Que sait-on des Hauts Champs avant qu’ils n’intéressent les bâtisseurs ? Au temps des seigneurs de Roubaix, ils désignent quelques hectares de champs entre la lisière d’un bois et les terres du fief de Beaumont. Il est délimité par le chemin d’Hem aux Trois Ponts, et par le sentier du chemin vert menant au gibet des seigneurs de Roubaix. Le nom du lieu dit a servi pour désigner une division du cadastre jusqu’en 1841[1]. Avec le temps, les deux pied-sentes deviennent pour l’une le chemin vicinal numéro neuf, dont le nom subsiste encore aujourd’hui, et l’autre à la limite de deux communes, devient rue du chemin vert sur Roubaix et rue Catinat sur Lys lez Lannoy.
De nouveaux repères apparaissent au début du vingtième siècle : une large avenue traverse la campagne roubaisienne, de la rue de Barbieux jusqu’à la rue de Lannoy qui prendra le nom d’avenue des Villas, puis en 1908, celui d’Alfred Motte, de la descente du boulevard de l’Hempenpont[2] jusqu’à la rue de Lannoy. Entretemps, s’est édifiée à partir de 1902, la fabrique de velours Motte-Bossut[3]. Pour quelques temps, à coté de l’usine, des jardins ouvriers vont côtoyer les champs de l’endroit. Mais l’industrie gagne du terrain, et l’implantation du chemin de fer sur l’avenue Motte en est le signe fort. La seconde guerre mondiale verra s’achever la vocation de boulevard industriel des avenues Salengro et Motte, dont le terre-plein central est le vestige de l’animation ferroviaire passée. L’ancienne gare de débord a laissé son nom à la cité construite à l’entrée de Roubaix, après le contour des petites haies.
Au-delà de cette avenue si difficile à traverser, hier les trains, aujourd’hui les voitures, la vague de l’habitat va bientôt engloutir les implantations industrielles et atteindre le territoire encore champêtre des Hauts Champs. Amorcée dès les années vingt, l’opération des Habitations à Bon Marché va remplir l’espace compris entre l’avenue Linné et l’avenue Motte, en deux temps, des maisons rue Jean Macé, des logements collectifs le long du boulevard de Fourmies. La construction reprend à marche forcée après la seconde guerre mondiale. Les maisons du CIL apparaissent le long de l’avenue Gustave Delory, du quartier de Beaumont jusqu’à l’avenue Motte, qu’entourent ensuite les lotissements du contour des petites haies, de la gare de débord, et de la rue Mignard. De leur côté, les HLM ont complété l’espace resté vacant entre les deux opérations HBM de l’entre deux guerres, entre la rue Jean Macé et la rue Rubens. La construction de l’église Saint Bernadette de 1935 à 1937 est un signe important de l’augmentation de la population. Avant qu’elle traverse l’avenue Motte et devienne une petite église circulaire, elle dressait sa masse quadrilatère édifiée par les architectes roubaisiens René et Maurice Dupire à l’orée des Hauts Champs, dans l’alignement de l’usine de velours Motte Bossut. La vague de construction s’est arrêtée provisoirement à l’avenue Motte, devant les derniers terrains disponibles de cette partie de Roubaix.
En avril 1958, Ignace Mulliez, Albert Prouvost et Guy Lapchin, respectivement président, président honoraire et architecte du CIL, plantent la tente sur l’immense plaine des Hauts Champs, pour recevoir le ministre de la reconstruction et du logement Pierre Garet, qui vient de passer en revue les réalisations HLM et CIL du Nouveau Roubaix, dont la dernière en date est l’immeuble de la rue Regnault[4]. La cité des Hauts Champs se prépare…