Roubaix est une ville d’imprimeurs et de libraires. Au dix-neuvième siècle, dans la rue du vieil abreuvoir se trouvait l’imprimeur lithographe Lesguillon, qui occupa les n°17, 19 et 44. A deux pas, dans la rue Nain, il y avait l’imprimerie Jenicot. Au début du vingtième siècle, on trouvait à Roubaix une trentaine d’imprimeurs et autant de libraires. On trouve trace dans le Ravet Anceau en 1895, d’une librairie au 21 de la rue du vieil abreuvoir : Mme Laplace de Tayrac, dont le mari est contrôleur des douanes, tient là une librairie papeterie. Elle sera reprise par Melle Vieillard, signalée en 1910 par le Ravet Anceau. Après la première guerre, dans les années vingt, la librairie prend le nom de Maison du Livre et devient la propriété Dendievel.
La Maison du livre des années trente. Coll particulière
C’est en 1935 que M. Bonnehon, professeur au Conservatoire National de Roubaix et directeur du Petit Monde Artistique de Roubaix, perpétue la vocation de l’établissement. Une publicité parue dans le Journal de Roubaix présente la librairie comme la maison de l’élite intellectuelle de Roubaix. On y trouve toutes les nouveautés, un grand choix de livres techniques, des œuvres poétiques. Un nouveau rayon vient d’apparaître pour le théâtre et on y trouve toutes les livres classiques. La librairie proposera également des romans de voyage et d’aventure, des livres pour enfants, ainsi qu’un grand choix d’estampes, d’eaux-fortes et de dessins, les revues et les journaux trouvent également place sur ses rayons. Enfin, une nouvelle vitrine mettra en valeur le magasin.
La Maison du livre de M. Bonnehon Coll Particulière
M. Bonnehon cède sa librairie en 1972 à M. et Mme Lenglet. Le premier étage du magasin accueille alors une nouveauté, le club de livres France loisirs, alors que disques et cassettes viennent renforcer les rayons de la Maison du Livre. Le développement est tel que la Maison du Livre va un temps s’installer au n°27 de la rue du vieil abreuvoir, dans l’ancienne poste. On y retrouve tous les rayons de la librairie traditionnelle : lettres, sciences, poésie, tourisme, religion, loisirs. Sans oublier la papeterie, le dessin et les objets d’arts[1]. En 1986, Bédéphile, un magasin spécialisé dans la présentation et la vente des bandes dessinées, voit le jour au n°21, tenu par le fils de M et Mme Lenglet.
La Maison du livre au n°27 Coll Particulière
En 1994, la Maison du Livre quitte la rue du vieil abreuvoir et va s’installer au n°21 de la Grand rue. Cette imposante librairie est à la fois maison de la presse, dépôt de France Loisirs, dispose de rayons consacrés aux dvd et cd roms, et continue de proposer des ouvrages pour tous les goûts, sans oublier la papeterie. En 2002, M. et Mme Lenglet prennent leur retraite et cèdent leur librairie à l’un des vendeurs, M. Lejon, David Lenglet poursuivant le Bédéphile de la rue du vieil abreuvoir. Mais le 21ème siècle sera fatal à cette librairie plus que centenaire, qui renoncera devant la concurrence d’une grande surface de 1200 m2 installée au printemps 2005 dans le centre commercial Espace Grand rue.
La Maison du livre Grand rue Coll Particulière
[1] In La Maison du Livre, 100 ans de librairie, de passion et d’indépendance » Décembre 2004 Quelle belle idée Editions
Près de dix ans après la démolition du cabaret de la Laiterie, le parc Barbieux manque d’animation. On évoque en conseil municipal l’installation d’une brasserie en novembre 1960, la création d’un centre de délassement en avril 1961. M. Horrent, rapporteur de la commission nommée à cet effet, remarque que « …la promenade pure et simple n’a plus l’attrait de jadis… » et déplore que le parc n’offre pas d’autres distractions. Il propose de créer des jeux pour enfants et adultes, ainsi qu’un établissement « attrayant et reposant » pour y « consommer en toute quiétude », et fait alors état de contacts avec la société anonyme « Loisirs et Sports », spécialisée dans ce domaine.
Cette société obtiendrait une concession de longue durée en échange de la construction des installations. La ville accorde cette concession pour une durée de quinze ans, et les travaux commencent très vite. Le maire de Roubaix inaugure les installations en juillet.
Une première phase prévoit l’installation d’un embarcadère pour le canotage, des promenades en petit train et à dos d’animaux, et un établissement de consommation « pour l’attente et le repos ». On aménage les voies d’accès et les bords de l’étang, et on construit deux corps de bâtiments présentant un décrochement. Les barques sont installées et n’attendent plus que les plaisanciers. Une terrasse plantée de parasols prolonge les bâtiments.
Cette première phase doit être complétée par deux autres, comprenant un golf miniature, une ou plusieurs salles de restaurant et de banquets, et des pistes de bowling.
Dans une édition de février 1962, la Voix du Nord salue le succès de l’établissement et annonce l’installation du golf miniature, l’extension des cuisines, et l’aménagement d’un sous-sol dans le bâtiment actuel. Le journal évoque par ailleurs la possibilité de construction d’un restaurant par la même société dans le centre du parc, près du kiosque à musique. Un bâtiment supplémentaire, présentant un deuxième décrochement est bâti dans l’alignement du précédent pour la saison 1962. Le golf miniature est installé près de l’embarcadère ; mais il n’est terminé qu’en fin de saison.
En novembre de cette même année, on utilise le site pour des opérations de promotions : un défilé de modes, la présentation de la gamme Renault, avec, en vedette, la Floride…
Les choses restent en l’état jusqu’en 1969, où on complète le centre avec une salle brasserie de 400 places. Le nouveau bâtiment est détaché du précédent. Placé le long de l’embarcadère, il en épouse la forme. Son ouverture a lieu fin juin, à temps pour la belle saison.
Les documents proviennent d’une collection particulière, les journaux et délibérations des archives municipales.
A peine les bâtiments des 1 et 3 rue de l’Hommelet sont-ils démolis, qu’on regarde en face, de l’autre côté de la grand-rue, où se trouvent tout une série de maisons vétustes qui gênent la visibilité des automobilistes. Ces bâtiments sont placés sur la grand-rue côté pair, juste avant la rue Pierre de Roubaix, et aux premiers numéros pairs de cette dernière voie. Sur le coin même, au 134 grand rue, se trouvait un estaminet, tenu en 1920 par Mme Vansteenkiste ; en 1939 on trouvait au 130 un marchand de légumes, et, au 134, un serrurier. Nord Eclair insiste en 1952 sur l’état de délabrement de ce bâtiment :
Photo Nord Eclair
On remarque sur la photo, au premier plan, la maison qui vient d’être démolie au 1 rue de l’Hommelet, et, au troisième plan à droite, les premières maisons de la rue Pierre de Roubaix, des « basses toitures » également très anciennes, à qui l’administration n’a pas, non plus, l’intention de faire grâce. Tous ces bâtiments font un ensemble fermé autour d’une cour, qu’on trouve déjà sur le plan cadastral de 1804, cent cinquantenaires tout comme l’impasse St Paul, placée juste après entre les numéros 4 et 6.
Plan cadastral 1826
On trouve dans les bâtiments bas au début de la rue Pierre de Roubaix jusqu’à la seconde guerre un estaminet, qui porte, au 2, l’enseigne « à l’encre noire » en 1895, et, au 4, une épicerie.
La décision d’abattre tous ces bâtiments est prise en conseil municipal, mais la réalisation se fait attendre. Deux ans plus tard, Nord Matin rappelle l’existence de cet ensemble qui continue à se dégrader :
Photo Nord Matin
Ce rappel ne suffit toujours pas , et ce n’est que trois ans plus tard que l’entreprise Vandecastelle porte la pioche contre ces vénérables demeures.
Photo La Voix du Nord
Elles disparaissent donc en 1957, pour faire place à un parking ouvert. Celui-ci permettra de restaurer la visibilité dans ce carrefour très emprunté par les automobilistes, le reste du terrain restant en friche pour un moment encore.
Documents IGN
Mais cette friche va peut pas rester là à déparer ce coin de rue : en 1965, on y construit un immeuble, toujours présent aujourd’hui.. L’immeuble comporte au rez de chaussée des commerces, parmi lesquels on trouvera un moment un magasin « les coopérateurs ». Il sera dénommé « Super Coop » en 1968.On voit sur les photos que le 128 ter est épargné et qu’on le retrouve aujourd’hui à cet endroit :
La rue de l’Hommelet est classée au réseau communal en 1838. En 1848, une commission municipale se penche sur l’opportunité de paver ce chemin, reliant le hameau de l’Ommelet et celui du Tilleul, sur une largeur de 3 mètres, à condition que les riverains abandonnent gratuitement le terrain nécessaire, pour transformer ce chemin en une rue de 10 mètres de large, la chaussée étant alors bordée de deux fossés « larges et profonds ». Le plan cadastral de1845 nous montre que le chemin fait un coude pour se raccorder à la rue du Quai (qui deviendra le début de la rue Pierre de Roubaix), et présente un étranglement au carrefour avec la rue du Galon d’eau (future grand rue), causé par des bâtiments qui débordent sur le chemin tant du côté pair que du côté impair. Ces bâtiments semblent très anciens, puisque, déjà présents sur le plan cadastral du Consulat daté du 25 vendémiaire an 13 (1804), ils persistent à marquer un état très antérieur de l’alignement du chemin. Cette situation, bien qu’incommode pour la circulation, va pourtant perdurer très longtemps.
Document archives municipales
Le bâtiment carré qui empiète du côté pair disparaît le premier (les photos aériennes de 1932 montrent qu’il a été remplacé par une maison de belle apparence construite en suivant l’alignement). Il n’est pas numéroté dans la rue de l’Hommelet, mais dans la Grand rue où on trouve en 1920 au 159 J. Flipo-Cousin, propriétaire, au 161 Eugène Leclercq, fabricant, et au 163 la pharmacie A. Delabaere. En 1939, on retrouve les mêmes propriétaires, sauf au numéro 161 où habite M. Flipo-Guerre-Tissot, industriel.
Le coin de la rue en 1965 – photo IGN
Cet immeuble va marquer le coin du carrefour jusqu’à la disparition de cette partie de la rue.
Le même immeuble vers 1980 – photo Nord Eclair
En revanche, le bâtiment situé à droite en débouchant sur la grand rue, au numéro 1, va connaître une carrière très longue. C’est d’autant plus étonnant que, dès 1866, le directeur des travaux municipaux conseille de racheter la parcelle pour dégager le carrefour.
La parcelle à acquérir – document archives municipales 1866
Mais, très curieusement, cet avis n’est pas suivi d’effet et le bâtiment n’est pas démoli, puisqu’il va gêner la circulation au carrefour jusqu’au milieu du 20ème siècle. Côté numéros impairs, on trouve en 1920 au 1 R. Vandewille (-wiele?), fripier. En 1922 l’estaminet Verhoeve (157 gde rue), s’agrandit en achetant le 3 rue de l’Ommelet (ancienne tannerie Flipo). En 1939, on trouve au 1 M. Van de Wiele, qui est camionneur, et, au 3 E. Pennel, coiffure dames et la maison Paul fils, fripier.
Ce bâtiment ne va pas disparaître avant 1952 où, qualifié d’inutile et de vétuste, rendant le carrefour très dangereux, il sera finalement démoli à la suite d’une décision du conseil municipal.
Document Nord Matin
Cette construction aura alors plus de 150 ans : bel exemple de longévité !
Thérèse a bien voulu témoigner sur sa vie de travail. Née dans le quartier du Fresnoy, elle y est revenue après avoir pris sa retraite. Elle nous donne un témoignage de ses différents emplois, ce qui nous permet de faire un vrai parcours de Roubaix.
Je suis allée à l’école sainte Odile jusqu’à l’âge de 13 ans, puis je suis partie au collège. J’aurais voulu être puéricultrice ou comptable, mais l’orientation en a décidé autrement. Je me suis mis à la couture, j’étais douée pour ça, on m’a mis en confection. Je devais avoir mon CAP mais j’étais tellement stressée que j’ai fait les boutonnières côté hommes alors qu’on me demandait côté femme.
La société de confection Ronald Collection Particulière
Je suis entrée comme apprentie chez « Ronald » rue des Vosges, comme piqueuse. J’ai appris sur le tas. C’est le commencement du métier, on fait toujours la même chose. C’était une entreprise de confection de vêtements de luxe pour enfants. J’y suis restée trois mois, je ne m’habituais pas, je ne gagnais pas grand’ chose. J’ai travaillé aussi à l’Ecusson, c’était un volailler rue de Mouvaux en face de la pharmacie, il y avait le foyer du vieillard à côté. C’était de l’appoint, j’allais à la messe à 7 heures et demie, et après je vidais les poulets jusqu’en début d’après-midi. Je faisais partie de la maison, parfois on me confiait le magasin. Ensuite en toujours en 1967, j’ai travaillé pour la société « VDV, Vêtements de Vacances », vêtements de sports. C’était des gens de Paris, des trucs chics, rue de la fosse aux chênes. Des manteaux matelassés, en lurex, ils étaient d’avant-garde. On pouvait acheter des coupes, j’ai fait des manteaux pour ma fille. On faisait des poignets toute la journée, et c’était sans arrêt des histoires de bonne femme ! Dans les bonneteries, c’est pareil. Chez « Herbaut Denneulin », j’avais été prise, mais avec tous ces bavardages, je ne suis pas restée ! Je suis restée deux ans chez VDV. J’étais mécanicienne, je travaillais sur une machine, c’était plus varié, avec des modèles différents. J’ai travaillé des matières, ça m’a donné des trucs pour la suite, par exemple, on mettait du papier toilette en dessous pour arriver à piquer. On disait que j’avais des mains en or.
La maison Vlemincks CP Méd Rx
En octobre 1967, je travaille chez « Vlemincks », les bandages, rue Pauvrée, j’étais piqueuse à ce moment-là. Je faisais parfois des essayages avec les dames. Je suis restée là un an. Puis j’arrive au magasin « Minifix » de la Grand rue. J’étais vendeuse, au rayon des jouets. Il y avait des rayonnages, c’était déjà assez grand, genre Monoprix. Ils vendaient de tout, alimentation, vêtements, en dessous de Monoprix au niveau gamme. On était une trentaine de vendeuses. J’allais faire mes courses dans le magasin avant de revenir à la maison. L’ambiance était bonne, j’étais tranquille, j’étais jeune mariée, je me suis mariée le 9 août à l’église Ste Antoine. On habitait alors rue Watteuw. Mais ce n’est pas ce que je voulais faire.
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Après j’ai travaillé à « La femme chic » en tant que retoucheuse. On s’entendait à merveille, on retouchait pour les trois magasins de la rue de la Vigne, de la rue Jules Guesde et de la rue de l’alouette. C’est là que j’ai appris à faire des choses magnifiques. Je triais aussi les seconds choix, j’avais l’œil pour ça, on remettait en vente les meilleurs. J’étais toujours ponctuelle et régulière, j’y suis restée quatre ans ! J’y serais restée, le travail me plaisait, j’étais appréciée, mais la boîte a fermé à cause de la gérante, suite à un contrôle, au grand désespoir du patron. En 1974, je suis allée chez Pronuptia à Tourcoing. La direction de Lille est descendue, ils sont venus me voir, ils me demandaient de retoucher sur les gens. Je me suis retrouvée dans une cabine avec une fille, c’était nouveau pour moi. J’ai été prise tout de suite : 45 heures par semaine et je revenais chez moi le midi. Il devait y avoir un Pronuptia à Roubaix 2000 et ça devait être pour moi, mais ça ne s’est pas fait. La patronne reconnaissait bien ce qu’on faisait, je suis allée la voir, car pour moi, c’était trop lourd, et au mois de juin on faisait des heures. J’ai fait un an et j’ai quitté.
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Je suis arrivée chez N’BEL, tenue par une dame qui faisait les corsets, moi je faisais les robes de plage. Comme marques, ils faisaient Playtex et Scandal. A ce moment, j’étais enceinte et toujours en haut de l’échelle, j’avais une pêche du tonnerre. Parfois j’avais des coutures à faire sur les corsets. C’était au 173 rue Pierre de Roubaix, le bâtiment existe encore, avec ses deux grandes vitrines, une grande porte et une porte d’entrée.
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Je me suis arrêtée de travailler quelque temps, puis j’ai repris chez « Oui », c’était le nom du magasin, qui faisait des robes de mariées. Je reste deux ans, ce n’était pas de la haute couture. Je voulais changer et grâce à une petite annonce, je suis entrée chez « Laurence ». La patronne m’a donné des retouches, sur des robes très chères. Elle avait confiance en moi. Elle-même s’occupait de ce qui allait vite, bas de pantalon, des choses comme ça. On ne manquait de rien. Elle me ramenait de l’eau de pluie pour repasser. C’était assez familial. J’ai travaillé là jusqu’en Février 1993.
Ensuite, j’ai attrapé une allergie au tissu, à cause des apprêts, j’ai dû arrêter. J’ai dû me reconvertir. J’ai fait une formation, avec l’accord de la dame de chez Laurence boutique. Je me suis mise à niveau au CUEEP, j’ai eu le brevet des collèges, et ensuite j’ai rattrapé le BEP sanitaire et social en sciences physiques. Et j’ai réussi l’examen à la Croix Rouge pour être puéricultrice. J’ai donc trouvé un poste rue Balzac au centre social Boilly. J’étais stressée, je tremblais pendant mon entretien. Heureusement la directrice a pris des renseignements et elle m’a engagée comme auxiliaire puéricultrice. C’est ce que j’ai toujours voulu faire. On travaillait en équipe, on était quatre ou cinq, on accueillait 16 enfants. Je suis restée jusqu’en 2007. Mon docteur de famille a remarqué que je faisais une polyarthrite. Il m’a fait arrêter, je ne pouvais plus porter du lourd, ça pouvait être dangereux pour les enfants. Quand le médecin du travail a vu mon dossier, il m’a envoyé en retraite directement. J’ai beaucoup regretté mon travail d’auxiliaire puéricultrice. Maintenant je m’occupe, la chorale, l’atelier mémoire et puis j’ai à faire avec mon ménage.
Les trois bâtiments qui se trouvent rue du Hutin et rue de l’Espierre ont été construits par le CIL en 1959 et 1960. Après une visite des officiels en mai 1960, les appartements sont mis en location en octobre. Ils correspondent aux n°65 et 73 de la rue du Hutin pour le premier bâtiment, soit vingt appartements identiques. Et deux autres bâtiments juste derrière, dans la rue de l’Espierre, dont le tracé perpendiculaire à la rue du Hutin qui traverse le lotissement : cinq entrées pour le premier et deux entrées pour le second plus petit. Soit un ensemble de 90 appartements.
Visite des officiels au Hutin mai 1960 NE
La description d’un appartement nous est proposée par une des locataires, membre de l’atelier : dès le rez-de-chaussée, on accède directement à deux appartements. Tous les appartements du bâtiment sont strictement identiques, même surface, même disposition. On y accède par une petite entrée, où se trouvent un petit placard, et les WC. On entre ensuite dans le séjour sur la droite, avec une très grande fenêtre, les appartements sont très bien exposés. Le soleil se lève du côté du séjour et se couche dans la cuisine, qui est rectangulaire avec deux grandes fenêtres. Il y a aussi une petite salle de bain avec une fenêtre, on ne peut y accéder que par la cuisine, sans doute à cause de la disposition des canalisations. Au bout du séjour, on a un petit couloir sans porte et deux chambres de part et d’autre de ce couloir. Il y avait des placards dans les appartements, ils sont d’origine, et dans l’espace entre les deux chambres, on a monté un genre de dressing, avec des portes coulissantes en bois, qu’on a ensuite enlevées pour mettre des tentures, c’est assez profond et assez haut. Ces placards, c’était bien pour les jeunes ménages, ça évitait d’acheter des meubles.
Croquis d’un appartement par notre témoin
Il reste encore quelques locataires qui sont là depuis le début, ils m’ont raconté qu’au début, ils étaient chauffés avec des feux à charbon. Autrefois les caves communiquaient et elles avaient une petite cellule réservée au stock de charbon. Puis elles ont servi pour des dealers, elles ont été finalement condamnées en 2009, autant l’accès par le bloc que par l’extérieur. Les charges n’ont pas été réduites pour autant. Sur la droite au rez-de-chaussée droit du n°65, il y a eu des ilotiers qui avaient une permanence. Ils ont fermé rapidement. Après il y a eu un gardien, c’était son logement de fonction.
Les appartements et la verdure Photo CQ ECHO
Depuis 20 ans que je suis là, les bailleurs se sont succédé : l’Opac de Roubaix, puis Roubaix habitat maintenant c’est LMH. Il y a eu du changement concernant les espaces verts. Quand je suis arrivée, il y avait de la verdure, c’était magnifique, des arbres, de la végétation, on entendait les oiseaux dès le matin. Après la réhabilitation, ils ont tout coupé, les arbres soi-disant malades, pour faire un parking. Ça ne nous laisse plus de place pour les espaces verts, et ils en ont encore enlevé pour placer les conteneurs de récupération, alors on plante des fleurs en bas de nos fenêtres, sur le devant des fenêtres ou les petits parterres non exploités, dans la descente d’escalier. Entre voisins on se passe des plantes et des graines. Ils ont fait le parking sans concertation, ils ont dessouché les arbres avec des bulldozers. Les gens ont commencé à se garer, du jour au lendemain, le parking s’est ajouté à nos charges, du coup boycott du parking qui s’est retrouvé vide, on se garait dans la rue. Après, quelques locataires paient leur place, et comme des gens venaient se garer sans payer, on a mis des poteaux fixes et noirs pour empêcher le passage, du coup les véhicules de secours ne peuvent plus passer.
Les appartements aujourd’hui vue Google Maps
Pour l’époque, fin des années cinquante, l’accès à l’électricité et à l’eau courante, c’était moderne. Il y avait des locataires portugais, algériens, français, qui arrivaient dans des appartements avec confort, salle de bains, on disait pièce d’eau à cette époque. C’était des ouvriers du textile ou des travailleurs du bâtiment. Le chauffage central individuel au gaz était installé quand je suis arrivée. En 2009, il y a eu une réhabilitation extérieure, remise aux normes des vieilles chaudières, les sanitaires, mais le double vitrage date des années quatre-vingt. Les changements sont difficiles à obtenir : par exemple, les lampadaires, on en a sur la façade arrière du bâtiment, et on a du mal à faire changer les ampoules. La grande transformation, c’est l’évacuation des eaux usées, on a une colonne d’évacuation qui est à l’intérieur du mur de cuisine, entre chambre et cuisine, alors quand c’est bouché, je ne vous parle pas de l’odeur. Comme maintenant tout le monde a un lave-vaisselle, une machine à laver, le débit a augmenté. On voit aussi qu’il y a un changement des mentalités, à cause du mode de vie. Aujourd’hui, c’est chacun chez soi et chacun pour soi. Quand je suis arrivée là j’ai été bien accueillie, il y avait de tout, les enfants jouaient dehors, les mamans se rassemblaient devant le bloc, on papotait. Aujourd’hui, c’est bien différent.
Après la seconde guerre, on dénombrait à Roubaix une vingtaine de braderies, dont les dates étaient fixées avec la municipalité, et qui constituaient des animations de quartier fort courues. Une braderie, aussi appelée ailleurs vide-greniers, foire aux puces, bric-à-brac, troc et puces, est un rassemblement populaire au cours duquel des particuliers exposent les objets dont ils n’ont plus l’usage afin de s’en départir en les vendant aux visiteurs. Par extension, et avec le temps, une braderie est devenue une manifestation commerciale se déroulant le plus souvent en plein air et permettant aux commerçants de liquider leurs marchandises à prix bas. En 1950, le quartier Alma-Fontenoy proposait trois événements de ce genre : une braderie rue du Fontenoy, le 2e samedi de juillet, une braderie Alma Fontenoy, le lundi de la fête des fabricants, et une braderie rue Blanchemaille, le 1er samedi de septembre.
On peut supposer que la première braderie citée se situait place du Fontenoy, alias le marché des « noirtes femmes », autrefois cœur du quartier, et qu’elle s’étendait dans les rues avoisinantes, rue de France, rue de Toulouse, rue Jacquart. Les lieux ont beaucoup changé, la place n’existe plus et la braderie elle-même n’est plus répertoriée au début des années soixante. De nos jours, une braderie brocante organisée rue de France le 1er mai perpétue cette animation. Autrefois le 1er mai était la date de la braderie de la rue du Collège.
Braderie rue de l’Alma en 1950 Photo NE
La seconde braderie, dite Alma Fontenoy, s’est très longtemps tenue dans la rue de l’Alma, importante artère commerçante de Roubaix, de la rue Saint Vincent de Paul (aujourd’hui avenue des Nations Unies) jusqu’à la rue du Fontenoy, voire plus loin. Le nombre des cafés, des commerces, la présence de la Redoute, du cinéma le Royal, ont fait que cette braderie était fort fréquentée dans un quartier à forte densité de population, cela avant l’opération dite Alma Gare.
Braderie rue Blanchemaille en 1950 Photo NE
La troisième braderie de la rue de Blanchemaille, rappelle le caractère commerçant de proximité de cette rue, notamment dans sa partie entre la rue Saint Vincent de Paul et la rue Archimède. L’extension des locaux de la Redoute entraînera la transformation progressive de la rue du Fontenoy et de la rue de Blanchemaille. La braderie n’apparaît plus dans les années soixante.
On le voit, les braderies n’étaient pas l’apanage des grandes rues commerçantes de Roubaix. Certaines ont pu garder le côté animation de quartier qui les caractérisait. En effet, les braderies sont souvent associées à des fêtes ou à des animations de quartier, dont elles figurent bien souvent le moment de clôture. Des vingt braderies répertoriées en 1950, signalons qu’il en existe encore seize en 2015, mais peu dans les quartiers nord. Sans doute cela résulte-t-il des modifications urbanistiques du quartier, mais également de la disparition des commerces de proximité, qui commence au début des années soixante, avec l’apparition des grandes surfaces à l’orée de la ville.
Paul nous fait part de ses souvenirs de jeunesse :
« A Roubaix, (quartier du Pile), on peut voir boulevard de Mulhouse entre la rue Fénelon et la rue de Mons, un bâtiment scolaire privé. C’est une construction ancienne, mais toujours utilisée pour l’Enseignement.
Une petite porte, percée dans un mur de briques boulevard de Mulhouse, donne accès à une petite cour de récréation. Au fond de cette cour se trouve ce bâtiment avec 4 classes, deux au rez-de-chaussée et deux à l’étage. Cette école était appelée l’école de garçons St Alexandre.
Photo IGN – 1932
Actuellement, elle fait partie du groupe scolaire Notre Dame de Lourdes, dont l’entrée est au 8 rue Bourdaloue. Le groupe comprend plusieurs locaux servant à l’enseignement autour d’une cour de récréation asymétrique, verdoyante. C’est l’ancien lieu du patronage Saint Rédempteur.
Dans les archives, il n’est pas fait mention de l’école Saint Alexandre, vraisemblablement construite avant 1910.
J’y ai été écolier de 1933 à 1937, si bien que j’ai usé mes fonds de culotte dans chacune des quatre classes. Je me souviens du feu Godin au milieu de la pièce, allumé quand c’était nécessaire par les élèves à tour de rôle, aidés et conseillés par l’instituteur. Le papier journal, le petit bois, le seau de charbon, la boite d’allumettes… Toute une époque !
Pupitre de l’école Archimède – document médiathèque de Roubaix
Sur les murs, les cartes de géographie : réseaux routier, fluvial, ferré de la France… On rêvait de voyages en les regardant. Il y avait aussi la carte des départements, bien coloriée, et un planisphère. Sur la table de l’instituteur, une mappemonde, je crois.
Dans une armoire vitrée, des instruments de mesure et de capacité en bois et en métal, exposés par rang d’importance.
L’encrier de faïence logé dans un trou percé dans le bois des pupitres. Les plumes gauloises et Sergent Major, nos doigts teintés d’encre violette. L’estrade, le bureau du maître, le grand tableau noir (puis vert foncé), et les craies ! Nostalgie, souvenirs !
Photo journal de Roubaix – 1935
Le logement du directeur et de sa famille se trouvait rue Bourdaloue. L’arrière de la maison n’était séparé du bâtiment scolaire que par un petit potager bordé de fleurs, bien entretenu par Mme Declerc. Après M. Declerc, ce fut M. Castre, puis M. Vanhoutte qui fut le directeur, lorsque mes garçons, dans les années 60, sont allés à St Alexandre. »
Mouvements gymniques au centre aéré dans les années 30 – document archives municipales
Nous tenons à remercier Paul de son témoignage. Peut-être avez-vous un souvenir à transmettre ? N’hésitez pas à nous contacter.
En 1907, la commission municipale du 8 février décide de la démolition de l’ancien cabaret des mille colonnes, placé au milieu du parc, et devenu trop vétuste. Dans son édition du 14 avril, le Journal de Roubaix explique qu’on déplacera le cabaret pour préserver « la superbe perspective ». Le nouvel établissement sera construit dans le massif de ceinture du parc avec sa façade sur l’avenue de Jussieu, presque en face du kiosque.
La Laiterie – document médiathèque de Roubaix
Cette situation excentrée devient cependant un inconvénient après la 1ere guerre lors du percement de l’avenue Jean Jaurès et le déplacement des voies du Mongy qui passent de l’avenue Le Nôtre à cette nouvelle artère. En effet, pour conserver un tracé rectiligne à celle-ci, on est contraint de la faire passer très près de l’arrière du débit de boissons, à tel point que la double voie du tram est obligée de faire un détour pour éviter la brasserie en empruntant la chaussée.
Photo IGN – 1950
Au fur et à mesure que la circulation augmente, ce tracé présente des dangers d’accidents de plus en plus grands et oblige les wattmen à redoubler de vigilance en abordant cet endroit. Une carte postale nous montre les voies faisant une courbe pour éviter le café. Les poteaux supportant la caténaire indiquent bien leur position sur l’emprise de la route :
Document coll. Particulière
En 1950, Nord Matin fait état de nombreux accidents, dont certains mortels, et nous apprend que la municipalité a décidé de supprimer l’établissement, envisageant de le remplacer plus tard par une nouvelle brasserie-restaurant, mieux placée pour attirer les roubaisiens et animer le parc.
Nord Matin 1950
La démolition a lieu, et une photo aérienne datée de fin mai 1951 nous montre l’ancien emplacement de la brasserie disparue. On y voit également que les voies ferrées contournent toujours la zone :
document IGN
Très vite, on modifie le tracé des voies : pour les redresser, on les fait passer là où se trouvait la Laiterie.
Photo Nord Eclair
On modifie également le carrefour, doté maintenant de deux branches en Y, et on installe près des rails, au milieu d’un massif, l’aubette en béton qui était placée un peu plus loin vers Roubaix.
documents Nord Eclair 1951 et Archives municipales 1953
Pourtant, ce nouveau carrefour s’avérera, lui aussi, très vite dangereux et, en 1957, on le modifie pour le simplifier. Il perd l’une de ses branches, qui sera transformée en parking, très vite réclamé par les utilisateurs du parc. Pour cela, il faut diminuer la largeur du massif de fleurs qui entoure l’aubette.
Photo IGN 1962
La situation va rester sans changement jusque dans les années 2000. L’aubette, supprimée, est remplacée par deux abris placés l’un côté Roubaix, l’autre côté Lille du carrefour.
L’ancien emplacement de l’aubette, et les deux abris – photos Google
L’usine de César et Joseph Pollet fut construite en 1903, c’est une filature de laines peignées, une retorderie et un tissage. La maison mère, manufacture de tissus pour robes et draperies, fut créée rue Nain en 1831 par Joseph Pollet. En 1950, l’usine Pollet se situe au n°153 rue Edouard Vaillant. C’est dans cette usine que cinq sœurs d’une même famille, les sœurs Leclercq, ont travaillé pendant plus de 30 ans. En 1950, un article de presse leur est consacré, qui nous apprend que Jeanne, Clémence, Laure, Zoé et Célina totalisent ensemble 174 années de travail chez Pollet. Elles sont toutes titulaires de la médaille du travail. Voici leur histoire.
Les cinq sœurs Leclercq Photo NE
D’abord la famille, présente depuis plus d’un siècle à Roubaix. Le père Florimond Eloi Leclercq est né à Roubaix en 1868. Il habite rue du Tilleul, (aujourd’hui rue Jules Guesde) il est domestique à la naissance de sa première fille, en 1897. Le grand père Charles Ferdinand Henri Leclercq est né à Roubaix en 1820, et il est fileur. L’arrière-grand-père Florentin Leclercq est né en 1789, il est tisserand à Roubaix. Voilà donc une famille présente à Roubaix depuis au moins un siècle et demi.
Jeanne Espérance Leclercq épouse Turpin est née en 1897 à Roubaix, s’est mariée au même endroit en 1920. Elle est entrée à l’usine Pollet le 11 novembre 1912, à l’âge de 15 ans. En 1950, elle exerce la profession de soigneuse de continu à filer. C’est un travail qui nécessite une position debout permanente, avec de fréquents déplacements entre les différentes machines, dans le bruit, l’humidité et la chaleur. Elle est domiciliée avenue Linné, Square des Platanes. Clémence Madeleine Leclercq épouse Delaender est née en 1898 à Roubaix, où elle s’est mariée en 1924. Elle commence à travailler chez Pollet le 30 décembre 1912, à l’âge de 14 ans. En 1950, elle exerce la profession de soigneuse de préparation, comme sa sœur ainée. Laure Leclercq épouse Dutilleul est née en 1902. Elle est entrée à l’usine le 10 septembre 1914, l’âge de 12 ans. En 1950, elle est papillonneuse chez Pollet, et elle habite juste à côté de l’usine, square des acacias.
L’occupation allemande à Roubaix CP Méd Rx
Les trois premières sœurs ont donc commencé à travailler chez Pollet dans une période difficile. La première guerre mondiale venait de commencer. Dès octobre 1914, les allemands occupent l’usine, puis réquisitionnent les matières et tissus, avant de démonter tout ce qui pouvait l’être, machines, tuyauteries, câbles, canalisations… Pillée par les allemands jusqu’en en 1918, cette usine reprit son activité moins d’un an après leur départ.
Le 10 décembre 1919, Zoé Leclercq épouse Hasquette née 1904, entre chez Pollet à l’âge de 15 ans. En 1950, elle est soigneuse de préparation comme ses sœurs ainées, et elle habite également square des acacias. Enfin Célina Leclercq épouse Debever née en 1906, commence à l’usine le 10 décembre 1919 à l’âge de 13 ans. En 1950, elle est également soigneuse.
Mais ce n’est pas fini ! La famille est également concernée. Florimond Leclercq, le père a travaillé 25 ans dans la même usine. L’épouse de l’un de ses fils née Julie Evrard y est entrée en novembre 1931. Le mari de Jeanne, Alfred Turpin, et son fils y sont également. Enfin le mari de Zoé, M. Hasquette y était mécanicien.
Les trois censes Photo PhW
Quand le textile tournait à plein rendement, il n’était pas rare de trouver dans une même usine une famille entière (voir notre article les cinq de chez Delescluse aux Trois Ponts). Selon les conditions de travail et les conditions de vie (logement et déplacement), il arrivait qu’on fasse l’intégralité de sa vie professionnelle dans la même entreprise.
Après avoir été occupée par Phildar, l’usine de la rue Edouard Vaillant le fut par les Trois Suisses à partir de 1965. En juin 2013, l’ancien site est transformé en lieu de commerces et d’habitation par la société Saint-Roch habitat. L’endroit sera dénommé Les 3 Censes, en référence à l’ancien caractère champêtre des lieux et à la proximité d’anciennes grosses fermes aujourd’hui disparues (Beaumont, Gourghemetz, La Haye).
Sources : Nord Éclair, Archives municipales de Roubaix, Ravet Anceau