit ses études de bijouterie-joaillerie à Paris. Une fois, son diplôme obtenu, il revient à Roubaix. En 1945, André lui propose alors un coin du magasin, pour travailler sur des bijoux qu’il propose à façon, à la clientèle, c’est à dire qu’il crée des bijoux à la demande ; la bague ou le bracelet devient alors une pièce unique et exclusive. Le succès de cette activité de bijouterie-joaillerie est tel qu’André décide de lui consacrer entièrement le 19 de la rue Pierre Motte ; le commerce devient : la bijouterie Lauras.

– Jean reçoit une formation de bijoutier de son frère Roger, et prend la responsabilité d’un magasin identique au 34 rue St Jacques à Tourcoing.

– Denise aide à la vente à la parfumerie, à Roubaix.

La petite entreprise familiale se développe, car bientôt un nouveau magasin ouvre à Amiens, rue des Trois Cailloux.

Bijouterie Sigma ( Document D Dujardin )

Yvonne, l’épouse d’André, aide bien sûr son mari à la gestion des deux magasins et à la vente de détail à la parfumerie ainsi qu’à la bijouterie ; elle devient en effet spécialiste de la création et de la réparation de colliers de perles de culture.

André Lauras crée sa marque de bijouterie « SIGMA ». Passionné de communication, il diffuse, auprès de sa clientèle, la « Sigma Revue » : une lettre d’information et de conseils sur des articles de bijouterie (c’est une  »newsletter » avant l’heure).

Sigma revue ( Document F Lauras )

En 1950, André fait modifier la façade des 2 magasins, par un architecte parisien. Les travaux sont réalisés par l’entreprise Delfosse au 39 rue de Crouy. Il profite de ces travaux pour ouvrir une porte intérieure qui relie les deux magasins. Il communique par des publicités communes aux deux points de vente.

Nouvelle façade 1950 ( Document D Dujardin )
Photo de l’intérieur de la parfumerie. A droite porte intérieure qui donne sur la bijouterie ( Document F Lauras )
Documents publicitaires pour les 2 magasins ( Documents collection privée )

Au milieu des années 1950, Denise, après un stage de formation intense d’un mois, au siège Coryse Salomé, dans la région parisienne, devient esthéticienne. André modifie alors, en 1964, l’intérieur de la parfumerie et installe deux cabines de soins esthétiques pour développer ses ventes et son chiffre d’affaire. Denise habite désormais au premier étage.

La cabine de soins esthétiques. On distingue, dans le miroir central, André Lauras qui prend la photo. ( Document D Dujardin )

Le commerce a une activité constante toute l’année, mais il y a bien sûr des périodes de forte affluence, comme la fête des mères, les fêtes de Noël et de fin d’année. Et puis, il y a le 1er Mai ! date particulièrement importante pour la parfumerie. En effet, l’ensemble du personnel ( 7 personnes) conditionne manuellement des petits flacons de parfum de muguet, avec un brin de muguet en tissu, fixé sur le dessus. Les quantités vendues sont impressionnantes, car de nombreux chefs d’entreprise viennent se fournir, pour offrir ce cadeau sympathique à leurs salariés, à l’occasion de la fête du travail. Denise ne compte pas ses heures de travail, pour la plus grande satisfaction de la clientèle.

( Document Nord Eclair )
( Document D Dujardin )

Les affaires sont florissantes et, en 1972, Roger Lauras fait modifier la façade de la bijouterie. L’entreprise Decora de Lambersart est choisie pour les travaux.

Modification de la façade ( Document Archives Municipales )

Sylvie, la fille de Denise, part à Paris au siège de l’entreprise Coryse Salomé, pour un mois de formation. A son retour, elle aide à la tenue et à la gestion du commerce. Francis, le fils de Roger, reprend la bijouterie en 1985. Roger aide son fils à ses débuts, puis prend sa retraite à la fin des années 1980.

L’entreprise Coryse Salomé à Paris connaît quelques problèmes financiers au milieu des années 1990. Denise est inquiète car les commandes sont livrées incomplètes et elle n’arrive pas à satisfaire la clientèle. Elle décide donc de prendre sa retraite, et de fermer définitivement le magasin en 1997. Vont se succéder alors au 17 rue Pierre Motte : un commerce de développement rapide de photographie, puis deux sandwicheries, sans grand succès.

A la bijouterie, Francis et son épouse Catherine, prendront une retraite bien méritée l’année prochaine ; le commerce sera cédé fin 2020.

Photographie de l’intérieur de la bijouterie et la façade actuelle ( Photo BT )

Remerciements aux Archives Municipales, ainsi qu’aux membres de la famille : Denise, Sylvie et Francis, pour leur témoignage et leur documentation.

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Le bijoutier de la Grand Place (2 )

Robert Bousquet est vice président de la chambre de commerce de Roubaix ; il fait partie de l’élite des horlogers bijoutiers de France ; il est membre agréé du Haut Commerce de France.

( Document E. Bousquet )

On retrouve aussi Robert Bousquet dans des clubs sportifs ; il est président du lutteur club de Roubaix.

( Document E. Bousquet )

Robert Bousquet aime plaisanter, si bien qu’il n’hésite pas un seul instant, lorsqu’un journaliste de Nord Eclair lui propose de rédiger un article « Poisson d’Avril » pour les lecteurs du quotidien :

Document Nord Eclair 1 et 2 Avril 1965

Le 1er Avril 1965 un bus effectue des manœuvres en marche arrière pour éviter un chantier de travaux rue du Général Sarrail. Pour une raison inconnue, le moteur s’emballe ; le bus recule très brutalement et vient fracasser la vitrine de la bijouterie.

Document Nord Eclair 1 et 2 Avril 1966

Le 1er Avril 1966 quelques mois avant la coupe du monde de football, qui a lieu à Londres cette année là, le trophée est dérobé lors d’une exposition à Westminster. Scotland Yard retrouve le précieux objet convoité et décide de l’exposer à la bijouterie R. Bousquet sous haute surveillance policière britannique.

Robert aime les plaisanteries et apprécie surtout ce style de publicité peu onéreuse.

( Document coll privée )

En 1967, toujours dynamique pour développer son commerce, il prolonge l’ouverture de son magasin en nocturne jusqu’à 21h30 le mercredi, comme la plupart des commerçants du centre ville.

( Document E. Bousquet )

En avance sur son temps, Robert est un homme de communication. Lors du salon des arts ménagers, à la foire de Lille, il présente son stand à la célèbre Jacqueline Joubert, speakerine de l’ORTF. Sur la photo de droite, il fait admirer un de ses bijoux à la chanteuse Jacqueline Boyer.

En 1971, Robert Bousquet tombe malade. Il est hospitalisé à la clinique St Jean et part ensuite en convalescence dans le sud de la France. A la fin des années 70, Max Revel est nommé président du conseil d’administration de la SA Bousquet.

( Document Archives Municipales )

En 1981, Max Revel dépose une demande de permis de construire pour la transformation du magasin qu’il confie au bureau d’études d’Antoine Addic de Lille. Les façades vont être rénovées avec des huisseries neuves, des rideaux de fer anti effraction, et surtout l’utilisation de matériaux luxueux comme la pierre de Corton, la miroiterie argentée bronze, les peintures laquées noires, les vitrines en acajou verni. L’ensemble coûtera 210.000 Frs. Le résultat est magnifique.

( Document E. Bousquet )

La rentabilité du magasin n’est malheureusement plus ce qu’elle était durant les années précédentes. C’est peut-être dû à un investissement de rénovation trop important ; c’est également le début d’une situation économique locale difficile. Le magasin arrête son activité au début des années 90.

( Photo Annette Rimbert )

La Société Nord Cadeaux reprend le magasin au milieu des années 90, avec l’enseigne « La griffe d’Or » ; il s’agit d’une boutique de cadeaux, bijoux, montres et listes de mariage. Malheureusement le succès n’est pas au rendez-vous et le commerce ferme, très peu de temps après son ouverture.

( Photo Annette Rimbert )

En 1998, le magasin devient un institut de beauté à l’enseigne «  Karité » spécialisé en centre de minceur, d’esthétique, de bien-être, de relaxation, l’institut est maintenant présent au centre de Roubaix depuis 20 ans.

( Photo BT )

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Remerciements aux Archives Municipales, et à Edyth Bousquet pour son témoignage et la documentation.

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Le bijoutier de la Grand Place

Robert Bousquet est né à Paris en 1909. Après ses études, il devient apprenti en horlogerie bijouterie. Il se marie en Juin 1930 avec Ludivine Nys qui est secrétaire sténo dactylo dans un restaurant parisien.

( Document E. Bousquet )

Robert décide de s’installer à son compte. Son épouse étant originaire de Roubaix ( rue du collège ), il ouvre sa bijouterie horlogerie en Février 1932, au 42 rue de la Vigne, dans un petit commerce qui était auparavant le magasin des meubles De Beyne. Le couple Bousquet-Nys choisit son enseigne : Au Carillon.

( Document E. Bousquet )

Robert a le sens du commerce ; il offre le café à tous les visiteurs et n’hésite pas à poser un carillon géant sur son véhicule pour faire de la publicité dans la rue de la Vigne.

( Document E. Bousquet )
( Document E. Bousquet )

En 1946, Ludivine et Robert Bousquet souhaitent déjà développer leur clientèle sur la métropole lilloise et décident donc d’être présents sur un stand à la Foire Commerciale de Lille.

( Document E. Bousquet )

Le savoir faire professionnel de Robert est reconnu de sa clientèle. Les affaires fonctionnent de façon très satisfaisante, si bien que son jeune frère Henri est appelé en renfort ; il vient l’aider au SAV horlogerie dans la boutique et emménage dans une maison voisine.

Edyth, la fille de Ludivine et de Robert naît en 1952.

( Document coll. priv. )

Avec le développement important de l’activité, la boutique devient trop petite. Robert souhaite acquérir un magasin plus grand si bien que, quand il est informé que le célèbre café de l’Univers se libère sur la Grande Place, il saute sur l’occasion et s’y installe en 1953.


( Document Archives Municipales )

Le magasin est bien sûr installé au rez de chaussée ; au 1° étage sont aménagés le bureau de Robert et les archives comptables ; au 2° étage se trouve l’atelier horlogerie, desservi par un monte charge très pratique.

Robert garde son domicile rue de la Vigne, le temps d’aménager le 1° étage du bâtiment de la Grand Place. Ludivine et Robert y emménageront plus tard en 1957.

( Document E. Bousquet )

Le magasin a une surface de vente de 95 m2, ce qui permet à Robert d’étendre sa gamme d’orfèvrerie et de joaillerie et d’ajouter des articles cadeaux et trophées sportifs. Il développe également le choix en proposant des montres de marques prestigieuses, comme Lip, Tissot, Seiko, Breitling, Omega. Il est dépositaire exclusif des produits Jaeger-LeCoultre, et présente un choix fabuleux de 1000 montres exposées dans ses 15 vitrines !

( Document E. Bousquet )

Les affaires sont prospères. Robert Bousquet investit dans la publicité pour son nouveau magasin : « Le Bijoutier de Roubaix Grande Place » . En 1954, Robert Bousquet reçoit la croix de chevalier de l’ordre du mérite commercial.

( Document E. Bousquet )

Robert aime les automobiles, et en particulier les belles voitures américaines. Sur cette photo, on aperçoit son véhicule stationné en face de son magasin, une Henry J. Kaiser d’une belle couleur bleue.

( Document E. Bousquet )

Il crée le « Club du Haut Commerce de Roubaix » qui regroupe les principaux commerçants du centre ville comme Papillon Bonte, Screpel Pollet, le restaurant Maurice, la coiffeuse Marcelle Duhamel et bien d’autres. Il en devient le président.

( Document E. Bousquet )

Imaginatif, Robert Bousquet créé le concours de l’exactitude, à la fin des années 50. Ce concours, réservé aux écoliers de Roubaix, consiste en une rédaction de textes sur l’exactitude. Très populaire auprès des roubaisiens, il est reconduit d’année en année, de 1956 à 1963. Robert n’hésite pas à distribuer, sur le trottoir de son magasin, des bulletins de participation aux élèves intéressés, et aménage magnifiquement une de ses vitrines pour présenter le concours.

( Document E. Bousquet )

Les lots sont nombreux : une montre en or, un livret de Caisse d’Epargne de 10.000 anciens francs, un voyage pour visiter l’usine Lip à Besançon et y rencontrer M. Fred Lip en personne, un déplacement en hélicoptère de la compagnie Sabena à l’Exposition Universelle de Bruxelles de 1958 et de nombreux autres cadeaux de valeur pour les gagnants suivants.

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À suivre . . .

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Remerciements aux Archives Municipales, et à Edyth Bousquet pour son témoignage et la documentation.

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La bijouterie du quartier

Les participants de l’atelier mémoire du Centre ont fait l’étude des commerçants de la Grand Rue, parmi lesquels cette bijouterie située au n°137, dont l’histoire nous a été racontée par la fille de la maison. En 1928, le n° 137 formait une seule maison, occupée par les cycles Deletombe. Puis le bâtiment se divise en deux : en 1932, on y trouve le coiffeur Van Eeno et le marchand de journaux Liénart. Au moment de l’installation de l’horlogerie bijouterie en 1942, l’autre partie était occupée par l’Optique André, gérée par M. Chantepie auquel a succédé M. Raymond Dumortier, sous la même enseigne. Amand Battiau et sa femme ont donc ouvert le magasin en 1942. Mais Amand est décédé en 1945 et sa veuve s’est remariée avec M. Richard.

L'horloger bijoutier et l'opticien, tous deux au n°137 Photo Coll Particulière
L’horloger bijoutier et l’opticien, tous deux au n°137 Photo Coll Particulière

Autour de la bijouterie, il y avait une cour et une petite maison, aujourd’hui disparus. Ce terrain a été repris par l’institution Jean XXIII, pour faire une salle de sports juste derrière. La bijouterie se situait donc en face de chez Deruyck, le marchand de musique bien connu. Après il y avait le Galon d’eau, les graines…

Le grand père horloger Doc Coll Particulière
Le grand père horloger Doc Coll Particulière

Le père Battiau était artisan horloger, comme le grand-père, qui avait un atelier au n°170 rue de l’Ommelet. Il avait appris le métier avec des livres que sa fille possède encore. Horloger créateur, il fabriquait lui-même des pendules. Les deux artisans, père et fils faisaient des modèles uniques, et le grand-père a été récompensé d’une médaille de Besançon pour une de ses pendules.

Le père horloger et une pendule originale Coll Particulière
Le père horloger et une pendule originale Coll Particulière

« Nous avions une clientèle de classe moyenne, les gens avaient tous leur réveil matin, et au plus il faisait tic-tac, au plus ils l’aimaient. Les réveils silencieux, les gens n’en voulaient pas, parce qu’ils ne faisaient pas de bruit. On vendait des coucous, des régulateurs, des montres, des réveils. Ça allait des grands machins qui sonnaient tous les quarts d’heure, aux coucous qu’on faisait marcher quand les enfants venaient parce qu’ils aimaient bien l’entendre ». Le père Battiau avait créé une grande pendule qui servait d’horloge publique. Les gens qui partaient travailler le matin la regardaient, et quand elle s’arrêtait, ils venaient prévenir, car ils disaient qu’ils n’avaient pas eu l’heure. Anny se souvient des carillons, ça sonnait tous les quarts d’heure. Elle dit qu’elle ne supporte pas de ne pas les entendre les tic-tac. Elle n’aime pas le silence, car elle dormait à côté de l’atelier, où toutes les pendules sonnaient. A six ans, elle savait remonter les horloges.

L'horloge "publique" de Monsieur Battiau Coll Particulière
L’horloge « publique » de Monsieur Battiau Coll Particulière

Dans cette horlogerie bijouterie, on a vendu des marques, bien sûr, comme : jaz, vedette, lip, zenith, lov, et on avait des buvards publicitaires. Pour la bijouterie or, pas de marque, mais on faisait aussi les bijoux Fix et Murat, c’était du plaqué, dit un témoin. Il y avait des catalogues. En bijouterie, on faisait les colliers, les bagues… Pour les cadeaux, c’était différent de maintenant. Avant les gens se fiançaient, on faisait des bagues de fiançailles, puis ils se mariaient, il y avait des alliances. On avait les baptêmes, pour lesquels on vendait chaînes, médailles, bracelets, et cadeaux Christofle, timbales, ronds de serviette, coquetiers. A la Sainte Catherine, on offrait les couverts Christofle à la pièce, pour que les filles célibataires montent leur ménage. Ensuite on avait les  communions, c’était la première montre, moment très important, de marque Lov, spéciale communions, et les chaines, les croix, et les gourmettes. On avait une clientèle, car tout le monde travaillait. On allait chez son bijoutier, c’était la bijouterie du quartier.

La fameuse montre de communion doc Coll Particulière
La fameuse montre de communion doc Coll Particulière

Les réparations les plus fréquentes sur les montres, c’était l’axe du balancier était cassé, en général c’est parce que la montre était tombée. Mais les gens juraient leurs grands dieux que non, qu’elle n’était pas tombée, que c’était un défaut. Ou encore cette dame qui est venue un jour avec le balancier de son horloge, en disant qu’il ne bougeait plus !

Intérieur et devanture de l'horlogerie bijouterie Coll Particulière
Intérieur et devanture de l’horlogerie bijouterie Coll Particulière

Maintenant il n’y a plus beaucoup d’artisans. Chez les bijoutiers d’aujourd’hui, ce sont des chaînes, les montres à quartz sont jetables, on ne répare pas et pour les grandes marques, il faut les renvoyer à l’usine. D’ailleurs la bijouterie du n°137 n’a pas fait de grandes marques, parce qu’elles voulaient un seul magasin qui en gardait l’exclusivité.  On a fermé en 1992, le beau père était veuf, « son magasin, c’était son magasin », sinon on aurait arrêté avant. On est restés cinquante ans au même endroit, et il n’y a pas eu de repreneur, car les petits commerces périclitaient.  Le stock, ou ce qu’il en restait, a été vendu en salle des ventes, après trois mois de soldes avec autorisation préfectorale.

Merci à Anny pour ce magnifique témoignage