Auchan, Sasi, Coop

La cité des Hauts Champs voit ses premiers locataires arriver en 1960. Les appartements sont neufs et modernes : les murs sont peints en blanc, le sol est couvert de lino, il y a des placards de rangement, une salle d’eau et des toilettes privées. Mais ce nouveau quartier de neuf cents logements est une petite ville aux rues caillouteuses, mal desservie par les transports en commun, éloignée de tout service public. Le ravitaillement est un véritable problème. Il n’y a pas de commerce de proximité. Les gens vont faire leur courses dans le quartier de la Justice, rue de Lannoy, ou encore boulevard de Fourmies, et ce n’est pas tout près. Il existe bien des fermes du côté d’Hem, mais elles sont à distance.

Trois enseignes commerciales vont s’installer, avant que les Hauts Champs ne se complètent avec d’autres constructions (Chemin vert, Longchamp), ce qui fera plus que doubler la population résidente.

Le 23 décembre 1961, le Préfet du Nord, M. Hirsch, inaugure un super-marché (avec le tiret) dans une ancienne usine de l’avenue Motte, il y a peu de temps encore une filature de laine. C’est le premier Auchan de France. Il se présente comme un « libre service intégral », propose une surface de 1140 m² de surface de vente et 1200m² de réserves. L’entrée se fait du côté de la rue Braille, et un parking de 200 voitures a été aménagé juste devant, ce qui est signalé comme une nouveauté. Autre nouveauté, le gain de temps, on trouve de tout et on dispose de paniers roulants (sic) qu’on peut amener jusqu’à la voiture. Le gain d’argent est également un argument fort, c’est d’ailleurs la devise du supermarché « plus de marchandises pour moins d’argent ».

Que trouve-t-on dans ce premier super-marché ? Les rayons suivants : épicerie, fruits et légumes, crémerie, boucherie, vins, bières, eaux minérales, confiserie, pâtisserie, boulangerie, produits d’entretien, petite quincaillerie, vaisselle, papeterie, librairie, jouets, disques (avec un appareil d’écoute automatique), rayons textiles et habillement, bonneterie, sous vêtements, linge de maison.

Parmi les invités ou personnalités, les maires d’Hem et de Croix, les représentants du patronat textile Maurice Hannart, Louis Mulliez, le président du centre paritaire du logement Ignace Mulliez, successeur d’Albert Prouvost, promoteur de la cité des Hauts Champs, les PDG des Trois Suisses, de la Redoute…

Le supermarché Sasi est inauguré le 29 avril 1963 avenue Laennec à Hem. C’est le deuxième de la chaîne d’établissements dont Jacques Bruyelle, présent pour l’occasion, est le PDG. Le nouveau magasin fait 350 m² : 190 m² sont consacrés à l’alimentation, produits frais et liquides, et 130 m² au non alimentaire. Un stand boucherie de 35 m² est tenu en concession par un homme du métier, et un stand de teinturerie, blanchisserie, nettoyage à sec est proposé par un des actionnaires du supermarché, les établissements Duhamel.

Le maire d’Hem, des représentants de la direction du CIL, la directrice de la Maison de l’enfance des Trois Baudets, assistaient à l’inauguration. Le gérant associé est M. Lepetit entouré de son PDG et de ses collègues, ainsi que M. Duhamel et Val des teintureries Duhamel, et d’un représentant de la société Delespaul.

C’est le 12 avril 1965 que les Coopérateurs de Flandre et d’Artois inaugurent leur 686e point de vente COOP, dans le quartier des Hauts Champs, rue Emile Zola prolongée. A cette époque en effet, la rue Degas n’existe pas encore, car les sols de la rue n’ont pas été viabilisés. C’est un super COOP de 235 m² conçu selon les plans de l’architecte Houdret. Parmi les invités, un représentant de la ville de Roubaix, quelques directeurs de sociétés. Les premiers gérants sont les M et Mme Lefebvre.

 Où se trouvait donc exactement cette supérette ? Les témoins la situent juste à côté du local de la chaufferie, de l’autre côté d’un sentier remontant vers la rue Joseph Dubar. Aujourd’hui tout a disparu, chaufferie et magasins, des témoins se souviennent qu’un marchand de fruits et légumes a succédé à la COOP, et il y aurait eu un salon de coiffure. En 1983, un plan établi pour la rénovation du bâtiment Degas porte la mention anciens commerces, là où à peine vingt ans plus tôt une supérette est venue s’implanter au milieu du quartier. Ce fut aux dires des témoins la seule tentative de commerce de proximité intra Hauts Champs.

Le parc de la Potennerie

La construction des premiers immeubles se fait sur une partie du domaine ancien. Celui-ci possède des arbres magnifiques qui seront, autant que possible, préservés lors de l’édification des bâtiments. Les constructions sont aérées et laissent beaucoup de place pour les espaces verts. La comparaison entre une vue de 1950, avant les premiers coups de pioche, et une autre datant des années 90 montre que les masses végétales originelles ont été respectées autant que faire se peut par les constructeurs.

Photos IGN et la Voix du Nord

Dès 1953, on cherche à aménager cet espace. On y inaugure en Juillet un jardin d’enfants, en même temps que celui du square Destombes. Celui de la Potennerie est plus modeste que l’autre en superficie, mais offre un toboggan, ce qui n’est pas le fait de tous les jardins d’enfants précise la Voix du Nord de l’époque.

document la Voix du Nord

Le parc et ses ombrages est également recherché pour l’organisation de festivités. Ainsi, en 1959, on y organise un concours de chant à l’assistance particulièrement nombreuse en enthousiaste, à en juger par la photo figurant dans la Voix du Nord :

Photo la Voix du Nord

Peut-être à la suite d’une fréquentation trop importante, mais sans doute aussi à cause d’un entretien négligé, le Groupement du parc de la Potennerie se manifeste en 1975 pour déplorer l’état lamentable des pelouses , n’existant pratiquement plus, et la saleté du bac à sable… Il compare l’état du Parc à celui du square Pierre Destombes, mieux entretenu. Les habitants désireraient un « gardien-jardinier ». Le problème semble lié à un certain manque de civisme, et une sur-utilisation des pelouses, peu faites pour supporter les piétinements intensifs, les jeux de ballons et les évolutions de deux-roues. L’année suivante, on pense à clore le parc par des barrières, au moins pour barrer le passage aux cycles. Finalement, le groupement obtient gain de cause en 1977 avec la construction d’une clôture et la promesse de l’embauche en 1978 d’un gardien-jardinier, ainsi que des travaux de remise en état du parc et de restauration de son mobilier (bancs publics et jeux pour les enfants). La circulation des deux roues y sera interdite. Un plan du parc et des clôtures est dressé :

Document archives municipales

Le poste de garde-jardinier est créé : le bénéficiaire du poste dispose d’un appartement sur place. Depuis son départ en retraite, il a été remplacé. Les gardes actuels s’occupent également de l’Espace Fontier. Le parc aujourd’hui semble en bon état, et il y fait bon vivre, lorsque le temps s’y prête !

Photo Jpm

 

La fin de l’avenue des Villas

Les travaux de terrassement de l’avenue des Villas sont à peine terminés que les destins de ses deux parties constitutives sont amenés à se séparer. Monsieur Wattine fait remarquer au conseil municipal en 1907 que ce nom unique ne fournit qu’une indication trop vague pour situer un lieu et s’y diriger, et que les autres boulevards de ceinture ont été découpés pour cette même raison. Par ailleurs, on peut remarquer que l’angle droit que forme cette avenue en son milieu suggère des voies différentes. Enfin, elle présente au début du 20ème siècle un manque d’unité évident : une première partie, celle touchant au parc Barbieux, est bordée de belles villas, puis l’avenue traverse une vaste zone coupe à travers champs. Enfin, après le virage, s’installent des usines dans un quartier au caractère plus industriel et populaire .

Plusieurs propositions sont faites pour découper l’ avenue en deux ou en trois parties. Elles s’accordent pour suggérer que la partie située entre la route de Roubaix à Lannoy (rue de Lannoy ) et nouveau boulevard de Roubaix à Hem (boulevard Clemenceau), prendrait la dénomination d’Alfred Motte ; le reste, jusqu’au parc Barbieux, conserverait le nom d’avenue des Villas. La séparation est effective sur ces bases en 1914. Les deux avenues, maintenant séparées, vont désormais évoluer de manière indépendante.

Pour la future avenue Delory, son extrémité côté Barbieux prend tout de suite l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui. Les industriels, très vite attirés par la proximité du « beau jardin », viennent y installer « campagnes » et villas bourgeoises dès avant la première guerre.

La descente de l’avenue Delory vers le Parc de Barbieux

Quant au reste de l’avenue, son caractère champêtre persistera près d’un demi siècle. Elle continuera à traverser la campagne, uniquement bordée par les fermes anciennes de Gourgemetz et de la Haye, jusqu’à ce que les lotissements de maisons individuelles ne remplacent les champs à partir des années 50.

Finalement, l’avenue des Villas ne prendra le nom de Gustave Delory  par une décision du conseil municipal en 1925.

Photos collection B. Thiebaut

Inauguration du lycée

Le dimanche 30 septembre 1956, c’est le Président du Conseil en personne, Guy Mollet, qui vient inaugurer le nouveau lycée, qui est ouvert depuis l’automne 1955. L’achèvement de la première tranche des travaux a permis d’accueillir 450 élèves à la rentrée d’octobre 1955. Le lycée n’est donc encore à cette date qu’un collège classique et moderne, car il reçoit les élèves du premier cycle et des classes élémentaires.

Le bâtiment B du lycée en 1956 Photo Nord Éclair

La seconde tranche de travaux lui permettra de devenir un lycée, où seront groupées les classes du premier et second cycle, c’est-à-dire de la sixième aux classes terminales. Bâti sur un vaste terrain, composé de bâtiments reliés par une galerie qui fait fonction de préau, le nouvel établissement possède également une cour d’honneur, une bibliothèque qui surplombe la cour d’honneur, à droite de laquelle se trouve la loge du concierge et les garages à vélo. Les bâtiments terminés sont les suivants : le bâtiment B celui des classes du premier cycle, quinze classes et sept études, le bâtiment C pour les classes élémentaires, onze classes et un préau couvert. Il y a aussi le bâtiment des cuisines, du réfectoire, qui peut recevoir 650 demi-pensionnaires et 180 internes. Il y a également une infirmerie qui peut héberger douze malades. Voilà ce que découvrira Guy Mollet.

Le Président du Conseil Guy Mollet Photo Collection privée et Nord Éclair

Qui est donc le Président du Conseil que reçoit Roubaix ? Élu maire et conseiller général d’Arras en 1945, puis député du Pas-de-Calais en 1946, Guy Mollet devient la même année secrétaire général de la SFIO, jusqu’en 1969. Il est ministre d’État dans les gouvernements Blum (1946-1947) et Pleven (1950-1951) et vice-président du Conseil dans le cabinet Queuille (mars-juillet 1951). Fidèle soutien du gouvernement de Pierre Mendès France, il lui succède en 1956. Président du Conseil (1er février 1956-13 juin 1957) Entre octobre et novembre 1956, il gère la crise du canal de Suez. À propos de l’Algérie, la guerre est pour lui « imbécile et sans issue », l’indépendance est dictée par le bon sens. Il a accordé leur indépendance à la Tunisie et au Maroc, et fait voter la loi-cadre Deferre, qui accorde l’autonomie à l’Afrique noire et annonce l’indépendance. Son cabinet fait adopter une troisième semaine de congés payés, la vignette automobile pour financer l’aide aux personnes âgées sans ressources, des mesures d’aide au logement. En mars 1957, seront signés les traités instituant la Communauté économique européenne (CEE).

Voilà l’homme qu’accueille Roubaix, pour deux réceptions, trois inaugurations, et un banquet. Il arrive d’Arras en voiture à 9 h 30 sur la Grand Place de Roubaix salué comme il se doit par la Marseillaise. Il prononce un premier discours dans la salle du conseil municipal, procède à une remise de décorations, reçoit la plaquette d’honneur de la ville, puis signe le livre d’or. A 10 h00, il se rend en cortège au monument aux morts du boulevard Leclerc pour y déposer une gerbe, tandis que le 43e RI sonne l’appel aux morts. Puis Guy Mollet gagne le lycée en remontant le boulevard de paris, les avenues Jean Jaurès, Gustave Delory, Alfred Motte et Roger Salengro.

Maurice Lefévre, le second Proviseur du Lycée, accueil des officiels Photos Nord Éclair

C’est un nouveau proviseur qui l’accueille, M. Maurice Lefévre, qui vient tout juste de remplacer M. Agnès parti à Constance. Originaire de l’Aisne, il a fait toute sa carrière dans l’académie de Lille, et il vient du collège de Béthune où il était principal depuis 1946.

Le Président du Conseil procède à une visite éclair de la bibliothèque et des classes d’études du premier bâtiment, puis l’on se retrouve dans la grande salle du réfectoire, pour la réception et les discours. Le maire de Roubaix, Victor Provo, prend la parole, raconte la réalisation pratique de l’ouvrage, rend hommage aux constructeurs, vante le cadre et conclut en ces termes : Puisse ce lycée fournir les chercheurs, les savants, les techniciens dont l’Humanité a besoin.

M. Brunol, directeur de l’enseignement du second degré prend ensuite la parole au nom du ministre de l’éducation, et c’est au tour de Guy Mollet. Il dit que ces inaugurations d’établissements secondaires lui procurent les plus grandes joies, car il est de la maison de la grande famille universitaire. Ancien enseignant, il se décrit comme un pédago en politique, mais qui doute au sens noble du terme. Il définit l’éducation, cet ensemble de méthodes par lequel une génération se poursuit dans la suivante, en assurant la continuité d’une action. Il évoque la perspective positive du nouveau lycée : les élèves habitués à des locaux où règnent la clarté, le confort et l’hygiène, ne pourront plus jamais admettre la plaie sociale du taudis, dans leur vie d’homme. Il rend hommage au corps enseignant, parle des réformes en cours et dit l’importance de l’élément intellectuel dans la formation et la culture des jeunes. Il termine en rendant hommage à Roubaix qui fait tant pour la République, tandis que retentit la Marseillaise exécutée par la Grande Harmonie.

Il s’en va ensuite inaugurer le groupe scolaire de la Potennerie, puis c’est une visite à la salle Watremez où se tient le salon international du tourisme et de la fleur. Après avoir traversé la nouvelle cité de la Mousserie, Guy Mollet regagne le centre de Roubaix et va s’incliner devant le monument de Jean Lebas. Il préside enfin un grand banquet au Grand Hôtel où il prononce un discours de politique générale (crise de suez, l’Europe en chantier…). Il quitte Roubaix dans l’après midi pour se rendre à Lomme pour d’autres inaugurations.

Une vie pour le commerce

Fils d’un chapelier d’origine belge, Jean Déarx est né le 24 mars 1885, au domicile de ses parents, rue de Lille. Il va poursuivre la profession familiale et la développer. Avant la première guerre, il crée l’industrie de la chapellerie cousue. On le trouve installé après la guerre comme fabricant de casquettes au n°21 de la rue de Lannoy, et il a installé ses ateliers au n°4 de la rue Bernard. Au-delà, il va consacrer sa vie à la défense et à l’extension du commerce. Dans sa branche, il sera Président de la chambre syndicale des fabricants de casquettes, chapeaux piqués et uniformes du nord de la France et vice-président de la fédération nationale de la Chapellerie.

Le magasin du Chapelier Jean, 21 rue de Lannoy Collection Particulière

A Roubaix, il sera premier vice-président de la chambre de commerce de Roubaix, Président fondateur de la fédération des syndicats commerciaux de Roubaix et de ses cantons, Président fondateur du salon des arts ménagers de Roubaix et Président de la fédération des groupements commerciaux de Roubaix et de ses cantons. Il a aussi été juge au tribunal du commerce.

Tout cet engagement ne l’empêche pas de s’investir encore dans d’autres domaines. Il a fait la première guerre mondiale, est décoré de la croix du Combattant, et pendant la seconde guerre a été interné comme résistant à la prison de Loos en 1944. Il n’est donc pas étonnant de le retrouver président d’honneur de l’Union des réformés et mutilés de Roubaix, Lannoy et leurs cantons, et vice président des résistants internés et déportés.

Il est également délégué cantonal, administrateur du conservatoire de musique de Roubaix, administrateur du lycée de jeunes filles, administrateur et membre du conseil technique de l’ENSAIT et Président d’honneur de la FAL.

Fait Officier de la légion d’honneur en 1947, lors du passage du Président de la République à Roubaix, Jean Déarx est promu commandeur de la légion d’honneur le 8 mars 1957.

Jean Déarx Photo Nord Éclair

Mais l’un des titres honorifiques qui lui tenait sans doute beaucoup à cœur, c’est la présidence  d’honneur de l’union des commerçants de la rue de Lannoy. Car Jean Déarx s’opposa de toutes ses forces à la destruction du début de la rue de Lannoy, participant même à un contre-projet pour le centre commercial de Roubaix 2000. Mais rien n’y fit. Jean Déarx ne quittera pas la rue de Lannoy, car il se réinstallera aux n°111-113, et ainsi évitera le centre de transit du Lido. Il ne connaîtra pas réellement le centre commercial Roubaix 2000, car il décède le 25 août 1972, soit quelques jours avant l’inauguration officielle. Avec Jean Déarx, c’est une figure importante du Roubaix des grandes rues commerçantes qui disparaît.

Mobilisation des locataires

En 1962, la presse écrit à propos de la cité des Hauts Champs : dès leur arrivée, les locataires trouvèrent sous leur porte un charmant billet qui aurait pu être officiel ou émaner d’un quelconque syndicat d’initiative de quartier. Il s’agissait d’un feuillet contenant outre le plan du quartier lui-même, les adresses principales des services officiels les moins éloignés et les directions des commerces les plus proches. L’association populaire des familles était à l’origine de la rédaction de ce document qui rendit bien des services.

A l’époque, les Hauts Champs sont considérés comme une cité labyrinthe, sans équipements et sans accueil des nouveaux habitants. Il y a bien un gardien, mais était-il formé ? Pas d’aménagements : il n’y a pas de crèche, les enfants jouent au football sur l’ancien terrain de la briqueterie, et dans la cité, un terrain de volley-ball a été installé à l’initiative d’un locataire.

Un terrain de volley-ball de fortune en 1962 Photo Nord Éclair

L’association populaire familiale intervient dans le quartier. Robert Serrurier, responsable du secteur pour l’APF répond à la presse : un service de prêt de machine à laver, aspirateur et cireuse (58 rue Pasteur à Hem) a été mis en place et un service d’aide familiale (81/8 avenue Alfred Motte).

C’est le chauffage qui déclenchera la première action collective. La période de fonctionnement, fixée entre le 15 octobre et le 15 avril ne convient pas, car dès septembre 1960, il fait froid. Quarante personnes font circuler une pétition qui recueille 80% d’avis favorables. De là naît l’idée d’une association des locataires. Elle réunit les quartiers des Trois Baudets, de la Lionderie et les Hauts Champs et sera créée en août 1961. Le Président est Gilbert Guiart, le secrétaire est Alain Desjardin, qui habite le B11. Cette association n’est ni politique, ni confessionnelle, ni raciale. Au cours des réunions, le manque d’équipements est souligné : pas de centre commercial, ni de crèche, pas de terrains de jeux pour les enfants, absence de viabilité, pas d’éclairage, pas de cabine téléphonique, éloignement des moyens de transport. Plusieurs accidents ont eu lieu rue Paré, les écoles sont exigües, mais en voie d’agrandissement. En avril 1962, l’association est forte de 500 adhérents. Un bulletin ronéotypé est tiré qui relate les demandes et démarches effectuées par l’association. Son local, un baraquement qui servit autrefois d’installations sportives, se trouve rue Léon Marlot prolongée et des réunions s’y tiennent régulièrement.

Le local de l’association des locataires des Hauts Champs, Trois Baudets, Lionderie Photo Nord Éclair

De nombreuses associations de locataires se créent à cette époque, du fait de l’augmentation des loyers. Elles se regroupent sous l’égide de la fédération des  locataires CIL HLM de Roubaix Tourcoing.

 

La brasserie du Raverdi

Photo IGN de 1962
 

En 1899 apparaît au n°121 de la rue du Tilleul une brasserie appartenant à la société Chastelain et Compagnie. Cette société a construit l’année précédente deux maisons en front à rue encadrant un porche qui conduit à la brasserie dite « du Raverdi ».

Document Archives municipales

Elle devient en 1913 la « brasserie de l’Union Roubaix-Wattrelos » sous la forme d’une coopérative. En 1923, son directeur, E. Luesma est également le directeur de la brasserie des docks du Nord. En 1931, apparaît d’ailleurs au n°123 une épicerie des docks du Nord. M. Luesma assurera la direction de la brasserie jusqu’en 1939, tandis que l’épicerie des docks du Nord occupe le n°123 jusque dans les années 60.

Document collection particulière

En 1968 la dénomination est légèrement modifiée et devient « société coopérative Roubaix-Wattrelos ». En 1974, les locaux sont repris par la Grande Brasserie moderne, qui en fait un dépôt.

Curieusement, en 1981 et 1982 on trouve également à la même adresse mention du vélo club de Roubaix, alors qu’en 1988, la grande brasserie moderne reste située à cet endroit. A-t-elle prêté une partie de ses locaux au club sportif ?

Photo Collection particulière

Depuis, les bâtiments ont été réutilisés pour abriter d’autres activités dont nous parlerons ultérieurement.

La caserne disparaît

Le premier hôtel des pompiers fut édifié et inauguré en 1876. Il se trouvait sur la Grand Place, et on y accédait en passant entre l’ancienne mairie et l’ancienne bourse du commerce. Cet ensemble de bâtiments disparaissent à partir de 1907, pour laisser place au nouvel hôtel de ville dont l’une des ailes est occupée par la nouvelle bourse du commerce, et qui sera inauguré le 1er mai 1911. Les pompiers quittent la Grand Place car on leur construit boulevard Gambetta, une nouvelle caserne, dont les plans sont réalisés par l’architecte Barbotin. C’est un superbe édifice en béton armé, dont les travaux sont terminés en novembre 1910, les pompiers s’y installant le même mois.

La caserne des pompiers, derrière laquelle on aperçoit le gazomètre de la rue Bernard Collection Particulière

Le 19 juin 1911, c’est la journée des sapeurs pompiers dans le cadre des congrès tenus pendant  l’Exposition Internationale du Nord de la France, qui se tient à Roubaix. Les combattants du feu sont reçus à 10 heures par l’administration municipale à l’Hôtel de Ville, puis à 11 heures, intervient l’inauguration de la caserne des Pompiers du boulevard Gambetta. Constatant que depuis leur installation en novembre, le service des pompiers se fait avec une rapidité toujours plus grande, le maire Eugène Motte remet solennellement la caserne au commandant des Sapeurs Pompiers.

Les Sapeurs Pompiers de 1911 Photo Journal de Roubaix

Des manœuvres d’incendie sont ensuite exécutées par les pompiers de Roubaix. A midi, l’union des Sapeurs Pompiers tient son conseil d’administration dans la caserne même, avant de rejoindre l’Hôtel de Ville à midi et demie où se déroule l’assemblée générale de l’Union, dans la salle Pierre de Roubaix. Le banquet se déroulera à 14 heures au 50bis de la Grand Rue, dans la grande salle du Casino Palace.

Une vue de la caserne plus contemporaine Collection Particulière

Cette caserne idéalement placée sur le grand boulevard central roubaisien, à peu de distance du centre géographique de Roubaix, servira donc près de trois quarts de siècle.

La démolition commence en mars 1985 Photo Nord Eclair

En mars 1985, démarre la démolition de la caserne, les pompiers ayant été relocalisés boulevard de Mulhouse. Des artificiers ont placé des charges explosives sur le vieux bâtiment, qui s’écroule dans un grand nuage de poussière. L’aile de la caserne qui donne sur la rue Pierre de Roubaix sera achevée à l’ancienne par les démolisseurs. C’est un témoin important de l’ancien quartier des longues haies qui disparaît ainsi, et qui lui aura survécu vingt ans.

C’est désormais l’immeuble de bureaux de la caisse d’allocations familiales de Roubaix Tourcoing qui occupe le n°128 du boulevard Gambetta, dans l’angle formé par la rue Pierre de Roubaix et ledit  boulevard.

Les merveilleux fous volants

En 1911, il y eut à Roubaix un aérodrome, plus précisément un champ d’aviation, pendant la durée de l’exposition internationale du Nord, qu’accueillait notre ville cette année là. L’aérodrome se situait non loin de l’Exposition, le long de l’avenue des Villas sur les terres de la très ancienne ferme de Gourguemez. Il se trouvait au-delà de la rue de Beaumont, en face de la rue Carpeaux et la rue David d’Angers. C’était un champ d’aviation de dix hectares sur les pâtures de la ferme, avec comme installations, six hangars individuels, une grande tribune, des gradins, un hangar provisoire pour les grandes journées. Deux entrées sont aménagées de part et d’autre du champ d’aviation sur l’avenue des Villas. L’ouverture du champ d’aviation fut annoncée pour le 4 juin.

Sur cette photo aérienne IGN 1963,  l’emplacement du champ d’aviation, sous la ferme de Gourguemez, le long de l’avenue Gustave Delory
Plan du champ d’aviation et de ses installations Extrait du Journal de Roubaix

Les organisateurs ont obtenu l’aval de nombreux aviateurs pour leur participation. Quoique l’aviation ait beaucoup progressé, elle en est encore à ses débuts. En 1909, Blériot vient de traverser la Manche en aéroplane. Les roubaisiens auront donc des exhibitions pendant cinq mois, de juin à octobre. On leur promet des spectacles inédits : transports de passagers en aéroplane, randonnées aériennes fertiles en enseignements au dessus de la campagne, prouesses aéronautiques… En principe, on vole tous les jours au champ d’aviation de 6 h à 8h quand le temps le permet. Les roubaisiens ont également obtenu que leur ville soit la quatrième étape du Circuit Européen. Les organisateurs devront très vite compter avec les conditions météo. Des signaux sont placés à l’angle des rues de la gare, du vieil abreuvoir et de la Grand Place: une flamme rouge indiquera qu’on vole au champ d’aviation, une flamme noire qu’on ne vole pas, et une flamme blanche qu’on volera… peut être.

Védrines, vainqueur de l’étape Bruxelles Roubaix à son arrivée Photo Archives Départementales Nord

L’arrivée du circuit européen est prévue le mercredi 28 juin dans la matinée. A 9 heures, plusieurs milliers de personnes attendent déjà les aviateurs sous la surveillance d’un service d’ordre important. A 11 h 10, Védrines, vainqueur de l’étape, atterrit sous les accents de la Marseillaise. Trois minutes plus tard, c’est au tour de Roland Garros, puis Beaumont, et Kimmerling. Les exhibitions se poursuivront jusqu’en septembre, malgré le temps venteux et incertain. On pourra ainsi voir à Roubaix Mesdames Hélène Dutrieux et Jane Herveux. Ces dames firent aussi bien que les messieurs, en risquant leur vie au cours de vols rendus dangereux à cause du vent capricieux.

Hélène Dutrieux à Roubaix Photo Archives Départementales du Nord

Le meeting de clôture d’octobre sera d’ailleurs annulé, à cause d’un ouragan qui causera d’énormes dégâts : hangars disloqués, barrières et palissades arrachées, portes et cloisons enlevées, tribune et buvette renversées. L’Exposition elle-même eut à souffrir de ce très mauvais temps.

Le collège disparu

Jusqu’à la fin des années 60, les terrains situés entre l’usine Motte-Bossut et la rue Jean-Jacques Rousseau étaient occupés par des jardins ouvriers. Une première parcelle, placée le long de l’avenue Motte, verra s’ériger un garage, tandis que le reste sera ensuite dévolu au collège Jean Jacques Rousseau.

Le futur emplacement du collège. Photo IGN

Les travaux de construction du collège débutent en 1975, et l’ouverture est prévue en Septembre. Pourtant, à cette date, les locaux ne sont pas terminés et, comme il y a de la place au Lycée Van Der Meersch, on y héberge provisoirement le collège jusqu’à la fin des travaux qui se fera attendre près de six mois. L’association de parents d’élèves se constitue dès la rentrée.

Le nouveau principal, venant du collège d’Avion, est nommé en Mai. Il est provisoirement logé au collège Samain, rue d’Alger et participe aux réunions de chantier dès son arrivée . Il noue de bonnes relations avec l’équipe de Ferret Savinel, constructeur de l’ouvrage. Même si l’essentiel était déjà fixé, ces réunions lui permettent de faire quelques remarques prises en compte sur des points de détail (par exemple, il n’était pas prévu de clôture extérieure à l’origine). Au mois de Juin, les travaux en sont au stade des fondations, et en Septembre, l’ossature est en place. Ensuite, le reste des bâtiments s’est monté assez vite.

Photo La Voix du Nord

Dès la fin des travaux, au printemps 76, près de 400 élèves intègrent les nouveaux locaux, mais les repas du midi continuent à être assurés au Lycée Van Der Meersch. Les effectifs de demi-pensionnaires n’étant pas très importants, il n’a pas paru intéressant de nommer du personnel, et les élèves font ainsi le trajet en rangs tous les midis accompagnés d’un surveillant. La salle polyvalente sert donc à d’autres usages que la restauration : animations, réunions, spectacles… Le collège est prévu pour 600 élèves avec une SES (Section d’éducation spécialisée incluant un enseignement professionnel). Pour les garçons, il devait y avoir deux sections, mais une seule ouvre finalement : la menuiserie. Pour les filles, c’est la section traditionnelle à l’époque : enseignement ménager. Le corps enseignant est très jeune. Son dynamisme fait que tout marche dès le début sans aucun problème.

A proximité se trouvaient le garage Renault, et l’usine Motte-Bossut qui fonctionnait encore à l’époque ; elle a fermé quelques années plus tard. Sa cheminée émettait des noirons un peu agressifs, qui avaient tendance à esquinter les carrosseries des voitures du garage, ainsi que celles des riverains de Hauts Champs. Les plaintes n’empêchèrent pourtant pas l’usine de fumer !

Les officiels visitent une classe le jour de l’inauguration – photo La Voix du Nord

C’est M. Desmullier, vice-président de la communauté urbaine accompagné du recteur d’Académie, M. Niveau qui a procédé, en novembre 1976, à l’inauguration du collège, en même temps que ceux de Hem et de Lys. Ce jour là, justement, il faisait un temps un peu couvert, et les émanations de la cheminée étaient particulièrement présentes. Aux officiels qui regardaient ces fumées derrière les vitres, le principal fit remarquer que l’environnement n’était pas excellent ! Les mesures de qualité de l’air, installées par la suite, n’auraient jamais indiqué grand chose. L’usine travaillait alors jour et nuit, et c’était par ailleurs assez bruyant la nuit.

Un beau jour, on a appris qu’ils déménageaient les machines, et ça a commencé à agiter les syndicats. Le déménagement a duré deux jours complets. Et là, il n’y a plus eu de fumées ! Ça faisait partie de l’évolution d’une ville et de la vie.

Photos collection particulière
Réalisé grâce au témoignage d’Henri que nous remercions bien chaleureusement.