Les Magasins Drouffe ( suite )

Gabriel Drouffe a le sens des affaires ; il communique énormément par la publicité de presse, et envoie également des catalogues à toutes les mamans, lors d’une nouvelle naissance.

( Doc coll. priv. )

Sa fille ainée Lucette Drouffe se marie avec Marcel Piat et ouvre un magasin Drouffe à Lille, au 103 Boulevard de la Liberté, vers 1935. Son fils, Jacques Drouffe, et son épouse Madeleine s’installent à Dunkerque, rue de l’Amiral Ronarch, en 1938, mais ce nouveau magasin Drouffe sera détruit, lors des bombardements de Juin 1940.

( Doc coll. priv. )

Jacques Drouffe, passionné de radio, revient à Roubaix et commence à distribuer les marques Murphy, Socdadel et Telenord et apporte un petit complément de chiffre d’affaire à l’entreprise paternelle, et se termine au début des années 50.

( Doc coll. priv. )

Après la seconde guerre mondiale, le baby boom fait exploser les ventes de landaus, de chambres, de voitures d’enfants. Gabriel Drouffe est membre de l’Union des commerçants de la rue de Lannoy. Il est aussi musicien averti et virtuose, comme l’ensemble de sa famille. Par ailleurs, il devient, en 1949, juge au Tribunal de Commerce de Roubaix.

En 1958, Gabriel décède. Son épouse Germaine reprend l’affaire et continue l’activité avec ses deux fils : Jacques et Gabriel surnommé Gaby, aidés de leurs épouses respectives. A la fin des années 50, Jacques et Gabriel modifient leur stratégie commerciale et deviennent concessionnaire Materna : une grande marque spécialisée en laits infantiles en poudre, et en ampoules de jus de fruits naturels, lesquels étaient, jusqu’à présent, vendus en pharmacies.

le 43 rue de Lannoy au début des années 60 ( Documents JP Drouffe )
le 43 bis rue de Lannoy au début des années 60 ( Documents JP Drouffe )

Désormais, les deux frères Drouffe vont se limiter à l’activité de négoce avec des fournisseurs connus, comme Bébéconfort, qui apportent une gamme complète d’articles de puériculture. Ils décident de fermer l’usine de production de Toufflers. En 1964, la démolition de la rue de Lannoy est programmée ! Tous les commerçants doivent déménager et quitter cette artère commerçante, pour laisser place au futur centre commercial Roubaix 2000.

Jacques et Gabriel signent, en 1964, un bail de location avec Mme Van-Hooland pour un local commercial, au 28 place de la Liberté . C’est un petit commerce situé entre le magasin de chaussures Préselect et la supérette Lecomte. Ils font appel à l’architecte Constant Verdonck, au 35 avenue Jean Lebas, pour l’aménagement et la transformation du magasin ; les travaux s’élèvent à 30.000 Frs.

( Documents JP Drouffe )

Après l’ouverture éphémère d’un magasin Drouffe à Mons en Baroeul en 1975, Jacques et Gabriel décident de prendre une retraite bien méritée. Le magasin du Bld de la Liberté à Lille ferme. Aucun des enfants ne souhaite continuer l’activité. Le magasin de la place de la Liberté à Roubaix ferme donc ses portes définitivement en 1980. Après un siècle d’existence, la maison Drouffe garde une image forte de notoriété, de réputation, de qualité, de service et de sérieux.

Remerciements aux Archives Municipales, et à Jean Pierre Drouffe pour son témoignage et sa documentation.

Edmond Desbonnet à Roubaix

Quand il arrive à Roubaix, Edmond Desbonnet jouit déjà d’une certaine notoriété, comme professeur de culture physique, alimentée par le journal l’Athlète dont il est le rédacteur en chef. Venant de Lille, il gagnera ensuite Paris où il devait trouver la consécration. En attendant, il prospecte à Roubaix pour monter une quatrième école de culture physique.

Edmond Desbonnet à l’âge de 20 ans @ domaine public

Dans son journal, Edmond Desbonnet présente Franz Cyclops de son vrai nom Bienkowsky né à Tomken le 5 juillet 1862, un athlète extraordinaire qui a remporté un énorme succès au cirque royal de Bruxelles. Suit l’énumération de ses prouesses : deux haltères de 115 livres épaulées et poussées en haut des bras, une haltère de 200 livres dévissée d’une main très facilement, une haltère de 200 livres développée à deux mains, cinq fois de suite sans revenir toucher la poitrine. Ajoutés à cela un certain nombre de pièces, chaines, fils de laiton, courroies déchirés ou rompus, et un poids de 25 kg sur une table, soulevé par l’athlète assis le bras tendu jusqu’à hauteur d’épaule. Une véritable bête de foire entre le cirque de Bruxelles et les folies bergères de Paris !

Desbonnet annonce ensuite la soirée du 28 mars 1897 au Club athlétique roubaisien qui offre des primes afin d’attirer les compétiteurs. Arthur Leblond champion du nord pour le caoutchouc dorsal relève le défi. Cyclops sera également de la partie. Mais Desbonnet qualifiera le Cercle athlétique de Roubaix, de simple réunion de jeunes gens présomptueux. En effet, il ne se trouve aucun compétiteur à l’arrivée de Leblond et Cyclops. Leblond essaie l’extenseur roubaisien et le casse en deux. Il confie le sien au champion roubaisien qui ne le bouge pas. Après cette déception concernant le matériel, le lutteur Cyclops ne travaille pas, car il n’y a pas plus de défi que d’argent. Roubaix ne semble pas être à la hauteur.

Edmond Desbonnet écrit une chronique sur les trois célèbres lutteurs Youssouf, Nourouhlat et Kara-Osmann qui viennent en représentation à Lille. Ils ont pour barnum l’ancien athlète lutteur Doublier qui les a engagés à Constantinople. Ils sont turcs. Nouroulhat mesure 2 m et pèse 150 kg, Youssouf 1,86 et 115 kg et Kara-osmann 1,80 et 100kgs. Ce sont des lutteurs aguerris qui passeront par Roubaix à l’hippodrome un peu plus tard. Les turcs sont passés par le Cercle Athlétique Lillois puis sont rentrés à Paris où ils cherchent des engagements. On vend leurs photographies au journal.

Deux mois plus tard, l’attention de Desbonnet est retenue par les animations des cirques à Roubaix, qui en accueille deux à la fois, le cirque Diter et le cirque Lenka. L’athlète Léon Dumont est engagé au cirque Lenka obtient tous les soirs un grand succès. Il affronte quelques amateurs roubaisiens, Quivy, Desnoulez, le grand Jean, dont il est vainqueur. À l’occasion d’une rencontre de lutte au cirque Lenka entre deux roubaisiens Desnoulez et Jean Rousseau, le jury est composé de MM Parent, Desbonnet, Dubois, Février, Allemand, Leleu tous membres du Club Athlétique Lillois. L’enjeu est double, une prime de 100 frs et le titre de champion roubaisien. Les deux adversaires étant brouillés pour raisons privées, il n’y aura pas de compérage entre eux. Desnoulez est un lutteur amateur de première force et Jean Rousseau est le directeur de l’arène athlétique et du club de la rue de Lannoy. Rousseau est vainqueur de Desnoulez par un collier de force. Le frère de Desnoulez monte sur le ring et veut lutter, mais la police l’empoigne et l’expulse. Rousseau est champion de Roubaix 1897.

Le Journal d’Edmond Desbonnet in Gallica

Edmond Desbonnet semble être séduit par l’animation sportive roubaisienne. Il annonce la fête fédérale de gymnastique de Roubaix et publie le programme détaillé du 4 juin au 8 juin. Il signale également la création de la société de sport athlétique « la jeunesse roubaisienne » autorisée à se constituer chez M. Jean Burggrave quai de Rouen à Roubaix, par arrêté préfectoral du 25 juin.

Il consulte un peu les archives et relate dans son n°19 de juillet 1897 le concours athlétique de Mouscron s’étant déroulé le 25 décembre 1894. Y ont été primés les roubaisiens Emile Faucheux pour un épaulé et jeté d’un bras 140 livres, et Nauvelaerts troisieme du même concours.

Dans son N°22 d’ août 1897, Jules Parent et Edmond Desbonnet sont en visite chez les deux nouveaux clubs athlétiques de roubaix, l’un dirigé par Jean Burggrave 10 quai de rouen, et l’autre par M. Vancrayenest rue Philippeville. Ces deux sociétés sont amies et s’entraînent mutuellement. Parmi les athlètes recensés, on trouve les noms suivants : Henri et Jean Desnoulez, Jean Brys, Florentin, Scatteman, Davelos, Wotters, Lafrance, Dekayser, Vermersch, Rousselle.

Le professeur lillois est de plus en plus interessé par la vie sportive roubaisienne, il chronique dans la rubrique sports athlétiques le racing club roubaisien. Il donne le résultat des courses, les noms des racingmen, en tête Catteau, Bonnier, Reheiser, Dancette, Waeles, Vroman, Kaltemback, Loucheur, Kiebbe, Hargrave. Ces courses organisées par le racing club roubaisien se déroulent au vélodrome de Barbieux, et elles cloturent la saison sportive.

Publicité Extraite du Journal l’Athlète

En septembre 1897, Edmond Desbonnet fonde sa quatrième salle de sports à Roubaix. C’est une une école de culture physique super équipée qui compte rapidement trente élèves, et Jules Parent le champion du nord amateur vient y donner des leçons. C’est un club privé qui donne des leçons particulières. On photographie l’adhérent à son arrivée, ses mensurations sont régulièrement prises et reportées sur un registre. L’ouverture de la salle intervient dans les premiers jours d’octobre et son adresse est 28 rue Jeanne d’arc en face les halles. Edmond Desbonnet y transfère le bureau et la rédaction du journal L’athlète. Vingt membres s’y entraînent régulièrement parmi lesquels les sociétaires : Masson, Scrépel, Plateau, Lucien Monet, Desgranges, Vallet, Debryl, Danel, Six, Dubeaurepaire.

La même année, Edmond Desbonnet organise le championnat du monde de force pendant l’exposition internationale de Bruxelles. Le Français Noël Rouveyrolis, dit Noël le Gaulois, y sera sacré champion du monde.

On lira une notice complète sur Edmond Desbonnet sur Wikipédia

Le tournoi du jumelage

Un des points communs entre les quatre villes sœurs de 1969, Bradford, Mönchengladbach, Roubaix et Verviers, c’est à coup sûr un passé, voire un présent footballistique glorieux.

Bradford City Association Football Club Photo NM

Ainsi le Bradford City Association Football Club est un club de football anglais est fondé en 1903. Le club adopte un statut professionnel et rejoint la League la même année. La saison 1910-1911 est la meilleure saison de toute l’histoire du club. Le club termine 5e de la division 1 et, le 26 mai 1911, le club remporte la finale de la Coupe d’Angleterre de football. La période d’après-guerre est particulièrement difficile pour les « bantams ». Lors de la saison 1921-1922, l’équipe est reléguée en division 2. Cinq ans plus tard, le club est relégué en troisième division. Il faudra deux saisons à Bradford pour remonter en division 2. Lors de la saison 1933-1934, ils ratent d’un point une montée en division 1 et finissent par retrouver la division 3, à la suite d’une relégation lors de la saison 1936-1937. Après la seconde guerre mondiale, l’équipe est reléguée en division 4 lors de la saison 1960-1961. La remontée en division 3 est finalement acquise lors de la saison 1968-1969. Bradford reste 3 saisons en division 3 avant de redescendre à l’échelon inférieur, en 1972.

Borussia Mönchengladbach Photo NM

Le Borussia Mönchengladbach est fondé le 1er août 1900 et le premier nom du club est le Fussballklub Borussia 1900. Le club accède à la plus haute division de l’époque en 1912 et devient champion d’Allemagne en 1920. Le Borussia intègre la deuxième division en 1949 et monte en première division de l’Allemagne de l’ouest l’année suivante. En août 1960, le club remporte la Coupe d’Allemagne de football face à Karlsruher SC (3-2). L’année suivante le Borussia devient le premier club allemand à participer à la nouvelle Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe, éliminés par les Glasgow Rangers en quart de finale. En 1965, le club accède au nouveau championnat d’Allemagne professionnel, la Bundesliga. Dans les années 1970, le Borussia devient l’une des figures de proue du football allemand. Le 31 octobre 1969, il occupe pour la première fois la tête du championnat. Il est encore aujourd’hui le deuxième club à avoir occupé le plus le haut du tableau après le Bayern Munich. Le 30 avril 1970 les « poulains » s’adjugent leur premier titre de champion. L’année suivante le Borussia remporte une nouvelle fois le championnat devant le Bayern Munich et devient alors le premier club à remporter deux fois de suite le championnat. Par la suite le Borussia continue à dominer le championnat tout en se distinguant sur la scène européenne. En 1972-1973 le club remporte la coupe d’Allemagne face à Cologne et atteint la finale de la coupe de l’UEFA où il s’incline face à Liverpool.

Le C.O.R.T Photo NM

Il n’y a plus vraiment de grand club de football à Roubaix. Le Racing Club de Roubaix né en 1895 a fusionné avec le Stade Roubaisien né en 1896 pour former le Racing Stade de Roubaix en 1963. L’année suivante, le nouveau club organise le tournoi international junior qui sera un rendez vous régulier pour les amateurs de ballon rond jusqu’en 1985. Après la seconde guerre, le CORT qui regroupe le RC Roubaix, l’Excelsior AC et l’US Tourcoing, est soutenu par l’industrie textile locale. Il termine troisième pour sa première saison, puis remporte le titre de champion de France dès la saison suivante, en 1946-1947. Mais il ne peut éviter la relégation en Division 2 à l’issue de la saison 1954-1955, et abandonne le statut professionnel en 1963. Les heures de gloire sont donc bien passées.

Royal Cercle Sportif Verviétois Photo NM

Verviers entre en football au cours de l’année 1896, initiée par un sud africain de passage, M. Scott Lane. Fondé le 18 octobre 1896, le Royal Cercle Sportif Verviétois fait partie des dix premiers clubs belges et il joue au stade de l’Ile Adam à Lambermont. Il fait partie des dix plus vieux cercles de football de Belgique. Le club a disputé 102 saisons dans les séries nationales, ce qui en fait le sixième club à avoir disputé le plus de championnats nationaux en Belgique. Surnommés « les Béliers », en référence au passé riche en industrie lainière de la région, les joueurs de ce club évoluent en vert et blanc, couleurs de la ville de Verviers. En 1897, ils s’affilient à l’Union Belge des Sociétés de Sports Athlétiques sous le nom de Verviers Football Club. En 1903 , c’est la fusion avec le Stade Wallon pour former le Club sportif Vervietois. En 1925, après l’obtention du titre de Société Royale, changement de dénomination : le Club sportif Vervietois devient le Royal Club sportif Vervietois et reçoit l’année suivante le matricule 8. Le club fut deux fois champion de Division 2 en 1925 et 1956 et une fois champion de Division 3 en 1948.

Les blasons des quatre équipes

Si l’on résume les forces en présence, Bradford présente donc une équipe de 4e division anglaise, Mönchengladbach est venu avec une sélection amateur des différents clubs de la ville, afin d’éviter un tournoi déséquilibré (dixit la presse), Roubaix « renforce » le CORT avec des professionnels comme Roger Boury (ex RC Lens et CORT, retraité depuis 1958, André Betta et Pierre Michelin deux ex Cortistes encore en activité dans le championnat professionnel) et Verviers présente une équipe de division 2 belge.

Le tournoi se déroule les 7 et 8 juin 1969 au Parc des Sports et met en présence les sélections de chaque ville. Les premiers matches opposent le RCS Verviers au FC Bradford et Mönchengladbach au CORT. Les anglais et les roubaisiens remportent leur match. C’est Pierre Michelin, lociste à l’époque, qui inscrit le but permettant à Roubaix de battre Bradford en finale.

Roubaix, rond point de l’Europe

Le 19 mai 1969 le conseil municipal décide de donner le nom de rond point de l’Europe au carrefour devant la poste principale. On y installe le nombre de mâts nécessaire pour hisser dans de grandes occasions les oriflammes des membres de la communauté européenne. Ce qui sera fait quelques jours plus tard, dans le cadre des cérémonies officielles de jumelage avec Bradford, Mönchengladbach et Verviers.

Le rond point de l’Europe Photo NE

Le jumelage entre deux villes date du moyen âge, alors que Roubaix n’existait pas encore1. Un jumelage est une relation établie entre deux villes majoritairement de pays différents, relation qui se concrétise par des échanges socio-culturels. C’est dans l’immédiat après seconde guerre qu’un mouvement fédéraliste français dépassant les clivages politiques, « La Fédération » fondé en 1944, relance dans les années 1950, l’idée du jumelage de communes en Europe. Cinquante maires européens fondent en janvier 1951 le Conseil des communes d’Europe. S’ensuit le premier jumelage entre deux villes européennes, Troyes et Tournai, le 4 novembre 1951 ; entre deux capitales, Rome et Paris en 1956. Un premier jumelage franco-allemand, entre Montbéliard et Ludwigsbourg est officialisé en 1962, un an avant le traité de l’Élysée qui scelle la réconciliation franco-allemande, signé par Charles de Gaulle et Konrad Adenauer2.

Il apparaît alors que le seul moyen de progresser sur le plan des relations internationales et d’apaiser les haines et les rancœurs, est de tisser des liens au niveau le plus élémentaire, la commune, et ainsi, d’établir des relations d’échanges étroits avec ses voisins. L’objectif initial consiste à échanger des connaissances, des expériences, du savoir-faire dans tous les domaines de la vie locale. Engager les populations traumatisées de cette Europe ruinée de l’après-guerre à fraterniser, relève du défi. Parmi les échanges culturels, en parallèle des diverses associations communales, les collèges et lycées des communes jumelées sont parties prenantes et aident à promouvoir ainsi l’apprentissage de langues étrangères.

Victor Provo l’européen Photo AmRx

Le projet de jumelage de Roubaix avec d’autres villes européennes verra donc son aboutissement en 1969. Mais dès les 20 et 21 juin 1968, une délégation de Mönchengladbach est reçue à Roubaix, puis le 1er octobre 1968, c’est au tour de la délégation de Bradford, avec à sa tête le Lord Maire Walton. Enfin, le 21 novembre, il est procédé au jumelage avec le bourgmestre de Verviers. Le 20 décembre, la municipalité de Roubaix reçoit des personnalités de Bradford,Verviers et Mönchengladbach. Le 28 décembre, ce sont les pongistes de Mönchengladbach. En 1969, les rencontres se poursuivent : le 23 mars, rencontre de natation des villes jumelées. Le 29 mars, c’est l’inauguration de la Maison de l’Europe à Roubaix, tandis qu’une délégation de la municipalité roubaisienne prend l’avion pour Bradford. En avril, les roubaisiens se rendent à Mönchengladbach. 

Les 7 et 8 juin 1969 ont lieu à Roubaix les cérémonies officielles de jumelage des villes de Bradford, Mönchengladbach, Verviers avec Roubaix. Alderman Edward Newby, Lord Mayor de Bradford, Wilhelm Wachetendonk, Oberbürgermeister de Mönchenglabach, Victor Provo Maire de Roubaix et Marcel Counson Bourgmestre de Verviers prêtent le serment de jumelage suivant :

« Librement désignés par le suffrage de nos concitoyens, certains de répondre aux aspirations profondes et aux besoins réels de nos populations, sachant que la civilisation occidentale a trouvé son berceau dans nos « anciennes communes » et que l’esprit de la liberté s’est d’abord inscrit dans les franchises qu’elles surent conquérir, considérant que l’oeuvre de l’Histoire doit se poursuivre dans un monde élargi mais que ce monde ne sera vraiment humain que dans la mesure où les hommes vivront libres dans des cités libres,

En ce jour nous prenons l’engagement solennel de maintenir des liens permanents entre les municipalités de nos communes, de favoriser en tous domaines les échanges entre leurs habitants pour développer par une meilleure compréhension mutuelle le sentiment de la fraternité européenne, de conjuguer nos efforts afin d’aider dans la pleine mesure de nos moyen au succès de cette nécessaire entreprise de paix et de prospérité : l’Unité européenne. »

Les quatre prestataires du serment de jumelage Photo AmRx

Roubaix est aujourd’hui jumelée avec les villes de Skopje (Macédoine) depuis 1973, Prato (Italie) depuis 1981, Sosnowiec (Pologne) depuis 1993, Covilhã (Portugal) depuis 2000 et a signé des accords de partenariat avec les villes de Bouira (Algérie) depuis 2003 et Qabatiya (Palestine) depuis 2012.

1Le Mans et Paderbron en 836
2D’après Wikipedia

Les magasins Drouffe

Benjamin Louis Drouffe a 25 ans lorsqu’il se marie, en 1880, avec Marie Chevalier. La même année, ils créent ensemble leur petite entreprise, une manufacture de meubles et sièges. L’entreprise L. Drouffe-Chevalier s’installe rue Pierre de Roubaix dans un bâtiment immense auquel on accède également par une porte cochère, au 29 rue de Saint Amand.

( Document BNR )

Très rapidement ils décident d’apporter un complément d’activité à leur entreprise. Au début des années 1900, ils produisent des voitures d’enfants, des charrettes, des attelages, des tricycles… dans leurs usines de Roubaix ( au 136-138 rue Pierre de Roubaix ) et de Toufflers (au 122 rue de Roubaix ).

( Document BNR )

La production est bien sûr artisanale : les landaus sont entièrement montés manuellement et demandent une main d’oeuvre abondante et spécialisée.

( Doc coll. priv. )
( Doc BNR )

En Août 1911,un incendie ravage l’entreprise de la rue Pierre de Roubaix, détruisant un lieu de stockage de meubles de grande valeur, un atelier de production de voitures d’enfants, et une partie de l’habitation. Le préjudice s’élève à 75.000 Frs. Les assurances permettent heureusement de rembourser les frais et de reconstruire les locaux.

( Document Journal de Roubaix . Archives Municipales )

Benjamin Louis et Marie sont ambitieux ; ils souhaitent développer davantage les ventes de leur commerce. Après la première guerre mondiale, ils font l’acquisition d’un immeuble au 43 et 43 bis rue de Lannoy ( juste à côté du café de la Planche Trouée ). La rue de Lannoy est l’une des artères les plus commerçantes de la ville, ce qui facilite le démarrage commercial de leur petite entreprise.

En 1920, ils engagent d’importants travaux d’aménagements de ces locaux et les transforment en magasin de vente et d’exposition de voitures d’enfants. En 1923, ils construisent un deuxième bâtiment juste derrière le magasin. Ils créent également un dépôt à Paris, rue de la Huchette.

( Document BNR )

Benjamin Louis et Marie ont 11 enfants. Trois de leurs garçons s’occupent de la production :

– à Toufflers, Albert s’occupe des services techniques et Eugène de l’administratif,

– à Roubaix Gabriel s’occupe de la gestion du magasin de la rue de Lannoy.

L’entreprise Drouffe Chevalier devient Drouffe frères, au début des années 20.

( Doc coll. priv. )

En plus de leur gamme de voitures d’enfants, ils fabriquent et distribuent également des lits, des chaises, des moïses, des jouets.

A la fin des années 1920, les frères Drouffe se séparent de l’usine de la rue Pierre de Roubaix pour ne garder que l’unité de production de Toufflers. Le bâtiment est repris par M. Larnou qui habite rue des Fossés, et qui le transforme en cinéma et dancing. Par la suite ce sera le cinéma « Renaissance ».

( Document Journal de Roubaix . Archives Municipales )

Début Juin 1931, des ouvriers du textile manifestent dans toute la ville. Ces événements durent plus de deux semaines. La tension monte entre ouvriers grévistes et forces de l’ordre et le 15 Juin des émeutes éclatent, surtout dans le quartier des Longues Haies et de la rue de Lannoy.( Maxence Van der Meersch en relate les événements dans son livre : Quand les sirènes se taisent )

( Document L’Egalité . Archives Municipales )

Des barricades sont érigées, des rues dépavées, des vitrines brisées, des magasins saccagés: les gardes-mobiles chargent pour réprimer ces manifestations non déclarées.

Les heurts sont très violents et il y a de nombreux blessés. Gabriel Drouffe n’hésite pas un seul instant à soigner un garde-mobile, le lieutenant Le-Thomas, qui a reçu un pavé en plein front. Les émeutiers n’apprécient pas ce geste et les représailles sont immédiates ; toutes les vitrines sont brisées, le magasin pillé, les deux véhicules Citroën ( voiture personnelle et fourgonnette de livraison ), stationnés rue des Longues Haies, sont saccagés et incendiés.

( Documents JP Drouffe )
( Documents JP Drouffe )

Devant tant de haine, Gabriel Drouffe fait paraître, dans la presse locale, une lettre dans laquelle il revendique le devoir de porter secours à tout blessé, qu’il s’agisse d’un garde-mobile ou d’un ouvrier gréviste.

À suivre . . .

Remerciements aux Archives Municipales, et à Jean Pierre Drouffe pour son témoignage et sa documentation.

Le château des prés

Le domaine des Prés s’étendait au chemin neuf, près de la ferme de Maufait, et entre les futurs boulevard de Reims et avenue Motte, les futures rues Jouffroy et Louis Braille. Il était traversé par le chemin numéro 9 qui le coupait en deux. Depuis la rue de Lannoy une large avenue plantée d’arbres menait au domaine, sur lequel était implanté un château. A l’extrémité de cette avenue et dans son alignement, se dressaient d’importants bâtiments réservés aux communs, le long du vieux sentier dit de la Potennerie. Le cadastre de 1884 donne le détail de ces communs qui consistaient, pour la parcelle 546, en remise, écuries et chambres de domestiques, des serres pour la parcelle 547, et une maison de concierge pour la parcelle 549. Ces bâtiments commandaient l’entrée d’un vaste parc d’agrément au centre duquel s’élevait l’habitation du propriétaire. Ce domaine était si important que le tracé du boulevard de Reims l’a évité en formant un coude pour passer entre les cette propriété et celle de la Potennerie, quasiment voisines par leurs extrémités.

Ce domaine appartenait à un industriel, qui avait fondé avec son frère Eugène la filature Cordonnier, située au 9 rue de Mouvaux. Louis Cordonnier vivait au château avec sa femme Jeanne, son frère Eugène, et ses filles Julie et Louise.

Avant que l’ouverture de la rue Jouffroy ne lui offre une adresse définitive, Louis Cordonnier a été recensé dans les voies les plus proches : domicilié pavé d’Hem (où débouche le sentier de la Potennerie) pour le cadastre en 1884, au 398 rue de Lannoy dans le Ravet-Anceau de 1886, (endroit où s’ouvre l’avenue Cordonnier), puis au 456 dans la même rue après renumérotation dans le recensement de 1891, on le retrouve au chemin n°9, qui traverse le domaine pour le recensement de 1896. Enfin l’adresse du château est fixée au 256 rue Jouffroy dès le percement de cette voie.

Plan Cadastral 1884

1899 voit Louis Cordonnier vendre les divers terrains constituant le domaine pour qu’on puisse ériger des constructions « sur un des points les plus salubres de Roubaix ». Pour attirer les acheteurs, il faut des rues le long desquelles construire : il fait don à la ville du sol de l’avenue Cordonnier, ainsi que les arbres qui s’y trouvent. Il fait également don des terrains nécessaires pour tracer l’avenue Linné et la rue Jouffroy.

A cette occasion, Jules D’Halluin-Lepers achète une partie de la propriété Cordonnier, comprenant la résidence principale et les bâtiments des communs. Sur le reste du domaine s’installera le jardin Ma Tante (voir l’article qui y est consacré), remplacé ensuite par le stade Dubrulle-Verriest après la première guerre. Le recensement de 1901 nous énumère les membres de la famille : Jules D’Halluin, né en 1850, Camille Lepers née en 1857, et leurs nombreux enfants Pauline, Jules, Maurice, André, Marthe, Marie, Madeleine. De quoi remplir les pièces du château !

Le château, vu côté Linné – document site Thierry Prouvost

Le nouveau propriétaire fait réaliser des travaux pour édifier un mur de clôture d’enceinte à la limite de la nouvelle avenue Linné et la famille s’installe. Le château semble fait pour les réceptions : au rez de chaussée, auquel on accède par le grand perron, se trouvent deux salles à manger, plusieurs salons, des boudoirs et des vestiaires. Les chambres sont en haut du grand escalier.

En 1924 Jules D’Halluin demande un permis de construire pour une maison d’habitation 256 rue Jouffroy. Cette maison va prendre la place des anciens communs. Elle est vaste et peut-être destinée à abriter la famille. Le corps principal est perpendiculaire à la rue Jouffroy ; le pignon se prolonge latéralement par un bâtiment bas coiffé d’une terrasse et abritant un atrium vers lequel mène la porte d’entrée et un vestiaire. Derrière l’atrium, un vestibule desservant les salons et la cuisine. Au fond, la salle à manger et un studio. Cette fois encore, c’est une maison faite pour recevoir ! A l’étage, une chapelle voisine avec les chambres. A l’extérieur, une grand porte surmontée d’une tour, elle-même couronnée d’un bulbe sphérique ouvre sur la cour d’honneur.

La nouvelle construction, vue depuis le coin de l’avenue Cordonnier – photo site Thierry Prouvost

L’année suivante, les travaux se poursuivent avec des aménagements dans le château et la construction de deux maisons de concierges accolées abritant de vastes garages le long de l’avenue Linné. De chaque côté de cet ensemble, des grilles d’accès à la propriété percent le mur de clôture.

Les maisons de concierges avenue Linné

En 1945 Clarisse D’Halluin-Lepers, veuve depuis avant la guerre, fait une demande de démolition pour le château. L’immeuble est vétuste, la toiture abîmée, et la charpente est attaquée par des champignons. De plus, il a été occupé par les allemands pendant la guerre ce qui a causé nombre de dégradations et l’a rendu inhabitable. Cette dame a abandonné le domaine : elle habite désormais à Tourcoing. Une photo aérienne nous montre en 1947 que le château a été démoli.

Depuis un collège privé et des immeubles collectifs ont été construits à l’emplacement du parc. Il ne reste aujourd’hui que la maison de 1925 qui a pourtant, au fil des ans, perdu sa tour et semble inhabitée aux chalands qui empruntent la rue Jouffroy.

Ces mêmes chalands, s’ils sont attentifs, peuvent encore apercevoir sur le mur de la maison une date et des blasons, et, s’ils prennent à gauche le long de l’avenue Linné, longer un tronçon du vieux mur de clôture de 1901 dont l’extrémité reste couronnée de sa grille d’origine.

Photos Jpm

Les documents proviennent des archives municipales et de la médiathèque de Roubaix.

Le 56ème Tour de France part de Roubaix

Le logo tour ville 1969 Photo NE

Roubaix, qui a déjà été Ville Étape 14 fois, est retenue pour être Ville Départ de la Grande Boucle pour la première fois, et la dernière à ce jour, de son histoire. L’accueil du Tour va nécessiter plusieurs mois de préparatifs. La Ville va notamment mettre à la disposition des organisateurs l’immense salle de tissage ainsi que les bâtiments annexes de l’usine Huet, boulevard Leclerc, désaffectée depuis cinq ans. Les services municipaux s’activent pour débarrasser le sol d’une épaisse couche de cambouis, nettoyer et repeindre les locaux et remettre à neuf les sanitaires. Des élèves du Collège d’Enseignement Technique du Bd de Lyon apportent leur concours en particulier pour la décoration. Une vaste salle de presse équipée de 10 lignes téléphoniques et de 8 téléscripteurs y est aménagée. Dès le lundi 23 juin, l’État Major du Tour prend possession des lieux, bientôt rejoint par les 370 véhicules et les 1400 personnes de l’organisation. Le stock de matériel comprend entre autres 2200 maillots, 2500 bidons et 2500 musettes.

Premier jour

Les festivités commencent le vendredi 27 juin 1969. Divers stands des partenaires du Tour et de firmes participantes à la caravane publicitaire sont installés boulevard Gambetta et proposent des jeux concours et des démonstrations de 17 h à 20 h 30.

A partir de 20 h 30, le podium d’Europe 1 installé sur la Grand Place offre un spectacle de variétés. Alain Barrière, les Frères Ennemis et Annie Fratellini s’y produisent. Un film reportage sur les préparatifs du Tour est ensuite projeté sur grand écran et la soirée se termine par un bal animé par l’orchestre de l’accordéoniste Raymond Boisserie.

Deuxième jour

Le samedi 28 juin, une réunion d’attente est organisée par le jeune Vélo Club de Roubaix sur la piste du vélodrome. Les deux grands « pistards » français Trentin et Morelon ainsi que le français Roger Desmaret, lauréat du récent Paris Roubaix Amateurs, affrontent des champions hollandais, belges, allemands, anglais et régionaux.

Le départ du contre la montre Photo NE

A 17 h est donné le départ du prologue du Tour. Il s’agit d’un contre la montre individuel. Les 130 engagés s’élancent de minute en minute depuis l’avenue Van der Meersch sur un circuit de 10 kms 400 qui emprunte les avenues Salengro, Motte, Delory, Le Nôtre. Le retour s’effectue par la rue Verte, les avenues Delory et Motte. L’arrivée est jugée sur l’anneau du vélodrome. Chaque coureur est suivi par une voiture de directeur sportif sur laquelle est apposée une pancarte avec son nom. Les milliers de spectateurs peuvent ainsi découvrir chaque concurrent et même le voir passer deux fois en se plaçant habilement sur ce parcours, au demeurant valorisant pour la Ville. Nombreux étaient ceux qui s’attendaient à une victoire d’Eddy Merckx. C’est Rudy Altig qui lui brûle la politesse pour 7 secondes et qui portera donc le premier maillot jaune de cette édition. Le soir, les animations reprennent sur la Grand Place et le film de l’étape du jour est diffusé.

Troisième jour

Présentation des équipes Photo AmRx

Le dimanche 29 juin, les cérémonies solennelles de départ commencent à 9 h au vélodrome avec la présentation des équipes. A 9 h 50, Victor Provo, Maire de Roubaix, coupe le ruban et donne le départ fictif de cette étape qui conduira les coureurs à Woluwe-Saint Pierre en Belgique. Après un itinéraire de 6,700 kms dans les rue de la ville, le départ réel est donné place Charles Louis Spriet direction Toufflers et la frontière. La fête est terminée…

Médaille du tour pour Roubaix Photo AmRx

La Ville de Roubaix est récompensée pour l’organisation sans faille de l’évènement par la Médaille de Reconnaissance du Tour remise par son Directeur Général, Jacques Goddet, à Victor Provo Maire de Roubaix.

La course à l’extension

La poste de la place Spriet années soixante Photo AmRx

A la fin des années 80 apparaît la nécessité d’une extension et d’une réhabilitation du bureau de poste de la place Spriet qui ne répond plus aux besoins de la population du quartier. Ce dossier va prendre les apparences d’un véritable « serpent de mer » :

  • Avril 1990, premier projet de réhabilitation et d’extension sur 71 m2 pour un montant de 1200 000 francs

  • Juin 1995, second projet de réhabilitation avec une extension sur 132 m2. Montant 2 200 000 francs

  • Octobre 1995, le même projet est déposé et n’aboutit pas non plus

  • Octobre 1996, nouvelle version pour un montant de 2 485 000

  • Fin 1997 le dossier est enfin finalisé et fera l’objet d’une délibération en Conseil Municipal le 28 mars 1998

Les 115 m2 existants seront entièrement réhabilités et l’extension sera réalisée sur 160 m2. Deux distributeurs de billets seront installés, l’organisation intérieure des guichets et le mobilier seront modifiés, une nouvelle entrée avec rampe d’accès pour les personnes à mobilité réduite sera aménagée. Le coût des travaux s’établit à 2 435 000 francs. L’État participe à hauteur de 1 017 500 francs (Fonds Social Urbain), la Poste pour un montant de 118 500 francs (distributeurs et mobilier) et la Ville, propriétaire des lieux, prend en charge 1 299 000 francs. Les travaux débutent le 17 mai 1999 sans interruption du service puisque un «transloko» est installé sur le trottoir.

Une tentative de hold up à main armée a lieu le 3 novembre 1999. L’agresseur, ayant sans doute estimé que l’installation provisoire la rendait plus vulnérable, fait face à un agent qui ne se départit pas de son sang froid et l’oblige à prendre la fuite. La petite mercerie Balot, voisine de la Poste, dépose un recours arguant que les travaux nuisent à la visibilité du commerce et impactent le chiffre d’affaires. Ce recours sera rejeté. Néanmoins, la Ville fait apposer un panneau « Commerce ouvert durant les travaux ».

La nouvelle poste Photo Carole Vanspey

Les travaux se terminent le 3 décembre 1999. On attendait un sprint, ce fut un marathon. Le nouveau bureau est inauguré le 19 janvier 2000, soit 10 ans après la présentation du premier projet, en même temps que la nouvelle agence de l’ANPE à l’angle du boulevard de Fourmies et de la rue Horace Vernet ainsi que les nouveaux locaux du Centre Social Carpeaux au 277 avenue Linné, dans une partie de l’école Marlot .

A cette date la Mairie des Quartiers Sud, 188 boulevard de Fourmies, est en travaux de réhabilitation et d’aménagement pour un montant de3 000 000 de francs. Il y a donc à l’époque un véritable effort de confortation des services publics de proximité.

La grève des commerçants

Une réunion des commerçants se déroule le mardi 4 mars 1969 : cent cinquante persones se sont réunies au Casino cinéma place de la Liberté à l’appel de l’intercommerciale de Roubaix. Son président Robert Bousquet souligne la nécessité de « faire l’unanimité dans le calme et la dignité ». Un mouvement de grève est prévu le mercredi 5 mars suivi d’un meeting qui doit se tenir à la foire commerciale de lille. Au bureau de cette réunion siègent MM. Bousquet, Harmand, vice président, Papillon et Sauvet, délégués de la chambre de commerce, Moermann président des cafetiers, hôteliers et restaurateurs, Plateau, président adjoint de la fédération des groupements commerciaux de Roubaix, Antoine président des épiciers et fruitiers du Nord Pas de Calais.

Le bureau de la réunion Photo NE

Les motifs du mouvement font l’objet d’un cahier de revendications déjà rédigé. Il est rappelé que 80% de l’activité commerciale est exercée sur le plan national par le commerce indépendant qui emploie aussi 70 % du personnel. Le mécontentement est du à la non reconnaissance du rôle et de la place du commerce indépendant dans la vie économique de la nation, ainsi qu’à la campagne de dénigrement qui met en jeu sa dignité. On réclame une fiscalité juste simple et supportable, la liberté des prix et des marges commerciales, la fin des contrôles, l’égalité des droits et des moyens pour tous, le aintien de la propriété commerciale, des loyers équitables, l’indemnisation du préjudice causé en cas d’expropriation, la neutralité de la publicité à l’ORTF, un statut social digne et valable.

De leur côté les cafetiers, hôteliers et restaurateurs de Roubaix se sont réunis dans l’après midi à leur siège au 10 de la rue du Maréchal Foch en présence de M. Moermann président et Harmand vice président, Michel Vandenberghe président des cafetiers, Pierre Louchard président des restaurateurs, Moïse Sadoine trésorier. Les revendications du matin ont été rappelées. La FNAIM (immobilier) s’associe au mouvement.

Les rideaux de fer de la Grand Rue Photo NM

Les consignes ont été données aux commerçants pour la grève du lendemain: enseignes éteintes, portes closes, rideaux baissés, mais pas de désordre en ville. « Prévenez les clients ! » Il s’agit d’une grève d’avertissement, une suite est d’ores et déjà prévue s’il n’y a pas d’effets. Ceci s’adresse aux Pouvoirs Publics. On précise les revendications : réduction du taux et simplification de la TVA, égalité des droits et charges entre tous les commerçants, suppression des contrôles fiscaux, assouplissement du régime de la Caisse d’assurance maladie, reconnaissance du salaire fiscal du commerçant, simplification des formalités administratives. M. Papillon rajoute la liberté des prix et des marges commerciales et la posibilité pour les commerçants indépendants d’être présents dans les nouveaux centres commerciaux. Pierre Poujade, président de l’UDCA, se déclare hostile à la journée de fermeture du mercredi 5 mars sans précision, mais le représentant local de l’UDCA a donné consigne de fermer.

Rue de Lannoy 1969 Photo NE

Le 5 mars a donc lieu une grève sans précédent des commerçants et artisans, et le mouvement a été fortement suivi dans notre région. Il y eut des cortèges à Valenciennes, Dunkerque, Cambrai, Avesnes et à Arras. Ce jour là, Roubaix est devenue une ville aux boutiques closes, le mouvement de grève a été suivi à 98 %. Aucun incident. Sous un soleil radieux mais un froid vif. Le centre du Lido affiche fermé. Charges trop lourdes et fiscalité injuste ! Grilles fermées, stores pudiquement baissés. Seuls cinq grands magasins sur les sept installés dans la ville avaient ouvert avec des cars de police pour assurer la sécurité. Les ménagères avaient pris leurs précautions, on ne pouvait trouver aucun bistrot ouvert, ni un coiffeur, ni une pharmacie, pour laquelle un service d’urgence avait quand même été mis en place. La quasi totalité du commerce roubaisien avait donc suivi la grève hier. On aurait dit Roubaix au mois d’août, signale un journaliste dont l’article prend un peu ça à la rigolade. Meetings et défilés se sont déroulés dans le calme. Victor Provo président du conseil général du nord, maire de Roubaix écrit une lettre de soutien envoyée au président de l’intercommerciale M. Bousquet, dans laquelle il assure le mouvement de sa sympathie et de la solidarité de l’association des maires. Il en profite pour faire le procès de la fiscalité injuste développée par l’État, sur les inquiétudes concernant le transfert aux collectivités des charges et la perspective de la régionalisation.

On est en pleine période de construction de Roubaix 2000 et le Lido a déjà tamisé beaucoup de commerçants de la rue de Lannoy. Les supermarchés sont de plus en plus présents : Auchan, le grand marché, Monoprix, Unifix. Ceux- là ne fermeront pas le 5 mars de même que les Coop. Leur délégation régionale publie un communiqué dans lequel elle déclare ne pas s’associer aux manifestations car les Coop n’ont pas été contactées, bien que connaissant les mêmes charges, impôts et contrôles que les commerçants. Elle termine en rappelant que les Coop sont des associations de consommateurs auxquels elles doivent rendre le service attendu.

Les grévistes sont des petits et moyens commerçants, de ceux qui ont fait l’attractivité d’une ville depuis plus d’un siècle, Roubaix pouvant être considérée comme la ville aux rues commerciales. C’est un monde qui souffre et va progressivement disparaître sous les attaques concurrentielles des grandes surfaces, les coups de boutoir de la fiscalité, la particularité des statuts vis à vis de la maladie, de la retraite…

Le bazar des halles

Alfred Devriese est né en 1897 à Roubaix. Il se marie en 1921 avec Marguerite Duthilleul, née en 1902. Alfred et Marguerite Devriese reprennent le commerce d’articles de ménage de C. Vanparys-Deldique, au 4 rue Pierre Motte, au milieu des années 1920. Ils s’installent un peu plus loin, au 37 de la même rue, dans un local beaucoup plus vaste, et créent « Le Bazar des Halles ». La rue Pierre Motte est une artère commerçante ; les halles de Roubaix sont à deux pas ; le nouvel hôtel des postes est en construction, et ils habitent sur place.

( Document Archives Départementales )
( Document coll. priv. )

Ils décident de vendre un peu de tout, sans vraiment se spécialiser dans une activité précise ; c’est « le bazar », comme on appelle à l’époque ce genre de magasin. On y trouve donc de tout : Faïences, Verrerie, Articles de ménage, Objets d’art, Objets fantaisie, Jouets, Lustres, Meubles, Voitures d’enfants, Laveuse-batteuse, Postes de radio. Dans les années 30, les affaires sont florissantes. La clientèle apprécie de trouver beaucoup de choses, à un prix défiant toute concurrence, sous un même toit.

( Documents coll. priv. )

Alfred est toujours à l’affût d’événements qui peuvent améliorer ses affaires. Dans les années 1940, l’activité musicale roubaisienne se concentre au cœur de la ville, autour des halles, et la rue Pierre Motte se transforme en « rue du jazz ». Les principaux commerces créent leur formation de jazz et de swing. Dans cette rue, nous trouvons l’orchestre de Jean Poulin au 55, le Celtic au 11 (voir précédent reportage), et la Rotonde à l’angle du Boulevard Gambetta. Alfred Devriese constate le succès de ses confrères, et décide de former un orchestre, en débauchant des musiciens (dont Richard Herne) de ses concurrents. Une fois l’époque des zazous et du swing terminée, chacun reprend ses occupations et Alfred retourne à ses casseroles.

( Document Charles Verstraete )

Les années 50 connaissent un bouleversement du commerce de l’électro ménager, et Alfred a bien l’intention d’en profiter. Il distribue les téléviseurs Télérêve, les réfrigérateurs Frigéavia et les machines à laver Flandria fabriquées à Wattrelos. Il remplace son enseigne « le bazar des halles » par son nom propre : les Ets Devriese.

( Documents coll. priv. )

Pour faire face au développement de son magasin, il en fait transformer la façade et installe un auvent, en 1956, pour un montant total de 3.000.000 Frs. En 1966, il se spécialise en installateur agréé GDF et crée un rayon de chauffage central au gaz.

( Documents coll. priv. )

En 1967, arrive la télévision couleur. Alfred compte bien profiter de cette occasion exceptionnelle, pour vendre ses téléviseurs Téléavia.

( Documents coll. priv. )

Alfred Devriese prend sa retraite et cède son commerce, en 1977, à Christiane Vanaldewelt qui va changer complètement l’activité. Le bazar des halles change d’enseigne et devient « Au Grand Marché ». C’est un commerce de fruits, légumes et fleurs ; viennent ensuite un rayon poissonnerie, boulangerie et crémerie.

( Documents coll. priv. )
( Document Archives Municipales )

En 1998, une nouvelle enseigne « Nouveau Siècle » voit le jour. C’est un commerce de bijoux, maroquinerie, cadeaux, bibelots et articles de décoration géré par Nicolas et Hélène Chu.

( Photo BT )

Aujourd’hui, et depuis 2013, nous trouvons un magasin de vêtements et sacs à main, à prix discount, à l’enseigne « Roubaix modes ».

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Remerciements aux Archives Municipales.

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