La deuxième tranche

En septembre 1960, la deuxième tranche des travaux de construction du lycée est terminée. Plusieurs nouveaux bâtiments : l’un pour les classes spécialisées, dans mon souvenir des années soixante, pour les sciences naturelles et la physique chimie, appelé bâtiment E. J’y ai le souvenir pénible des dissections de batraciens. Dans une autre salle réservée aux cours de dessins, au bout du bâtiment, nous avons découvert la peinture avec Monsieur Huguenin, c’était sans doute plus agréable.

La salle de physique chimie Photo NE

Un autre bâtiment a été construit pour les classes du second cycle, il s’agit pour moi du bâtiment F, le dernier avant qu’on arrive aux équipements sportifs. C’est là qu’on suivait les cours de musique de M. North (orthographe non garantie). Après avoir souffert sur les exercices de solfège, nous avions droit à une récompense, du moins c’est ainsi que je le ressentais. Notre professeur se mettait au piano et il interprétait des œuvres dont je n’ai conservé que le plaisir de les entendre. Je dois sûrement à ces deux professeurs, dessin et musique, mon goût pour les arts.

Le bâtiment F photo NE

On trouve ensuite un gymnase/salle des fêtes -selon la presse de l’époque-, qui abrite en son sous sol une piscine miniature. Il est vrai qu’elle n’était pas bien grande, cette piscine, à tel point qu’on pouvait rien qu’en plongeant atteindre l’autre bord sans avoir esquissé le moindre mouvement de natation. Le retour exigeait quand même qu’on s’agite un peu.

La piscine miniature au sous sol du gymnase
L’entrée du gymnase

A côté du gymnase, un bâtiment de logements pour le personnel. Je me souviens qu’un correspondant anglais y a logé pendant quelque temps, et qu’il y reposait ses oreilles écorchées par notre pratique de sa langue natale pendant nos répétitions de groupe rock.

Il y a aussi l’internat, un immeuble de trois étages, et son dortoir, avec des chambres de trois à cinq lits, rideaux et descentes de lit en cretonne imprimée, pour une capacité d’accueil de 240 internes.

L’internat, ses lavabos et ses tissus en cretonne imprimée

Avec l’achèvement de ces travaux, c’est une centaine de classes qui est mise à la disposition des enfants, un véritable stade scolaire, muni d’équipements et d’installations modernes.

Vue IGN de 1964 avec la répartition des tranches de travaux

Quinze cents élèves peuvent être ainsi accueillis, dans un établissement moderne et aéré, pour un cursus scolaire intégrant les classes primaires jusqu’au baccalauréat.

Inauguration du lycée

Le dimanche 30 septembre 1956, c’est le Président du Conseil en personne, Guy Mollet, qui vient inaugurer le nouveau lycée, qui est ouvert depuis l’automne 1955. L’achèvement de la première tranche des travaux a permis d’accueillir 450 élèves à la rentrée d’octobre 1955. Le lycée n’est donc encore à cette date qu’un collège classique et moderne, car il reçoit les élèves du premier cycle et des classes élémentaires.

Le bâtiment B du lycée en 1956 Photo Nord Éclair

La seconde tranche de travaux lui permettra de devenir un lycée, où seront groupées les classes du premier et second cycle, c’est-à-dire de la sixième aux classes terminales. Bâti sur un vaste terrain, composé de bâtiments reliés par une galerie qui fait fonction de préau, le nouvel établissement possède également une cour d’honneur, une bibliothèque qui surplombe la cour d’honneur, à droite de laquelle se trouve la loge du concierge et les garages à vélo. Les bâtiments terminés sont les suivants : le bâtiment B celui des classes du premier cycle, quinze classes et sept études, le bâtiment C pour les classes élémentaires, onze classes et un préau couvert. Il y a aussi le bâtiment des cuisines, du réfectoire, qui peut recevoir 650 demi-pensionnaires et 180 internes. Il y a également une infirmerie qui peut héberger douze malades. Voilà ce que découvrira Guy Mollet.

Le Président du Conseil Guy Mollet Photo Collection privée et Nord Éclair

Qui est donc le Président du Conseil que reçoit Roubaix ? Élu maire et conseiller général d’Arras en 1945, puis député du Pas-de-Calais en 1946, Guy Mollet devient la même année secrétaire général de la SFIO, jusqu’en 1969. Il est ministre d’État dans les gouvernements Blum (1946-1947) et Pleven (1950-1951) et vice-président du Conseil dans le cabinet Queuille (mars-juillet 1951). Fidèle soutien du gouvernement de Pierre Mendès France, il lui succède en 1956. Président du Conseil (1er février 1956-13 juin 1957) Entre octobre et novembre 1956, il gère la crise du canal de Suez. À propos de l’Algérie, la guerre est pour lui « imbécile et sans issue », l’indépendance est dictée par le bon sens. Il a accordé leur indépendance à la Tunisie et au Maroc, et fait voter la loi-cadre Deferre, qui accorde l’autonomie à l’Afrique noire et annonce l’indépendance. Son cabinet fait adopter une troisième semaine de congés payés, la vignette automobile pour financer l’aide aux personnes âgées sans ressources, des mesures d’aide au logement. En mars 1957, seront signés les traités instituant la Communauté économique européenne (CEE).

Voilà l’homme qu’accueille Roubaix, pour deux réceptions, trois inaugurations, et un banquet. Il arrive d’Arras en voiture à 9 h 30 sur la Grand Place de Roubaix salué comme il se doit par la Marseillaise. Il prononce un premier discours dans la salle du conseil municipal, procède à une remise de décorations, reçoit la plaquette d’honneur de la ville, puis signe le livre d’or. A 10 h00, il se rend en cortège au monument aux morts du boulevard Leclerc pour y déposer une gerbe, tandis que le 43e RI sonne l’appel aux morts. Puis Guy Mollet gagne le lycée en remontant le boulevard de paris, les avenues Jean Jaurès, Gustave Delory, Alfred Motte et Roger Salengro.

Maurice Lefévre, le second Proviseur du Lycée, accueil des officiels Photos Nord Éclair

C’est un nouveau proviseur qui l’accueille, M. Maurice Lefévre, qui vient tout juste de remplacer M. Agnès parti à Constance. Originaire de l’Aisne, il a fait toute sa carrière dans l’académie de Lille, et il vient du collège de Béthune où il était principal depuis 1946.

Le Président du Conseil procède à une visite éclair de la bibliothèque et des classes d’études du premier bâtiment, puis l’on se retrouve dans la grande salle du réfectoire, pour la réception et les discours. Le maire de Roubaix, Victor Provo, prend la parole, raconte la réalisation pratique de l’ouvrage, rend hommage aux constructeurs, vante le cadre et conclut en ces termes : Puisse ce lycée fournir les chercheurs, les savants, les techniciens dont l’Humanité a besoin.

M. Brunol, directeur de l’enseignement du second degré prend ensuite la parole au nom du ministre de l’éducation, et c’est au tour de Guy Mollet. Il dit que ces inaugurations d’établissements secondaires lui procurent les plus grandes joies, car il est de la maison de la grande famille universitaire. Ancien enseignant, il se décrit comme un pédago en politique, mais qui doute au sens noble du terme. Il définit l’éducation, cet ensemble de méthodes par lequel une génération se poursuit dans la suivante, en assurant la continuité d’une action. Il évoque la perspective positive du nouveau lycée : les élèves habitués à des locaux où règnent la clarté, le confort et l’hygiène, ne pourront plus jamais admettre la plaie sociale du taudis, dans leur vie d’homme. Il rend hommage au corps enseignant, parle des réformes en cours et dit l’importance de l’élément intellectuel dans la formation et la culture des jeunes. Il termine en rendant hommage à Roubaix qui fait tant pour la République, tandis que retentit la Marseillaise exécutée par la Grande Harmonie.

Il s’en va ensuite inaugurer le groupe scolaire de la Potennerie, puis c’est une visite à la salle Watremez où se tient le salon international du tourisme et de la fleur. Après avoir traversé la nouvelle cité de la Mousserie, Guy Mollet regagne le centre de Roubaix et va s’incliner devant le monument de Jean Lebas. Il préside enfin un grand banquet au Grand Hôtel où il prononce un discours de politique générale (crise de suez, l’Europe en chantier…). Il quitte Roubaix dans l’après midi pour se rendre à Lomme pour d’autres inaugurations.

Un nouveau lycée à Roubaix

C’est le 23 septembre 1953 que les choses démarrent avec les adjudications des travaux, qui portent sur un devis général de 400 millions de francs. Deux cents vingt cinq entreprises étaient soumissionnaires et on dut mobiliser la salle Pierre de Roubaix pour accueillir les entrepreneurs. Vingt et un lots sont ainsi attribués à cette date.

Le chantier du futur lycée, à l’emplacement des jardins ouvriers d’autrefois Photo Nord Eclair

La première tranche de travaux est immédiatement amorcée. Elle comporte cinq groupes de bâtiments : l’administration,  les classes, une cuisine, un réfectoire…Le chantier commence à l’endroit où se trouvaient autrefois de nombreux jardins ouvriers. Le temps d’automne est favorable, et on procède déjà au coffrage de certains bâtiments. L’hiver rude de 1954 ne favorisa sans doute pas l’avancement des travaux.

Les premiers coffrages Photo Nord Eclair

C’est en juillet que la presse fait un nouveau point de chantier. Quatre bâtiments s’élèvent à présent destinés à l’administration générale, aux classes du premier cycle, aux classes élémentaires, aux cuisines et réfectoire. Des galeries de circulation sont prévues, ainsi que les cours de récréation et la cour d’honneur, où l’on attend l’arrivée d’un bas relief de M. Leleu, Grand Prix de Rome, symbolisant La Connaissance et la Recherche. Le bâtiment du premier cycle comporte quinze classes, huit salles d’études, deux salles de jeux. Le bâtiment de l’administration comprend quatre appartements destinés au proviseur, à l’intendant, au directeur pédagogique et au sous intendant.

Vue du chantier en juillet 1955 Photo Nord Eclair

En avril 1955, le gros œuvre est terminé, les travaux intérieurs sont bien avancés et l’on évoque la première rentrée pour octobre. On pense déjà à la seconde tranche de travaux qui comporte trois bâtiments, deux pour l‘enseignement et le troisième de six étages, pour l’internat. L’aménagement des terrains de sports, un gymnase, des plantations sont également prévus. C’est l’une des plus magnifiques cités scolaires de pays qui se construit à Roubaix !

En prévision de cette ouverture, dès le mois de juin, il est prévu de prolonger la ligne de bus n°15 qui part du quartier du Crétinier, passe par la Fosse aux Chênes, la gare, et dont le terminus est en haut du boulevard de Fourmies. L’autobus empruntera les avenues Motte et Salengro pour rejoindre le lycée. C’est la période de la disparition des tramways dans Roubaix, et il est question de la « motorisation » de la ligne C, qui relie Tourcoing à Toufflers via Roubaix, et qui sera remplacée par deux lignes d’autobus, le 19 et le 20. Il faudra toutefois attendre quelques années avant qu’il y ait un arrêt devant le lycée avec un abri aujourd’hui disparu.

Il fallait un proviseur au lycée roubaisien, le voici présenté par voie de presse en septembre. Il s’agit de M. Albert Agnes, un breton de 44 ans, licencié es lettre à la Sorbonne, titulaire de l’agrégation de grammaire. Professeur à Nantes jusqu’en 1952, il est nommé censeur au Lycée du Puy avant de devenir le premier proviseur du lycée de Roubaix.

Tout est prêt pour accueillir les premiers élèves lors de la rentrée du 1er octobre 1955.

Emprunts, chantier et tramways

En 1932, les travaux entrent enfin dans une phase active. On s’occupe des immeubles à démolir,c’est à dire les numéros 289 à 299 et l’immeuble à l’angle de la rue de Valenciennes. Le 289 est alors occupé par M. Gertgen, négociant en charbons, le 291 par M. Raux, négociant en matériaux. Huit entrepreneurs soumissionnent à l’appel d’offre pour ces démolitions, et c’est l’entreprise Julien Taillez qui est retenue.

Document Journal de Roubaix

La ville a contracté un emprunt de dix millions et demi de francs pour l’exécution des travaux (voie mère, gare de débord, et suppression des passages à niveau), emprunt gagé sur le produite des surtaxes locales temporaires perçues pendant 30 ans. Mais les travaux de démolition des immeubles expropriés, commencés en 1933, s’arrêtent très vite : par suite de l’augmentation des devis, il manque en 1934 deux millions de francs pour poursuivre. La municipalité fait alors une demande de subvention au ministère. D’autres subventions sont demandées aux conseils Régional et Général. Mais il faut aussi procéder soit à un nouvel emprunt, soit à l’augmentation des surtaxes. Les travaux sont au point mort.

En 1936, on en est toujours à essayer de boucler le budget. Les suppressions des PN du boulevard d’Halluin et du Crétinier sont abandonnées. Seul celle du boulevard Beaurepaire reste à l’ordre du jour. Le ministère refuse la subvention demandée, arguant qu’il ne dispose pas de fonds pour supprimer des passages à niveau autres que sur les routes nationales.

Les travaux ne reprennent qu’en décembre 1937. La crise aidant, un arrêté du ministère du travail réglemente fixe les conditions pour les travaux à réaliser : il faut utiliser de la main-d’œuvre locale comprenant au moins 50% de chômeurs secourus et moins de 10% de travailleurs étrangers. De même, les matériaux employés doivent être français. En 1938 les terrassements sont réalisés par les soins de la SNCF. Pour cela, on construit sur le boulevard deux murs de soutènement et on remblaye entre les deux murs. Enfin le pont lui même, supporté par des piliers, est coulé en béton.

Photo archives municipales

A la demande de l’E.L.R.T, et pour renforcer leur résistance aux chocs éventuels, on décide d’intégrer les pylônes supportant la caténaire (fil trolley aérien alimentant les motrices en électricité) dans la structure du pont. Ils seront eux aussi construits en béton armé et implantés au droit des poutres maîtresses ; ils feront ainsi partie intégrante de l’ossature de l’ouvrage.

Photo Nord Eclair

On en est à la couverture de la chaussée. Une adjudication est lancée pour le pavage de la rampe, du pont lui-même, du rond-point près du pont du Sartel, et de la rampe d’accès vers Leers. On pose les rails du tramway. La double voie du boulevard Beaurepaire se réduit à une voie unique sur la rampe et le pont à cause de la largeur du tablier. Les tramways ne pourront donc pas s’y croiser. Il reste enfin à procéder aux essais de résistance du pont avant la mise en service, et le pont devrait être mis en service à la fin du mois de décembre. Mais, nouveau contretemps, le gel intense interrompt les travaux de pavage, et ce n’est que mi-janvier que la circulation peut enfin emprunter le pont.

Documents Journal de Roubaix

 

 

Un pont pour Beaurepaire

Le chemin vicinal d’intérêt commun n°142 (pour nous le boulevard Beaurepaire) traverse la voie ferrée par un passage à niveau. Il se dirige ensuite à droite vers Leers, avec un accès à gauche vers Wattrelos par la passerelle de l’écluse du Sartel.

Plan du quartier en 1899

 Cette traversée à niveau pénalise énormément les usagers du tramway venant ou se rendant à Leers, qui rédigent en 1919 une pétition exposant « la gêne considérable que leur cause le transbordement qui s’effectue sur cette ligne à la traversée du passage à niveau du Chemin de Fer de Somain à Tourcoing. » En effet, depuis la construction de la ligne, les voyageurs doivent descendre du tramway avant le passage à niveau, traverser les voies à pied, puis reprendre un autre tramway pour poursuivre leur voyage, car la compagnie des chemins de fer s’oppose à une traversée à niveau de ses voies. De son côté, l’E.L.R.T a présenté deux projets d’estacade permettant au tramway d’enjamber la voie ferrée. Ces projets sont rejetés en 1908 et en 1920 par le conseil municipal, celui-ci considérant que les rampes d’accès représentant une emprise de 100 mètres de longueur de part et d’autre des voies rendraient le boulevard incommode et feraient subir une dépréciation aux propriétés riveraines.

Les choses en restent là jusqu’en 1924, une conférence réunit alors à Paris au siège social de la compagnie du Nord les parties intéressées. On y évoque la possibilité d’un passage supérieur. Le conseil municipal s’empare du projet, et l’approuve au mois de Juin. L’année suivante, on approuve également la substitution d’un pont fixe au pont levis du Sartel. On décide de réaliser ces transformations. Ce pont fixe sera placé non loin de l’écluse. On construira le pont sur le chemin de fer dans l’alignement du nouveau pont sur le canal et le boulevard Beaurepaire formera un coude vers la gauche au niveau de la rue de Valenciennes pour desservir ces nouveaux ponts sur un remblai rectiligne. La ligne du tramway empruntera ce nouveau pont avant de se diriger vers Leers.

Les intérêts particuliers s’éveillent, chacun essayant de s’adapter à la situation nouvelle. En 1926 la société anonyme des foyers automatiques demande la construction d’un mur de clôture le long du boulevard Beaurepaire, et en commence la construction, arguant d’un « accord verbal » avec l’ingénieur en chef du département, accord nié par l’intéressé, celui-ci précisant « que les autorisations verbales n’existent pas dans mes bureaux ». Le projet inclut une modification du tracé de la rue de Valenciennes pour permettre le passage du tramway. En effet, la rampe d’accès au pont fait que la rue de Valenciennes se trouvera en contrebas du boulevard : on y accèdera par un escalier. La société anonyme des foyers automatiques proteste immédiatement contre ce projet de déviation qui morcellerait son propre terrain et interdirait la possibilité d’un embranchement particulier. Elle propose de faire emprunter au tramway les rues Molière et de Sévigné. La compagnie des tramways propose même de supprimer carrément la desserte de la gare du Pile, la ligne ne quittant plus le boulevard et continuant directement vers Leers.

Le projet primitif prévoit un pont de 34 mètres, mais la compagnie du Nord envisage maintenant un pont de 100 mètres pour favoriser la création d’embranchements particuliers desservant les usines voisines : filature Lepoutre Bonneterie, société des levures et alcools, établissements Petit (accusés d’avoir acheté des terrains dans l’unique but de faire une bonne opération lors des expropriations). La municipalité proteste contre l’augmentation du prix du projet, et ajoute que l’augmentation de la longueur du pont devrait conduire à l’élargissement de sa chaussée pour éviter des encombrements de circulation. La société Lepoutre, propriétaire d’une filature le long du boulevard voudrait récupérer la bande de terrain séparant sa clôture du mur de soutènement en échange d’un morceau de son terrain nécessaire à l’implantation de la rampe d’accès au pont.

 
Le terrain de la société Lepoutre qui doit être exproprié. Photo Nord Eclair

En 1931, on en est à discuter du montant que devra verser l’ELRT pour la réalisation du projet. De nombreux échanges de correspondance, permettent à chacun de défendre ses arguments. Il faut dire que les fonds manquent pour financer les travaux pourtant nécessaires : le directeur des travaux municipaux souligne « qu’il est désirable que la construction du P.S. Du boulevard Beaurepaire ne soit plus remise, en raison… de l’importance des travaux à exécuter qui nécessiterait l’emploi de nombreux ouvriers et serait, par conséquent, de nature à réduire les secours aux chômeurs actuellement payés par votre administration. ». Ce dernier argument fera avancer la décision.

Documents Archives municipales de Roubaix

Le PN 156 de Beaurepaire

Le boulevard de Beaurepaire est tracé au début des années 1870. Peu après, la voie ferrée reliant les gares de Roubaix et Roubaix-Wattrelos (gare du Pile) est posée : Il faut désormais que le boulevard traverse les voies. On installe donc un passage à niveau gardé (c’est le passage à niveau n°156 de la ligne de Somain à Roubaix et Tourcoing). Les emprises de la compagnie des chemins de fer du Nord sont assez larges : elles comportent 3 voies et incluent une bande de terrain supplémentaire permettant une extension éventuelle du nombre de voies. La maison du garde-barrière est placée à côté du château d’eau servant à alimenter les locomotives stationnées en gare. Y est accolée la cabane permettant la manœuvre des barrières.

Photo Nord Eclair

 Mais la ligne de tramway de Roubaix à Leers doit suivre le boulevard Beaurepaire. On veut éviter la traversée à niveau des voies du chemin de fer. On aurait pu faire franchir les voies au tramway par une passerelle comme au petit Lannoy sur la ligne 2 Lille-Leers ou au Sapin Vert pour la ligne 3 Leers-Roncq, mais on choisit de partager la ligne en deux : la ligne H conduit les voyageurs de la gare de Roubaix à la gare du Pile, par le boulevard Beaurepaire, la rue Molière, et la rue de Sévigné. Là, ils doivent descendre et aller jusqu’au passage à niveau pour emprunter la ligne 6, qui les conduira à la place de Leers. Cette lacune oblige les voyageurs à parcourir à pied la distance entre les deux têtes de ligne, ce qui leur permet accessoirement de passer par le bureau de l’octroi, judicieusement placé à cet endroit…

En février 1930, sont prévus dans l’ensemble des grands travaux à caractère ferroviaire (installation de la gare de débord et de la voie-mère avenue Motte, aménagement d’une douane en gare de Roubaix-Ville) la suppression de différents passages à niveau (boulevard d’Halluin et Crétinier rue de Cartigny). Le journal officiel déclare « urgents les travaux définis au projet… en vue des améliorations à réaliser dans les gares de Roubaix et de Roubaix-Wattrelos et à leurs abords».  L’Écho du Nord annonce la prochaine disparition du PN, « qui, sur la route de Leers, entrave si gravement la circulation des voitures et surtout du tramway, puisqu’il entraîne un transbordement de voyageurs ». Un arrêté préfectoral met en place une enquête sur le remplacement du PN par un passage supérieur (où la route surplombe la voie ferrée). Les habitants auront quinze jours pour prendre connaissance du dossier déposé à la mairie et apporter leurs remarques.

Les premiers à se réjouir de ce projet sont assurément les usagers du Tramway, qui pourront ainsi voyager de Roubaix à Leers en évitant un transbordement incommode. Il ne reste qu’à réaliser les travaux…

Photo Journal de Roubaix

 

 

L’aumônerie des Trois Ponts

La question de l’implantation d’une église dans le quartier des Trois Ponts est posée dès la réalisation des logements situés autour de la rue de Maufait, avant la construction de la cité des Trois Ponts, au début des années soixante. On pense édifier un tel édifice, et l’emplacement est d’ailleurs prévu sur un plan de la future cité daté de 1963. Elle se trouve alors à l’angle de la future avenue de Verdun et de la future rue Léo Lagrange, ce qui sera l’emplacement actuel de l’aumônerie…

Le projet de la cité des Trois Ponts en 1963

Une aumônerie n’est ni une église, ni une chapelle. L’abbé Jacques Delfosse en donne la définition suivante : l’aumônerie reçoit tous les élèves qui souhaitent une réflexion sur la foi, sur l’évangile, sur la vie d’un chrétien à l’heure actuelle[1]. Les établissements scolaires voisins concernés sont le lycée Van Der Meersch, le collège Jean Jacques Rousseau et le collège Gambetta de Lys Lez Lannoy. Cette aumônerie est composée d’une grande salle où sont célébrées des messes et où se tiennent les grandes réunions, de quatre petites salles de réunion, d’un oratoire, et de l’appartement de l’aumônier.

 

Mais avant de parler de l’aumônerie des Trois Ponts, il faut évoquer celle qui fut inaugurée en avril 1957 par son Eminence le cardinal Liénart, évêque de Lille, qui se trouvait 380 rue de Lannoy. Ce « foyer catho » selon l’expression de la presse[2], a été réalisé avec le concours de générosités roubaisiennes. Une messe est célébrée par l’abbé Delva, aumônier des Turgotins[3], en présence de l’évêque de Lille, de l’abbé Carlier, curé de la paroisse Notre Dame de Lourdes. L’abbé Antoine-Marie Leclercq, futur aumônier des lycéens, dirige les chants de la cérémonie.

Monseigneur Gand inaugurant l’aumônerie des Trois Ponts

Vingt ans plus tard, le dimanche 20 novembre, c’est Monseigneur Adrien Gand vient à son tour inaugurer la nouvelle aumônerie des Trois Ponts, sise aux n°201 203 de l’avenue de Verdun. L’abbé Jacques Delfosse présente son aumônerie comme un lieu de libération par rapport à soi, par rapport aux idéologies qui nous agressent, par rapport au monde qui nous entoure. Qu’y fait-on ? La catéchèse, les retraites, des messes le mercredi et le samedi en fin d’après midi, un journal, des permanences, la préparation des camps de vacances…


[1] Nord Eclair 17 novembre 1977
[2] Voix du Nord avril 1957
[3] Elèves de l’Institut Turgot

 


 

Un été 67

Enfants au centre aéré du Pont Rouge photo Nord Matin

Il y a quatre mille enfants au centre aéré du Pont Rouge en ce début du mois de juillet 1967 ! Vieille initiative socialiste, le centre aéré du Pont Rouge protège nos enfants des périls de la rue, titre Nord Matin. Les garçons et filles y reçoivent avec les distractions, une nourriture saine et ils peuvent s’ébattre sur les pelouses sous la surveillance de nombreux moniteurs et monitrices. Vers la fin juillet, les animations s’étoffent, car de grandes marques nationales et le journal Nord Matin offrent aux enfants un vrai spectacle de cirque, dans le cadre d’une tournée des camps de vacances. Quatre grands jeux, le tir à l’œuf, le football à l’aveuglette, les gonflements de ballons et la course de chaises à porteur. Puis une exhibition équestre des cinq cavaliers du club de Beuvry les Orchies, une grande tombola avec des lots et cadeaux, tels que les petites voitures Shell Berre et Renault, les choco bn de la biscuiterie nantaise, les caram’choc de la société Delespaul Havez, la dégustation gratuite de Coca Cola, les porte clé du café Grand-mère, des ballons, des gadgets…La tournée se poursuit à Douai et Anzin.

Les moineaux du Pont Rouge photo Nord Matin

En Août, c’est le grand tournoi de football inter-centres aérés, avec l’équipe des moineaux du Pont Rouge, qui ont remporté la première édition l’année précédente. L’équipe de cette année est bien préparée, ce ne sont pas des débutants : cinq sont du Racing stade, trois pratiquent dans les amicales, deux au Cort, un à l’union sportive de Wattrelos et un à l’Iris club de Croix.

Les autres équipes sont celles de Croix avec des gamins entre 12 et 14 ans, dont certains viennent de l’Iris club, leur mascotte est un petit poucet, et de Wasquehal avec un géant de 13 ans qui mesure 1,74 m, et quatre éléments qui évoluent à l’Entente Sportive et deux à l’Iris club. La compétition se déroule en matches aller et retour. Les moineaux du Pont Rouge conservent leur trophée qui leur sera solennellement remis par le maire Victor Provo, à l’issue du dernier match qu’ils remportent 5 à 1 devant Croix.

Épreuves du Junicode photo Nord Matin

Pendant ce temps, voici les épreuves du junicode : du 1er au 19 août, 1400 enfants passent les épreuves sur le code de la route : deux orales, une pratique. Une première série de questions sur le code de la route, et cinq questions  tirées au sort sur 51 possibles. Puis c’est le parcours à voiturettes et bicyclettes. Un certificat de capacité et des prix sont remis à l’issue des épreuves, en présence des personnalités de l’Automobile Club du Nord de la France, de la municipalité et du brigadier Avez, chef de piste, du speaker Petitbon et des moniteurs Tissiné et Verhoye, tous trois appartenant à la Compagnie Républicaine de Sécurité.

Les Rossignols du Pont Rouge photo Nord Matin

On prépare la fête de clôture. Une trentaine d’enfants, encadrés par Serge Renar, vont réciter Rimbaud, Aragon, Verlaine et Jean de la Fontaine, et vont chanter  Sheila, Pétula Clark et des chansons italiennes. La section théâtrale présente des extraits de pièces de Molière, de l’Avare, et du Malade Imaginaire. Les Rossignols du Pont Rouge, une chorale de soixante enfants vont chanter devant Monsieur le Maire, ils se produisent pour la première fois.

En prélude à la grande fête de clôture, Victor Provo et le conseil municipal visitent les installations du centre aéré du pont rouge. C’est une coutume, la visite se termine dans la classe de chant et diction au moment de la finale d’un concours présidé par le docteur Savinel, adjoint aux arts. On va ensuite prendre un repas à la cantine du centre aéré.

Remise de la coupe  Photo Nord Matin

La grande fête de clôture se déroule le 26 août, de 14 h30 à 18 h 30 : divertissements, stands, loteries, rencontres sportives, cinéma, le programme est conséquent. Cette année, un invité d’honneur, André Delelis, député maire de Lens. Les enfants profitent des stands de jeux, et de la séance cinématographique, dont le programme comporte un film d’aventures et un reportage sur le camp de vacances intitulé « reflets du pont rouge ». Il y a aussi la fête dans le réfectoire où les enfants se produisent à la grande joie des parents, avant un spectacle de music hall présenté par « Art et Jeunesse ». Le sport est de la fête : en lever de rideau finale du tournoi des écoles entre l’école Jean Macé et l’école Delespaul, la première gagne par  4 à 2. Puis les deux équipes du CORT et du Racing Club de Lens s’affrontent, Roubaix bat Lens 1 à 0.

Voilà le programme de l’été 67 à Roubaix, pour des enfants qui n’avaient pas l’opportunité de partir en vacances sous d’autres cieux, n’étaient-ce pas des journées de loisirs, de détente et de fêtes bien remplies ?

D’après les articles de Nord Matin

La dernière cense

La ferme et la rue de Charleroi – Photo Lucien Delvarre – 1965
Remarquez la mobylette orange, la 2cv camionette et les pavés

Située dans une courbe et reliée à la rue de Charleroi par un chemin empierré, la ferme Loridant est ancienne : elle figure sur le plan cadastral de 1884, alors que le quartier est à vocation essentiellement agricole et comprend plusieurs grosses fermes. Au début du 20ème siècle, elle reste isolée au milieu de ses terres, puis, entre les deux guerres, une rangée de maisons est construite devant elle, de l’autre côté de la rue, et une teinturerie s’implante juste derrière elle, au carrefour des rues Victor Hugo et de Charleroi. Remarquez sur la photo la mobylette orange, la 2cv camionnette et les pavés d’époque

 

Photo aérienne 1953 – Archives municipales
 

Dans les années 50, les fermes ne sont plus que deux dans le quartier et, en 1959, celle qui nous intéresse possède encore quelques hectares de terre et huit vaches, alors que sa voisine, la ferme des trois ponts ou ferme Lebrun commence à être démolie.

Son exploitation cesse en 1970, et, en 1972, la Voix du Nord, remarquant que « les particuliers n’ont en effet pas perdu l’habitude de considérer le moindre espace inoccupé comme une décharge publique en puissance », cite l’abbé Caulliez qui se se plaint de ce que  : « notre quartier est devenu la poubelle de Roubaix ! … Sur tout ce qui pouvait être, à peu de frais, transformé en espaces verts, on a déposé ce qui devrait être du matériel, mais qui en fait devient un tas de détritus ». Il est fait notamment allusion à d’anciennes pâtures du quartier.

Malgré les efforts de plusieurs personnes, défenseurs du patrimoine, la ferme est finalement démolie dans les années 90, alors qu’elle était encore en bon état et qu’elle aurait parfaitement pu être préservée pour témoigner du passé campagnard de Roubaix.

Photo Lucien Delvarre – 1965

Gymnastique volontaire

La section de gymnastique volontaire Jean Macé Pasteur Photo communiquée par Gillette Mullié

Le projet était « dans les cartons » de l’amicale Jean Macé Pasteur depuis plusieurs mois. En juin 1971, il devient une réalité. Une cinquantaine de dames se retrouvent désormais tous les lundis de 19 h 30 à 20 h 30 pour pratiquer la gymnastique volontaire sous la conduite de Mme Gillette Mullié, professeur d’éducation physique. Dans ce quartier en pleine mutation du Pile et des Trois Ponts, la création d’une section de gymnastique volontaire permet aux dames de conserver forme et entrain dans la bonne humeur. Cette activité demandée depuis longtemps se déroule dans la salle des sports du boulevard de Mulhouse, déjà haut lieu du basket féminin. Cette section de l’amicale Jean Macé Pasteur est présidée par Mme Odette Vroman, entourée par Mmes Honoré et Verspeeeten, secrétaire et trésorière. En avez vous fait partie ? A vos souvenirs !