Dans les années 60, nous n’avions pas école le jeudi. Nous habitions au Nouveau Roubaix et de temps en temps, notre mère en profitait pour emmener, ma sœur et moi, passer la journée chez ses parents, dans la campagne de Wattrelos. Nous prenions le bus numéro 18 Boulevard d de Fourmies, près du carrefour avec l’avenue Motte. Arrivés à la gare de bus de la Grand Place de Roubaix, nous prenions sur un autre quai le 14, direction Wattrelos, terminus à la Houzarde, juste avant le poste frontière.
Le poste de douane de la Houzarde Coll Particulière
Puis, c’était le cheminement à pied, promenade bucolique et pittoresque pour nous, enfants de la ville. Nous empruntions la rue de la Boutillerie. Sur notre droite, une rangée de maisons qui existe toujours aujourd’hui, le carrefour avec la rue de la Baillerie, puis celui avec la rue Leruste au-delà duquel se trouvait le poste de douane français. Sur la gauche, des pâtures où le collège Pablo Néruda sera construit au début des années 1970 puis la belle ferme de la Boutillerie, en retrait de la route, rénovée à plusieurs reprises et toujours présente.
Ferme de la Boutillerie vue Google maps
Puis de nouveau des pâtures se présentaient à nous, de part et d’autre de la chaussée. Le lotissement des rues Verlaine et Baudelaire ne sera construit qu’à la fin des années 1970.Ensuite, une nouvelle rangée de maisons à droite et, après un alignement de grands peupliers, la ferme Destombes sur notre gauche, exploitée par 3 frères, Bernard, Marc et Dominique.
La ferme Destombes 2020 Photo PhW
J’apprendrai beaucoup plus tard que, comme nombre de leurs confrères du secteur, Ils sont confrontés aux difficultés liées à l’urbanisation : raréfaction des terres exploitables. Celles -ci sont enclavées, dispersées et de petite taille ce qui induit des déplacements longs et coûteux. Ils décident de se spécialiser dans la production de lait et créent le Groupement Agricole d’Exploitation en Commun (G.A.E.C) en 1964. Cette structure va leur permettre de vendre directement près du tiers de leur production à la population nombreuse près de la ferme, le reste étant vendu à une coopérative. Aujourd’hui, une aile du bâtiment a été aménagée pour accueillir 6 logements étudiants. La ferme sera reprise en janvier 2003 pat M. Truffaut, anciennement agriculteur rue Leuridan Noclain. Les bâtiments de son ancienne ferme sont toujours debout à ce jour.
Enfin, nous arrivions au 27 rue de Gauquier au terme d’une marche de 20 à 30 minutes avec nos petites jambes !
Jean Cirez naît à Roubaix en 1930. Il passe son certificat d’études, puis enchaîne quelques petits boulots. En 1967, il habite au 69 rue Pellart. Il crée avec son ami André Haelvoet, une petite entreprise de dépannage tous corps d’état ( plomberie, chauffage, électricité, rénovation toitures ) et installe son bureau au 75 rue Saint Louis.
Publicité 1968 ( Document JP Cirez )
Les deux hommes se complètent parfaitement : Jean est technicien et homme de terrain, André est plutôt administratif, il s’occupe des devis, des factures, et de la comptabilité. Pour développer l’activité de dépannage, Jean Cirez fait appel à son frère Claude, menuisier, et à son beau frère Jacques, électricien. Jean et André sont très sensibles au service apporté à la clientèle. Ils déposent donc la marque « A VOTRE SERVICE » pour la petite entreprise.
La petite entreprise A VOTRE SERVICE au 75 rue Saint Louis en 1968 ( Document JP Cirez
Les résultats sont satisfaisants et encourageants, dès le démarrage, si bien qu’en 1971, ils créent une SARL et s’installent dans un local de 312 m2 au 149 rue du Collège, qui était auparavant le siège de la « Société Anonyme de tissus nouveautés ». Ils transforment complètement la façade la même année, en créant une baie vitrée et une porte de garage. Jean habite à l’étage, avec son épouse Gisèle.
( Documents collection privée )
Leur expérience et leur qualité de travail sont très vite reconnues par la clientèle, mais également par les fournisseurs. En 1974, l’entreprise Airelec, fabricant de chauffage électrique, contacte Jean Cirez et André Haelvoet, leur propose d’assurer le Service après vente et la distribution de pièces détachées, en exclusivité, sur six départements. L’accord est conclu. Cette nouvelle activité apporte un complément à celle du bâtiment.
D’autres fabricants vont ensuite accorder également leur confiance aux deux hommes, comme les marques Moulinex, Rowenta, SEB, Krups, Tornado, Electrolux avec le label de qualité »Pièces certifiées constructeurs ». Dès ce moment, la société devient le centre d’entretien de plus de 30 marques ; cela représente 250.000 pièces détachées, et plus de 15.000 références. Jean Haelvoet décède malheureusement cette même année. Jean Cirez décide de continuer seul l’activité.
A l’extrême droite Jean Cirez et son épouse Gisèle, à l’extrême gauche l’un de ses deux fils, Jean Pierre ( Document JP Cirez )
L’entreprise se développe fortement. 11 véhicules de dépannage composent désormais la flotte de l’entreprise, laquelle compte 14 dépanneurs qui sillonnent la métropole.
Une partie de la flotte, devant le siège au 149 rue du Collège ( Document JP Cirez )Eric, un des techniciens devant le véhicule plateau Peugeot 504 ( Document collection privée )
Jean reprend le 149 ter de la même rue, en 1980. C’est une simple porte cochère, mais un long couloir permet d’arriver dans un local où il crée son magasin destiné à recevoir la clientèle. Cela lui permet de vendre des pièces détachées toutes marques, »au comptoir ».
Le comptoir ( Document JP Cirez )La façade ( Document JP Cirez )La façade après les travaux ( Document JP Cirez )
En 1984, l’entreprise de Jean Cirez fête ses 18 années d’existence et de succès. C’est l’occasion de célébrer cette réussite, par un verre de l’amitié, avec des membres de la municipalité, les 19 salariés, les principaux clients et fournisseurs.
( Document NE 1984 )
Au début des années 1990, Jean Cirez reprend le 149 bis qui était un atelier de bijouterie. Il peut désormais étendre son activité au 149, 149 bis et 149 ter, ce qui représente plus de 1000 m2 de surface et peut alors transformer complètement la large façade de plus de 18 mètres. Tous les travaux d’aménagement sont, bien sûr, réalisés par l’ensemble du personnel ; quand on s’appelle « A Votre Service » on montre l’exemple : le service bien compris commence par soi-même.
Le nouveau comptoir ( Document JP Cirez )
Depuis le début des années 1990, l’activité du SAV dépasse largement celle du bâtiment. L’entreprise « A VOTRE SERVICE » devient alors, un des plus importants centres agréé de France, en matière de Service après vente. De très grosses entreprises comme Darty, Boulanger, Auchan, La Redoute, Carrefour doivent faire appel à l’entreprise Cirez pour la garantie des appareils électro-ménager des constructeurs.
( Document JP Cirez )
En 1993, Jean Cirez décide de prendre une retraite bien méritée. A cette occasion son ami, André Diligent, lui remet la médaille de la ville. Jean transmet l’entreprise à ses deux fils, Jean-Pierre et Pascal, qui vont continuer l’activité. Jean garde cependant un œil bienveillant sur l’activité de la société.
( Document VDN )
Jean Cirez décède malheureusement en cette fin d’année 1993, l’activité continue de façon satisfaisante. Au début des années 2000, les premières difficultés apparaissent : la réduction des marges bénéficiaires, les tensions sociales au sein de l’entreprise, les super marchés de bricolage sont une concurrence directe pour l’activité bâtiment, et en ce qui concerne le SAV, les particuliers s’approvisionnent sur Internet. En 2008, l’entreprise cesse son activité, et ferme ses portes, après 44 ans d’activité. De très nombreux clients de toute la région, gardent encore un très bon souvenir de l’entreprise « A VOTRE SERVICE »
( Document JP Cirez )
Remerciements aux Archives Municipales, et à Jean Pierre Cirez, pour son témoignage et sa documentation.
Jean et Michel Devianne sont toujours à l’affût de nouveautés pour le développement de l’entreprise : création de la « jeannerie », avec la mode des jean’s, le lancement d’une gamme complète de blousons en cuir, un service de retouche immédiat, une fermeture tardive le mercredi soir, une ouverture exceptionnelle certains dimanches, l’organisation de l’anniversaire du magasin avec une voiture à gagner…
Michel Devianne choisit ses peaux avec le plus grand soin. Il apprécie en priorité la qualité et la souplesse des cuirsPublicités ( Documents Nord Éclair )
Jean et Michel Devianne, sont des commerçants et des hommes d’affaires, certes, mais ont le cœur sur la main, et sont engagés pour leur ville avec différentes missions civiles et caritatives. Jean crée l’Accueil Fraternel Roubaisien au 35 rue Pellart : maison qui reçoit la nuit, des sans abris, et des personnes en situation précaire.
Michel s’occupe de l’association Amitié Partage, qui aide des hommes et des femmes en difficultés, à se remettre debout. Il sera d’ailleurs Président d’Amitié Partage pendant quelques années. Michel est également l’initiateur, avec Guy Talpaert, de l’hôpital qui porte son nom. En récompense de toutes ces actions, Michel a reçu la médaille d’or de la ville de Roubaix.
Jean Devianne est juge, puis président du tribunal de commerce de Roubaix. Il est également président de l’UCC Union des Commerçants du Centre. Il organise toutes les campagnes publicitaires des commerçants, les fêtes en centre ville qui ont une renommée régionale.
Jean Devianne, juge au Tribunal de Commerce (document Michel Devianne )
En 1972, Michel Devianne ( huitième génération ! ) devient président du conseil d’administration de la société. Il rachète la maison voisine, au 72 Grande rue. Ce petit commerce inoccupé était auparavant l’agence immobilière NIC, gérée par R Declercq dans les années 1960-1970, et autrefois le magasin de fourrures de Mme Matton dans les années 1950.
Michel fait alors transformer toute la façade du magasin, agrandir la porte d’entrée et créer une nouvelle vitrine, et une porte d’entrée supplémentaire pour la »jeannerie ». Il devient ainsi le voisin immédiat de Bossu Cuvelier au 74. Il continue de faire confiance à l’architecte Emile de Plasse.
Michel est membre de la chambre de commerce, à l’époque de la fusion avec celle de Lille.
Nouvelle façade ( Documents Archives Municipales )
En 1976, le premier magasin VETIR ouvre à Englos, en face d’Auchan ; il est rapidement rebaptisé « Devianne ». C’est un changement de stratégie pour l’entreprise : ouvrir un magasin en périphérie, dans une zone commerciale, et donc délaisser quelque peu les centres-villes. C’est la première grande surface, vendant des vêtements, hors des villes. En 1983, la société Devianne fête son 101° anniversaire.
( Document Nord Eclair )
Michel Devianne rachète les N° 9, 11 et 13 du Boulevard Leclerc en vue d’agrandir le parking. L’accès sera ainsi plus aisé sur le Boulevard que sur la Grande Rue.
( Documents Archives Municipales )
En 1988, le projet d’extension de 208 m2, à l’arrière du magasin, permet de développer la surface de vente de manière très significative. Le nouveau bâtiment est construit sur une partie du parking ouvrant sur le Boulevard Leclerc. La démolition d’un petit garage de 35m2 est nécessaire.
La création de la collection femme amène, en 1989, un confort d’achat pour le consommateur, car il peut désormais trouver sous un même toit, les vêtements pour Monsieur et Madame. « Devianne pour Elle » devient le nouveau slogan publicitaire car la mode se conjugue aussi au féminin.
Document collection privée
En 1998, la Municipalité envisage un projet d’urbanisme très important et instruit une étude de faisabilité :
– le rachat du terrain de l’ancienne entreprise Bossu Cuvelier, rasée en 1994, permettrait de prolonger la rue du Collège, afin d’arriver sur le Boulevard du Général Leclerc.
– la reprise du magasin Devianne au 70 72 de la Grande rue, deviendrait nécessaire, car il se situe à proximité immédiate.
– la station Midas de la place de la Liberté, serait déplacée sur un autre emplacement.
– la création d’un immeuble pour l’entreprise Devianne pourrait alors voir le jour, sur un terrain de 3695 m2, dont 1381 m2 de commerces au rez de chaussée, et de 1457 m2 de bureaux pour les 2 étages.
Le terrain en question, serait desservi à la fois par le 70 72 Grande rue, par la place de la Liberté à la limite du N° 5, et par le boulevard Leclerc, à la limite du N° 17.
Le projet est abandonné par la municipalité.
Documents archives Municipales
Le magasin de Roubaix ferme à l’aube des années 2000 ; le magasin de Tourcoing ferme quelques années plus tard. Désormais, l’Entreprise Devianne va confirmer son intention de privilégier les commerces en zones commerciales, plutôt qu’en centre-ville.
En 2005, Michel Devianne a 69 ans. Il souhaite prendre une retraite bien méritée. Ses enfants, ne désirent pas reprendre sa succession, ni continuer dans le domaine du textile, qu’ils estiment fragile. La société Devianne, forte de ses 37 points de vente, est alors cédée à Joël Toulemonde, qui était auparavant le Directeur Général de l’entreprise.
Celui-ci développe l’entreprise en reprenant de nombreux points de vente : 7 magasins Magvet en 2005, 3 magasins Capmod en 2006 et 11 magasins Stanford en 2010. Le groupe Devianne s’appelle désormais « Verywear ». Son siège se trouve à Wasquehal, dans la zone de la Pilaterie, et plus de 40 magasins sont implantés aujourd’hui sur la moitié Nord de la France.
Photo BT
Le magasin Devianne de la Grande Rue, est loué, en début d’année 2011, à Kilic Mehtap. Il ouvre une solderie à l’enseigne CKDO, mais le point de vente ferme quelques mois plus tard. Depuis, le bâtiment est inoccupé et se dégrade irrémédiablement.
Document collection privée
Depuis 1754, Devianne, c’est une histoire taillée sur mesure. Le petit artisan a fait place au tailleur, puis au maître tailleur. Le petit commerce, a laissé sa place au grand magasin en centre ville, dans un esprit succursaliste, puis au super-marché du prêt à porter en zone commerciale. Les huit générations Devianne ont toujours été capables de s’adapter à la pointe du progrès, toujours en avance sur leur temps, et d’anticiper l’évolution du commerce des « textiliens ».
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Remerciements aux Archives Municipales, et à Michel Devianne, pour son témoignage et sa documentation
Mai 1999, l’annonce paraît dans les journaux, on va amputer un morceau de Grand Rue, celui qui fermait le rectangle de la place de la liberté à partir de la rue Jean Monnet (ex rue Pauvrée). De l’autre côté du trotttoir c’était autrefois le magasin Nord et Loire qui a disparu (entre autres) pour laisser place à l’entrée de l’ensemble Géant Casino. On va prépare maintenant s’attaquer à la suite de l’alignement des magasins existants pour l’arrivée d’un nouveau cinéma, à ce moment prévu le complexe australien Village Road Show.
Quels sont les immeubles qui vont être abattus ? Il s’agit des n° 43 au 51, des commerces plus que centenaires. Ainsi le n°43 fut-il longtemps un café tenu par M. Vanongeval puis après la seconde guerre, sous l’enseigne « Au Forgeron » par Jules Prez, professeur de musique. C’était aussi le siège des transports en commun Lebas et Dumont et du Trait d’Union Messagers au début des années soixante. Les chaussures Sam viennent s’y installer en 1968 et s’y trouvent encore au moment de la démolition.
Le magasin de chaussures Sam au n°43 Coll particulière
Le n°45 était la célèbre chemiserie de la famille Hamard, à l’enseigne des « Cent mille cravates ». Depuis les années soixante dix, le magasin était occupé par les Tricots Nord Maille.
Les cent mille cravates au n°45 Coll Particulière
Le n°47 a toujours été occupé par un bijoutier, M. Masquelier auquel succéde M. Meurisse à la fin des années soixante. Le n°49 fut longtemps l’échoppe d’un tailleur M Verhelle, puis M. Leroy-Verhelle, avant de laisser la place à la maroquinerie « Au cuir de France », au début des années soixante dix.
Vue aérienne des premiers numéros Photo NE
Le 49bis, c’était la célèbre bijouterie de M Fourgous, « au Coeur d’or », auquel succède M. Daraut. Puis le magasin Lano, confections hommes, s’y installe, tout droit venu de la rue de Lannoy au moment de sa démolition en 1964. Le photographe Bourgeois prendra la suite pendant les années quatre-vingts, venant de la rue Pauvrée. Il se réinstallera par la suite dans la Grand Rue, un peu plus haut, au n°33.
La bijouterie Fourgous, au cœur d’or Coll Particulière
Depuis les années vingt, on pouvait trouver au 49ter les Galeries Ste Anne, mercerie, soieries, tricots. En 1979 l’Office du tourisme y fait un passage avant de s’installer dans l’ancienne entrée du cinéma Casino place de la liberté. Dans les derniers temps, on y trouve Abrinor, une agence immobilière.
Les Galeries Saint Anne au n°49 Coll Particulière
Le n°51 était occupé par les tissus Lesur, puis Massard. Le fabricant de matelas et de literie Cheval vient s’adjoindre aux négociants, en même temps que les jardins populaires de Roubaix.
Vue des derniers bâtiments à démolir Coll Particulière
Le n°53 échappera aux démolitions, c’est un café tenu par Georges Desmytter, qui porte au moment de la démolition l’enseigne des Olympiades.
Les olympiades, le café survivant Coll Particulière
L’ensemble de ces bâtiments disparaît en 1999. C’est en 2004 que s’ouvre le Duplexe, des œuvres de Michel Vermoesen et Daniel Najberg, célébrant le retour du cinéma dans une ville qui en était privée depuis 1986.
Nous possédons un berceau de famille un peu particulier puisqu’il s’agit d’un « chariot alsacien » fabriqué en 1956 à Virieux le Petit (département de l’Ain) par un artisan vannier itinérant. Tous les nouveaux nés de la famille ont dormi dedans et le chariot a été transmis de foyer en foyer au gré des naissances, neuf en tout à ce jour. Pour l’arrivée de notre fille, nous le récupérons fin 1995. Il a donc près de 40 ans et il a déjà beaucoup servi. Aussi va-t-il nécessiter la réparation des arceaux de la capote et, surtout, le remplacement de la parure en tissu.
Le berceau à reprendre Coll particulière
Pas moins de 14 mètres de broderie anglaise sont nécessaires et nous nous rendons chez Ducroquet , mercerie réputée de la Ville, au 95-97 Grand Rue à Roubaix. Surpris et ne sachant pas ce qu’est un « chariot alsacien », Monsieur Ducroquet nous demande quel usage sera fait d’un tel métrage, compte tenu, notamment de son coût. Après nos explications, il enregistre notre commande et nous demande à voir le travail fini, ce que nous avons fait volontiers en lui apportant la photo qui illustre cet article. Ajoutons pour finir que la facturation fut bienveillante !
Nous avons relaté l’existence d’une poste annexe dans le quartier de l’épeule. En l’espace d’une dizaine d’années au début du vingtième siècle, il y eut à Roubaix des petits bureaux de postes de quartier, des recettes auxiliaires, destinées à couvrir les besoins des quartiers. Il y en eut une dans le quartier de l’épeule, au n°21 rue Newcomen qui disparut après la première guerre.
La poste annexe rue Newcomen Coll Particulière
En 1930, le service des Postes Télégraphe et Téléphone est assuré, à Roubaix, par un bureau principal des postes et télégraphes, boulevard Gambetta. C’est là que les épeulois se rendent pour les opérations postales ordinaires et extraordinaires. Un troisième bureau de postes est en construction rue de l’Alma qui sera inauguré en 1933, un peu plus près de leur quartier. La mémoire des anciens épeulois n’a pas conservé trace de bureau de postes dans le quartier. Il faudra attendre plus de soixante ans avant qu’on reparle de la création d’un bureau annexe après la fin de l’établissement Hourez en 1990. Le bureau de poste annexe de l’épeule a été construit à partir du 10 octobre 1994, et la réception des travaux a eu lieu le 13 janvier 1995. Il se trouvait au n°179 de la rue, soit au beau milieu des locaux des anciens établissements Hourez. Il ne fera cependant pas long feu, un incendie le détruira complétement la même année.
Le plan de la poste du n°179 doc AmRx
Il est décidé de réinstaller la poste annexe provisoirement au 61 rue de l’épeule où se trouve déjà des locaux loués par la ville en vue de la création d’une maison des services (mairie de quartier, CCAS). Ce provisoire sera durable : pendant 22 ans, les services postaux et la mairie de quartier partageront ces locaux étroits et inappropriés.
Les locaux qui accueillirent la poste et la maison des services rue des Arts Vue Googlemaps
Une première tentative de reconstruction se présentera avec un projet de 2003 qui proposait l’intégration de la poste dans une une galerie perpendiculaire au supermarché Match. Mais cela ne se fera pas.
Projet de la galerie avec bureau de poste doc AmRxLe projet vue de dessus doc AmRx
Il faudra attendre l’ouverture de la maison des services des quartiers ouest en avril 2015. Elle ouvre ses portes à l’angle des rues de l’Épeule et Watt. Elle regroupe la mairie des quartiers et le CCAS et attend encore les derniers logements LMH et la Poste. Les travaux étaient commencés depuis plus de trois ans. La mairie des quartiers-ouest a déménagé mi avril au 187 de la rue. Le bâtiment tout neuf se situe à l’angle de la rue Watt, en face de la pharmacie Sainte-Claire. Le CCAS a lui aussi emménagé dans ces nouveaux locaux. Cette mutualisation permet d’avoir un double accueil, plus pratique pour les usagers. D’autres permanences sont toujours proposées dans ces locaux. Le service intercommunal d’aide aux victimes (SIAVIC), le conciliateur de justice et le CAL-PACT y tiennent leurs permanences hebdomadaires. Il reste de la place pour accueillir d’autres associations ou d’autres permanences. « On est dans des locaux plus spacieux, plus agréables et plus lumineux », explique Didier Robin, directeur de la Mairie de Quartier.
La poste de l’épeule aujourd’hui vue Googlemaps
Il faudra encore deux ans pour que la Poste rejoigne l’ensemble. Ouvert depuis le 28 février 2017, au n°173 rue de l’épeule, le nouveau bureau de La Poste a été inauguré en mars. Plus grand, plus lumineux que l’ancien situé rue des Arts, il accueille aujourd’hui près de 120 clients par jour. Et si le projet a tardé à sortir, les clients en semblent aujourd’hui totalement satisfaits.
Depuis 1876, date de son édification, le Couvent des Clarisses a vu maintes fois son environnement évoluer. Le vieux sentier des Ogiers qui passait à proximité est devenu la rue de Wasquehal et la rue des Ogiers à son débouché dans la rue de l’épeule. L’endroit s’est progressivement garni de longues rangées d’habitations ouvrières alors que l’industrie remplissait l’espace entre la voie de chemin de fer et la rue de l’épeule. A titre d’exemple, dans la rue de Wasquehal on trouvait autrefois la Fonderie de l’Epeule, la Société anonyme de finissage anglais, la Société roubaisienne de vêtements imperméables. Un certain nombre de courées y furent édifiées : en 1953, nous trouvons au n° 21 la cour du Brondeloire et la cour Delannoy, au n° 10 la cité Delporte, au n° 30 l’impasse de la Fonderie, au n° 36 la cour Baudaert-Dupriez et au n° 108 la cour Leman. En 1883, le quartier des rues de Wasquehal, des Ogiers et Watt est décrit comme l’un des plus humides et des plus boueux de la Ville, avant la construction d’un aqueduc dont la réception définitive aura lieu le 30 avril 1885. Sa construction fit disparaître les fossés et permit d’élargir la chaussée. Créée par une délibération du Conseil Municipal du 24 février 1893, la rue Bell fut approuvée par la Préfecture le 6 Mars de la même année. Située à la limite des territoires de Croix et de Roubaix, elle est dans l’immédiat voisinage de la société du Peignage de l’épeule. La rue Bell se verra complétée par une nouvelle série de constructions au cours des années 1920.
Premières démolitions angle épeule Ogiers Photo NE
Une nouvelle mutation du quartier se prépare en 1970, il s’agit d’une importante opération de résorption de l’habitat qui concerne les ilots Bell (rue de Wasquehal), Frère (cour située rue de Mouvaux), Aigle d’Or (cour située rue de la fosse aux chênes), Faidherbe II (cours situées rue Cugnot, rue des Vélocipèdes, rue de la limite), la Paix (cours situées rue du fort, rue de la longue chemise), et Petit Paradis (cour située Grand Rue, rue Lacroix, rue Fourcroy). Les locaux utilisés à des fins d’habitation dans ces zones sont déclarés impropres pour des raisons d’hygiène, de sécurité de salubrité. L’opération de résorption va concerner un périmètre en forme de rectangle constitué par la rue de la limite, la rue de Wasquehal, la rue des ogiers, la rue de l’épeule.
Quel est l’état des lieux du quartier en 1972 ? La rue Bell, créée en 1893, longue de 190 mètres sur 10-12 de large, se déroule du n°3 au 61 et du n°22 au 72. On y trouve un serrurier M. Créteur au 3, un coiffeur dames Mme Duhem au 25, après la rue Morse. Il y a des maisons inoccupées aux n° 9, 13, 39. Du côté pair, le Patronage St Sépulcre est au 36, et la maison du 72 est inoccupée. Établie de 1871 à 1888, la rue Cugnot fait 160 mètres de long sur 10 de large et présente une soixantaine de numéros pairs et impairs. Un pharmacien, M.Goddefroy occupe les n°1 à 5, la crémerie Descamps le n°11, les Taxis Vanhoorde le n°33. Côté pair, la technique électrique est aun°6, et on dénombre deux cours, Delmotte n°16, Cour Fontaine n°24. Les n°10,14,22 sont inoccupés. La petite rue Foucault date de 1891, fait 110 mètres de long sur 12 de large et s’étend du n°1 au n°41 et n°2 à 38. La rue des Ogiers est plus ancienne, établie en 1871, elle ne fait que 95 mètres de long sur 12 de large. Malgré son parcours assez court, on y trouve un boulanger au 7, deux coiffeurs au 3 et au 14. La rue des vélocipèdes fait 115 mètres de long sur 8 de large et comprend peu de numéros : du n°1 au 39 et du n°2 au 46. Une entreprise de couverture Debarge est au 17, puis une succession de courées, Cour Malfait 21bis, cour Faidherbe 25, Cour Huvelle 6, Cour Vandenbroeck 40bis. Enfin la rue de Wasquehal réalisée en 1871, fait 430 mètres de long sur 10 à 12 de large et s’étend du n°2 au 118. On y trouve les Clarisses au n°2, la cité Delporte au 10, l’impasse de la fonderie (16/18), l’impasse fleurie 32, cour Baudaert Dupriez 36, cour Leman 108, et beaucoup d’inoccupés, environ 1/3 de la rue. Il s’agit donc d’une partie de quartier relativement ancienne, près d’un siècle d’existence, où s’est développé un habitat serré fait de courées et de barres, dont on va démolir l’intégralité des bâtiments ou presque.
Le projet Lecroart Photo NE
Le projet est de supprimer 58 habitations rue Bell et de construire 117 logements PLR et pour l’ilot Faidherbe II, démolir 80 habitations et construire 92 HLMO. L’architecte chargé du dossier est Omer Lecroart. La déclaration d’utilité publique a été décidée en juillet 1970 et les mesures d’expropriation démarrent en septembre 1972 pour la partie Faidherbe II, concernant notamment la cour Vanderdonck rue des Vélocipèdes et la ruelle Cugnot, comme nous l’apprend l’encart dans le journal daté de février 1973.
La visite de M. Vivien Photo NE
En 1972, c’est le début de l’opération démolition : rue Bell 2 à 72 (tout le côté pair) et rue de Wasquehal 42-44. Pendant l’été 1972, le quartier reçoit une visite ministérielle et sa première coulée de béton. Robert-André Vivien (1923-1995) homme politique français, député de Seine puis du Val-de-Marne, est alors secrétaire d’État au Logement et il participe activement à la solution du problème des bidonvilles et à la création de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH). Il est en visite aux Ogiers.
Le premier bâtiment des Ogiers et la partie Vélocipédes dégagées Photo AmRx
Après cette visite, la première coulée de béton se déroule rue des Ogiers en présence du Préfet, en juillet. Le premier bâtiment réalisé sera celui des Ogiers. Les mesures d’expropriation prendront quelque temps, ce qui explique la chronologie de réalisation des nouvelles constructions.
Plan des immeubles Vélocipèdes Doc AmRx
En Septembre 1974, la partie Vélocipèdes est construite, et la rue Cugnot est épargnée par les démolitions. Coût trop élevé de l’opération ? Volonté de garder une rue déjà viabilisée ? Il manque encore les grands immeubles au fond qui seront réalisés en 1975.
Les années 60 ont connu un phénomène particulier dont on n’a pas eu l’exemple dans les périodes antérieures, l’apparition d’une quantité impressionnante – on en compte plusieurs dizaines à Roubaix et environs – de petits orchestres de jeunes amateurs, nés de la vague musicale venue des États-Unis et répandue en France par les radios, en particulier Europe I, toute jeune station alors, qu’on écoute sur la nouvelle merveille, le transistor.
Ces groupes sont tous plus ou moins constitués de la même façon, trois guitares électriques, récemment commercialisées, et une batterie – et souvent un chanteur. Ils se forment par une volonté propre, au gré des connaissances et des circonstances, avec un désir commun de reproduire la musique qui envahit les ondes à destination des jeunes, qu’on appelle à l’époque les teenagers.
Nous allons évoquer cette période à travers les souvenirs d’un membre – appelons-le Robert – d’un de ces orchestres.
Guitares Eko et Norma – documents FetishGuitar.com
Le père de Robert avait joué du violon dans sa jeunesse. Il poussa donc tout naturellement son fils vers la musique et c’est ainsi que Robert apprit à jouer du violon, vers 11 ans, à l’école de musique de Mouvaux. A ce moment apparaissent sur les ondes tout une série de chanteurs et d’orchestres instrumentaux émules d’un nouveau rythme et de sonorités nouvelles permises par l’utilisation de ces nouveaux instruments.
C’est un choc pour toute une génération, et, en particulier, pour Robert, qui rêve à 15-16 ans de jouer cette musique. La guitare devient le sujet favoris des conversations à l’école et petit à petit, il abandonne l’archer de son violon pour en gratter les cordes comme il le ferait avec une guitare. Voyant cela, son père se décide à aller lui acheter l’instrument rêvé dans un petit magasin à Tourcoing où Robert avait repéré un petite guitare rouge, pas trop chère, une guitare sèche comme on dit à l’époque pour les instruments dont le son n’est pas amplifié électroniquement. C’est une Egmond, qu’on peut équiper de micros.
La première guitare de Robert – photo Jpm
Il faut maintenant apprendre à en jouer. Le père de Robert connaît dans son entreprise quelqu’un qui joue de la guitare. Il lui propose d’accompagner son fils dans cet apprentissage. C’est ainsi que Robert s’initie aux accords et aux arpèges et jouant des chansons de Brassens.
Cette base acquise, et désireux de jouer des morceaux plus modernes, il se tourne vers la Maison des Jeunes et de la Culture de Tourcoing où il rencontre d’autres jeunes partageant la même passion, encadrés par un adulte qui les guide dans leur approfondissement et les aide à faire progresser leur technique.
Robert commence ainsi à jouer de la guitare rythmique, mais aussi les solos : en effet, en dehors des morceaux purement instrumentaux, chaque chanson à l’époque comporte un « pont » entre deux refrains où le guitariste du groupe joue en solo une variante de la mélodie.
Guitares Meazzi – documents FetishGuitar.com
Plus tard, la MJC oriente Robert vers un orchestre qui démarre à Roubaix, près du boulevard Descat. Il intègre ce groupe avec lequel il répète tous les jeudis, alors jour de congé scolaire. Ne pouvant pas stocker sur place leur matériel, ils répètent sans batterie, impossible à transporter chaque semaine. Ils la remplacent par une seule caisse à qui revient la tache de marquer le rythme. Robert, lui, doit transporter sur sa mobylette l’ampli qu’il a acheté d’occasion…
Le groupe comprend trois musiciens et ne comporte pas de basse. Robert y dispose d’une guitare électrique, prêtée. En effet, l’initiateur du groupe dispose, après la dissolution d’un précédent orchestre, du matériel complet qui est entreposé dans l’arrière-salle du café paternel. Malheureusement, les répétitions ne peuvent pas se dérouler sur place à cause du bruit que génère ce type d’ensemble, et il faut répéter dans un endroit plus isolé, ce qui explique ces allées et venues de matériel.
Mais Robert ne reste pas très longtemps dans le groupe. En effet, il entend parler à la MJC d’un autre orchestre, dont le soliste vient de partir à l’armée, et qui cherche à le remplacer. Il se présente au Nouveau Roubaix, où répète le groupe, et celui-ci l’accueille dans ses rangs. Le voici soliste. Privé de chanteur, parti sous les drapeaux, le groupe se spécialise dans l’instrumental, dont la tête de file est représentée à l’époque par les Shadows, un groupe anglais. Robert rachète à l’ancien soliste, qui vient de s’acheter une Fender (le nec plus ultra à l’époque), sa guitare, une Kent. Elle possède quatre micros et, merveille, un vibrato qui lui permet de reproduire les effets sonores des groupes connus.
La Kent de Robert – photo Jpm
C’est l’époque où le Carioca, cinéma de Lys lez Lannoy, situé près de la Justice, offre à sa jeune clientèle une salle de dancing et prend le risque de proposer à certains jeunes orchestres qui se constituent la possibilité de jouer une ou deux chansons pour se faire connaître du public local. L’orchestre saisit l’occasion aux cheveux, et se produit sur scène pour faire ses preuves.
Documents provenant du Blog de Juluis59
Ils obtiennent ensuite quelques engagements, notamment à la braderie de la rue de l’Hommelet, où ils sont financés par la municipalité, mais aussi dans des salles familiales où ils jouent deux ou trois morceaux entre les prestations d’un orchestre au style plus « traditionnel ». Les cachets se montent à peu de chose, d’autant que les concerts ne sont ni nombreux, ni réguliers : inutile d’espérer acheter du matériel avec ces ressources ! Les activités de l’orchestre se résument donc le plus souvent aux répétitions.
Nouveau venu dans l’orchestre, Il faut à Robert apprendre tous les morceaux joués par le groupe. Au début, il joue la basse, laissant à un autre le soin d’assurer le solo des titres qu’il ne connaît pas encore bien. A l’époque, on ne trouve pas ou très peu de partitions (qu’on achète rue de Lannoy) pour les groupes instrumentaux. Il faut se débrouiller et acheter les 45 tours des morceaux qu’on veut jouer puis les passer et repasser mesure par mesure sur un électrophone pour les jouer à l’oreille et les apprendre par cœur. Chacun travaille ainsi sa partie chez soi, et on met le tout en commun lors des répétitions. Le répertoire de l’orchestre se monte à une quinzaine de morceaux.
Un Teppaz de l’époque – Photo site hubert.frappier.free.fr
Mais, au bout des 18 mois fatidiques, le guitariste solo en titre revient, ses obligations militaires accomplies, et Robert quitte le groupe. Il a alors 18-19 ans. Les sorties avec les copains au Colisée, puis la rencontre de sa future épouse mettent un terme à ses envies de se produire sur scène. Là s’arrête donc son expérience de musicien et son témoignage. Merci à lui.
Les Shadows – Photo Rolling Stones Stories – Overblog
En 1754, Pierre François Devianne est tailleur d’habits à Blandain, en Belgique, près de Tournai (première génération de tailleurs). En 1882, Jean Louis Devianne (cinquième génération) est maître-tailleur, à Néchin, près de Leers, sur un chemin mitoyen à deux pas de la frontière, ce qui explique le nom figurant sur son enseigne : « Aux Deux Nations ».
Jean Louis Devianne ( document Sté Devianne )Le commerce de Jean Louis Devianne est également un estaminet (document Michel Devianne )
Grâce à son expérience et à son professionnalisme, Jean Louis développe très rapidement son activité. Son fils, Albert, naît en 1881, à Templeuve. Il devient artisan tailleur à son tour, et reprend la boutique de M Vangeluwe, tailleur en 1911, à Roubaix, au 14 bis rue de Tourcoing, à l’enseigne « A la Ville de Courtrai ». Albert Devianne est tailleur pour hommes, mais également pour femmes, c’est à dire qu’il crée des « vêtements sur mesure ». Il vend aussi des vêtements confectionnés pour hommes et enfants ; c’est le début du « prêt à porter ».
Le magasin 14 bis rue de Tourcoing ( document collection privée et Michel Devianne )La plaque de la façade du magasin de la rue de Tourcoing (document Michel Devianne )
Au début des années 1920, Albert ouvre un nouveau magasin de confection pour hommes, à Tourcoing, au 41 rue de Tournai, à l’enseigne « Au Printemps ». Le succès étant également au rendez vous, au début des années 1930, il ouvre un deuxième magasin à Tourcoing, au 50 rue Carnot. Albert habite avec son épouse Jeanne Devianne, née Mormentyn, à Roubaix, à l’étage du magasin de la rue de Tourcoing, avec leurs 5 enfants Marie-Thérèse, Jean, Pierre, Marguerite et Monique, tous nés au-dessus du magasin. En 1927, il reprend un atelier mécanique de confections au 3 bis rue Saint Joseph. Il y emploie 20 tailleurs sur place, mais également des tailleurs qui travaillent à leur domicile.
Le magasin 2 rue Pierre Motte ( document Michel Devianne )
A la fin des années 1930, il ferme le magasin de la rue de Tournai à Tourcoing, pour déménager au 50 rue Carnot à Tourcoing. Il ouvrir un deuxième magasin à Roubaix, au 2 rue Pierre Motte, à l’enseigne « A Jeanne d’Arc ». Albert possède dès lors trois magasins au service de la clientèle. Il choisit alors son nom comme enseigne : « Les Vêtements Devianne », et commence à communiquer par la publicité. Il installe également, place de la fosse aux chênes, un magasin vendant uniquement des vêtements de travail, de la marque Adolphe Lafont.
( Documents collection privée )
Dans les années 1940 et 1950, les magasins continuent de se développer, en vendant à la fois du »sur mesures » et du »tout fait ».
Publicité 1945 ( Document collection privée )
Jean Devianne, le fils d’Albert, après de brillantes études à l’EDHEC à Lille, reprend à son père, la tenue et la gestion des trois magasins, et en particulier celui de la rue de Tourcoing. Il devient maître tailleur, diplômé. Après cinq années de captivité, en 1945, il reprend la direction des trois points de vente, vides de tout stock. C’est une période difficile. Il habite au 151 bis rue du Collège, à Roubaix, avec Madeleine, son épouse née Callens. Ils ont 6 enfants : Michel, Philippe, Françoise, Raphaël, Bernadette et Jean-Luc.
Jean Devianne est ambitieux, bien décidé à prendre la succession de son père, et à réussir. Il souhaite ouvrir un magasin en centre ville. Il fait l’acquisition d’un hôtel particulier, au 70 de la Grande Rue, en 1954. C’est une magnifique demeure, occupée par Mme Van Nieuwenhuysse, veuve d’un chirurgien ORL, qui avait son cabinet au 5 rue Pauvrée. A droite de la propriété une porte cochère donne sur un jardin, au bout d’un long couloir au milieu duquel se trouve la porte d’entrée du bâtiment d’habitation.
La maison de Mme Van Nieuwenhuysse ( Document Archives Municipales )
L’année suivante, Jean fait appel à l’architecte Joseph Dhoosche, de Tourcoing, pour transformer la maison en magasin de prêt à porter. C’est donc un projet important : une transformation complète, avec installation d’un ascenseur pour accéder à l’habitation à l’étage. Le magasin ouvre en 1956. Jean revend alors les magasins de la rue Pierre Motte et de la rue de Tourcoing, pour en assurer le financement, avec l’aide financière de ses fournisseurs. Michel Devianne, autodidacte, le fils de Jean, entre dans l’entreprise et commence sa formation, à l’âge de 17 ans. Il obtient son CAP d’aide-comptable, après avoir suivi des cours du soir à l’institut Turgot.
La façade et le plan du magasin ( Documents Archives Municipales )
Au début des années 1960, la circulation automobile se développe de façon très importante et il devient de plus en plus difficile de trouver une place de stationnement pour se garer, près du magasin. En 1966, Jean et Michel Devianne décident donc de créer un parking privé de 41 emplacements, à la place du jardin. Ils profitent de l’occasion pour agrandir le magasin en ajoutant un nouveau bâtiment : au rez de chaussée se trouve le magasin, et au sous sol, les ateliers. Il fait transformer la façade de la Grande rue. Il fait appel à l’architecte Emile de Plasse au 230 rue Pierre de Roubaix.
Agrandissement du magasin et création du parking, accès par le porche ( Documents Archives Municipales et D. Labbé )
Devianne habille les stars. Sur la photo de gauche ci-dessous, Jean Devianne et Jacques Brel. Sur la photo de droite, Henri Salvador.
( documents Michel Devianne )
Jean et Michel Devianne, pour l’agrandissement de leur magasin, décident de marquer un grand coup publicitaire. Ils invitent le chanteur Pierre Perret, en Mars 1967, pour un gala gratuit qui réunit plus de 1500 personnes, sur le nouveau parking à l’arrière du magasin.
Pierre Perret, lors du gala de réouverture ( Document VDN 1967 )
Jean et Michel Devianne sont des hommes de communication. Ils sont parfaitement convaincus que la publicité est indispensable dans ces années 1960-1970, d’autant que la concurrence est rude entre les commerçants de prêt à porter, comme Herbaut-Denneulin, Blondeau, Marchand, ou le Palais du vêtement. Chaque semaine, ils font paraître une publicité dans Nord Eclair, différente à chaque fois, en fonction de la saison, comme par exemple :
Janvier Février – les pardessus, blousons d’hiver et lodens
Mars Avril – les imperméables pour les printemps pluvieux
Mai Juin – les costumes de communions pour garçonnets et les costumes de cérémonies pour les mariages
Juillet Août – les vêtements ultra légers, comme le « costume Plume » de 881 g
Septembre Octobre – les parkas pour la rentrée des classes
Novembre Décembre – les trench-coat, blazers, chemises et pulls
Publicités communes aux magasins de Roubaix et Tourcoing ( Documents Nord Eclair )
Ils investissent aussi, en publicité sur des panneaux bien situés ( avenue Jean Jaurès ) et sur l’avant des tramways mongys. Le nouveau slogan : »Bien habillé par Devianne »
La Pub sur le Mongy Grand Place ( document Michel Devianne )
à suivre…
Remerciements aux Archives Municipales, et à Michel Devianne, pour son témoignage et sa documentation.
La grande barre est un ensemble composé de 330 appartements, construit en 1962 et situé à cheval sur les communes de Roubaix et de Hem. Les logements sont modernes avec salle de bains, chauffage central, grandes baies vitrées. La grande barre est appréciée, par les locataires, qui découvrent le confort qu’ils n’avaient pas dans leur vieille maison de courée.
La grande barre ( document collection privée )
A la fin des années 60, les problèmes surgissent : mauvaise qualité de la construction, mauvais entretien, situation précaire des locataires suite à la crise textile. A la fin des années 70, la situation se dégrade encore davantage ; incivilités, détériorations volontaires, mauvaises odeurs, humidité, insécurité . . .
De nombreux locataires quittent leur logement et il faut bien constater l’échec de cette muraille de béton d’une longueur de 300 mètres ( voir précédent article sur notre site : La fin de la grande barre )
( document Nord Eclair Sept 1985 )
En 1985, après seulement 23 ans d’existence, la grande barre est rasée. Tout le monde se pose alors la question : Que faire de cet immense terrain ? Le SGAP ( Secrétariat Général pour l’administration de la Police ), à la Cité Administrative de Lille, décide d’y faire construire une école de Police, en début d’année 1990.
( document Archives Municpales )
C’est un projet gigantesque, d’un budget de 225 millions de francs. Le terrain de 30.000 m2 est mis à disposition gratuitement par les mairies de Roubaix et de Hem. L’école comprend des bâtiments destinés à l’éducation, à l’administration, à l’hébergement, et à la restauration. La conception est confiée à l’atelier Gilles Neveux de Roubaix, et les travaux de construction à l’entreprise Norpac, aidée de quelques sous traitants locaux.
Les travaux débutent début 1991, et sont réalisés très rapidement, car moins de trois ans ont été nécessaires pour réaliser le projet. Des terrains de sport déjà aménagés par la ville de Hem, sont repris dans le périmètre de l’école.
( document ENP )
Un contrat de partenariat entre l’Etat et Norpac est signé, pour faire profiter le quartier de retombées positives pour les jeunes sans emploi. Des groupes de travail sont créés entre les élus et les associations, pour l’accueil des policiers, les relations école-habitants, dans ce quartier des Hauts Champs.
L’inauguration ( documents Nord Eclair Sept 1993 )
L’école de Police est inaugurée officiellement en Septembre 1993 par Paul Quilés, Ministre de l’Intérieur, qui vient de succéder à Pierre Joxe. La cérémonie a lieu dans la magnifique et impressionnante cour d’honneur de l’école. Le Ministre visite les bâtiments, passe en revue les gardiens de la paix, puis prononce son discours.
L’importance de l’école est de taille car, en effet, elle va assurer la formation de 400 élèves gardiens de la paix, 200 policiers auxiliaires, et une formation continue d’une centaine de policiers, pour remise à niveau.
( documents ENP )
Aujourd’hui l’ENP, l’école nationale de police, c’est : l’hébergement et la restauration pour 428 personnes, des bâtiments administratifs, 35 salles de cours dont 3 informatique, 2 amphithéâtres, 1 centre de documentation, 3 dojos, 1 parcours sportif, 1 stand de tir, 1 gymnase.