Péripéties autour d’un parking

La Ville de Roubaix souhaite depuis quelques années aménager un parking non loin du centre ville afin d’améliorer l’accès aux commerces et désengorger la Grand Place. L’Administration municipale a envisagé l’aménagement au Centre de la Ville dans sa partie comprise entre la Place de la Liberté, la Grande-rue, la Grand’Place, la rue du Général Sarrail, la rue du Bois, la rue des Fabricants, la rue Pierre Motte et le Bd. Leclerc. Plusieurs événements vont contribuer à faire avancer ou reculer ce projet.

L’incendie du Radio Ciné

En décembre 1961, à peine quelques heures après la troisième séance permanente de la journée de Noël, le cinéma Radio Ciné est la proie des flammes. Cette salle de cinéma qui s’appelait la salle Sainte Cécile jusqu’à la deuxième guerre, disparaît ainsi victime d’un violent incendie, malgré l’intervention des sapeurs pompiers arrivés sur place dans la nuit à 1 h 45. Au matin, le froid a saisi ce qui reste du cinéma avec sa façade en bois façon « western ». Tout est calciné, réduit en cendres, les 420 fauteuils, la cabine de projection s’est écroulée au milieu du faux plafond qui cachait la verrière, car le toit du cinéma était une véranda . Les dégâts sont évalués à une trentaine de millions de francs.

L’incendie du Radio Ciné le 25 décembre 1961 Ph NE

On a craint pour les maisons voisines et particulièrement le 17bis dont les locataires ont été relogés provisoirement dans les locaux du commissariat situé à deux pas. Le mur qui sépare la propriété du n°25 a également souffert, il faudra l’abattre. En effet, ce mur, d’une hauteur de 6 mètres n’est plus contreventé et présente un hors d’aplomb très important vers la cour et le jardin de la propriété portant le n° 25. L’écroulement de la totalité de la toiture et du plancher du cinéma a provoqué le descellement de poutres et, consécutivement, une ouverture béante et de larges fissures dans la partie supérieure du mur. De gros blocs de maçonnerie sont en équilibre instable et peuvent s’abattre à tout moment dans le jardin voisin.

Trois pompiers ont été blessés lors de l’intervention. La ville donne quinze jours au propriétaire pour la démolition du mur du côté du n°25. En 1963, elle se porte acquéreuse du terrain du cinéma pour y réaliser un parking. Il semble que ce parking soit devenu celui du Crédit Commercial de France en 1974 (signalé Ravet Anceau).

Le rachat du 45

Entre-temps, d’autres acquisitions ont été faites. L’expropriation du 45 rue du Général Sarrail, immeuble appartenant à l’association de gestion des services médicaux et sociaux de l’industrie et du commerce de Roubaix Tourcoing est envisagée dès 1959, une indemnité est proposée au locataire Pennel et Flipo, et une somme de rachat au propriétaire. En 1962, il est procédé à la démolition de l’immeuble qui est confiée aux établissements Mailler (95 rue du Hutin à Roubaix) qui emporte l’adjudication en proposant le délai de démolition le plus court à savoir 6 mois. Mais l’hiver particulièrement rigoureux entraînera un report jusqu’en septembre de l’année 1963. En vue de clore la propriété communale sise rue du Général Sarrail n° 45, une palissade publicitaire fait l’objet d’un appel d’offres remporté par la S.A. Affichage Giraudy en novembre 1964.

Les 47-49

Une autre acquisition est en cours, celle des n°47-49, dont le propriétaire est la SARL Fernand Carissimo et fils en liquidation. L’acte de vente date du 9 octobre 1959 et son contenu nous permet d’avoir une description des lieux. C’est une propriété bâtie sur et avec 2.346 m2 environ comprenant 2 corps de bâtiments reliés entre eux par 2 bâtiments latéraux et les fonds et terrain en dépendant, ainsi que ledit bien existe s’étend et se comporte, sans aucune exception ni réserve dans l’état où il se trouve actuellement c’est-à-dire bâtiments en cours de démolition terrain arasé en tout ou partie. Tous les matériaux de démolition y compris les pavés appartiennent à l’entrepreneur Dhaze et les travaux étant effectués sous la surveillance de M. Lecroart, architecte.

Vue aérienne de la propriété Carissimo Photo IGN en haut la rue du Général Sarrail, en bas la rue des Fabricants

On apprend que le bâtiment est partiellement démoli, suite à une convention passée le 13 novembre 1958 entre les liquidateurs de la S.A.R.L. Carissimo et M. Dhaze, entrepreneur de démolition (97, rue du Brun Pain à Tourcoing). Tous les travaux doivent être entièrement terminés dans un délai de 5 mois à partir du jour du permis de démolition daté du 1er décembre 1958, la démolition devant se faire jusqu’au niveau du trottoir et des cours, toutes excavations comblées et arasées suivant une pente régulière allant du seuil de la grande porte rue du général Sarrail au niveau haut du trottoir de la rue des Fabricants. Mais malgré de nombreux entretiens et plusieurs lettres rappelant à M. Dhaze, ses obligations, la démolition est très imparfaite, le terrain n’est pas nivelé et donc inutilisable dans son état actuel.

La ville, qui tient là une surface de parking digne de ses ambitions à l’intérieur du quadrilatère délimité par les rues du Maréchal Foch, des Fabricants, du Bois et du Général Sarrail, envisage l’acquisition de la propriété sise 36, 38, 40 rue des Fabricants, d’une superficie totale de 1.991 m2, appartenant à la S. A. Dupont-Desfontaines et Fils. Cela permet la création d’un parking s’ouvrant dans la rue du Général Sarrail (n°45,47,49) et débouchant dans la rue des Fabricants. S’y ajoute en 1965 l’entrepôt sis 46, rue des Fabricants dont la S. A. Dupont-Desfontaines et fils est également propriétaire et dont elle n’a plus l’usage. La ville s’en porte acquéreuse.

Si l’affaire avance bien du côté de la rue des Fabricants, il n’en va pas de même du côté Sarrail. Par une ordonnance de référé du 26 mars 1963, le Président du Tribunal de Grande Instance de Lille, accordait à l’entrepreneur Dhaze, un dernier délai jusqu’au 27 avril 1963 pour parfaire les travaux litigieux. Maître Poissonnier est nommé expert avec mission de déposer un rapport, ce qu’il fait le 25 juin 1964. Ce rapport détaille les travaux restant à exécuter. Cela fait l’objet d’un appel d’offres auprès des entrepreneurs de démolition. M. Fried, 72, rue de la Blanche Porte à Tourcoing, est retenu le 6 mai 1964. Le parking est pour bientôt.

Le grand collecteur à l’entrée de la rue Photo NE

Les grands travaux de 1965

L’année 1965 apporte de nouvelles données : le 25 janvier 1965 les consorts Journel proposent à la ville la vente de leur propriété occupée commercialement sise rue du Général Sarrail n° 51. Depuis le début des années 1960, le traiteur Michel Duplouy tient le commerce à l’enseigne renommée de Blot. Il devient donc pour un temps locataire de la ville de Roubaix. Puis le 3 mai 1965, c’est le grand chantier du collecteur qui démarre dans la rue du Général Sarrail. Le Syndicat Intercommunal d’Assainissement du Bassin de l’Espierre a approuvé un vaste projet d’amélioration du réseau intercommunal comportant la construction de plusieurs collecteurs. Certaines voies de Roubaix seront ainsi éventrées pour un temps, comme le boulevard Gambetta, la rue Pierre Motte et la rue du Général Sarrail.

Vue de la rue en 1965 Photo NE

De plus, la conduite d’eau potable de 200 mm de la rue du Général Sarrail qui longe le collecteur est en très mauvais état. Elle a dû être remplacée à la demande du Syndicat, pour éviter toute catastrophe en cas de rupture, par une conduite provisoire de faible diamètre implantée dans chaque trottoir !

Le parking Sarrail en 1965 Photo NE

Le parking, enfin !

Le 22 Novembre 1965, le parking est terminé ! Un arrêté municipal détermine les conditions d’utilisation de ce nouveau parking :

Article 1er. Un parc destiné au stationnement des véhicules ne dépassant pas 1.500 k g de poids total en charge, est mis à la disposition du public, entre les rues du Général Sarrail et des Fabricants.

Article 2. La durée du stationnement des véhicules sera celle indiquée sur les dispositifs de contrôle de la durée du stationnement et définie aux articles 1, 3, 4, 6 et 7 de l’arrêté municipal en date du 26 octobre 1962.

Article 3. L’utilisation de ce parking devra se faire en respectant les sens de circulation imposés par des panneaux et des flèches peintes sur le sol. Les automobilistes devront prendre toutes dispositions pour effectuer leurs manœuvres d’entrées et de sorties sans danger pour les autres usagers de la route.

Article 4 . Les prescriptions du présent arrêté entreront en vigueur à partir du 13 novembre 1965.

Le parking Sarrail en 1984 doc AmRx

 

La poste de Wattrelos centre

J’ai bien connu la poste de Wattrelos à l’angle de la rue Gustave Delory et de la rue Emile Basly. Apparemment ce n’était pas la première, et ce ne serait pas la dernière. Selon les historiens locaux, une poste se trouvait au début de la rue Carnot, dont le souvenir subsiste dans le nom d’une cour (près du n°31 de la rue Carnot). Puis elle  rejoignit les services de la mairie en 1860 au n°3 de la rue Florimond Lecomte (rue de la mairie à l’époque), avant de devenir un bureau de poste à part entière en 1914, quand la mairie s’installa Grand Place (la rue de la mairie devenant pour un temps la rue de la poste). Elle servit une vingtaine d’années jusqu’à ce que l’on décide d’améliorer le service en construisant un nouveau bureau de poste en 1932. L’ancien bureau fut adjoint à l’école Michelet et l’ensemble disparaîtra pour permettre la construction d’une crèche en 1974.

L’ancienne poste, mairie, école, rue Florimond Lecomte CP Coll Part

Les travaux sont commencés en 1931 et le nouvel équipement est construit selon les plans validés par le ministère des PTT de l’époque. On peut ainsi trouver des copies conformes de ce bureau rue de l’Alma et rue Lalande à Roubaix, ces postes ayant été construites à la même époque. Le nouvel hôtel des postes est ouvert en octobre 1932. Je me souviens bien de la poste à l’angle des rues Gustave Delory et Emile Basly. C’était un bureau comme on en a beaucoup construit dans les années trente, avec une entrée sur l’angle des deux rues, des briques de parement devenues jaunâtres avec l’usure du temps. À l’intérieur il y avait encore des guichets d’accueil et des cabines téléphoniques. Le bois et le carrelage contribuaient à l’ambiance de ce vieux bureau.

La poste des années trente Coll Part

Mais cette poste des années trente qui avait été construite pour desservir 30.000 habitants ne suffisait plus. Le Wattrelos des années soixante-dix est devenue une ville de 45.000 habitants et occupe désormais une plus grande surface d’habitat. Un autre bureau de poste desservait d’ailleurs le Sapin vert et les quartiers attenants. On projette donc d’agrandir le bureau existant mais il n’y a pas assez de surface. On cherche une nouvelle implantation et un terrain se situant à l’angle des rues Salengro et de la gendarmerie est retenu, sachant qu’il touche également à la rue Négrier, ce qui donne une idée de l’importance de sa superficie.

L’emplacement de la future poste en 1974 Photo NE

La poste a donc changé de place, elle se trouve désormais à l’angle de la rue de la gendarmerie et de la rue Roger Salengro, où se trouvait autrefois le café Le Lion Blanc dont le tenancier, Albert Dhondt fut maire de Wattrelos de 1947 à 1957. La nouvelle poste fut inaugurée le 18 février 1978, mais elle fonctionnait déjà depuis le 13 février.

L’actuelle poste centrale de Wattrelos Coll Part

 

Le pont bleu

Le nouveau pont décidé en 1920 Coll Part

Quand le canal sépara les territoires de Roubaix et de Wattrelos, l’accès du Sartel était juste un pont étroit au dessus de l’écluse du même nom. Ce passage était sensé aboutir à la gare de Roubaix Wattrelos, édifiée en 1878 à Roubaix entre le Pile et les Trois Ponts. Rien de vraiment wattrelosien donc ! Les temps changent, l’activité évolue et il devient urgent de ménager des accès à Wattrelos un peu plus larges, et notamment au Sartel. Il faut néanmoins attendre l’après première guerre mondiale pour qu’une délibération municipale acte la création d’un pont au Sartel en 1920. Sans doute les wattrelosiens ont-ils bénéficié de la reconstruction des ponts sur le canal entièrement détruits par l’armée allemande lors de sa retraite. Voici donc le premier pont du Sartel, tout en béton et dans l’alignement de la rue Albert 1er, dédiée au courageux roi des belges qui le surnommaient le Roi Soldat du fait de sa conduite à la tête des armées pendant le conflit mondial. Ce pont se situe en amont d’une centaine de mètres du passage initial.

Dernières images du vieux pont Photo Guy Sadet

Après près de quatre-vingts années de bons et loyaux services, le vieux pont de béton donne des signes de fatigue et commence à s’effriter sous la pression du trafic automobile intensif. Les passages des camions font trembler sa structure et il menace de s’écrouler à tout instant. Sa démolition est programmée pour la fin de l’année 1998. La circulation est coupée dès la mi-novembre, ce qui va perturber un temps le seul commerçant installé aux alentours du vieux pont, à savoir la station de l’Elephant Bleu qui restera ouverte pendant les travaux. Sa destruction commence en décembre 1998, ses vieilles arches en béton sont enlevées grâce à une grue de 500 tonnes.

Dernières images du vieux pont Photo Guy Sadet

Un nouveau pont va bientôt le remplacer qui sera posé en juin 1999. En janvier 1999, on a fait glisser ce pont au-dessus du canal. Le Conseil Général a financé le projet à 100 %. Pendant trois mois le pont repose sur des appuis provisoires en attendant l’habillage des culées en brique et l’équipement du pont (garde-corps, revêtement, corniche). Le nouveau pont est long de 65 mètres et large de 24 mètres. Il permet ainsi de proposer deux voies de circulation de chaque côté, deux bandes cyclables et un trottoir de deux mètres de part et d’autre. Ce nouvel ouvrage est métallique et pèse 720 tonnes.

Le nouveau pont au moment de son installation Photo NE

Le nouvel axe longeant le canal et rejoignant la rue d’Avelghem a été réalisé. Il permet d’éviter le boulevard Beaurepaire et son arrivée sur le centre fréquemment encombrée. La station de lavage toujours présente rue Albert 1er n’est plus esseulée. À deux pas du pont, de l’autre côté de la rue se trouve désormais une petite zone commerciale comprenant un fast food, une boulangerie, une boutique pour les travaux de peinture, un magasin pour les ustensiles et pièces automobiles. Le pont arbore quant à lui une belle peinture de couleur bleue.

Le pont après sa pose Photo NE
L’actuel pont bleu Photo Google

Football à la Carluyère

J’ai connu Wattrelos bien avant de m’y installer. C’est ainsi qu’en 1975 je me rappelle d’avoir joué au football sur une pâture de la Carluyère avec le FCRoubaix 1974, ainsi nommé car créé la même année. Le siège du club était au café Mouton place Jean Baptiste Clément à Roubaix et il n’y avait pas assez de terrains de football à l’époque sur Roubaix. Le club était récent et commençait à faire ses preuves mais ses demandes de pouvoir bénéficier d’un créneau pour un terrain restaient vaines. Aussi, pour pouvoir évoluer, le Football Club Roubaix 74 dut-il louer une pâture sur Wattrelos et ce fut à deux pas de la ferme de la Carluyère. C’était en 1976, d’après les photos ci-jointes.

Le terrain de la Carluyère au fond la ferme Malvache Photo RmR

Je me rappelle que nous nous sommes apprêtés une fois ou deux dans la bourloire du café en face de l’église, située à quelque distance du terrain. J’ai encore l’image d’un tableau à la gloire de l’équipe de bourleurs qui s’appelait les boxeurs de Beaulieu. Ce vestiaire improvisé n’a pas duré. On s’est ensuite préparé dans les voitures, je ne me souviens plus très bien. Je garde d’excellents souvenirs de cette période où nous consacrions nos dimanches matin à chausser les crampons. Une bonne ambiance régnait dans ce petit club, beaucoup d’entre nous se connaissaient par ailleurs, copains de lycée notamment.

Une autre vue du terrain Photo RmR

Les lieux ont beaucoup changé et certains points de repère ont disparu. On parvenait à notre terrain par la carrière Vanderzippe qui longeait la ferme Malvache qu’on voit sur la photo. Cette ferme a été démolie. La D700 n’avait pas encore été réalisée et cela donnait à l’endroit un parfait air de pleine cambrousse. Aujourd’hui elle a effacé les voies d’accès d’autrefois. Ainsi le souvenir de la bourloire qui se trouvait rue Leruste implique que nous récupérions le sentier de la Martelotte puis la carrière Vanderzippe avant d’arriver au terrain. C’était donc assez loin. On aperçoit sur les photos des voitures stationnées le long de la pelouse et certaines derrière le but !

Le terrain de la Carluyère autre vue Photo RmR

Le terrain était légèrement en pente et orienté plein est : les buts se situaient derrière la ferme Malvache au nord est et de l’autre côté à l’angle formé par la carrière Vanderippe et la rue de la Carluyère au sud est. La pelouse était ainsi entourée de chemin et de fossés. Il semble que cette situation n’ait pas duré au-delà de 1977, car le Président Jacques Plays répondant à une interview dans Nord éclair en février de cette année-là annonçait que le Football club Roubaix 74 jouait désormais au Carihem. Restait encore à conclure des accords pour les terrains d’entraînement. Le club à ce moment comprenait 150 adhérents, quatre équipes de seniors, et une équipe pour chaque tranche d’âge, pupilles, minimes, cadets et juniors. Sans oublier une section cyclotouriste !

Un singe à Saint Martin

En Octobre 1964, un couple de touristes visite Roubaix. Après avoir contemplé le majestueux hôtel de ville, ils traversent la Grande Place, pour admirer l’église Saint Martin. Soudain, leur regard est attiré par un animal sur le toit ! Un singe se promène tout en haut du vénérable édifice. Il suffit que quelqu’un lève les yeux vers le ciel, pour qu’aussitôt, nombre de badauds en fassent autant. Le petit groupe de curieux se met à grossir ; une centaine de personnes se trouve maintenant sur la place et le contour de l’église.

A droite, le sacristain, M. Fichelle

Le sacristain, M. Fichelle, mécontent que l’on vienne squatter le toit de son église, décide de faire sonner les cloches du carillon, pour tenter de chasser le petit animal ; en vain car le primate continue sa promenade, nullement intimidé.

Mais que fait donc ce singe sur les toits de l’église ? s’interroge le journaliste de Nord Eclair. Après enquête, il s’agit d’une petite guenon appelée « Nénette », qui s’est sauvée du commerce Truffaut de la Grande rue, et qui a bien l’intention de profiter de sa liberté quelques temps.

Nénette devient, au bout de 3 jours, le chouchou des roubaisiens. On jette, sur le toit peu élevé, des bananes, des pommes, des cacahuètes, et même des frites pour la nourrir. Nénette se plaît ainsi dans sa nouvelle retraite. Les enfants sont ravis de la voir escalader le clocher, en imaginant King Kong en haut de l’Empire State Building !

Comment faire pour récupérer le primate ? On installe une cage piégée : peine perdue car Nénette l’évite avec une aisance déconcertante et invraisemblable. Ne dit-on pas  »malin comme un singe » ! On dépose des fruits farcis de somnifère : en vain, car cela est également inefficace ; son instinct lui fait rejeter les produits contaminés. Un roubaisien, M. Steux, propose d’amener son singe mâle, qui pourrait séduire Nénette, et la faire sortir de sa réserve. Peine perdue, Nénette grogne et s’enfuit rapidement.

M. Steux amène son singe mâle dans son sac, pour essayer de séduire Nénette

Cela fait maintenant une semaine que Nénette apprécie sa liberté, et continue son escapade. Elle devient une véritable vedette, et pourtant il est impossible de l’approcher, et très difficile de la photographier ou de la filmer. Les caméras de télévision se déplacent, devant l’église, dans le dessein de filmer le petit animal, sans résultat probant. Notre guenon doit être hostile aux médias !

Le 11° jour, Nénette n’apparaît pas. La LPA s’inquiète. Elle est peut-être malade. Tous les roubaisiens se mobilisent. Il faut absolument capturer en douceur la guenon, saine et sauve et en parfaite santé.

Le 13° jour, Nénette apparaît de nouveau. On installe une nouvelle cage piégée, et cette fois-ci, Nénette cède à la tentation des oranges fraîches, et clac ! elle se fait prendre dans la cage. Le piège s’est refermé. C’en est fini, de la liberté. La petite guenon est examinée par un vétérinaire qui la trouve en pleine forme ; elle est ensuite rendue à son propriétaire mais celui-ci n’a pas la possibilité d’en assurer la garde, ce qui l’avait amené, d’ailleurs, à vendre l’animal par l’entremise d’un commerçant roubaisien. Quelques jours après, la LPA décide donc de vendre Nénette aux enchères.

A la salle des ventes de la rue du Collège, une foule immense se presse, pour voir notre Nénette qui est adjugée pour la somme incroyable de 1800 F. La guenon partira au zoo de Bagatelle, de M et Mme Parent, à Merlimont. Nénette va revenir à Roubaix, pour quelques jours mi-Décembre, car elle est prêtée au magasin Bossu Cuvelier de la Grande rue, pour les fêtes de Noël. Confortablement installée au rayon jouets, elle accueille tous les enfants sages. Elle repartira ensuite au zoo de Bagatelle, privée de liberté, certes, mais elle pourra profiter d’une fin de vie plus sereine.

Sacrée Nénette !

Remerciements aux Archives Municipales et à Daniel Labbé. Tous les documents proviennent des quotidiens de la presse locale d’Octobre et Novembre 1964.

Fort Sioen et fort Briet

Le fort Sioen et le fort Briet font partie des constructions d’habitat collectif les plus anciennes. La plupart ont été réalisées dans la première partie du XIXe siècle et étaient destinées à loger des ouvriers journaliers. On différencie généralement les forts des courées en signalant que les premiers ont été formaient « des carrés en pleine campagne ». On trouve ainsi dès 1826 selon le plan du cadastre, les forts Wacrenier et Saint Joseph situés assez loin du centre et en pleine campagne. Suivront le fort Wattel en 1833 au Fontenoy Frasez-Bayart à l’Alma en 1838.

Extrait du cadastre 1845 doc AmRx

Le fort Sioen daterait de cette époque, on le voit figurer sur un plan de 1845, en pleine campagne. On y accéde alors par le vieux chemin vert, future rue de la perche, qui recoupe la nouvelle rue de l’embranchement ouverte après 1838 (rue de Lille aujourd’hui). Il se distingue toutefois des autres forts par sa conception quadrangulaire en forme de trapèze, les autres forts étant plutôt construits en alignements, dont certains donneront des rues. Cette forme spécifique favorise sans aucun doute la lumière et l’aération de ce type de construction. Le fort Briet qui viendra s’ajouter plus tard, reprend la tradition des forts alignés.

Extrait du cadastre 1884 doc AmRx

Qui a donc construit ces ensembles de maisons ? Les forts portent les noms de leurs propriétaires, ou de ceux qui les ont construits. La famille Sioen a donné d’importants fabricants du textile. Parmi eux, Achille Sioen Pin qui fut conseiller municipal roubaisien avant 1870. Mais le fort existait déjà alors qu’il n’était encore qu’un enfant. Par contre son père et son oncle, Médard et Louis Sioen ont très bien pu le faire construire. Le premier était officier de santé et le second docteur et consul de Belgique à Tourcoing.

La famille Briet se répartit de part et d’autre de Roubaix : à Wattrelos, ce sont des fermiers et propriétaires. De cette branche est issu Adolphe Briet le directeur de la GBM. À Croix ce sont également des propriétaires terriens qui se trouvent à deux pas de l’épeule. La famille a donc fait construire à la fois pour un bon rapport de rente mais aussi pour loger des ouvriers journaliers. Henri Briet-Frémaux est le plus connu à Roubaix où il sera conseiller municipal et membre de la commission des logements insalubres dans les années 1880.

Derrière l’église Saint Sépulcre, les deux forts CP Coll Particulière

Un rapport de cette commission nous permet d’avoir une description des deux ensembles : concernant le fort Briet situé rue de la Perche, il s’y trouve une bande de pavage et un fil d’eau longeant les maisons. Le sol est irrégulier, largeur de la cour 11 mètres, les eaux ménagères s’écoulent difficilement, les cabinets d’aisance quoique bien situés (entendre à l’extérieur) sont mal tenus, il y a un puits, l’eau est potable et abondante, les maisons sont à étage, la plupart sont sales, mal tenues. Pour les maisons Sioen du fort Sioen de la rue de la Perche, des bandes de pavage avec des fils d’eau longent les différentes rangées de maisons, cour large et aérée, les eaux ménagères s’écoulent bien, le sol est propre, il y a un puits, l’eau est bonne et abondante, plusieurs cabinets d’aisance sont sales, maisons en mansardes, la plupart sont propres.

L’urbanisation va rattraper le quartier champêtre de l’épeule et on constate que les rues vont venir encadrer les forts. Ainsi la rue Descartes est viabilisée en 1872, la rue de l’industrie en 1880, la rue d’Isly est réalisée de 1880 à 1894. Le très ancien chemin vert est devenu la rue de la Perche en 1867. Les nouvelles rues entourent les forts, ce qui détermine les accès aux dits forts : on accède au Fort Briet par le n°115 de la rue de l’industrie et par la rue de la Perche 66 ou 76. Il y a un accès au fort Sioen au milieu de la rue Descartes. L’église Saint Sépulcre toute proche date de 1873.

De 1929 à 1931, un certain nombre d’habitants locataires du fort Sioen ont racheté leur maison, et ils y réalisent des travaux, principalement la pose de sanitaires, et l’agencement d’un jardinet. Les premières injonctions à démolir de 1969 concernent le fort Briet, dont certaines maisons représentent un danger pour la sécurité publique.

à suivre

 

L’avenue Motte au fil du temps (suite)

Après la vague importante de constructions individuelles au début des années 50, la décennie suivante va apporter son lot de transformations. Les années 60 vont voir l’installation d’ Auchan dans l’ancienne usine Frasez. Les déplacements du matin et du soir des ouvriers vont faire place aux allées et venues ininterrompues de familles issues des classes moyennes venues faire, en voiture, le plein de bonnes affaires. Cet afflux régulier va désormais animer toute cette partie de l’avenue.

La vue du parking reflète le niveau social des clients du supermarché : mises à part l’antique Citroën 11 familiale et et la 403, alors haut de gamme chez Peugeot, les voitures en stationnement reflètent plutôt les gammes basses et moyennes des constructeurs.

Photo Nord Matin 1961

Le commerçants ne s’y trompent pas et se montrent attirés par cette clientèle potentielle. C’est ainsi qu’on expose sur le parking du matériel de camping, le loisir de masse de l’époque, bien propre à intéresser la clientèle du supermarché.

Photo la voix du Nord 1963

Dans le même temps, les dernières zones de jardins bordant l’avenue entre l’église et l’usine Motte-Bossut vont disparaître pour laisser place à un ensemble de collectifs formant la cité des Hauts Champs. Ces constructions environnées d’espaces paysagés constituent une zone plutôt agréable à vivre, habitée à l’origine dans une large mesure par des jeunes ménages modestes en attente de pouvoir s’offrir un pavillon individuel.

Conjointement à ceux des collectifs du Chemin neuf qui viennent de s’élever derrière Auchan, les nouveaux habitants de ce nouveau quartier à l’architecture bien dans le ton de l’époque vont contribuer, par leurs déplacements, à animer cette zone,.

Photo la voix du Nord 1966

Avec les années, la végétation implantée va ajouter, ainsi que les platanes qui poussent tout le long de la bande centrale, à l’agrément de notre avenue.

Photo Jpm

Au milieu des années 70, signe des temps, et témoin de l’affluence des autos, vient s’installer, tout à côté de l’église, et profitant d’un des derniers terrains libres, une station service à l’enseigne de la Shell.

Photo Lucien Delvarre

Cette station arrive en terrain déjà occupé : elle s’ajoute à la pompe installée quelques années plus tôt sur le parking même d’Auchan, ainsi qu’au garage des sports, situé au coin de la rue de Lannoy depuis le début des années 1950 et reconverti en station-service.

De fait, les véhicules affluent dans cette voie. Pour mettre un peu d’ordre dans cet masse de véhicules, on voit apparaître, dans les années 70, une série de feux rouges, aux carrefours importants de l’avenue, signe de l’importance de la circulation à cette époque. En 1980 Nord Éclair en compte huit sur 2500 mètres, y incluant ceux de l’avenue Roger Salengro, et espère que la mise en service de la future antenne sud va contribuer à diminuer les embouteillages,

Photo Nord-Eclair

Le paysage évolue au gré des apparitions et disparitions de commerces qui suivent les lois économiques. Au milieu des années 80, Auchan émigre sous d’autres cieux, remplacé d’abord par AS-Eco, puis par Intermarché qui finit par démolir la vieille filature pour construire un magasin neuf.

A la même époque, l’usine Motte-Bossut cesse ses activités. Les bâtiments sont transformés en « première galerie commerciale de magasins d’usine d’Europe » (La Voix du Nord 1984).

Autre évolution au début des années 90, la démolition de l’église Sainte Bernadette. Devenue trop grande pour les besoins du culte, elle va être remplacée par une neuve, plus petite, située en face, près de la salle des fêtes de l’école.

L’ancienne et la nouvelle – Photos Lucien Delvarre

L’espace ainsi libéré va être utilisé pour l’implantation du siège de la société Camaïeu, alors en pleine expansion. Les trajetAujourd’hui, cette avenue, toute en contrastes, autant par l’ambiance qu’elle dégage, différente selon les tronçons, qu’à son animation, désordonnée aux heures de pointe, mais incitant à la promenade à d’autres moments, reste un bel ornement des quartiers sud.s des employés vont accroître la circulation et les espaces verts prévus autour des bâtiments la végétalisation de l’endroit.

Document La voix du Nord 1990

Enfin, les années 90 verront la remise en état et le réaménagement paysager du terre-plein central qui va faire alternativement cohabiter zones de promenade et parkings. Cet aménagement aboutit en 1996 à l’inauguration de l’allée Crupelandt, dont les pavés mènent au vélodrome.

Photo Jpm

Aujourd’hui, cette avenue, toute en contrastes, autant par l’ambiance qu’elle dégage, différente selon les tronçons, qu’à son animation, désordonnée aux heures de pointe, mais incitant à la promenade à d’autres moments, reste un bel ornement des quartiers sud.

Les documents proviennent des archives municipales et de la médiathèque de Roubaix.

Le commissariat de la rue Pellart

Dans les années 1930, le commissariat principal se trouve dans les locaux de la Mairie. Le commissaire divisionnaire, M. Mulot, dirige tout le personnel; il est également responsable des 5 postes de Police de quartiers. Après la libération, le commissariat principal déménage au 36 rue Pellart, ( aujourd’hui le 301 avenue des Nations Unies ).

Vue aérienne ( document IGN )

C’est un hôtel particulier, construit vers 1868, pour Amédée Prouvost, gros industriel dans le domaine du textile, fondateur du Peignage Amédée, dont les descendants créeront la Lainière de Roubaix. En 1902, le bâtiment est repris par A. Lepoutre, également industriel dans le textile. Son usine est située juste en face, de l’autre côté de la rue. En 1940, l’hôtel, vide, est loué aux sergents de ville, et devient en 1945 : «  le Commissariat Central de Police ». Honoré Dieu en est le commissaire divisionnaire et le restera jusqu’à la fin des années 1950.

Vue générale ( document Google Maps )
Le bâtiment principal ( Document Photo BT )

Cet hôtel particulier a été construit entre cour et jardin. Depuis la rue, on ne voit que la conciergerie et la porte cochère, qui permet d’accéder à la cour intérieure. La façade extérieure ne laisse pas deviner le prestige du bâtiment principal, dans la cour centrale.

Plan du rez de chaussée ( Document ARA )
Le hall ( Document Photo BT )
( Document Photo BT )

Au rez de chaussée, le grand hall crée une séparation entre toutes les pièces donnant sur la cour et sur le jardin. On y trouve le bureau du commissaire, qui était la salle de réception de la famille Lepoutre. Le secrétariat est disposé dans la pièce voisine, qui était la salle à manger.

Plan de l’étage ( Document ARA )
Le couloir de l’étage ( Document Photo BT )

L’escalier principal en marbre est magnifique; il mène à l’étage où se trouvent les bureaux des officiers et des inspecteurs. Autrefois, ces pièces étaient les chambres à coucher; le couloir ressemble à celui du rez de chaussée, mais plus sobre, car l’étage n’était pas destiné à accueillir des convives. Au sous sol, des cellules de détention sont aménagées ( une grande salle et 5 cellules individuelles ).Le 2° étage, surnommé  »Le Pigeonnier », abrite les archives et le service des « stups ».

Le porche ( Document photo BT ) Le policier en tenue, avec son célèbre képi, son bâton et ses manchettes blanches : les crispins, ( Document amicale police patrimoine ).

A la conciergerie, un planton, chef de poste, est à l’entrée et filtre les arrivées. Au rez de chaussée, Jules est responsable du « foyer ». C’est un endroit convivial, un lieu d’échange réservé aux policiers, pour leur pause. Un distributeur de café est à leur disposition. Tous les bénéfices du foyer sont destinés aux œuvres sociales de la police. Trois bureaux de la sûreté sont à l’étage. Les véhicules de police sont garés dans la cour pavée intérieure.

La 403 Peugeot du commissaire divisionnaire, dans la cour du Commissariat Central (Document F. Bauwens )
Le fourgon Citroen Type H ou Tube des années 50 ( Document amicale police patrimoine )
Le J 9 Peugeot des années 60,  surnommé : le panier à salade ( Document caradisiac )

A la fin des années 1960, le commissaire divisionnaire est André Dierickx. Il est également responsable des 5 postes de police de quartiers qui se situent :

– rue St Vincent de Paul ( à deux pas de la rue de l’Alma )

– 8 rue des Fossés ( Place de l’église Ste Elisabeth )

– 14 place du Travail

– 297 Grande rue ( Place Chaptal )

– 37 rue du Général Sarrail

Dans les années 1960, le développement de la population, dû au baby-boom, nécessite bien évidemment des policiers supplémentaires. Ils sont environ 200 au Commissariat Central, dont 70 en permanence ( au bureau et sur le terrain ), car le commissariat est ouvert non stop 24h/24.

36 et 34 rue Pellart ( Document D Labbé )

Le commissariat se développe encore dans les années 1970. Les commerçants de la rue Pellart et de la rue Pauvrée commencent à se plaindre des stationnements des véhicules de police, et également des véhicules du personnel : cela empêche les roubaisiens de se garer, pour effectuer leurs achats. La toiture du bâtiment principal fuit ; le service des « stups » déménage au poste de police de la rue Saint Vincent, où 9 bureaux sont disponibles. Un manque de place évident se fait sentir. Le commissaire trouve un accord avec le voisin, au 34 rue Pellart, pour y aménager des locaux d’accueil du public, plus sécurisés, ainsi que le service des policiers en tenue et le chef de la sûreté générale. En 1980, le Commissaire principal Lucien Ripoll envisage une réfection de façade du 34. Il est temps de songer à trouver des locaux mieux adaptés.

Le 34 rue Pellart ( Document Archives Municipales )

Le Ministère de l’Intérieur décide la construction du nouveau commissariat sur un terrain vierge, au 72 Boulevard de Belfort, à côté de la Bourse du Travail. Le déménagement a lieu, au début des années 1990, dans des locaux neufs, plus vastes, plus modernes et plus fonctionnels.

L’emplacement du futur Commissariat Bd de Belfort ( Document Archives Municipales )

De 1990 à 1993, le 36 rue Pellart est utilisé comme annexe du Lycée Saint Martin ( actuellement rue de Lille ). A partir de 1993, des associations s’y installent : Radio Boomerang, puis l’ARA ( Autour des Rythmes Actuels ) qui est toujours présent aujourd’hui.

En 2003, l’édifice est menacé de démolition, avec le projet du Géant Casino. Fort heureusement, le bâtiment a été classé Monument Historique. La rénovation est faite de 2002 à 2005 ; les locaux sont réhabilités pour répondre aux besoins des activités musicales de l’ARA ( insonorisation des salles, création d’un studio d’enregistrement, mini salle de concert … ).

Le 301 avenue des Nations Unies ( Document photo BT )

Remerciements aux Archives Municipales, à l’ARA, ainsi qu’à Eric Eudes, Franck Bauwens et Luc Watteau

Luc Watteau ( ancien inspecteur de police de Roubaix ) sur les marches du perron du Commissariat Central de la rue Pellart en 2015, lors de la sortie de son livre : Le dossier SNK ( Document Photo Nord Eclair )

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Coryse Salomé et la bijouterie Lauras

André Lauras est né en 1897. Dans les années 1920, il est conducteur de travaux dans une entreprise de bâtiment. Pour arrondir des fins de mois difficiles, il met en vente, à son domicile rue de l’Alouette, des boites de poudre de maquillage de chez Coryse Salomé. Cela fonctionne plutôt bien et il passe des commandes régulières à son fournisseur. Maurice Blanchet, le directeur de Coryse, est informé de son action. Intrigué et curieux, il contacte André Lauras pour faire sa connaissance. Maurice apprécie ses qualités d’homme et lui propose de vendre les produits Coryse Salomé, non plus chez lui, mais dans un point de vente, dont l’emplacement est à trouver.

André Lauras ( Document D Dujardin )

André accepte la proposition et trouve un local, au 17 rue Pierre Motte. C’est un estaminet tenu par L. Matisse. Très peu de temps après, il négocie la reprise du commerce voisin, au 19, un débitant de tabac, F. Lefebvre Lecomte. L’affaire est conclue. Il démarre les travaux d’aménagement des deux magasins et l’inauguration a lieu en 1932. Le 17 rue Pierre Motte devient la parfumerie Coryse Salomé et le 19 se transforme en commerce d’articles de bijouterie fantaisie.

Inauguration du magasin ( Document collection privée )

André Lauras a un sens inné du commerce. Sur la photo ci-dessus, on remarque une grande pancarte publicitaire, à la fois sur les deux façades des magasins mais également sur la porte cochère d’à côté ; il est en effet de bon contact, fin négociateur et a réussi à convaincre son voisin de pouvoir placer son panneau en partie chez lui.

Façade du magasin ( Document collection privée )

André est marié à Yvonne. Tous deux vont bénéficier d’une formation importante des produits, par leur fournisseur Coryse Salomé. Le concept est de proposer à la clientèle des produits en vrac : les eaux de Cologne et les parfums sont vendus dans des flacons consignés, ce qui permet de diminuer le prix de vente de façon significative. Les prix sont donc très compétitifs par rapport aux parfumeries traditionnelles ( 50 % de remise, en moyenne ). Cette formule de vente s’adresse à tous types de clients mais elle est particulièrement intéressante pour la clientèle ouvrière de la ville. Les gens se déplacent de très loin pour profiter des prix imbattables. André n’hésite pas à installer une table sur le trottoir, où une vendeuse est à disposition, pour les conseils et la vente des parfums et eaux de Cologne, quand les conditions météorologiques le permettent. Le succès est immédiat.

L’intérieur du magasin ( Document D Dujardin )

Pour la bonne conservation, les eaux de toilettes et parfums sont stockés dans des « Balarues », sorte de bocaux en verre, parfois très grands ( jusqu’à 50 cm de hauteur ) que l’on peut trouver également dans certaines herboristeries. La fermeture de ce récipient est particulièrement étanche et hermétique, ce qui permet de prolonger indéfiniment la durée de vie des parfums.

L’enseigne fabrique et distribue également des produits cosmétiques en vrac : poudre de maquillage, poudre de riz, crème de soins, rouge à lèvres, fard à paupière, brillantine, dentifrice, savon, ainsi que des accessoires : vaporisateur, houppette, houppe de cygne, etc

Produits ( Document D Dujardin )

André et Yvonne ont eu 4 enfants. Trois d’entre eux, les aident au commerce :

– Roger poursuit ses études de bijouterie-joaillerie à Paris. Une fois, son diplôme obtenu, il revient à Roubaix. En 1945, André lui propose alors un coin du magasin, pour travailler sur des bijoux qu’il propose à façon, à la clientèle, c’est à dire qu’il crée des bijoux à la demande ; la bague ou le bracelet devient alors une pièce unique et exclusive. Le succès de cette activité de bijouterie-joaillerie est tel qu’André décide de lui consacrer entièrement le 19 de la rue Pierre Motte ; le commerce devient : la bijouterie Lauras.

– Jean reçoit une formation de bijoutier de son frère Roger, et prend la responsabilité d’un magasin identique au 34 rue St Jacques à Tourcoing.

– Denise aide à la vente à la parfumerie, à Roubaix.

La petite entreprise familiale se développe, car bientôt un nouveau magasin ouvre à Amiens, rue des Trois Cailloux.

Bijouterie Sigma ( Document D Dujardin )

Yvonne, l’épouse d’André, aide bien sûr son mari à la gestion des deux magasins et à la vente de détail à la parfumerie ainsi qu’à la bijouterie ; elle devient en effet spécialiste de la création et de la réparation de colliers de perles de culture.

André Lauras crée sa marque de bijouterie « SIGMA ». Passionné de communication, il diffuse, auprès de sa clientèle, la « Sigma Revue » : une lettre d’information et de conseils sur des articles de bijouterie (c’est une  »newsletter » avant l’heure).

Sigma revue ( Document F Lauras )

En 1950, André fait modifier la façade des 2 magasins, par un architecte parisien. Les travaux sont réalisés par l’entreprise Delfosse au 39 rue de Crouy. Il profite de ces travaux pour ouvrir une porte intérieure qui relie les deux magasins. Il communique par des publicités communes aux deux points de vente.

Nouvelle façade 1950 ( Document D Dujardin )
Photo de l’intérieur de la parfumerie. A droite porte intérieure qui donne sur la bijouterie ( Document F Lauras )
Documents publicitaires pour les 2 magasins ( Documents collection privée )

Au milieu des années 1950, Denise, après un stage de formation intense d’un mois, au siège Coryse Salomé, dans la région parisienne, devient esthéticienne. André modifie alors, en 1964, l’intérieur de la parfumerie et installe deux cabines de soins esthétiques pour développer ses ventes et son chiffre d’affaire. Denise habite désormais au premier étage.

La cabine de soins esthétiques. On distingue, dans le miroir central, André Lauras qui prend la photo. ( Document D Dujardin )

Le commerce a une activité constante toute l’année, mais il y a bien sûr des périodes de forte affluence, comme la fête des mères, les fêtes de Noël et de fin d’année. Et puis, il y a le 1er Mai ! date particulièrement importante pour la parfumerie. En effet, l’ensemble du personnel ( 7 personnes) conditionne manuellement des petits flacons de parfum de muguet, avec un brin de muguet en tissu, fixé sur le dessus. Les quantités vendues sont impressionnantes, car de nombreux chefs d’entreprise viennent se fournir, pour offrir ce cadeau sympathique à leurs salariés, à l’occasion de la fête du travail. Denise ne compte pas ses heures de travail, pour la plus grande satisfaction de la clientèle.

( Document Nord Eclair )
( Document D Dujardin )

Les affaires sont florissantes et, en 1972, Roger Lauras fait modifier la façade de la bijouterie. L’entreprise Decora de Lambersart est choisie pour les travaux.

Modification de la façade ( Document Archives Municipales )

Sylvie, la fille de Denise, part à Paris au siège de l’entreprise Coryse Salomé, pour un mois de formation. A son retour, elle aide à la tenue et à la gestion du commerce. Francis, le fils de Roger, reprend la bijouterie en 1985. Roger aide son fils à ses débuts, puis prend sa retraite à la fin des années 1980.

L’entreprise Coryse Salomé à Paris connaît quelques problèmes financiers au milieu des années 1990. Denise est inquiète car les commandes sont livrées incomplètes et elle n’arrive pas à satisfaire la clientèle. Elle décide donc de prendre sa retraite, et de fermer définitivement le magasin en 1997. Vont se succéder alors au 17 rue Pierre Motte : un commerce de développement rapide de photographie, puis deux sandwicheries, sans grand succès.

A la bijouterie, Francis et son épouse Catherine, prendront une retraite bien méritée l’année prochaine ; le commerce sera cédé fin 2020.

Photographie de l’intérieur de la bijouterie et la façade actuelle ( Photo BT )

Remerciements aux Archives Municipales, ainsi qu’aux membres de la famille : Denise, Sylvie et Francis, pour leur témoignage et leur documentation.

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Robert Lecocq, traiteur

Robert Lecocq naît le 21 Avril 1932. Il apprend le métier de boucher charcutier traiteur, mais c’est surtout l’activité de traiteur qui le passionne : la création de plats, de mets succulents et de desserts pour le plaisir des clients.

A la fin des années 1960, il installe ses bureaux au 111 rue du Luxembourg à Roubaix et ouvre un magasin de traiteur, au 189 Boulevard Gambetta à Tourcoing. C’est une artère importante qui relie les deux villes, ce qui lui permet de faire venir les clients de Roubaix Tourcoing, mais également des petites villes voisines. Car les particuliers viennent de loin pour commander chez Robert Lecocq. Sa réputation et sa notoriété sont désormais acquises.

Publicité années 60 ( Document collection privée )

Robert Lecocq livre à domicile, que ce soit pour les particuliers ( noces, mariages et banquets ), ou pour les entreprises ( repas d’affaires ).

Il est ambitieux et son souhait le plus cher est de pouvoir mettre une salle de réception à disposition de sa clientèle. L’occasion se présente en 1979, lorsqu’il rencontre Mme Maes qui possède le 31 rue Paul Lafargue. C’est un hôtel particulier construit en 1928 par l’industriel André Carissimo. Cette maison de maître de 265 m2 de surface au sol (la façade fait 19m de long sur plus de 14m de large) possède deux étages. Le terrain de 3360 m2 donne sur l’avenue Gustave Delory et la demeure est inoccupée depuis 1976. Un bail de location est signé.

Les Hauts de Barbieux ( Document J.J.Young )

Robert Lecocq s’installe dans ces locaux et crée l’enseigne « Les Hauts de Barbieux ». Il installe la cuisine, le laboratoire et la chambre froide au sous sol et aménage deux salles de réception au rez de chaussée : La Chaudrée et la Fontaine. Il fait ouvrir le mur de clôture, avenue Gustave Delory, pour la création d’une porte cochère, afin de faciliter le passage des véhicules de livraison.

Les Hauts de Barbieux ( Documents collection privée )

Il a donc désormais plusieurs activités : traiteur et livraison à domicile, salle de réception pour les week-end, et restaurant pour le reste de la semaine. Le succès est immédiat et le restaurant se trouve déjà à l’étroit. Au début des années 1980, Robert fait donc construire une véranda sur les 19m de façade, côté jardin : la salle principale est maintenant immense, magnifique et très lumineuse.

Les Hauts de Barbieux ( Documents collection privée et Google Maps )
Les Hauts de Barbieux ( Documents D. Gaudenzi )

Robert Lecocq devient le spécialiste incontesté de la cuisine pour les plus fins gourmets et les plus grands gourmands. Les créations sont toujours uniques, délicates et savoureuses, car tous les plats sont faits maison à partir de produits frais. Robert est très exigeant, voire même intransigeant auprès de son personnel sur la qualité.

Menu restaurant ( Document J.J.Young )

En 1986, Robert Lecocq prévoit l’extension et l’agrandissement de ses locaux techniques, avec l’accord de la propriétaire Mme Maes, mais en 1988, il renonce à effectuer les travaux, car il a d’autres projets : la création de salles de réception, dans des lieux historiques et prestigieux . . .

En 1989, Robert Lecocq signe un accord avec la ville de Mons en Baroeul, pour la location du Fort de Mons. C’est dans cet édifice du XIX° siècle, avec une architecture remarquable, niché dans la verdure, que Robert aménage des salles de réception et un restaurant dans de magnifiques salles voûtées.

Le Fort de Mons ( Document collection privée )

Fin 1990, Robert tombe malade et arrête son activité professionnelle pour pouvoir se soigner. Son épouse Chantal et leurs trois fils François, Emmanuel et Alexandre reprennent le flambeau, continuent l’activité et développent l’entreprise de façon très importante et rapide, car ils fourmillent d’idées originales.

En 1991, la famille Lecocq décide d’aménager des cuisines et un laboratoire, dans un nouveau local rue Émile Moreau, car cet emplacement se trouve à proximité de l’église Notre Dame, futur nouvel espace de réception.

La mairie de Roubaix signe une concession, en 1992, pour la location de cette ancienne église qui date du XVIII° siècle, désacralisée en 1983. Les travaux de rénovation sont immenses, car cet ancien lieu de culte inoccupé depuis 10 ans, a servi de stockage pour la municipalité, et se trouve en mauvais état.

L’église Notre Dame ( Documents collection privée )

L’espace Gobelins est né. C’est un lieu magique, majestueux, étonnant avec ses larges colonnes et sa voûte à 20m de hauteur. La salle est immense, puisqu’elle peut recevoir 350 personnes pour un dîner ou 1500 personnes pour un cocktail. C’est un écrin idéal pour les réceptions ; la clientèle est ravie.

Espace Gobelins ( Documents D. Gaudenzi )

En 1997, la famille Lecocq reprend le restaurant « La Terrasse des Remparts » à Lille ( auparavant tenu par le chef étoilé Bardot ), qui se trouve dans l’enceinte même de la Porte de Gand : site historique classé, construit en 1620. La décoration est originale et marie audacieusement le moderne et l’ancien, avec succès. Le restaurant a une capacité de 110 couverts, et emploie 15 personnes.

La Terrasse des Remparts ( Document collection privée )

En 2002, le groupe Lecocq ajoute un nouveau projet et, cette fois-ci, se lance dans la création, en ouvrant un restaurant à thème, sur un concept inspiré du voyage, des vacances et de la méditerranée, à l’enseigne « Villazur », à Wasquehal. Le bâtiment, la décoration et la carte sont un billet pour le soleil : un voyage méridional entre terre et mer.

Villazur ( Document collection privée )

En 2007, le groupe Lecocq déménage tous les équipements des cuisines, de la rue Emile Moreau, dans de nouveaux locaux, au 37 avenue Henri Delecroix à Hem. Malheureusement, la crise économique de 2007-2008 entraîne une baisse des commandes du service traiteur, une baisse de la fréquentation des restaurants. L’activité tourne au ralenti et les premières difficultés apparaissent. La situation ne s’améliore guère, et la liquidation judiciaire de l’entreprise est prononcée en 2011.

Le siège de la société, à Hem, est repris par Compass Group, qui fait partie de la chaîne « Traiteur de France ». L’activité continue, et la nouvelle direction décide, bien évidemment, de garder le nom Lecocq qui représente le prestige, la forte renommée, et plus de 50 ans d’expérience. Le nom de l’entreprise est désormais : « Lecocq traiteur »

( Document Lecocq traiteur )

Remerciements aux archives municipales, ainsi qu’à Matthieu Croquette, Didier Gaudenzi et Jean Jacques Young.

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