La tour du quai

En 1954, un terrain à l’angle de la rue de l’Espierre est cédé par la ville au CIL. A cette époque démarre le grand chantier de la Mousserie, dont on retrouvera les modèles de bâtiments au Fromé, à deux pas de là. En Mars 1957, à proximité du pont des Couteaux, le CIL programme la construction d’une tour de 16 étages, qui abritera 64 logements, sur le quai de Marseille. L’article de presse précise qu’avec la Mousserie, le Fromé et la nouvelle cité du Hutin, c’est la campagne qui recule…

La tour en 1958 et 1959 Photos NE
La tour en 1958 et 1959 Photos NE

Août 1958, un drapeau tricolore en son sommet signifie que la tour a atteint sa hauteur définitive. Le gros œuvre est désormais terminé, et d’ici la fin de l’année 1958, tout sera achevé. La presse parle de seize étages et précise que le rez-de-chaussée est surélevé, que le seizième étage est en retrait par rapport aux autres, et qu’il est entouré par une sorte de loggia circulaire.  Avril 1959, en haut de la tour du Hutin, un splendide appartement est meublé pour accueillir les visiteurs. Le journaliste glose sur la beauté du canal, vu du quatorzième étage. A raison de quatre appartements par étage, la tour du Hutin propose donc  64 logements. A l’occasion d’une visite de chantier, M. Ignace Mulliez président du CIL est accompagné de M. Dutilly architecte, Jack Menu directeur des travaux et Debus directeur du « Toit familial ». La presse les accompagne, et constate qu’il y a encore des peintres au travail ainsi que des ouvriers « de la dernière heure ».

Appartement témoin et entreprise prestataire Photos NE
Appartement témoin et entreprise prestataire Photos NE

Les appartements de la tour sont dotés du chauffage central, l’eau chaude coule par les robinets de la cuisine et de la salle de bains. La salle de séjour et les chambres sont spacieuses, le tout compose un « home confortable et élégant ». Un ascenseur dessert tous les étages. Avec cet appartement aménagé, le CIL propose une formule de l’habitation verticale qui offre la lumière et l’air qui « semble pur et léger ». La société civile immobilière de la caisse des dépôts et consignations et le CIL sont partenaires pour cette réalisation, comme ils l’ont été pour la tour du fer à cheval, à l’orée de Croix. Ces deux tours considérées comme des essais. Elles inaugurent ce qu’on pourra appeler le temps des tours, qu’on trouvera bientôt un peu partout, dans les quartiers des Hauts Champs, des Trois Ponts, rue Carpeaux et dans le bloc Anseele. On apprend que ce genre de logement ne s’adresse pas aux familles ayant des enfants turbulents. Ils sont proposés à une clientèle sélectionnée, avec des loyers supérieurs à ceux des HLM. C’est la modernité de l’époque.

Les alentours de la tour Photo NE
Les alentours de la tour Photo NE

Le chantier n’est pas tout à fait terminé, les abords et vestibules sont encore encombrés de matériaux divers, quand a lieu le samedi de l’inauguration, au mois d’avril 1959, en présence de nombreuses personnalités politiques et du monde du bâtiment. Avec l’appartement du 14e décoré par l’ensemblier spécialiste MAP 84 rue de Paris à Lille, Ignace mulliez se fait le propagandiste de la construction verticale,  plutôt qu’à ras du sol. Le maire Victor Provo lui répond en disant que compte tenu de l’espace restant, on est condamné à construire en hauteur, et que nécessité prévaut. Mais il ajoute que tout le monde n’est pas d’accord. Un autre appartement témoin a été aménagé au 1er étage par la maison roubaisienne des meubles Debeyne, l’électricité ayant été confiée à la société Lemahieu frères de Wattrelos. Parmi les entreprises associées,  la société Ferret Savinel est également citée.

La tour du quai de Marseille aujourd'hui Photo Google Maps
La tour du quai de Marseille aujourd’hui Photo Google Maps

Un immeuble de cinq entrées et quatre étages appartements, -les témoins disent la barre de la tour-, complète l’ensemble. Ce qui nous vaut le jeu de mots suivant : tu habites quai de Marseille à la tour ou autour ? L’immeuble est déjà occupé, quand la tour en est à ses finitions. Il forme avec elle une véritable cité selon la presse. Alors que la tour est en voie d’achèvement,  le quai de Marseille présente un chemin de halage fait de boue et d’ornières. Cependant le CIL entoure le collectif d’une route macadamisée et de gazons.

à suivre

Merci aux témoignages de l’atelier ECHO, recoupés avec la presse de l’époque

 

Elargissement de la Grand Place

Visite de la Reine Elisabeth à Roubaix Photo NE
Visite de la Reine Élisabeth à Roubaix Photo NE

Nous avons évoqué il y a quelques temps la disparition de la rue Jeanne d’Arc[1], en 1968. Nous allons ajouter quelques précisions sur l’évolution de la configuration des lieux. Sur cette photo, prise lors de la visite de la Reine Élisabeth en avril 1957, on peut encore apercevoir un ensemble de maisons qui masquent l’espace laissé vide par la disparition des Halles un an plus tôt. Leurs numéros ont une particularité, pairs et impairs se suivent, car il s’agit de bâtiments comptabilisés Grand Place. En effet, à partir de la rue du Château, on trouve les n°18, 19, 20, 20bis, 20 ter et 20quater, puis commence la rue Pierre Motte avec le n°2, à l’angle de la rue Jeanne d’Arc.

Ouverture de 1958 Photo NE
Ouverture de 1958 Photo NE

La transformation de l’espace vide en parking amène bientôt quelques modifications. Dès le mois de décembre 1958, on dégage en partie l’entrée à la place des Halles : les premières maisons de la rue Pierre Motte et de la rue Jeanne d’Arc.

Percée de la rue du Château Photo NE
Percée de la rue du Château Photo NE

Puis, en février 1964, une percée est réalisée dans la prolongation de la rue de l’hôtel de ville, qui fait jour sur ledit parking, et qui ampute la rue du Château d’un certain nombre de maisons en son milieu. La construction d’un centre commercial de transit en attendant Roubaix 2000, est en marche, il faut en favoriser l’accès.

Plan du Lido 1965 Publié dans NE
Plan du Lido 1965 Publié dans NE

Sur le plan publié un peu plus tard, on peut constater que cette percée a entraîné deux conséquences. On peut s’apercevoir que les deux rues du Château et Jeanne d’Arc amputées d’un certain nombre de maisons, vont subsister un temps, en proximité immédiate du Lido dont la création est effective en 1965. De même résulte de cette percée la formation d’un dernier pâté de maisons formé par les premiers numéros de la rue du Château (de 1à 9), et les numéros de la Grand Place (18 à 20). Ce dernier carré sera démoli, suite à la décision prise en conseil municipal de novembre 1967, ce qui aura pour effet d’améliorer l’accès au centre du Lido. On plaça sur l’angle ainsi dégagé ainsi un petit square et des places de parking. Dans la foulée, au début de l’année 1968, disparaîtra la rue Jeanne d’Arc. Nous avons déjà relaté cet événement par ailleurs[2]. Une autre perspective motivait ces travaux : offrir à Roubaix une « vraie » grand place, au moment de la célébration de l’anniversaire de la Charte en 1969.

Amputation de la rue du Château Photo NE
Amputation de la rue du Château Photo NE

En 1972, on s’occupa de démolir les derniers numéros de la rue du Château jusqu’à la rue de la Sagesse. Il fallait élargir encore l’espace qui devait accueillir dix ans plus tard une nouvelle poste et la Médiathèque.

Plan 1972 publié dans NE
Plan 1972 publié dans NE

 

 


[1] Article : une rue disparaît (centre)

[2] Ibidem

Vie et mort de la « banane »

En 1957, à l’angle de l’avenue Fourier et de la rue Henri Regnault, se trouvait jadis un terrain appartenant aux établissements Ternynck, occupé par des jardins ouvriers. L’Office HLM décide d’y construire un nouveau groupe d’habitations dont MM. Bourget et Lecroart seront les architectes. Cela donnera un ensemble de 22 appartements répartis en plusieurs niveaux, avec un éperon qui se dresse sur neuf étages, dont le rez-de-chaussée est bâti sur pilotis.

Le chantier en 1957 Photo NM
Le chantier en 1957 Photo NM

Le gros œuvre est terminé en mai 1957. La visite d’inauguration a lieu dans la foulée. Etaient présents les maires de Roubaix, Tourcoing, le député du Nord, le Président du CIL Albert Prouvost…L’époque est à la construction tant les besoins en logements sont importants. En effet, dans le même temps, on envisage de construire un collectif au Carihem, pour reloger les habitants de la rue Edouard Anseele. Les jardins ouvriers qui se trouvaient le long de la rue du Chemin neuf vont disparaître pour laisser place au groupe Racing du CIL. Et l’office HLM projette encore de construire sur un terrain bordé par les rues Montgolfier et Du Puy de Lôme. C’est une partie d’un grand projet qui concerne la plaine des Hauts Champs. Nous sommes en 1958 et tout ça va se mettre en chantier dans les deux années qui suivent.

L'inauguration et les officiels Photo NE
L’inauguration et les officiels Photo NE

Pour cet immeuble parfois appelé Ternynck, l’utilisation d’un terrain d’angle n’a pas facilité sa réalisation, mais les architectes en ont tiré parti en construisant un premier bâtiment de quatre étages à la façade légèrement incurvée, à laquelle il devra son surnom : la banane est née ! Derrière ce premier bâtiment se tient l’éperon de neuf étages.

L'immeuble terminé CP MédRx
L’immeuble terminé CP MédRx

En 1989 intervient une première réhabilitation. Mais dès 1996, on parle de démolition, après plusieurs projets d’aménagement. Trop coûteux… Puis on relève des problèmes d’insécurité en 1997, des projets avortés d’occupation des locaux du pied de l’immeuble…On arrive en 2003, la démolition est actée, il reste 84 familles à reloger.

Réhabilitation 1989 Photo NE
Réhabilitation 1989 Photo NE

Ce sera chose faite le 31 décembre 2004. Le 30 juin 2005, c’est le début de la démolition de la banane. Les anciens locataires ont été invités, manière de faire le deuil d’un immeuble qu’ils auront habité pour certains près de quarante ans ! En juillet 2005, on connaît déjà le projet de collège prévu d’ouvrir en 2007.

L'emplacement après démolition Extrait Google Maps
L’emplacement après démolition Extrait Google Maps

L'emplacement après démolition Extrait Google Maps

L’alouette s’ouvre à la gare

Le projet de prolonger la rue de l’Alouette jusqu’à la rue de la Gare apparaît en 1936. Jusque là, la rue de l’Alouette partait de la rue du Grand Chemin et rejoignait la rue du Chemin de fer, qui fut historiquement la première rue de la gare. En effet la première station de Roubaix construite en 1843, puis la gare des voyageurs  se trouvaient dans la perspective de cette dernière rue. L’actuelle rue de la Gare, aujourd’hui avenue Jean Baptiste Lebas, fut ouverte en 1882, et la gare actuelle en 1888. La rue de l’alouette n’eut pas de débouché sur la nouvelle rue de la gare jusqu’à l’exécution à partir de 1942 de ce projet qui décida de la jonction des deux voies après démolition des bâtiments existants.

Les lieux en 1932 Photo IGN
Les lieux en 1932 Photo IGN

Que trouvait-on à cet endroit ? Il semble qu’un bâtiment d’un seul tenant occupait principalement la surface à démolir. Il fut construit spécialement pour l’exploitation d’une brasserie avec dancing. De fait, on trouve dès la fin du dix neuvième siècle, la trace d’un établissement dénommé Brasserie Universelle au n°32 de la rue de chemin de fer. Puis l’endroit fut longtemps occupé par les négociants en tissus Bossut père et fils, l’immeuble apparaissait au n°123 rue de la gare, et au n°32 rue du chemin de fer, où se situait l’entrée des marchandises. M. Léon Olivier Mazure est le propriétaire de cet immeuble, resté longtemps inoccupé, puis brièvement loué, à peine trois mois en 1933, à la société des Transports du Nord. Pendant les premières années de la guerre, la ville y avait installé un abri de défense passive.

Le dernier locataire RA 1933
Le dernier locataire RA 1933

Cependant, l’inoccupation du bâtiment depuis 1933 a entraîné sa dégradation : une visite d’experts effectuée en 1937 constatait le mauvais état de la toiture, des vols des lattes de parquet, de portes. En l’état, l’immeuble était donc impropre à la location. L’expropriation pour cause d’utilité publique fut prononcée le 9 juillet 1943. La démolition est décidée le 19 janvier 1944. Le percement entraîna également la démolition des maisons qui encadraient le n°32 de la rue du chemin de fer.

La façade du bâtiment côté avenue de la Gare Photo JdeRx
La façade du bâtiment côté avenue de la Gare Photo JdeRx

De cette époque date l’ouverture de la rue de l’alouette sur l’avenue de la gare, future avenue Jean Lebas.

Les lieux aujourd'hui Photo Google Maps
Les lieux aujourd’hui Photo Google Maps

 

 

L’ilot Voltaire

Depuis 1981, un plan de restructuration du quartier du Cul de four a été envisagé, dont les premières opérations concernent les démolitions de logements insalubres. Le relogement des familles, la réhabilitation de maisons individuelles ont également été prévus.

La SAEN (société d’Aménagement et d’Equipement du Nord) a demandé la réalisation d’une étude pour relever les habitations susceptibles d’être réhabilitées. Une convention entre la Communauté Urbaine, l’Etat et l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat doit permettre la mise en œuvre d’un plan de restructuration, dont les premiers travaux débuteraient en octobre 1982. Il faudra donc démolir, reconstruire et réhabiliter. On sait depuis juillet 1981 que 600 maisons du quartier du Cul de four seront démolies, car jugées trop dégradées.

Le premier projet de rénovation du Cul de four est celui de l’îlot Voltaire : soixante et un logements collectifs et individuels seront construits par les HLM et les premiers habitants pourraient s’installer au début de l’année 1985. Le projet ambitieux prévoit également l’installation d’un foyer logement rue Voltaire et d’une maison de quartier rue de Flandre.

Démolitions rue Voltaire Photo NE
Démolitions rue Voltaire Photo NE

En Octobre 1982, le comité de quartier est intervenu pour protester contre les nuisances provoquées par un terrain vague situé rue Voltaire et résultant des premières démolitions. C’est une décharge publique permanente, et quelques maisons vétustes restantes sont transformées en cloaques malodorants. Les choses avancent doucement, il reste les dernières maisons écroulées, côté rue Turgot et un atelier de confection en procédure d’expropriation. L’ilot Voltaire concerne les quatre rues suivantes : Voltaire, de Flandre, Basse Masure et Turgot. On connaît les mesures du plan : pour la rue basse masure,  les maisons du n°1 à 11 sont condamnées. Rue de Flandre, les maisons du 53 au 85 seront maintenues, mais réhabilitées comme les cours des n°65 et 65 bis. Pour la rue Voltaire, les  maisons et cour du n°30 au 36 vont disparaître, les n° 40 au 44 sont maintenues, et seront réhabilitées.

La surface déblayée Photo NE
La surface déblayée Photo NE

L’opération se déroulera en 2 phases : reconstruction côté rue Turgot pour reloger les habitants des cours qui veulent rester sur le quartier, puis démolition de l’autre partie de l’ilot Voltaire. Au terme de l’opération, il y aura 62 logements locatifs, 45 en semi collectif, et 17 individuels. L’opération est menée par l’office HLM, avec l’architecte Arpan, qui appelle à une réunion le 6 novembre 1982 pour discuter des plans avec lui dans l’ancienne école de la rue de Flandre.

Une partie du projet ilot Voltaire Photo NE
Une partie du projet ilot Voltaire Photo NE

Une autre réunion a lieu sous l’égide du comité de quartier en mars 1983. En juin 1983, les habitants sont à nouveau réunis et participent à une nouvelle réunion de concertation, puis à la visite de l’exposition « reconstruire le quartier » présentée dans les locaux de la Madesc au 137 rue de Flandre. En plus des projets concernant l’ilot Voltaire, réalisés par l’école d’architecture de Paris, l’école Quemando de Paris et le cabinet Leplus basé 46 rue Daubenton à Roubaix, une exposition sur « la réhabilitation à Roubaix » et un débat avec des étudiants architectes sont proposés aux habitants du quartier.

Le projet vu de l'angle de la rue de la Basse masure et de la rue Turgot Photo NE
Le projet angle de la rue de la Basse masure et de la rue Turgot Photo NE

 (à suivre)

La Duquennière

Située au bord du parc Barbieux, cette cense fait partie des dernières disparues. Le plan cadastral de 1826 la situe dans le hameau du Quesne, entre la rue de Lille et la rue Verte à Croix, puisque cette commune englobait à l’époque la moitié sud du futur parc Barbieux.

Plan cadastral de Croix 1926 – archives départementales
Plan cadastral de Croix 1926 – archives départementales

En 1876, le cadastre la place dans le hameau Duquesnie qu’il situe non loin du tracé du canal.

Plan cadastral de Croix 1876 – archives départementales
Plan cadastral de Croix 1876 – archives départementales

La cense fait donc partie de Croix à l’origine. Mais, à la suite de l’exposition de 1911, le site sera annexé à la ville de Roubaix, et la ferme deviendra roubaisienne avec toute le bas du parc en 1914.

Plan cadastral de Roubaix 1914 - archives municipales
Plan cadastral de Roubaix 1914 – archives municipales

 Le recensement fait à Croix en 1906 indique rue de la Duquennière, une cultivatrice, Rousseau Clémence, née à Wattrelos en 1839, qui tient la ferme avec l’aide de trois domestiques. Cette dame, qui atteint alors l’âge de la retraite, cultive sans doute le domaine depuis de nombreuses années. Elle cède finalement sa ferme, et le Ravet Anceau cite au sentier de la Duquennière un autre cultivateur, Bonte H., à partir des années 1920 et cela jusqu’à 1955. L’Echo du Nord précise dans un article de 1925 qu’il est père de 4 garçons, et qu’il déplore la disparition dune grande partie du verger de la ferme, victime de la proximité de l’avenue Jean Jaurès, récemment ouverte.

La ferme. Documents Écho du Nord 1925 et IGN 1962
La ferme. Documents Écho du Nord 1925 et IGN 1962

Les bâtiments de la ferme entourent une cour rectangulaire. Le logement, peint en blanc sur la photo, est situé le long de la rue de la Duquennière, précédant le portail d’entrée couvert d’un toit à deux pentes. La photo aérienne nous montre la cense encore dans son intégralité. Elle est prolongée vers le parc par un potager, et entourée d’un terrain herbeux planté d’arbres, reste du verger sacrifié avant guerre.

Mais ses jours sont comptés : une photo aérienne de 1964 nous montre un premier bâtiment abattu, tandis qu’une autre de 1965 nous montre un nouvel immeuble en construction à la place de l’ancienne cense. Cet ensemble collectif est encore visible aujourd’hui.

Photos IGN
Photos IGN

Face au parc de Barbieux

Dans les années 1890, alors que le boulevard de Paris connaît relativement peu de constructions, l’industriel Georges Charles Masurel-Leclercq fait construire un hôtel particulier sur un terrain allant de la rue Vauban au boulevard de Cambrai. L’hôtel a sans doute connu les bâtiments de la ferme Lepers qui se trouvait jusque vers 1893 de l’autre côté du boulevard. Ceux-ci seront expropriés et démolis peu après.

Le château face à la ferme
Le château face à la ferme

Georges Charles Masurel-Leclercq, né à Tourcoing en 1858, est marié avec Élise Adèle Leclercq. Il a repris l’usine Cordonnier rue de Mouvaux. Il va habiter la propriété avec ses cinq enfants, ce qui va contribuer à remplir ce grand bâtiment.

Celui-ci est bâti à l’angle d’un vaste parc . Un autre bâtiment bas fait partie de l’ensemble ; il fait l’angle de la rue Vauban et du boulevard de Paris et son architecture est identique à celle du Château principal avec ses lucarnes de combles. Il est dévolu aux communs et à la conciergerie. Ce bâtiment existe encore aujourd’hui.

La propriété du temps de sa splendeur – document Médiathèque de Roubaix
La propriété du temps de sa splendeur – document Médiathèque de Roubaix

La famille habite la propriété jusqu’avant la dernière guerre : Le Ravet-Anceau de 1939 n’indique plus d’habitants au 114. C’est une opportunité pour les allemands qui l’occupent et y entreposent des munitions. Il est incendié en Août 44 au départ des occupants et complètement détruit. Seul est épargné le bâtiment de la conciergerie. L’endroit reste en friches plusieurs années, et une photo aérienne de 1950 montre le site à l’abandon :

 

Document IGN
Document IGN

Mais un tel emplacement ne restera pas inexploité très longtemps : on y construit en 1951 un immeuble sur les plans de l’architecte Porte, habitant avenue Jean Lebas. C’est un ensemble de standing, construit en briques, qui forme un quart de cercle face au parc Barbieux.

 

Nord Matin -1951
Nord Matin -1951

Il abrite six appartements de 7 pièces, des garages, et offre aussi la possibilité de ranger vélos et voitures d’enfants. Innovation pour l’époque : l’immeuble comporte une installation de douches réservée au personnel domestique ! Il présente une hauteur de trois étages, le dernier disposant de terrasses en façade. Le bâtiment est clôturé d’un mur bas, coupé dans l’axe d’une grille donnant accès à une entrée relativement discrète. L’accès des voitures se fait côté boulevard de Cambrai.

Photos collection particulière
Photos collection particulière

L’ancien bâtiment de la conciergerie, lui, n’a été ni incendié, ni abattu ; il est toujours présent à côté de l’immeuble, la grille de l’ancien hôtel particulier ayant été remplacée par une large porte d’accès au garage. Il reste le seul témoin de l’existence passée de cet ancien hôtel particulier.

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Les photos proviennent d’une collection particulière, les autres documents des archives municipales et de la médiathèque de Roubaix.

 

 

 

 

 

 

 

La rue du Gaz

Le 12 décembre 1866, la compagnie Desclée frères et compagnie, dite « compagnie du gaz », sise depuis 1834 le long de la rue du Cul de four, adresse une lettre à la ville de Roubaix, demandant la permission d’annexer une rue qui traverse les terrains de l’entreprise, la coupant en deux. Cette rue, située dans le prolongement de la rue de L’Alma, fait 7 mètres de large, et met depuis toujours en communication le hameau du Cul de four et le quartier du Fontenoy. La compagnie propose de la remplacer par une voie de 12 mètres, située à peu de distance, qu’elle paverait et viabiliserait à ses frais. Cette nouvelle voie de communication prolongerait la rue Jacquart dénommée alors la rue Paulus.

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Trait perfide au passage, la compagnie conteste la propriété de cette voie à la ville, puisqu’elle n’a jamais fait l’objet d’un classement, et n’a jamais été entretenue par la commune.

Après recherche dans les archives, la commission municipale établit en février 1867 qu’à l’origine cette voie était dénommée carrière Toussaint, dite petite rue du Gaz et, en tant que carrière, on lui avait attribué la largeur réglementaire à l’époque soit trois mètres. Elle souligne, par ailleurs, l’intérêt d’utiliser cette voie pour prolonger la rue de l’Alma qui pourrait alors relier ainsi en droite ligne la rue de Mouvaux au pont des Couteaux sur le canal en cours d’exécution. La commission des rues conclut que, dans l’intérêt général, il faut conserver cette rue à la commune.

L'usine à gaz – Document Médiathèque de Roubaix
L’usine à gaz – Document Médiathèque de Roubaix

Deux mois plus tard, -est-ce une coïncidence-, la compagnie projette d’augmenter le prix du gaz, arguant du renchérissement du charbon. Pour qu’on ne puisse contester sa propriété sur la ruelle, la ville fait paver la voie, mais sur toute sa largeur, empiétant donc sur le terrain de la compagnie, puisque la carrière n’est censée faire que trois mètres de large. La compagnie réplique par voie d’huissier, pour faire enlever les pavés nouvellement posés.

Parallèlement, la compagnie fait une proposition de conciliation : elle offre, en compensation de la perte de la ruelle, de construire une école de 4 à 500 places. Elle rappelle que la ruelle ne pourra jamais être élargie pour prolonger la rue de l’Alma sans une expropriation qui coûterait très cher aux finances publiques. La municipalité se rend à ces arguments et fait finalement machine arrière en accordant la cession du chemin à la compagnie du gaz. La préfecture ordonne une enquête préliminaire d’utilité publique, puis entérine le vote en mai 1868.

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Le terrain pour l’école se situe en face de l’usine, sur l’autre trottoir de la rue Turgot. L’école troquée contre une ruelle est alors construite. On la retrouve aujourd’hui, qui fait face au terrain de l’Edf.

Document Géoportail – IGN
Document Géoportail – IGN

Les autres documents proviennent des archives municipales de Roubaix

 

 

Une passerelle longtemps attendue

L’arrivée du chemin de fer en 1842 produit une coupure dans le tissu urbain : le quartier du Fresnoy se trouve maintenant isolé du centre de la ville. Les seuls points de communication restent le pont de la rue de Mouvaux et un passage à niveau qui traverse les voies de la gare.

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Mais le passage à niveau est remplacé au début des années 1860 par le pont St Vincent de Paul, reporté plus loin, ce qui supprime toute communication directe pour les piétons. Très vite, les habitants du quartier réagissent et 174 d’entr’eux signent, en 1867, une pétition pour obtenir de la part de la compagnie du Nord la construction d’une passerelle au dessus de la gare entre la rue du chemin de fer et le hameau du Fresnoy. Le conseil municipal approuve la pétition à l’unanimité et contacte la compagnie du chemin de fer. Celle-ci répond dans une lettre datée de 1869 que le passage supérieur remplaçant le PN a été établi aux frais de la compagnie, qu’elle estime avoir fait suffisamment d’efforts pour sa part, et qu’elle refuse de financer une passerelle.

Vingt ans plus tard, en 1887, parvient au conseil municipal une nouvelle pétition sur le sujet. Le préfet estimée que la gêne causée par la passerelle pour les manœuvres, pousserait sans doute la compagnie à n’accepter la construction que dans le cas d’un financement par la ville, les pétitionnaires ne proposant pas de participation financière. La commission municipale concernée juge cette construction trop onéreuse pour les finances de la ville et les choses en restent là.

Le projet initial
Le projet initial

Entre temps, la gare initiale est remplacée par la gare actuelle.

En 1890, la compagnie étudie malgré tout la construction d’une passerelle à l’emplacement de l’ancien PN. Elle envoie à la mairie un plan, et évalue la construction à 58000 francs, alors que les riverains accepteraient de participer à hauteur de 15000 f. Elle serait implantée entre la rue de l’Avocat et la rue de l’Ouest à 200m avant le pont St Vincent. La commission trouve que la passerelle n’aurait pas de raison d’être à cet endroit, et le projet est de nouveau au point mort.

L’année 1891 voit de nouveaux débats à la suite du dépôt d’un avant projet de la compagnie chiffré à 72 000 f. La commission municipale suggère de financer d’autres projets plus urgents. M. Victor Vaissier, pourtant, plaide pour la construction de la passerelle et demande que l’étude soit reprise. Pourtant, le projet est de nouveau enterré.

Il faut attendre 1904 pour qu’un syndicat de riverains se crée autour d’Edmond Dujardin, marchand de charbon rue de l’Ouest. Les habitants réunissent cette fois une somme de 20 000 francs. Un article du Journal de Roubaix, daté de 1906 annonce que les choses évoluent et qu’un emprunt de 6 millions permet désormais d’envisager la réalisation du projet, qui fait alors partie du programme de grands travaux d’utilité publique. Le ministre des travaux publics envoie le projet au conseil d’état qui l’approuve. Les travaux sont lancés et la passerelle est finalement inaugurée en septembre 1908. Sa longueur est de 111 mètres. Elle est très différente de celle prévue au départ : c’est une passerelle-cage métallique offrant plus de sécurité pour les usagers. Elle est bâtie pratiquement dans l’alignement de le rue du Fresnoy et aboutit à côté du bâtiment voyageurs.

La passerelle – documents médiathèque de Roubaix et IGN 1962

Notre passerelle n’a décidément pas de chance : en 1918, l’armée allemande en retraite la fait sauter, de même que la verrière de la gare et le pont St Vincent. Elle est reconstruite après guerre par les troupes britanniques du 136 ème Royal Engineers.

La passerelle en 1918
La passerelle en 1918

Les années passent. En 1968 la passerelle est en mauvais état. On se demande s’il vaut mieux la démolir et la remplacer par une nouvelle ou la réparer. C’est le choix de la remise en état qui prévaut. Mais en 2001, elle est de nouveau dégradée, et vu son état, la communauté urbaine décide sa démolition. L’association art Action se mobilise et vient alors à son secours. Xavier Lepoutre relate dans le journal les arguments de l’association. Finalement, la passerelle disparaît ; seul un tronçon demeure aujourd’hui pour attester symboliquement de sa présence. Il est permis de se demander s’il n’y a plus de piétons pour se rendre du centre vers le quartier du Fresnoy ?

 

Documents archives municipales

 

Les plus anciennes maisons du boulevard

A la demande de la société Lemaire et Lefebvre, le conseil municipal permet l’ouverture du boulevard en 1892 depuis la nouvelle place du travail jusqu’au chemin d’Hem. Un plan de travail du service de la voirie daté de 1896, mais basé sur un état antérieur, ne montre que la ferme Cruque place du travail et la chapelle Vandamme, située le long d’un sentier au bord du ruisseau des trois ponts, près du coin de la rue Carpeaux.

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Les constructions ne vont pas tarder à s’y élever, et, en particulier, les usines. Carlos Masurel fait une demande de permis de construire dès 1893 pour sa filature, et Henri Ternynck a installé son établissement avant 1894. Les constructions particulières suivent, et notamment les estaminets qui s’installent en nombre aux portes des usines.

Le boulevard en 1899 et la numérotation actuelle
Le boulevard en 1899 et la numérotation actuelle

Les premières demandes de construction datent de 1894 avec, pour l’actuel numéro 104, une demande au nom du brasseur Guy Lefrançois, rue d’Inkermann concernant une maison à usage d’estaminet, mitoyen à propriété Carlos Masurel. Cet estaminet apparaît au Ravet-Anceau de 1898 au nom de H.Dubron. Il est situé entre les usines Carlos Masurel (puis Dazin-Motte) et Ternynck (puis Damart). On a gardé trace d’une demande de permis de construire pour les numéros 93-95 actuels, concernant plusieurs maisons, par la société Lemaire et Lefebvre en face de l’usine Masurel et près de la chapelle. Leur architecte est Louis Déferet.

Le 104, Plan d'origine et photo 1947. En bas les 93 et 95
Le 104, Plan d’origine et photo 1947. En bas les 93 et 95

Les demandes de construction suivantes datent de 1896, avec une demande permis au nom de O.Fievez au n°3, renuméroté 23, puis 63, la maison ayant été démolie ensuite. C’était, en 1901, l’estaminet Beauventre. Une autre demande cette même année au coin rue David Danger aujourd’hui numéro 135, c’est à dire le pâtisserie « La Florentine ». La demande est signée par M. Lefremouille (?), et ce sera l’estaminet Planckaert en 1901. De l’autre côté de la rue, au 143 la société Lemaire et Lefebvre demande, à l’angle de la rue David David D’Angers «prolongée vers briqueterie » l’autorisation de faire construire un estaminet, encore par l’architecte Déferet, qu’on retrouve sous le nom d’estaminet E.Leconte en 1901. Ce sera beaucoup plus tard « Jany fleurs ».

Les numéros 63, 135 et 143
Les numéros 63, 135 et 143

Le 147 abrite en 1901 l’estaminet O.Fievez (qui en possède un autre au 63). Sa date de construction manque sur la demande adressée à la mairie.

Par contre, et toujours en 1896, M. Mulle-Watteau, brasseur rue de Lille fait également une demande pour deux maisons attenantes où on retrouvera l’estaminet E.Duvillers en 1901. L’architecte en est J. Selle. De nos jours, elles portent le numéro149. Au 153 correspond une autre demande de permis de construire de la société Lemaire et Lefebvre. Cette construction, toujours de l’architecte Déferet, se trouve à l’angle G. Pilon, et c’est l’estaminet A Van Ost en 1901.

 

Document médiathèque de Roubaix
Document médiathèque de Roubaix

On reste en 1896 pour une demande de la brasserie Dazin pour un estaminet au 159, dont l’architecte est Louis Barbotin (l’estaminet L.Pennequin en 1901). Au 161, on trouve cette même année la demande émanant du brasseur Paul Desprets. Ce sera l’estaminet Bacro-Watteau en 1901

159-161-96dpiNous arrivons à l’année 1897, avec la demande d’Henri Deboschere, dont l’architecte est Achille Dazin pour un immeuble qui sera, plus tard, numéroté 114 – la future boucherie Dumeige, et, pour les numéros 118-120 une demande de permis de construire pour trois maisons formant l’angle de la rue Carpeaux (propriétaire Horent) vins spiritueux Desoubry en 1901, et tabacs Veuve Crepel en 1902 – le Flint aujourd’hui).

Du côté impair, au 163, A.Bacri fait une demande pour construire « après la dernière maison de la rue »

114-118-163-96dpiL’année suivante, voit se construire aux numéros 131 et 133 deux maisons au nom de Maurice Fievet. On trouvera au 133 une mercerie en 1901. Enfin, la société « La Ruche » demande la construction d’une maison à situer (sans doute au numéro 41, qui a longtemps abrité le directeur de l’usine Dazin-Motte). L’architecte en est A.Vaillant.

41-133-96dpiEncore quelques constructions côté pair, l’année suivante : en 1899 Jérémie Declerck demande pour Mme veuve Picavet l’autorisation de construire un groupe de trois maisons à usage de commerce. C’est, en 1901, l’épicerie Manche-Bruyelle (124, 126 ou 128), l’estaminet H.Herbaut (126, 128 ou 130) ; puis, en 1902, le commerce de fruits et légumes R.Tackens (124), la boucherie J.Declerck (126), l’estaminet Mme Marlier (128), et l’épicerie Manche-Bruyelle (130).

126-130-96dpiC’est donc, en peu d’années, une première vague de constructions. Il y en aura encore quelques unes vers 1910, le gros des bâtiments ne s’élevant que dans les années 20, après la guerre. Le boulevard n’évoluera pratiquement plus jusqu’à aujourd’hui, à part les façades des magasins, qui subiront des modifications au fil du temps.

Documents archives municipales. Photos Jpm