Les bus et le tout béton

Nos kiosques « vitrés de glaces » vont rester en place une cinquantaine d’années. Puis, atteints par la limite d’âge, ils seront remplacés dans le paysage roubaisien par des « aubettes modernes » selon l’expression de la Voix du Nord. Ces aubettes en béton seront, pour le modèle courant, ouvertes et disposeront de fenêtres de petites dimensions, plus faciles à entretenir.

Le premier kiosque ancien à disparaître, à la fin de l’année 1954, est celui de la grand-place. Il est remplacé l’année suivante par une construction spécifique comportant des bureaux, rapatriés du laboureur, et un abri pour les usagers. Nord Éclair souligne que sa « sobriété de lignes sera appréciée des connaisseurs ».

Photo Nord Eclair
Photo Nord Éclair

La même année, on projette de déplacer le terminus des Mongy de la place de la Liberté à la grand-place. La voie sera tracée sur un terre-plein dans l’axe de la place, bordé de places de stationnement en épi pour les voitures. Ce projet signe l’arrêt de mort de l’ancien kiosque qui disparaît peu après.

Photo Nord Matin
Photo Nord Matin

Le kiosque situé sur le terre-plein central du boulevard Leclerc, presque en face du Broutteux, perd sa raison d’être avec la disparition des tramways. Il verra pourtant son existence temporairement prolongée par reconversion, et sera transformé en 1956 en magasin de fleurs à l’enseigne des « Floralies Roubaisiennes ». On le voit encore sur les photos aériennes de 1968, mais il a disparu sur celles de 1969.

 

Photo Nord Matin
Photo Nord Matin

Le kiosque de la place Chaptal est victime de l’automobile en 1957. Relativement grand, il interdisait pratiquement le stationnement sur la place. On le remplace par un abri béton décentré et beaucoup plus petit, ce qui libérera des places de stationnement. Ce dernier est édifié avant la destruction de l’ancien, qui remplira ainsi son office jusqu’au bout.

Photos la Voix du Nord
Photos la Voix du Nord

Dès 1962 Nord Matin se fait l’écho d’un projet visant à améliorer la circulation et le stationnement sur la place de la gare. On prévoit notamment d’installer des plate-formes en épis pour les bus, ainsi qu’un kiosque en béton au débouché de la rue de l’Alma. Ces aménagements entraîneront la démolition de l’ancien kiosque. Tous ces travaux seront réalisés en 63-64.

document collection particulière
document collection particulière

Le remplacement de celui de la place de la Fraternité suivra de peu. Toujours présent en 1965, il disparaît lui aussi, laissant la place à une aubette béton reportée quelques mètres plus loin. Les photos aériennes successives montrent l’ancien puis le nouvel abri.

Photos IGN
Photos IGN

Mais, à côté des remplacements, il est des aubettes qui apparaissent. C’est le cas du quartier de Barbieux, où l’on crée, en 1955, un abri béton juste à la porte de l’hospice. Il est destiné aux usagers de la ligne 15.

Photo Nord Eclair
Photo Nord Éclair

De même, un nouveau kiosque est installé au coin de la rue rue Charles Fourier et de l’avenue Delory, face à la « banane ». Il est visible sur les photos aériennes de 1962 à 1988. Il sera ensuite délogé de son emplacement par des plantations.

Document Médiathèque de Roubaix
Document Médiathèque de Roubaix

Il est d’autres kiosques, construits aux arrêts du Mongy notamment le long du parc Barbieux. L’un d’eux est même déplacé d’une quarantaine de mètres en 1951 lors des travaux d’aménagement de la ligne à la suite de la suppression la Laiterie.

Photo Nord Matin
Photo Nord Matin

Il reste à évoquer le cas du kiosque de la compagnie TELB, celle des tramways de Lille. Il a été installé au coin de la rue de Lille et du boulevard de Cambrai, près du bureau de l’octroi en 1907,et semble encore présent sur une photo aérienne de 1953. Il disparaîtra sans doute un peu plus tard, peut-être lors de la suppression de la ligne F entre Lille et Roubaix en 1956 ?

Document collection privée
Document collection privée

 

La bijouterie du quartier

Les participants de l’atelier mémoire du Centre ont fait l’étude des commerçants de la Grand Rue, parmi lesquels cette bijouterie située au n°137, dont l’histoire nous a été racontée par la fille de la maison. En 1928, le n° 137 formait une seule maison, occupée par les cycles Deletombe. Puis le bâtiment se divise en deux : en 1932, on y trouve le coiffeur Van Eeno et le marchand de journaux Liénart. Au moment de l’installation de l’horlogerie bijouterie en 1942, l’autre partie était occupée par l’Optique André, gérée par M. Chantepie auquel a succédé M. Raymond Dumortier, sous la même enseigne. Amand Battiau et sa femme ont donc ouvert le magasin en 1942. Mais Amand est décédé en 1945 et sa veuve s’est remariée avec M. Richard.

L'horloger bijoutier et l'opticien, tous deux au n°137 Photo Coll Particulière
L’horloger bijoutier et l’opticien, tous deux au n°137 Photo Coll Particulière

Autour de la bijouterie, il y avait une cour et une petite maison, aujourd’hui disparus. Ce terrain a été repris par l’institution Jean XXIII, pour faire une salle de sports juste derrière. La bijouterie se situait donc en face de chez Deruyck, le marchand de musique bien connu. Après il y avait le Galon d’eau, les graines…

Le grand père horloger Doc Coll Particulière
Le grand père horloger Doc Coll Particulière

Le père Battiau était artisan horloger, comme le grand-père, qui avait un atelier au n°170 rue de l’Ommelet. Il avait appris le métier avec des livres que sa fille possède encore. Horloger créateur, il fabriquait lui-même des pendules. Les deux artisans, père et fils faisaient des modèles uniques, et le grand-père a été récompensé d’une médaille de Besançon pour une de ses pendules.

Le père horloger et une pendule originale Coll Particulière
Le père horloger et une pendule originale Coll Particulière

« Nous avions une clientèle de classe moyenne, les gens avaient tous leur réveil matin, et au plus il faisait tic-tac, au plus ils l’aimaient. Les réveils silencieux, les gens n’en voulaient pas, parce qu’ils ne faisaient pas de bruit. On vendait des coucous, des régulateurs, des montres, des réveils. Ça allait des grands machins qui sonnaient tous les quarts d’heure, aux coucous qu’on faisait marcher quand les enfants venaient parce qu’ils aimaient bien l’entendre ». Le père Battiau avait créé une grande pendule qui servait d’horloge publique. Les gens qui partaient travailler le matin la regardaient, et quand elle s’arrêtait, ils venaient prévenir, car ils disaient qu’ils n’avaient pas eu l’heure. Anny se souvient des carillons, ça sonnait tous les quarts d’heure. Elle dit qu’elle ne supporte pas de ne pas les entendre les tic-tac. Elle n’aime pas le silence, car elle dormait à côté de l’atelier, où toutes les pendules sonnaient. A six ans, elle savait remonter les horloges.

L'horloge "publique" de Monsieur Battiau Coll Particulière
L’horloge « publique » de Monsieur Battiau Coll Particulière

Dans cette horlogerie bijouterie, on a vendu des marques, bien sûr, comme : jaz, vedette, lip, zenith, lov, et on avait des buvards publicitaires. Pour la bijouterie or, pas de marque, mais on faisait aussi les bijoux Fix et Murat, c’était du plaqué, dit un témoin. Il y avait des catalogues. En bijouterie, on faisait les colliers, les bagues… Pour les cadeaux, c’était différent de maintenant. Avant les gens se fiançaient, on faisait des bagues de fiançailles, puis ils se mariaient, il y avait des alliances. On avait les baptêmes, pour lesquels on vendait chaînes, médailles, bracelets, et cadeaux Christofle, timbales, ronds de serviette, coquetiers. A la Sainte Catherine, on offrait les couverts Christofle à la pièce, pour que les filles célibataires montent leur ménage. Ensuite on avait les  communions, c’était la première montre, moment très important, de marque Lov, spéciale communions, et les chaines, les croix, et les gourmettes. On avait une clientèle, car tout le monde travaillait. On allait chez son bijoutier, c’était la bijouterie du quartier.

La fameuse montre de communion doc Coll Particulière
La fameuse montre de communion doc Coll Particulière

Les réparations les plus fréquentes sur les montres, c’était l’axe du balancier était cassé, en général c’est parce que la montre était tombée. Mais les gens juraient leurs grands dieux que non, qu’elle n’était pas tombée, que c’était un défaut. Ou encore cette dame qui est venue un jour avec le balancier de son horloge, en disant qu’il ne bougeait plus !

Intérieur et devanture de l'horlogerie bijouterie Coll Particulière
Intérieur et devanture de l’horlogerie bijouterie Coll Particulière

Maintenant il n’y a plus beaucoup d’artisans. Chez les bijoutiers d’aujourd’hui, ce sont des chaînes, les montres à quartz sont jetables, on ne répare pas et pour les grandes marques, il faut les renvoyer à l’usine. D’ailleurs la bijouterie du n°137 n’a pas fait de grandes marques, parce qu’elles voulaient un seul magasin qui en gardait l’exclusivité.  On a fermé en 1992, le beau père était veuf, « son magasin, c’était son magasin », sinon on aurait arrêté avant. On est restés cinquante ans au même endroit, et il n’y a pas eu de repreneur, car les petits commerces périclitaient.  Le stock, ou ce qu’il en restait, a été vendu en salle des ventes, après trois mois de soldes avec autorisation préfectorale.

Merci à Anny pour ce magnifique témoignage

Magris et le granito

Joseph Magris, est né dans un village près de Trieste et de Venise. Cimentier de son état, il vient en France après la première guerre. Il travaille à Reims, puis dans le Pas de Calais, enfin à Tourcoing, dans le cadre de la reconstruction. Puis Il s’installe à son compte en 1925 à Roubaix au 133 rue de la Mackellerie.

Joseph Magris et sa maison Photos NE
Joseph Magris et sa maison Photos NE

Cette maison à l’architecture insolite (dit la presse de l’époque) a été entièrement aménagée par son nouveau propriétaire, qui va y installer une entreprise de bâtiment prospère. De l’ancienne maison, il ne reste plus rien. Au rez-de-chaussée, front à rue, c’est l’usine avec l’entrée des bureaux, le vestiaire des ouvriers, et l’entrée du personnel. Il y avait aussi une petite salle d’exposition. La maison d’habitation située au-dessus comprend des balustres, des jardinières, un escalier extérieur, une large terrasse, comme il se doit d’influence italienne. C’est désormais la maison de Joseph Magris, le fabricant de « granito ».

Initialement, Joseph Magris est granitier, il fabrique des dalles avec des morceaux de marbre, il était aussi polisseur sur place. C’était fastidieux, il fallait poncer et re-poncer, mais ça durait et c’était beau. Mais c’était aussi cher. Joseph Magris invente alors une imitation de la pierre bleue (marque Sirgam). Puis ce sera le granito, qui est une pierre artificiellement reconstituée, utilisée pour les pavements, les revêtements et pour les monuments funéraires. Moins cher que la pierre naturelle (le marbre ou la pierre de Soignies), le granito permet de faire des monuments funéraires à bon marché.

En tête de l'entreprise Magris Coll Particulière
En tête de l’entreprise Magris Coll Particulière

Joseph Magris se lance ensuite dans la fabrication de carreaux de granito, toujours avec l’argument d’être bon marché, il propose de la couleur. A l’aide de ses deux fils Oscar et André, il développe cette nouvelle orientation. D’autres projets suivront, carrelages pré-fabriqués, sous forme de dalles.

La maison Magris aujourd'hui Photo Google Maps
La maison Magris aujourd’hui Photo Google Maps

Une anecdote concernant l’entreprise : sur le fronton de l’usine de la rue de la Mackellerie, l’artisan avait mis un s à Granito sur la façade, transformant notre italien en espagnol. Les lettres étaient en relief, et on décida de repeindre en blanc la lettre en trop. C’est pourquoi on la voit encore apparaître sur la façade.

L’entreprise s’est développée : cinq, dix puis vingt ouvriers. Il faut un autre local. C’est ainsi que Joseph Magris achètera en viager l’usine de la rue de Mouvaux, ex tissage Domino, anciennement savonnerie Vaissier, qu’il utilisera pour l’exposition de ses produits, mais aussi pour la fabrication des grands formats. En 1958, les Ets Magris fabriquent chaque jour 300 m² de carreaux en granito. Une exposition permanente de ces matériaux est visible au 2 de la rue de Mouvaux (ancienne usine de savonnerie Vaissier) avec entrée libre. Une autre exposition est installée au centre de documentation du bâtiment à Lille Place de la Gare.

Magris à la foire de Lille Photo NE
Magris à la foire de Lille Photo NE
Le stand Magris à la foire de Lille Coll Particulière
Le stand Magris à la foire de Lille Coll Particulière

En 1959, les Ets Magris exposent à la foire de Lille, et le ministre de la construction s’intéresse à leur production. Les carreaux de granito Magris sont présentés comme un matériau absolument remarquable de solidité et d’élégance. On évoque également le goût des coloris : ciment flammé, mosaïques de marbre, carrelages de granito, agréables à l’œil, au toucher, solides et confortables. C’est du beau, du bon et du pas cher ! Le stand Magris présentait une polisseuse de carrelage, qu’on utilisait pour poncer sur place sur les chantiers des particuliers, notamment pour qu’on ne voie pas les joints.

En tête de chez Magris Coll Particulière
En tête de chez Magris Coll Particulière

Progressivement l’entreprise s’est équipée avec des robots et des nouvelles machines. Elle fabriquait les grands formats rue de Mouvaux, et les petits rue de la Mackellerie. Quand elle a cessé ses activités, l’entreprise produisait quotidiennement 520m². Sur la fin, elle ne fabriquait plus de granito, mais des dalles d’usine et de trottoir, pour les aéroports, ou les usines. L’entreprise s’est arrêtée à Roubaix en novembre 2004. Une société des Carrelages Magris dont l’objet est la fabrication d’éléments en béton pour la construction est aujourd’hui implantée à Lieu Saint Amand près de Bouchain.

Merci à Patrick pour les précisions et les anecdotes

La limite de Roubaix

La rue de l’Espierre se situe à la limite nord du territoire roubaisien. Elle joint le canal de Roubaix, à la hauteur du pont des Couteaux, au territoire de Wattrelos. Nivelée en juin 1894, elle fait partie du projet de création d’un nouveau quartier du Hutin. Le 15 juin 1899 est organisée la vente des terrains qui sont pour la plupart la propriété de la société civile Dubar frères. Il s’agit de créer un nouveau quartier en viabilisant l’endroit, avec des rues bien tracées. L’ensemble est divisé en quinze lots dont le dernier constitue celui de la rue de l’Espierre. La première guerre mondiale perturbera la réalisation de ce projet.

Plans 1847 et 1899 du quartier du Hutin doc AmRx
Plans 1847 et 1899 du quartier du Hutin doc AmRx

Il faudra attendre avril 1930, pour que soit posée la canalisation d’eau potable dans la rue de l’Espierre. En avril 1931, on s’occupe de mettre une chaussée pavée entre le quai de Marseille et la rue Delespaul, puis en février 1932, on envisage le prolongement jusqu’au canal, qui sera effectif en 1933. Les travaux se poursuivent en mars 1934, avec la pose d’un aqueduc  entre le quai de Marseille et la rue Delespaul, et en mai 1934, on réalise le pavage entre Pont des Couteaux et rue Thècle. Ce n’est que le 9 octobre 1942 que le conseil municipal crée officiellement la rue de l’Espierre et la classe dans le domaine public.

Le débouché de la rue Thècle dans la rue de l'Espierre Photo Google Maps
Le débouché de la rue Thècle dans la rue de l’Espierre Photo Google Maps

Après la seconde guerre, les travaux reprennent : en 1954, on envisage le prolongement jusque Wattrelos, et à ce moment le ruisseau de l’Espierre est « aqueduqué ». Il s’agit en effet de réaliser un grand ensemble de logements sur la plaine de la Mousserie à Wattrelos. En 1956, l’aqueduc de la rue va jusqu’à Wattrelos. De 1957 à 1959, la rue de l’Espierre obtient une chaussée en tarmacadam. Selon le Ravet Anceau de 1953, la rue de l’Espierre est alors longue de 215 mètres, part du quai de Marseille et s’en va dans les champs. Peu de commerces : au n°61, à l’angle de la rue Thècle, le cafetier Devudder, qui fera alimentation en 1960, au n°73, l’entreprise de vieux métaux Leleu.

La rue de l'Espierre à l'angle de la rue...de l'Espierre Photo Google Maps
La rue de l’Espierre à l’angle de la rue…de l’Espierre Photo Google Maps

Au début des années soixante, la rue se complète : des maisons du n°101 au 107 des maisons, et un immeuble aux n°117/123 de quatre appartements. Côté pair, sont alors construits six immeubles n°92 à 100 de 10 appartements chacun. Curieusement ces immeubles sont construits du côté impair de la rue, et forment une impasse gardant le nom de la rue de l’Espierre.

La rue de l'Espierre aujourd'hui Photo Google Maps
La rue de l’Espierre aujourd’hui Photo Google Maps

Quelques années plus tard, le projet de route de la laine vaudra à la rue de l’Espierre de perdre ses maisons du côté pair, lequel est désormais occupé par des arbres, de la verdure et des protections anti bruits.

Sources : Archives Municipales de Roubaix, Histoire des rues de Roubaix par les Flâneurs, Témoignages et photos des membres de l’atelier, Google Maps

Le pont de la Vigne

Dès la construction du canal, on prévoit des ponts aux endroits de passage les plus fréquentés. Celui reliant la rue de la Vigne et la rue de Cartigny est édifié en 1870. C’est un pont tournant à ossature métallique, construit sur le même modèle que les ponts Daubenton et du Fontenoy. Son tablier est étroit : la chaussée ne fait pas plus de trois mètres et le croisement est impossible ; les trottoirs ne permettent le passage que d’une personne de front. Sa date de construction est inscrite de chaque côté de sa pile centrale.

Documents Bibliothèque numérique de Roubaix
Documents Bibliothèque numérique de Roubaix et archives municipales

Pour éviter aux piétons une attente lors du passage des péniches, due à la lenteur de la manœuvre manuelle du pont, on décide de lui adjoindre en 1902 une passerelle. Placée à quelques mètres en amont du pont, elle est inaugurée le 10 Octobre 1904.

 

Le pont et sa passerelle – document coll. particulière
Le pont et sa passerelle – document coll. particulière

Comme les autres ponts du canal, il est sans doute démoli par les allemands lors de leur retraite en 1918. Il sera néanmoins réparé et remis dans son état premier.

En juin 1955, on le trouve trop incommode et son état nécessiterait des travaux importants. On pense le démolir pour le remplacer par un pont basculant à deux travées. Le tablier fera 13 mètres de large, dont 9 mètres pour la chaussée : les véhicules pourront enfin s’y croiser ! Il faudra trouver une solution pour le passage des tramways qui l’empruntent.

Pour effectuer les travaux, on érige une grue, et Nord Eclair précise « Il s’agit d’une grue particulièrement puissante, dont il n’existe, paraît-il, qu’un seul exemplaire en France… » Elle sera capable de soulever l’ancien pont d’une seule pièce. Elle doit servir également à enfoncer des pieux destinés à stabiliser le nouvel ouvrage.

 

L'installation de la grue – document Nord Eclair
L’installation de la grue – document Nord Eclair

On démarre les travaux, mais le 9 décembre, la grue s’effondre, pilier central brisé. Il faut réparer la grue, et pour cela la soutenir par un échafaudage.

Réparation de la grue – document La Voix du Nord
Réparation de la grue – document La Voix du Nord

Le 21 décembre, nouvel accident. Cette fois, la flèche s’effondre sur la toiture du café à l’enseigne du pont de la Vigne, formant le coin. Heureusement, les dégâts sont mineurs. On relève la flèche et on répare de nouveau la grue, avant de reprendre les travaux.

Le deuxième accident – document Nord Eclair

On installe des palplanches, derrière lesquelles on fait le vide d’eau, de manière à construire les culées sur les pieux de béton préalablement enfoncés.

 

Les travaux – document Nord Eclair
Les travaux – document Nord Eclair

L’ouvrage va maintenant bon train, et l’inauguration et la mise en service ont lieu en octobre 1957, concomitamment avec l’exposition d’étalages organisée par l’union des commerçants de la rue de la Vigne. Victor Provo coupe le cordon inaugural, devant une foule nombreuse malgré le mauvais temps. L’événement est précédé d’animations : caravane publicitaire, combat de catch, et retraite aux flambeaux.

 

L'inauguration – Document Nord Eclair
L’inauguration – Document Nord Eclair

La passerelle métallique de 1904 présente sur une photo de presse de 1957, disparaîtra à son tour en Novembre 1958, victime de son âge. Une expertise révèle un affaiblissement considérable dû à l’oxydation des poutrelles métalliques qui la composent et des piliers qui la soutiennent.

 

Le nouveau pont et la passerelle survivante – document La Voix du Nord 1957
Le nouveau pont et la passerelle survivante – document La Voix du Nord 1957

On décide donc sa démolition.

Le pont est celui qu’on utilise encore de nos jours ; il donne toujours satisfaction à ses utilisateurs.

 

 

 

L’indésirable kiosque

Sur la place de la gare, l’introduction d’un kiosque-abri va soulever des problèmes et être à l’origine d’échanges et de nombreux affrontements.

gare00-96dpiL’abri, d’abord prévu par le cahier des charges « sur le refuge existant au centre de la place », est placé sur ce trottoir circulaire, dans l’alignement de l’avenue qui y mène, à l’intérieur de la raquette formée par les voies. Son accès se fait côté gare.

gare02-96dpiMais, très vite, on se rend compte qu’il gêne la circulation. Une lettre du service de la voirie de juin 1920 fait état « d’études et pourparlers établis avant la guerre, pour le déplacement du kiosque-abri de la place de la gare » : on propose d’abord en 1908 à la compagnie de diminuer l’emprise du refuge. Celle-ci fait une contre-proposition en 1911. Elle préférerait carrément supprimer l’abri pour en installer un plus petit sur le trottoir de gauche de la place, face à l’impasse Deldique, ruelle allant de la rue du chemin de fer à la rue de la Gare. Il se trouve que la municipalité verrait d’un bon œil la suppression d’un obstacle dans la perspective de l’avenue de la gare, mais on demande d’abord l’avis de la chambre de commerce. Celle-ci se prononce contre cette solution. On réunit alors une commission municipale qui examine la question.

Gare03-96dpiLa municipalité opte pour le déplacement et choisit pour y implanter le kiosque le trottoir situé devant les bureaux de la grande vitesse et l’octroi, c’est à dire à droite en regardant la gare. La compagnie du Nord répond que l’emplacement est très mal choisi et demande de trouver un autre point de chute pour cette construction. Elle propose le côté gauche, près de la passerelle du Fresnoy. La municipalité juge très incommode cet emplacement gênant l’accès à la passerelle. La compagnie de tramways remarque de son côté que l’emplacement est situé trop loin des voies.

Toutes ces études, sont faites avant la guerre, et les hostilités arrêtent le projet. Il ne revient à la surface qu’à partir de 1920. Cette année là, une commission municipale se rend sur place et préconise enfin l’entrée du passage Deldique, avec une partie en saillie sur le trottoir, de même importance que celles des terrasses des cafés situés à côté. Elle ne prévoit plus une démolition, mais un simple déplacement.

Document archives municipales
Document archives municipales

Les travaux sont réalisés par la compagnie des tramways et le kiosque rejoint son nouvel emplacement. Il est maintenant placé sur la gauche de la place, à la limite de la rue de la gare, à côté du café du Coq Hardi. L’impasse a été couverte entre-temps et seule une partie de l’abri en émerge. Un photo nous laisse apercevoir son toit au dessus de l’autobus :

gare04-96dpiUn article du Journal de Roubaix de 1935 nous informe que la l’ELRT propose de déplacer l’abri depuis « la petite ruelle » vers le trottoir des numéros impairs, de manière à ce que le chef de station puisse « commodément surveiller l’embarquement des voyageurs et donner au wattman le signal de départ ». Cette proposition n’a pas de suite, et l’abri reste au même endroit jusque bien après la guerre.

Photo Nord-Eclair
Photo Nord-Eclair

Néanmoins on se préoccupe d’aménager la place cette même année 1935 pour faciliter la circulation, gênée par le nombre des tramways mis en réserve et stationnés au milieu de la place en attendant les heures de pointe pour être mis en service. En effet, l’abondance des véhicules particuliers devient telle que les bouchons se multiplient à cet endroit. L’idée est de reporter les stationnements des trams le long des trottoirs, de supprimer les poteaux supportant les lignes aériennes, et de créer une double voie dans la rue de l’Alma pour y reporter les tramways en réserve d’utilisation. L’abri est de plus en plus mal placé…

Les autres documents proviennent de collections particulières

 

 

Platt frères

La société Platt frères est installée boulevard de Lyon depuis fort longtemps. En voyant ce site fermé depuis plusieurs années, le curieux peut se demander d’où vient cette société, et ce qu’elle fabriquait.

En faisant quelques recherches, on trouve au 19eme siècle à Old’Ham en Angleterre une entreprise Platt brothers (ou Platt Bros) qui fabriquent des machines textiles. Elle deviendra dans sa branche l’une des plus importantes d’Angleterre. L’un des membres de cette famille va-t-il s’expatrier en Normandie ? Toujours est-il que, en 1864 et 1866, naissent à Sotteville les Rouen John et William Platt. Leur père, Samuel, né en 1837 est ouvrier régleur de cardes. Après 1880, la famille quitte la Normandie et vient s’installer à Roubaix, où Samuel ouvre avant 1886 une fabrique de cardes et d’outils trempés au 187-189 rue de l’Alma, entre la rue de France et la rue de Tourcoing. L’entreprise prend le nom de Samuel Platt et compagnie.

La société quitte la rue de l’Alma avant 1906, Samuel prenant peut-être sa retraite (il est né en 1837), et l’affaire est reprise par John et William et on la retrouve en 1909 au 108 rue La Fontaine sous la nouvelle raison sociale de Platt frères.

Documents médiathèque de Roubaix et coll. particulière
Documents médiathèque de Roubaix et coll. particulière

Ils sont mécaniciens constructeurs, fabriquent de l’outillage nécessitant une trempe. La porte cochère conduit à une cour dans lequel se trouve l’atelier. Ils resteront à cette adresse jusqu’en 1924, date à laquelle ils installent d’abord leurs bureaux, puis l’entreprise elle-même boulevard de Lyon au numéro 106 à partir de 1926. Ils se spécialisent alors dans la fabrication de cardes destinées à l’industrie textile.

L’usine occupe un terrain qui s’étend jusqu’à la rue Ingres, d’où on aperçoit une cour servant aux chargements et déchargements. La grand porte métallique du Boulevard de Lyon sert à l’entrée du personnel. A sa droite se trouvent les bureaux techniques, dont la première fenêtre est celle du responsable d’atelier. Les bureaux situés à gauche de la porte métallique sont beaucoup plus récents et abritent les personnels administratifs et commerciaux qui ne figurent pas encore sur cette photo aérienne de 1962 :

Document IGN

La fabrication comportait plusieurs opérations. A partir d’un ruban d’acier reçu en bobine, on commence par l’emboutissage des dents. Puis le ruban est étire, passe dans un four à induction pour être préchauffé, puis sur les rampes à brûleurs à gaz pour être chauffé au rouge. Il traverse ensuite un bain contenant de l’huile pour être trempé et acquérir la dureté nécessaire. Ensuite, les dents sont avivées sous un jet d’huile de coupe. En bout de chaîne, le ruban est reçu sur un rouleau, puis emballé et expédié. Dans certains cas, le ruban est enroulé en hélice sur un tambour de carde pour emploi direct, mais, le plus souvent, le ruban est installé sur la machine par les soins du client.

Quelques étapes de la fabrication – photos DR
Quelques étapes de la fabrication – photos DR

Jusque dans les années 80, toutes les machines étaient anglaises, ainsi que les pièces détachées. A chaque panne, il faut attendre que les pièces arrivent d’Angleterre. L’alimentation de la chaîne se fait à la main, mais, à partir des années 60-70, la vitesse de parcours du ruban est régulée automatiquement, d’abord avec des platines électroniques pilotant des armoires à relais. Dans les années 90, on transforme et on améliore les machines avec des pièces françaises, et on en ré-automatise l’asservissement et la commande avec des automates français Télémécanique au départ, puis Siemens. Cette technologie n’a plus évolué jusqu’à la fin (pas d’informatisation). Dans les derniers temps, le directeur de production est belge.

Une armoire de commande - Photo DR
Une armoire de commande – Photo DR

Mais l’entreprise éprouve des difficultés et est contrainte à la fermeture. La société Bekaert tente en 2004 de reprendre l’activité, mais a doit, elle aussi, fermer en 2008. Elle regroupe aujourd’hui ses activités à Armentières. Depuis cette époque, le site est une transformé en friche industrielle. On pense y construire des logements, mais le terrain est peut-être pollué, ce qui retarde les choses.

Remercions Daniel pour sa collaboration.

 

Photos Jpm
Photos Jpm

 

 

 

 

Encore des lotissements

Au pont rouge, la première tranche de construction est vite suivie d’une autre, dite « Pont rouge II » intéressant 158 logements. Une photo aérienne de 1953 nous montre les nouvelles constructions, autour de celles, surlignées, de la première tranche. Les journaux se font l’écho de cette vague de constructions.

Document archives municipales 1953 et Nord Eclair 1956
Document archives municipales 1953 et Nord Eclair 1956

Ces nouvelles maisons sont de plusieurs types. Les premières, maisons individuelles situées le long et au delà de la rue de Maufait, ainsi que rue Schuman autour de son carrefour avec la rue de Maufait, sont toujours à le toit pointu, mais les fenêtres sont plus nombreuses et plus importantes que celles de la première tranche. La plupart sont à briques apparentes, mais certaines sont crépies. L’entrée est en renfoncement, abritée dans l’angle de la construction, et la façade comporte trois fenêtres groupées.

Maisons du premier type - Photo Delbecq – archives municipales
Maisons du premier type – Photo Delbecq – archives municipales

Mais on voit également sur les photos aériennes de 1953 d’autres groupes d’autres maisons en cours de construction le long de la rue Schuman, en face des collectifs de la première tranche : si celles-ci ont encore le toit pointu, il l’est notablement moins. Une vaste baie constituée de trois parties en façade, mais les fenêtres de l’étage ne forment plus des chiens-assis, et sont abritées par le débordement du toit.

Maisons du deuxième type Photos Jpm
Maisons du deuxième type Photos Jpm

On rencontre également un troisième type de maisons, qui ressemblent un peu aux précédentes avec leur toit débordant, mais en diffèrent par certains côtés : les petits carreaux percés dans une zone cimentée pour éclairer les Wc, et la disposition intérieure. Par contre, on reste avec des parements en brique et des fenêtres au rez de chaussée en trois parties.

Troisième type de maisons – photo Jpm
Troisième type de maisons – photo Jpm

On construit également un autre type de maisons groupés en deux blocs au coin des rues Léon Blum et Schuman. Elles ont aussi le toit plat et débordant, mais elles sont réalisées en béton. On retrouve les fenêtres du rez de chaussée en trois parties. Un des deux blocs, celui situé sur la rue Schuman a été démoli il y a quelques années et remplacées par des constructions neuves ; l’autre a été réhabilité.

Le type en ciment – photo Jpm
Le type en ciment – photo Jpm

 On construit également des collectifs implantées le long et face à la rue Léon Blum, alors à peine tracée. Ils disposent de balcons et restent de taille humaine pour ceux situés rue Léon Blum. La barre sur la rue Schuman est plus importante ; elle possède un balcon sur toute la longueur du dernier étage.

Les collectifs lors de leur construction – Photos Shettle – archives municipales, et Jpm
Les collectifs lors de leur construction – Photos Shettle – archives municipales, et Jpm

 Une photo de 1957 nous montre les constructions achevées dans le quartier : des blocs collectifs (surlignés), et plusieurs ensembles de maisons individuelles le long des rues Léon Blum et Robert Schuman. On y voit réalisé l’ensemble des trois programmes pour le Pont rouge.

Photo IGN - 1957
Photo IGN – 1957

Mais d’autres réalisations sont encore à venir. On projette encore en 1957 la construction de collectifs à la limite de Lys les Lannoy, derrière le parc des sports, sur une zone encore agricole. De même Nord Eclair fait état en 1956 d’un projet de l’évêché pour la construction d’une église à l’extrémité de la rue Yolande… On construit également le groupe scolaire du Pont rouge, rue Julien Lagache, près de la ferme Lebrun. Son architecte en est Pierre Neveux. Il comportera 16 classes, dont 10 primaires.

Le premier bloc collectif, celui situé le long Salengro disparaît en 1992 : Il est démoli pour cause d’instabilité dû à un terrain trop meuble. On trouve aujourd’hui une pelouse sur son emplacement.

Photo Google Maps
Photo Google Maps

 

Il est à noter que le quartier ne comporte pas de commerces : on n’y a construit que des logements. Autre remarque : toutes ces constructions – en brique- semblent avoir traversé le temps sans dommage apparent, à la différence de certains lotissements ou collectifs plus récents, mais construits différemment. On peut également constater que les options d’origine prises par le CIL, construire une « cité jardin », étaient justes : le quartier reste calme, aéré et agréable.

 

Une ferme au Huchon

La cense du Huchon, qui a donné son nom au quartier, est très ancienne : en 1520 elle est tenue par Binet des Huçons. Elle est située près du chemin des Loups (dont la première partie conserve aujourd’hui le nom de la rue des Loups) non loin du chemin de Barbieux.

Plan cadastral 1805
Plan cadastral 1805

Au 18e siècle, la famille Lepers exploite la ferme, sans en être encore propriétaire. En effet, durant la révolution, celle-ci appartient au sieur Van der Cruisse émigré à l’étranger. Elle est alors rachetée par le censier Lepers qui la revend à son ancien maître à son retour de l’étranger. Celui-ci, pour le remercier, lui laisse la ferme et un verger, tout en gardant les terres. Les Lepers conservent la ferme tout au long du 19ème siècle, et finissent par acheter l’ensemble de la propriété. On trouve là successivement trois générations de cultivateurs du nom de Pierre Joseph Lepers, le dernier décédant en 1865.

Mais de profondes bouleversements menacent ce coin tranquille : il est question de tracer un canal entre la Deule et l’Escaut. Celui-ci s’arrête encore dans les années 1840 à la barque d’or, au bas de la rue du Moulin. Son prolongement vers Croix nécessite le creusement d’un souterrain sur le site de la ferme Le canal traversera ensuite l’actuel parc Barbieux.

Plan cadastral 1845
Plan cadastral 1845

Ce projet bouleverse une première fois l’existence de la ferme, dont une partie des terres doit être expropriée. Finalement les travaux de terrassement du tunnel sont arrêtés pour cause d’éboulements répétés, et le chantier reste « en plan » quelques années. Le projet est enfin abandonné en faveur d’un autre tracé et on décide, dans les années 1860, de la création du parc et d’une large voie, l’avenue de l’Impératrice, y conduisant. Cette avenue est rebaptisé boulevard de Paris après la fin de l’Empire. Plus tard, à la fin du siècle, est conçu également le projet de percement du boulevard de ceinture sur le site (boulevards de Cambrai et de Douai). Le tracé de ce dernier boulevard doit passer pratiquement sur la ferme, qui va connaître une deuxième expropriation et la cession d’une autre partie du terrain.

Projet de 1886 et ses deux options
Projet de 1886 et ses deux options

La propriété appartient alors à Marie Madeleine Villers, veuve de Pierre Joseph Lepers, cultivateur et dernier du nom. Ils ont eu quatre enfants, une fille et trois garçons. La veuve a quitté la ferme et habite en 1885 au 53, plus bas sur le boulevard. Les pourparlers pour les expropriations se poursuivent de 1889 jusqu’en 1893. Le boulevard de Douai est finalement tracé de façon rectiligne dans l’alignement de l’entrée principale du nouvel hospice : Il ne fait pas face au boulevard de Cambrai et épargne les bâtiments la ferme qui restent en place pour un peu de temps encore.

La situation en 1896
La situation en 1896

Le quartier prend à cette époque un caractère résidentiel et de beaux hôtels particuliers s’y construisent. Sur le coin, à l’emplacement de notre ferme s’installe la famille d’Ernest Roussel-Masurel avant 1900. En 1953, on y trouvera encore les familles Roussel-Masurel et Lefebvre-Masurel. La propriété étend son parc le long du boulevard de Douai jusqu’à la rue de Barbieux. L’occupation des locaux semble cesser entre 1960 et 1963.

 

La demeure Roussel-Masurel au 139 - Document P.Vanhove
La demeure Roussel-Masurel au 139 – Document P.Vanhove

En effet, le bâtiment ne survivra pas. Comme beaucoup d’autres boulevard de Paris, il est victime dans les années 60 d’une vague de démolitions liée à une aspiration au modernisme. Dès les années 50, un groupement, la « société immobilière de constructions du boulevard de Paris », se donne pour but de « remplacer les immeubles existants par des bâtiments modernes, implantés de façon rationnelle… » (La Voix du Nord du 25 février 1955). La première réalisation sur le site est la résidence d’Armenonville, qui va être suivie de plusieurs autres. Une photo aérienne de 1960 nous montre l’état des transformations. On y voit quelques hôtels particuliers survivants dominés par les nouveaux immeubles.

 

Photo La Voix du Nord - 1960
Photo La Voix du Nord – 1960

 Puis, on procède à la démolition du numéro 139, ce qui permet d’incurver le boulevard de Douai pour le faire déboucher en face de celui de Cambrai : il reprend le plan d’origine qui passe sur l’emplacement de l’ancienne ferme. Celle-ci continue pourtant à faire parler d’elle, puisque, en 1980, lors de travaux de réparation de la chaussée boulevard de Paris est mis au jour le puits de la la cense. On le comble alors, sans même entreprendre de fouilles. Aujourd’hui, à cet emplacement s’étend un espace vert.

 

La ferme et de son chemin d'accès replacés dans le quartier actuel. Photos Google et Jpm
La ferme et de son chemin d’accès replacés dans le quartier actuel. Photos Google et Jpm

Les autres documents proviennent des archives municipales.

 

 

Les kiosques-abris des tramways

La municipalité, dans ses relations avec la compagnie des tramways, se réserve par le cahier des charges de 1875 le droit d’imposer l’emplacement des « bureaux d’attente et de contrôle ». Quel est le nombre et l’emplacement de ces bureaux ? Les cartes postales les plus anciennes nous montrent un tel édifice sur la grand place, construit avec un toit à deux pans, et placé devant l’église St Martin. Cet emplacement se situe à un endroit privilégié, point de rencontre des lignes A Croix-Tourcoing par grand place de Roubaix et la place de la Fosse aux chênes, B Roubaix-Lannoy, et C Mouvaux-Wattrelos. Dans un entrefilet du 6 octobre 1897, le Journal de Roubaix nous annonce la démolition d’un kiosque sur la grand place qui doit être immédiatement suivie de celle du kiosque situé sur la place de la Liberté.

Le premier kiosque grand place – documents archives municipales et coll. particulière
Le premier kiosque grand place – documents archives municipales et coll. particulière

Un nouveau cahier des charges, annexé à la convention signée par le Président de la République en 1905 prévoit 7 bureaux d’attente pour le service des voyageurs pour la ville de Roubaix. La compagnie des tramways de Roubaix-Tourcoing doit donc s’exécuter et construire ces édicules. L’implantation de ces kiosques est prévue grand place, place de la gare, place de la fosse aux chênes, la place Chaptal, le boulevard Gambetta, la place de la Fraternité , et le parc Barbieux. Ils sont pratiquement tous identiques, à deux exceptions près, constitués qu’ils sont d’un soubassement en pierre bleue, surmontée d’une armature métallique en fer forgé vitrée de glaces. Au dessus, une corniche en chêne couverte d’un toit de zinc. Le sol est en carreaux de céramique, et le plafond en pitchpin verni, ainsi que les banquettes. Seuls les abris de la grand place et de Barbieux ont en plus une avancée, fermée pour le premier, ouverte pour le second.

L'aubette de Barbieux – document archives municipales
L’aubette de Barbieux – document archives municipales

On fait les enquêtes administratives nécessaires, mais il se trouve que les riverains de la place Chaptal protestent contre l’emplacement prévu. La commission d’enquête municipale conclut que la compagnie doit louer une maison de la place et en transformer le rez de chaussée pour en faire un abri. Il reste six autres aubettes à construire, et la mairie rappelle à la compagnie l’urgence de ces constructions. En 1908, on modifie l’emplacement prévu du kiosque de Barbieux : destiné à l’origine à se dresser au coin du boulevard de Cambrai devant le café du Parc, il va être placé en face, au coin du boulevard de Douai. Mais il faut démolir pour cela le mur des serres de la ville, installées là. L’aubette est construite, mais les riverains se plaignent très vite de la présence d’immondices dans le kiosque. La compagnie se défend en déclarant qu’un homme est affecté à plein temps au nettoyage, mais que que la police ne fait pas son travail de surveillance. Cet échange de courriers nous apprend par ailleurs que les kiosques sont fermés la nuit. Six abris sont maintenant construits, mais il manque encore le septième, prévu place de la fosse aux chênes. On reste sur l’idée de louer une maison pour y aménager un abri et le septième est finalement construit sur la grand place de Wattrelos, avec la participation financière de l’ELRT, dont le nouveau réseau départemental dessert cette ville.

Le kiosque de Wattrelos – document Journal de Roubaix - 1930
Le kiosque de Wattrelos – document Journal de Roubaix – 1930

L’abri de la grand place a remplacé, sur le même emplacement, celui démoli précédemment. Il est plus vaste et plus commode que son prédécesseur.

La seconde aubette de la grand place et celle de la place de la Fraternité – documents médiathèqu
La seconde aubette de la grand place et celle de la place de la Fraternité – documents médiathèque

Nous allons passer en revue dans une prochaine livraison le destin des autres kiosques roubaisiens. A suivre …