Roubaix est un noeud ferroviaire important à la fin du XIXème siècle. Pourtant, la municipalité envisage la création d’un embranchement ferré desservant le Sud de Roubaix. L’implantation de nombreuses entreprises dans les quartiers Sud semblent justifier cette création. La largeur de l’avenue des Villas, découpée par la suite en trois : avenue Gustave Delory, avenue Alfred Motte et avenue Roger Salengro, permettrait l’implantation de cet embranchement. Appelé voie-mère, il emprunterait le terre-plein central et se terminerait par une gare de marchandises, dite gare de débord, située au bout de l’avenue Motte, dans le quartier des Hauts-Champs.
Les voies desservant Roubaix – D’après une carte IGN de 1939
A la suite d’une délibération de 1910, la ville demande donc à la Cie du Nord de construire un embranchement à la ligne de Somain à Roubaix et Tourcoing sur le boulevard industriel « dans le but de mettre en valeur les terrains de la région Sud-Est de la ville de Roubaix et de desservir les établissements industriels qui sont en construction ou sur le point de s’élever sur ces terrains ». Cet embranchement desservirait une gare de débord, annexe de la gare de Roubaix-Wattrelos, « destinée au chargement ou au déchargement à découvert des marchandises locales par wagons complets ». Cette gare serait isolée des voies publiques par des clôtures. Les terrains seraient fournis gratuitement par la ville, qui les achèterait à ses propriétaires actuels.
D’autres options avaient été envisagées. C’est ainsi qu’on trouve trace à cette époque d’une pétition revêtue de nombreuses signatures en faveur de tracé plutôt qu’un autre empruntant les Boulevards de Lyon, de Reims et de Mulhouse.
En 1911, Eugène Motte, maire de Roubaix conclut avec la société Lemaire frères et Lefebvre, 44 rue du Curoir. propriétaire des terrains, une promesse de vente sur la base de 400 francs le mètre carré. La compagnie du Nord présente un avant-projet, alors qu’on examine en conseil municipal les conditions d’établissement de la voie-mère et de la gare de débord, et qu’on réalise les terrassements pour des chaussées provisoires.
Le décret du 10 mai 1914 déclare d’utilité publique la création d’un boulevard industriel et d’une gare de débord. Le projet peut se réaliser, mais survient la guerre…
En 1910, les roubaisiens souhaitent un boulevard industriel comme à Douai ou à Lille, avec une voie ferrée. Ils veulent relier la Gare de Roubaix Wattrelos (dite du Pile) qui est au Carihem et une gare de débord qui se trouverait près du Contour des Petites Haies, en bas du boulevard Clémenceau qui vient d’Hem. Le train viendra alimenter les usines en charbon et en matières premières, et transportera leur fabrication. Quelles sont les usines concernées ? Il y a principalement l’usine Motte Bossut construite en 1903 (aujourd’hui plus connue sous le nom de l’Usine, importante surface de vente de textiles), mais d’autres industriels vont venir s’installer, comme Auguste Cavrois qui fera construire la Filature de Maufait, en 1928 et Léon Frasez un tissage juste en face de Motte Bossut en 1925.
La Ville de Roubaix commence la réalisation du boulevard industriel (avenue Salengro et avenue Motte). Elle fait construire le terre-plein pour le train et les deux voies de chaque côté pour les voitures. La Compagnie des Chemins de fer du Nord donne son accord en 1911 et un projet de gare de débord est élaboré le 26 mai de la même année, elle doit se trouver en face du boulevard de Fourmies. Mais deux évènements importants vont retarder le projet. En 1912, l’industriel Eugène Motte est battu aux élections municipales et remplacé par le socialiste Jean Lebas. La vente des terrains n’avance pas et les décrets d’expropriation sont longs à obtenir. L’opération va pouvoir démarrer en 1914 quand éclate la première guerre mondiale. Il faudra attendre 1920 pour reprendre les travaux. On doit changer d’entrepreneur, le dernier étant mort pour la France. A l’emplacement de la future gare de débord, il y a des baraquements montés par la Préfecture avant l’invasion allemande, qui sont dans un état d’insalubrité. Des mesures sont prises, les rails sont posés, mais le train ne circulera qu’à partir des années trente. Les personnes interviewées disent qu’il n’y a pas eu de gare de débord, et qu’il n’y avait qu’une seule voie…
Les rails sur l’avenue Motte CP Méd Rx
Par contre le train circule. Une fois par jour, toujours à la même heure, un peu avant midi, il remonte le boulevard industriel et traverse les importantes rues Pierre de Roubaix, de Lannoy et Lecomte Baillon. Ces endroits sont dangereux, car il y a des passages à niveau sans barrières.
Ce train était-il rentable ? Servait-il vraiment à quelque chose ? Le développement de l’automobile et du transport routier l’a sûrement concurrencé, comme il le fait aujourd’hui. La seconde guerre mondiale va l’achever. Une personne nous a dit que les allemands ont démonté les rails pour les emmener en Russie. Après la libération, des arbres ont été plantés sur le terre-plein et cet endroit est devenu un grand boulevard.
Notre article et les recherches de Dalila ont suscité des commentaires :
En 2001, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec monsieur Fayolle (service Patrimoine de la SNCF), au sujet de la voie ferrée désaffectée reliant Somain à Halluin et passant par Herseaux-Wattrelos-Roubaix-Lys Lez Lannoy-Hem-Forest-Ascq : il y a bien eu un « itinéraire de rocade » avec sa gare de marchandises dite « Annexe du Nouveau-Roubaix », en parallèle à la ligne ferroviaire principale Ascq-Forest-Hem-Roubaix-Wattrelos à double voie.
D’après les documents d’archives de la SNCF, cette petite rocade devait venir « aérer » la ligne principale et elle fût réalisée par la Compagnie du Nord-Est. A la différence de la ligne principale, cette rocade était bien à voie unique. Aucun de mes documents ne fait mention du transport de voyageurs comme ce fût le cas pour la ligne principale qui transportait voyageurs ou travailleurs à bord de trains appelés « trains-omnibus » ou « navettes ».
Il n’y avait pas de barrière pour séparer la chaussée de la voie ferrée et les gens passaient de l’une à l’autre… Des affiches signalétiques, aux dessins très expressifs, rappelaient aux passants « Ne marchez pas sur la voie ferrée ! »
Je ne sais pas quel type de marchandises y était acheminé, sachant que sur la voie principale, matières premières et textiles y transitaient, mais aussi des courriers (trains de messagerie), des produits chimiques notamment avec l’usine Péchiney-Ugine-Kuhlmann qui réceptionnait des trains entiers de soude en provenance de Jarrie-Vizille… Son site (fermé et ultra pollué ) est devenu un point noir à Roubaix !
Dalila poursuit
J’ai repris contact avec les archives de la SNCF, mais également avec un groupe d’anciens cheminots du Nord qui sont organisés en diverses associations et qui collectionnent photos, articles, revues spécialisées… : l’un d’eux m’a répondu et il est OK pour étendre la recherche auprès de son réseau.
Autre info : l’époque de la construction de la voie ferrée du bd Industriel correspond à la période des chantiers d’aménagement des voies industrielles secondaires (canaux et rails) sous le Plan Freycinet. Ainsi, les voies ferrées passant par Roubaix étaient inscrites au programme 2 et programme 3 de ce Plan national.
Philippe Armand complète notre information :
J’ai été informé de cet article par Dalila et c’est avec plaisir que je partagerais mes modestes connaissances relatives aux deux sujets de cete discussion à savoir la ligne Halluin-Somain et la desserte ferroviaire de l’Avenue Alfred Motte. Il s’avère que je suis natif de Roubaix où j’ai vécu jusqu’en 1990. Mes premiers commentaires vont être un peu négatifs. Je suis un peu surpris qu’il soit fait allusion à la Compagnie du Nord-Est pour l’embranchement de l’Avenue Motte dans la mesure où il s’agit d’un dossier du 20° Siècle alors que cette compagnie a disparu suite à la Guerre de 1870 et les concessions qu’elle avait obtenues de l’Etat furent ré attribuées à la Compagnie du Nord.
D’après les éléments dont j’ai entendu parler, cet embranchement industriel n’avait pour but que de desservir des industriels riverains un peu comme en Gare de Croix-Wasquehal. Il n’a jamais été question d’une ligne complémentaire à une section de la ligne Halluin-Somain.
Je pense que des reportages sont déjà parus dans Nord Eclair à ce sujet lors d’une période estivale.
J’ai déjà eu l’occasion de voir des photos de cet embranchement avec des wagons stationnés. Il s’agissait de tombereaux à essieux avec une version à trappes supérieures pour l’un d’eux. Ces wagons étaient sur une voie annexe à la voie principale.
J’aurais l’occasion d’effectuer d’autres interventions destinées à faire avancer vos recherches.