Le centre de formation de la rue Delespaul

Au n°185 de la rue Delespaul se trouvaient en 1953, les ateliers de constructions électroniques, anciens Ets Flaga. Il y avait un concierge, M. Breywaert. Puis en 1960, c’est la société parisienne Clarel qui vient s’installer là. Les membres de l’atelier se souviennent du grand nombre d’ouvriers qui travaillaient là et de l’agencement des lieux. Chaque étage était réservé à un type de fabrication particulier. CLAREL était une société Française spécialisée dans la fabrication d’appareils d’éclairage intérieur et extérieur. CLAREL s’est fait connaître sur le marché de l’éclairage public Français au début des années 1950. Sa première réalisation fut un modèle résidentiel de lanterne fait d’une vasque en plexiglass allongée en forme d’accordéon, équipée de tubes fluorescents. Son catalogue de produits s’est largement développé en France et en Belgique. La société Ragni continue de commercialiser les lanternes CLAREL encore présentes au catalogue lors de la reprise tout en commercialisant ses propres produits.[1]

Publicité Clarel parue dans NE
Publicité Clarel parue dans NE

Une annonce parue dans la presse en janvier 1971 nous apprend que le centre AFID est installé depuis quelques mois dans ses nouveaux locaux du 185 de la rue Delespaul, et qu’il pourra accueillir de nombreux élèves à la rentrée prochaine. On peut situer la création du centre de formation dans le courant de l’année 1970. Les témoins disent que le site est resté inoccupé quelques années.

L’A.F.I.D (association pour la formation dans les industries diverses de la région Roubaix Tourcoing) existe depuis le 24 mars 1961, date de l’inauguration officielle de ses locaux à Roubaix, 18 rue Pauvrée. Elle fait partie de l’A.I.F.P. (association interprofessionnelle de formation professionnelle). Sa mission est d’étudier les problèmes de formation professionnelle du personnel des entreprises industrielles et commerciales de la région. Elle suscite, crée ou participe à la création de moyens de formation et de perfectionnement. M. Gacon en est le directeur en 1961. Première initiative, une session d’initiation industrielle destinée aux jeunes qui sortent de l’école primaire, et qui n’ont pu accéder aux collèges d’enseignement technique. Des projets : formations de bobiniers électriciens, vers un CAP, électromécaniciens, cours de vente en magasins de détail, examens professionnels.

Le centre AFID Photo CQ ECHO
Le centre AFID Photo CQ ECHO

L’A.F.I.D fonctionne avec des commissions constituées par les représentants des écoles ou instituts intéressés, des représentants patronaux, des salariés et des spécialistes compétents. Ces commissions déterminent les programmes, le niveau établi, le moyen de formation choisi, et suivent l’exploitation et la gestion de cette activité. L’AFID ne recueille aucune cotisation, n’a pas d’adhérents. Ses frais administratifs sont couverts par des subventions d’organismes professionnels.

Le point de vue de l’AFID en 1963 est le suivant : l’activité économique se façonnera qu’en fonction d’une main d’œuvre qualifiée. Il faut donc développer la formation régionale en fonction des problèmes industriels et commerciaux. Les contacts entre professionnels, responsables de formation et d’enseignement et spécialistes doivent être plus nombreux. Les professionnels doivent mettre en place les moyens pour les formations qu’ils désirent voir appliquer et prouver ainsi aux organismes officiels (FPA) la nécessité de telle ou telle formation. Des conventions pourront ensuite être passées pour les frais de formation. Enfin, il faut éviter l’émigration de la main d’œuvre qualifiée, en lui permettant de se perfectionner.

Une vue des ateliers Photo NE
Une vue des ateliers Photo NE

En janvier 1971, on annonce donc  l’ouverture pour la rentrée prochaine d’un nouveau centre AFID. Installé depuis quelques mois, il accueillera 100 nouveaux élèves à la rentrée scolaire (septembre), élèves âgés de 14 ans. On trouve là un centre d’éducation professionnelle, avec stages en entreprises (46 entreprises de Roubaix et environs), un centre de formation d’apprentis, pour jeunes embauchés souhaitant obtenir un CAP avec accord employeur, et une section adultes, en recyclage, techniques électroniques et pneumatiques, plans et dessins, conducteurs de machines.

Les membres de l’atelier ECHO se souviennent d’un centre très fréquenté, mais également replié sur lui-même, qui communiquait peu dans le quartier. Cependant, en mai 1990, le centre de formation de la rue Delespaul organisait une opération « portes ouvertes » pour promotionner ses formations de tourneurs, fraiseur, soudeurs.

Démolition du centre Photo CQ ECHO
Démolition du centre Photo CQ ECHO

Nous ne savons pas encore quand le centre de formation arrêta ses activités, ni pour quelles raisons. Le comité de quartier a pris ces clichés au moment de sa démolition  en novembre 1998. Tous les témoignages sur la vie et les activités de ce centre sont les bienvenus !

L'emplacement vide ext Google maps
L’emplacement vide ext Google maps

Remerciements au Comité de Quartier ECHO pour les témoignages et illustrations


[1] D’après le site Phozagora

Le premier comité de quartier

Le quartier du Fresnoy-Mackellerie peut se targuer d’être le premier comité de quartier qui ait été créé à Roubaix. Comment cela s’est-il passé ? Il faut rappeler que lors de la campagne pour les municipales de 1977, le socialiste Pierre Prouvost avait préconisé la mise en place de comités de quartier librement constitués, de commissions extra-municipales et de commissions ad hoc sur des problèmes spécifiques. (Nord Eclair 19 février 1977).

Après les élections, on procède donc à la mise en place de ces comités. Début Juillet 1977, une visite du quartier du Fresnoy-Mackellerie est effectuée par le maire Pierre Prouvost accompagné de ses adjoints, MM. Duhamel, Vandewynckèle, Pétrieux et de nombreux conseillers municipaux.  Une liste de 22 problèmes à résoudre est établie à l’issue de cette visite. A la suite de quoi, se déroule une réunion des forces vives pour la constitution d’un comité de quartier, dans la salle de la rue de Rome. M. Vandewynckèle, adjoint au maire et MM Mosnier et Wyndels, conseillers y participent, avec les responsables de diverses associations du quartier : il y a là le comité des fêtes, le Label, la CSCV, le CA et la direction du centre social de la rue du Luxembourg, le foyer logement de la rue de Mouvaux, l’Union des commerçants et le GAR (groupe pour l’avenir de Roubaix, opposition municipale). Six commissions sont créées : cadre de vie, urbanisme et environnement, éducation et formation, culture, famille sports et loisirs, relations dans le quartier et emploi.

La visite du quartier par la municipalité Photo Nord Éclair

 A la veille de la constitution du comité de quartier, en octobre 1977, une liste de neuf chantiers a été établie par les habitants du quartier : nouveaux locaux pour le centre social, établissement d’un square à l’angle des rues d’Italie et du Fresnoy, aire de repos derrière le foyer logement de la rue de Mouvaux, utilisation du court de tennis de l’office HLM, aménagement du pont du chemin de fer, utilisation des terrains disponibles dans le quartier, pose de feux tricolores au carrefour de la rue du Fresnoy et du boulevard d’Armentières, implantation de deux cabines téléphoniques, réparation des voies et trottoirs.

La création du premier comité de quartier le 4 novembre 1977 Photo La Voix du Nord

 Le 4 novembre 1977, intervient la création du comité de quartier du Fresnoy-Mackellerie ! Il commencera réellement à fonctionner le 22 novembre. A cette date, il sera logé, on évoque la transformation de la salle de la rue de Remiremont en maison de quartier, et il sera officiellement institué en association type loi 1901. Les commissions de travail sont déjà réparties : MM. Renaud, Voeten et Thenis font partie de la commission cadre de vie et environnement, Mmes Croes (CSCV) et Ballois constituent la commission vie familiale et étudient la possibilité d’une information sur la contraception. La commission éducation et formation est prise en charge par Mme Trenchs, et MM. Hatt, Vermeersch. La culture et les loisirs feront l’objet des attentions de Mme Parent, et de MM. Isbaert et Laplace. La commission sports est composée de MM. Frebourg (Volley Club de Roubaix), Doutreligne et Milliez. Enfin la commission emploi comprend Melle Jonasz (centre social) et Fautrez (LCR rue de Mouvaux). Il reste encore quelques sièges à pourvoir pour le comité où l’on espère voir des enseignants, des membres du club du 3me âge de la rue de Mouvaux, du club des marcheurs, de la JOC et de l’Union des commerçants.  

Un foyer d’éducation populaire

Le Foyer d’éducation populaire Jean Macé Pasteur est issu de la fusion de deux très anciennes amicales laïques : l’association amicale des anciens élèves de l’école publique de la rue Delezenne, et l’association amicale des anciennes élèves de l’école communale de la rue du Pile. La première est née le 4 septembre 1890, la seconde le 23 janvier 1896, toutes les deux après le visa préfectoral. A cette époque, le scénario de la création d’une amicale laïque est pratiquement toujours le même : sous l’impulsion du directeur ou de la directrice de l’école, des parents d’élèves, des élèves récemment sortis de l’école sont appelés à se réunir pour la défendre contre les adversaires de la loi Ferry. Il est vrai qu’à Roubaix, à partir de 1884 le pouvoir politique est retombé entre les mains des partisans de l’école « libre », qui ne pouvant remettre en question la loi, privilégient les subventions à l’élite et visent la maîtrise de l’enseignement supérieur. Les activités les plus courantes de ces amicales seront les suivantes : distributions de vêtements et chaussures aux enfants nécessiteux, récompenses et encouragements aux élèves méritants et assidus (médailles, livrets de caisse d’épargne,…), montage de bibliothèques populaires et scolaires, organisation de voyages et d’excursions (récompenses certificat, mais également plus tard pour les membres), organisation de conférences.

L’école de la rue Delezenne et l’école de la rue du Pile Photos Journal de Roubaix et PhW

L’école de la rue Delezenne, et l’école de la rue du Pile étaient très anciennes. L’école de garçons de la rue Delezenne datait de 1873, elle est laïcisée en 1881. On y crée des cantines scolaires en 1894, elle est agrandie en 1909. Une délibération du 28 décembre 1934 décide de sa démolition. Entre-temps, l’école Jean Macé a été édifiée.  L’école des filles de la rue du Pile, également appelée école Pasteur, fait partie de la série des écoles publiques dites de Mollins construites en 1877. Elle sera agrandie en 1908 et fera l’objet d’aménagements divers jusqu’en 1970.

Les recherches sont en cours pour retrouver les dates de changement du nom de l’amicale Delezenne en Jean Macé, et en Jean Macé Pasteur, sans doute avant la seconde guerre. On trouve dans les archives de l’amicale une déclaration en préfecture du Nord le 21 décembre 1950 : le siège était à l’école de garçons du boulevard de Mulhouse, il est transféré au n°4 rue d’Anzin. La modification de son titre est annoncée en association amicale des anciens élèves des écoles publiques Jean Macé et Pasteur. La réunion des deux amicales a-t-elle eu lieu à cette date ?

Au cours de l’assemblée générale qui se tient le 14 novembre 1965, l’amicale transforme une nouvelle fois son titre et l’article 2 de ses statuts :

Le Foyer comprend plusieurs secteurs d’activité : club de jeunes, secteur adultes avec ses sections culturelles spécialisées, sa section activités sociales, sa section parents d’élèves…, secteur enfance avec des activités organisées par les adultes au profit des enfants : patronages, centres de vacances, centres aérés, USEP…

Le Foyer met à la disposition de tous, les moyens de développement d’activités éducatives, sociales et récréatives : éducation physique, intellectuelle, artistique, information scientifique, technique, économique et sociale.

Par ces moyens, le Foyer contribue à l’émancipation intellectuelle et sociale et à la formation civique. Par son action, il entend manifester sa fidélité à l’idéal laïque et à l’enseignement public en prolongeant son œuvre dans le même esprit.

Le 22 décembre 1965, l’amicale prend donc le titre de Foyer Populaire Jean Macé Pasteur (foyer de jeunes et d’éducation populaire), qui est toujours son titre distinctif.

Le conseil d’administration de l’amicale Delezenne en 1923 doc archives Foyer Jean Macé Pasteur
Remerciements au Foyer Jean Macé Pasteur pour la consultation de ses archives
Extrait sur l’historique des amicales, in La Question laïque Philippe Waret Collection des Cahiers Roubaisiens Editions Lire à Roubaix

 

Un nouveau centre social

Lors de l’assemblée générale de mai 1988, le Président Jean Deslée aborde la question de la réhabilitation du centre social construit en 1962. En effet, les locaux sont devenus vétustes et trop petits. Sont évoqués la toiture, les ouvrants qui seront refaits entièrement. On prévoit des aménagements intérieurs, tels que l’agrandissement de  la cuisine, mais d’autres locaux viendront compléter l’équipement actuel. Une nouvelle halte garderie, une entrée, des bureaux de permanence plus spacieux, des locaux d’activités  pour les usagers.

Le centre social des Hauts Champs avant rénovation Photo VDN

En décembre 1988, Mme Françoise Van Wambeke remplace M. Deslée démissionnaire, à la présidence de l’association du centre social. Le chantier de transformation est lancé le 4 juin 1989 pour une durée d’un peu moins d’une année. Il est donc projeté de réhabiliter la partie existante, qui couvre 719 m², et de réaliser 280 m² supplémentaires. C’est le cabinet d’architecture Deleligne qui est chargé entre autres, d’améliorer l’esthétique de la façade.

Le projet de rénovation et d’agrandissement du centre social Photos NE & VDN

Ce chantier qui fait l’objet d’un dossier DSQ (développement social des quartiers), est porté par le propriétaire du centre social, à savoir l’association des logements de l’enfance, présidée par M. Cassette. Coût de l’opération, quatre millions de francs. Les financements se répartissent entre l’état et la région, la CAF et le CIL, le département et la ville d’Hem.

La nouvelle façade du centre social des Hauts Champs en 1990 Photo collection Centre Social des Hauts Champs
D’après Nord Éclair et la Voix du Nord

Conférences de jardinage

Avant d’être la cité de tours et d’immeubles que l’on connaît depuis les années soixante dix, le quartier des Trois Ponts était un espace mi industriel, mi champêtre, où se trouvaient des cultivateurs, des horticulteurs et des jardiniers. Dans cette dernière catégorie, il y eut de nombreux jardins ouvriers, à proximité des usines et dépendant d’elles, comme le groupe Cohem situé derrière la teinturerie Delescluse, ou des groupes municipaux, dont celui des Trois Ponts, créé en 1935. Chaque ensemble de jardins était animé par un brigadier, dont le rôle était d’animer la vie des jardins par ses conseils et recommandations, mais aussi de faire respecter la réglementation en vigueur. Les jardiniers participaient sous sa férule à un concours annuel où ils remportaient des prix pour la qualité de leurs cultures et pour la bonne tenue et l’ornementation florale de leur jardin.

Jardinier des Trois Ponts Photo Nord Éclair

Les jardiniers se réunissaient régulièrement à l’occasion de causeries ou de conférences, données par des ingénieurs horticoles, ou des chefs jardiniers de la ville de Roubaix. Ces réunions se déroulaient comme suit : le conférencier faisait son exposé, puis il répondait bien volontiers aux questions de l’assistance, avant qu’ne tombola et le verre de l’amitié ne viennent terminer la séance. Ces conférences se déroulaient dans des lieux très divers. Pour le quartier des trois Ponts, il y eut la salle des fêtes de l’école Jean Macé, mais aussi le café Delaforterie ou le café Cohem.

Conférence dans le café Cohem Photo Nord Éclair

Une des dernières conférences eut lieu au café Cohem en décembre 1968. Elle fut organisée par la société d’horticulture et des jardins populaires de France dont le siège est à Valenciennes. Ce jour là, un professeur d’horticulture vint parler des travaux de saison (élagage, semis), de la conservation des plantes, de l’utilisation des engrais.MM Bolsius délégué régional de la société et Delaforterie, trésorier de la société des Trois Ponts assistaient à cette conférence avec une nombreuse assistance. Une tombola suivit l’exposé.

Ces conférences étaient très suivies et attiraient beaucoup de monde. Elles étaient la preuve que l’activité du jardinage créait des liens et des échanges que la disparition des jardins a définitivement enterrés.

La représentation des locataires

En ce dimanche de février 1964, ils sont venus d’un peu partout, de Croix, de Tourcoing, de Wattrelos, des Hauts Champs…Plusieurs dizaines de véhicules en cortèges se retrouvent sur la Grand place de Roubaix, vers 11 h 00 avec force coups de klaxon. Une partie se gare contre le trottoir de l’esplanade de la mairie, le reste va se garer plus loin, tout cela sans embouteillages. Des affichettes jaunes indiquent qu’il s’agit de la manifestation des locataires CIL HLM contre la hausse des loyers et le manque de logements décents pour trop de gens.

Une délégation de responsables locaux et nationaux est reçue à midi par MM Provo maire de Roubaix et Thibaut, adjoint au logement, dans le salon de l’administration de l’hôtel de ville. M. Desjardin y participe, en tant que vice président de la Fédération de Roubaix Tourcoing et environs, et comme président du syndicat de locataires des Hauts Champs. Le gros de la manifestation reste sur le perron avec banderoles et pancartes, distribuant des tracts aux passants.

Manifestation des locataires en février 1964 Photo Nord Éclair

 

Quelles sont les raisons de cette manifestation ? Les loyers ont augmenté de 54% en six ans et l’on annonce encore une augmentation de 30%, tandis que le nombre des personnes mal logées va croissant. Les revendications de la Confédération Nationale des locataires sont présentées au maire de Roubaix : fixation de taux de loyers à un niveau acceptable et supportable pour toutes les familles, réglementation du prix des loyers et des charges ainsi que droit au maintien dans les logements, effort plus important pour l’entretien et l’amélioration de l’habitat à partir des sommes prélevées sur le montant des loyers, mise à disposition des logements vacants pour les sans logis, réforme de l’allocation logement

Les manifestants réclament une politique du territoire qui réponde aux besoins, et qui soit décidée par les collectivités publiques, les syndicats, les organismes se préoccupant du logement et la confédération nationale des locataires.

Victor Provo est d’accord avec tout ça, et fait quelques remarques : malgré l’immense travail accompli depuis la guerre, l’élan a été ralenti à cause des investissements réduits, des études de projets trop longues. La moyenne de 2000 logements annuels est tombée à 800 sans amélioration prévisible. Le maire socialiste estime aberrante la politique qui consiste à augmenter les loyers tout en bloquant les salaires. Il rappelle que les CIL et HLM doivent également suivre le coût de la vie et rembourser les emprunts. Il termine en félicitant les délégués pour leur manifestation calme et digne, et donne l’assurance que lui-même et son administration poursuivront l’œuvre entreprise.

En mai 1964, autre manifestation symbolique, le congrès national des « CIL paritaires » se déroulera à Roubaix.

L’association des locataires en réunion en 1962 Photo Nord Éclair

Localement, l’association des locataires des Hauts Champs poursuit son action et il y a de quoi faire. En février 1964, l’éclairage est inexistant sur Hem, et les allées autrefois prévues en tarmacadam, sont toujours en scories, ce qui transforme la cité en cloaque boueux pendant l’hiver. Le 6 octobre 1963, les locataires ont fait une manifestation publique pour faire connaître les problèmes du quartier, à la suite de quoi, le 7 novembre, les dirigeants du CIL et du Toit Familial se sont rendus au local de l’association des locataires, pour étudier les revendications. Le 6 décembre, c’est au tour des représentants de l’association, MM Desjardin, Leroy et Monnier de se déplacer au CIL. Tout cela aboutit à la promesse d’allées en tarmacadam pour le début de l’année 1964, dès que le temps le permettra.

Par voie de presse, l’association informe les locataires de ces démarches, et annonce la tenue de nouvelles réunions, avec la commission des équipements sociaux du CIL, en attendant le dépouillement complet de l’enquête-questionnaire lancée le 6 octobre auprès des habitants.

Histoire d’une filature

Le 18 avril1893, Carlos Masurel-Leclercq, alors âgé de 31 ans et demeurant 78 boulevard de Paris, demande l’autorisation de construire une filature de coton sur le boulevard de Fourmies. Cette voie, récemment construite, s’arrête alors à la place de l’Avenir (future place Spriet).  Sa prolongation jusqu’à la future avenue Motte ne sera pas décidée avant 1896. L’usine sera construite sur un terrain situé à droite en venant de la place du Travail, et s’étendant jusqu’à la rue Henri Régnault. La façade de l’usine doit se prolonger vers la gauche par un mur de clôture interrompu par un portail d’accès, lui même suivi de la maison du concierge. Le bâtiment compte trois étages et six modules d’une fenêtre surmontés chacun d’un toit pointu, ainsi qu’une tour abritant un monte-charge.

Le plan original – Document archives municipales

Ce sont les premières années d’existence du boulevard, et on y trouve seulement l’usine Ternynck et fils, et l’estaminet Dubron. En 1903, notre filature prend le numéro 20, alors que le numéro 1, première maison sur le trottoir d’en face, abrite le directeur de l’usine H. Rive. Au 28, juste à côté de la maison du concierge, s’installe l’estaminet Herbaut.

En 1905, la filature change de raison sociale, et prend le nom de Dazin-Motte Fils. Le nouveau propriétaire demande en 1909 l’autorisation d’agrandir l’usine. Le plan joint à la demande prévoit 7 modules-fenêtres supplémentaires identiques aux anciens, mais sans la toiture en pointe correspondant. Une nouvelle demande d’agrandissement est faite en 1927. L’entreprise se préoccupe du bien-être de ses employées, avec une demande de construction pour une garderie d’enfants déposée en 1926. On distingue également sur les photos aériennes des jardins aménagés pour les ouvriers près de l’usine le long de la rue Bernard Palissy. Une photo datant des années 30 montre par ailleurs que la tour d’angle a été surélevée de deux étages.

Photo collection Bernard Thiebaut

Les photos aériennes depuis les années 30 montrent l’usine dans son état définitif. On y voit nettement deux extensions au bâtiment principal, ne comportant pas de toits pointus comme la construction d’origine. On distingue également les jardins ouvriers et la disposition interne de l’usine avec un bâtiment derrière la maison du concierge et deux bâtiments annexes situés le long de la rue Henri Régnault.

Photo IGN 1962

Cette photo nous montre l’usine à la fin de son existence, puisqu’elle va disparaître en 1963.Un reportage de la Voix du Nord de l’époque nous montre le bâtiment en cours de démolition et nous apprend que les travaux ont donné lieu à un accident puisque le vent, soufflant en tempête, a fait s’écrouler un mur affaibli par les travaux, tuant un ouvrier qui se trouvait là.

Photo La Voix du Nord

Le terrain de l’ancienne usine reste en friche très longtemps, et des photos de 1970 nous montrent cette zone transformée en terrain vague, les restes des anciens bâtiments, et de nombreux gravats. Cette situation perdure au delà de la construction de la résidence Palissy, érigée à l’emplacement du bâtiment principal de la filature.

Documents archives municipales

Ainsi se scelle le destin d’une des nombreuses entreprises textiles roubaisiennes, qui prélude à bien d’autres disparitions.

 

Mobilisation des locataires

En 1962, la presse écrit à propos de la cité des Hauts Champs : dès leur arrivée, les locataires trouvèrent sous leur porte un charmant billet qui aurait pu être officiel ou émaner d’un quelconque syndicat d’initiative de quartier. Il s’agissait d’un feuillet contenant outre le plan du quartier lui-même, les adresses principales des services officiels les moins éloignés et les directions des commerces les plus proches. L’association populaire des familles était à l’origine de la rédaction de ce document qui rendit bien des services.

A l’époque, les Hauts Champs sont considérés comme une cité labyrinthe, sans équipements et sans accueil des nouveaux habitants. Il y a bien un gardien, mais était-il formé ? Pas d’aménagements : il n’y a pas de crèche, les enfants jouent au football sur l’ancien terrain de la briqueterie, et dans la cité, un terrain de volley-ball a été installé à l’initiative d’un locataire.

Un terrain de volley-ball de fortune en 1962 Photo Nord Éclair

L’association populaire familiale intervient dans le quartier. Robert Serrurier, responsable du secteur pour l’APF répond à la presse : un service de prêt de machine à laver, aspirateur et cireuse (58 rue Pasteur à Hem) a été mis en place et un service d’aide familiale (81/8 avenue Alfred Motte).

C’est le chauffage qui déclenchera la première action collective. La période de fonctionnement, fixée entre le 15 octobre et le 15 avril ne convient pas, car dès septembre 1960, il fait froid. Quarante personnes font circuler une pétition qui recueille 80% d’avis favorables. De là naît l’idée d’une association des locataires. Elle réunit les quartiers des Trois Baudets, de la Lionderie et les Hauts Champs et sera créée en août 1961. Le Président est Gilbert Guiart, le secrétaire est Alain Desjardin, qui habite le B11. Cette association n’est ni politique, ni confessionnelle, ni raciale. Au cours des réunions, le manque d’équipements est souligné : pas de centre commercial, ni de crèche, pas de terrains de jeux pour les enfants, absence de viabilité, pas d’éclairage, pas de cabine téléphonique, éloignement des moyens de transport. Plusieurs accidents ont eu lieu rue Paré, les écoles sont exigües, mais en voie d’agrandissement. En avril 1962, l’association est forte de 500 adhérents. Un bulletin ronéotypé est tiré qui relate les demandes et démarches effectuées par l’association. Son local, un baraquement qui servit autrefois d’installations sportives, se trouve rue Léon Marlot prolongée et des réunions s’y tiennent régulièrement.

Le local de l’association des locataires des Hauts Champs, Trois Baudets, Lionderie Photo Nord Éclair

De nombreuses associations de locataires se créent à cette époque, du fait de l’augmentation des loyers. Elles se regroupent sous l’égide de la fédération des  locataires CIL HLM de Roubaix Tourcoing.

 

L’union des Trois Villes

Au début des années soixante dix, l’histoire de la cité des Hauts Champs rejoint celle du quartier des Trois Villes. En effet, Hem, Lys et Roubaix se touchent avec les lieux dits suivants : Hauts Champs, Longchamp, Trois-Baudets, Trois–Fermes, Lionderie, Chemin Vert, Gare-de-Débord. Ce quartier des Trois Villes est constitué en grande partie par des constructions réalisées pendant la décennie précédente. Sa population est équivalente à celle d’une commune de 16.000 à 17.000 habitants, selon la presse. Cependant les équipements sont peu nombreux : il y a les écoles, deux centres sociaux, quelques magasins et depuis un an  une maison médicale. Pour animer ce vaste quartier, il faut un cœur de ville, pour lequel un espace existe, la grande plaine qui se trouve derrière la grande barre, entre la maison médicale et le centre social des Hauts Champs.

L’aménagement du terrain derrière la Grande Barre Photo Nord Éclair

En février 1971, au cours d’une réunion organisée par le CIL et les associations représentatives du quartier, les trois municipalités décident de créer un syndicat intercommunal, dont la vocation sera de définir les besoins en équipements du quartier des Trois Villes. Mais il faut attendre le 21 mars 1972 pour que le principe d’une première réalisation soit acté, celui d’une piscine près de la maison médicale. Le Syndicat intercommunal est donc créé, sans tarder, car l’opportunité d’une opération lancée par la Jeunesse et les Sports visant à édifier 1000 piscines industrialisées allait leur échapper, il ne restait qu’une piscine à attribuer pour le département du nord. La construction doit démarrer fin 1973.
Mais le quartier a d’autres besoins d’équipements collectifs : une crèche, un foyer de jeunes travailleurs, un centre de soins, mais aussi un terrain de football, un autre de volley ball, une piste d’athlétisme, sans oublier un bureau de poste, des cabines téléphoniques et une antenne de police.
Un certain nombre de personnes physiques et d’associations se réunissent le 23 octobre 1972 et crée l’Union des associations du quartier des Trois Villes, qui se donne comme objectif de veiller à l’aménagement et à l’équipement des terrains du secteur, en vue d’améliorer le cadre de vie, conformément aux besoins exprimés des habitants. Il s’agit pour eux de ne pas lâcher les municipalités, les administrations, les sociétés HLM pour qu’on passe aux réalisations.

L’Union des associations des Trois Villes en plein travail Photo Nord Éclair

Qui compose cette association ? Des représentants de l‘association des locataires de Longchamp, l’association des parents d’élèves du CES Albert Camus, de l’école Lafontaine, de l’école de Longchamp, de l’association des usagers du Centre Social des Trois Baudets et celle du Centre Social des Hauts Champs. Il y a aussi un certain nombre de personnes du quartier. Le président est M. Jean Lenne, le docteur Philippe Macquet et M. Albert Baetens en sont les secrétaires et M. Francis Noppe le trésorier.
Quels sont ses premières activités ? Trois commissions se sont mises au travail dont les thèmes sont les suivants : une enquête dans le quartier pour déterminer les souhaits de la population, le suivi des équipements décidés et les projets futurs, et enfin l’information auprès de la population et des autorités. L’union des Trois Villes se pose ainsi comme l’interlocuteur privilégié du syndicat intercommunal, et du CIL.

Des usines et des jardins

La Fédération des jardins ouvriers municipaux n’était pas la seule à mettre des terrains cultivables à la disposition des habitants du Nouveau Roubaix. Il existait plusieurs œuvres, fédérations, associations ou entreprises qui auraient pu offrir ce service. Les cartes de l’époque montrent dans le quartier du Nouveau Roubaix une proportion très importante de jardins  qui, pour une bonne part, dépendaient d’autres organismes que la fédération municipale.

AutresJardins

Carte IGN 1939

On sait, par exemple, que les chefs d’entreprise étaient nombreux à confier les terrains inutilisés qu’ils possédaient autour des emprises de leurs usines à certains de leurs ouvriers pour qu’ils les cultivent. C’est assurément le cas pour l’usine Ternynck, devenue ensuite Damart. Ces jardins figurent sur les plans de masse de l’usine dans les années 20 ; ils allaient jusqu’au coin des rues Charles Fourrier, Henri Regnault et avenue Gustave Delory. Ils s’étendaient également devant l’usine, le long du boulevard de Fourmies, jusqu’à la rue Charles Fourrier, sur ce qui est aujourd’hui le parking de la société Okaïdi. On peut penser qu’ils ont été supprimés lors de la cession de l’usine à l’entreprise Damart. Sans doute certaines autres usines du quartier proposaient-elles des parcelles à cultiver. La teinturerie Burel, par exemple, possédait des terrains entre le boulevard de Fourmies et la rue Mignard. Peut-être ces terrains ont-ils été cultivés avant d’être vendus à la société Ferret Savinel ?

JardinsSpriet

Au premier plan à droite, les jardins de la place Spriet, Photo Coll. personnelle – années 50

Enfin, après démembrement de la ferme de la Haye, démolie dans les années 50,  les terrains qui dépendaient de cette ferme ont été transformés en jardins. En particulier, on en trouvait le long de la rue Charles Fourrier, à l’emplacement actuel de l’hôtel des impôts. Il y en avait aussi au bord du boulevard de Fourmies, à l’emplacement du centre sanitaire et social et de la mairie de quartier. Ces derniers jardins ont été supprimés à la fin des années 60 : une photo de la Voix du Nord de 1960 montre les terrains de la rue Charles Fourrier partiellement bâtis, et l’espace resté libre nivelé en prévision de l’installation du marché. Une autre photo de Nord Éclair de 1959 montre le terrain au bord de la place Spriet encore libre de construction, mais abandonné et livré à la végétation. Le centre médico-social sera bâti sur cette zone peu après.

Des témoins affirment qu’il en existait d’autres le long de la rue du chemin neuf. On pense les apercevoir en haut à gauche de la photo couleur entre le groupe scolaire Jules Guesde et le tissage Léon Frasez (aujourd’hui Intermarché).

Par ailleurs, les terrains situés de l’autre côté de l’avenue Motte (contour des petites haies) faisaient toujours partie des emprises SNCF après suppression des installations de la gare de débord. On sait que souvent les abords des voies étaient utilisés comme jardins pour les cheminots. Peut-être trouvait-on également des jardins sur ces terrains le long de l’avenue Motte ? La carte semble le montrer…

De nombreuses questions subsistent au sujet de la position et de l’étendue de ces terrains et jardins, et elles en amènent d’autres : de quels organismes dépendaient-ils ? Comment étaient-ils gérés ? Comment fonctionnaient-ils ? Y en avait-il d’autres, et à quels endroits ? Appel est lancé à la mémoire des anciens jardiniers ou habitants du quartier , qu’ils témoignent, et partagent leurs souvenirs !