La Filature de Maufait

Au début des années 1910 on projette de créer un boulevard Industriel comprenant une voie ferrée centrale entre la gare de Roubaix-Wattrelos, dite gare du Pile, et une autre gare, dite de débord qui se situerait au confluent des avenues Motte et Delory, dans le quartier des petites haies.

Pour cela, il s’agit de prolonger l’avenue Motte, qui s’arrête alors rue de Lannoy, à travers une zone constituée des terres des anciennes fermes de l’Espierre et de Maufait, récemment acquises par les hospices de Roubaix. La première guerre mondiale stoppe ce projet, qui doit attendre le milieu des années 20 pour se concrétiser.

Sans attendre la réalisation effective du boulevard, des industriels, et en particulier Auguste Cavrois, s’installent sur cette zone. Celui-ci fait construire dans l’immédiat après-guerre une filature qui prend la dénomination de « Filature de Maufait » le long du futur tracé du boulevard. On voit sur le plan que le terrain à gauche est au nom de Cavrois, qui ouvrira là une dizaine d’année plus tard la filature Cavrois et Fils. A droite, le terrain est la propriété des hospices.

Plan de 1926 – document archives municipales

Cette usine sera plusieurs fois agrandie et modifiée tout au long de son existence. Dès 1919, M. Bonte fait une demande pour la construction d’une cabine de distribution électrique au coin du chemin menant à l’usine, sur l’emplacement de jardins ouvriers. En 1930 la société fait deux autres demandes concernant l’agrandissement de deux nefs du magasin

Document archives municipales

 Cette même année, l’entreprise demande l’autorisation de construire une rangée de 10 maisons ouvrières sur le type E3 de la maison Roubaisienne le long de l’avenue, devant la filature. Seront-elles réservées aux employés de la filature ? Ces maisons bordent encore l’avenue Roger Salengro aujourd’hui.

Plan archives municipales – Photo Jpm

 D’autres travaux modernisent les locaux : la reconstruction d’une tour réfrigérante au même endroit que l’ancienne en 1936, la construction d’un monte-charge en 1939, et l’agrandissement d’un atelier en 1947. Par ailleurs, la dénomination de la société change au fil du temps : Le Ravet-Anceau fait, au départ, état de la dénomination « Filature de Maufait, laines peignées » au 105 Boulevard Industriel. Dès 1932 un changement de numérotation fait passer l’adresse au 137, puis 139 en 1935. En 1939 la société devient « Etablissements Bonte et Cie », puis en 1953 « Filature de Beaurepaire, Etablissements Bonte et Cie ». En 1959 l’intitulé redevient « Etablissements Bonte et Cie (Filature de Maufait) ».

L’entreprise n’échappe pas à la crise du textile, et notre filature finit par disparaître du Ravet-Anceau en 1984. Les bâtiments survivent quelque temps à l’entreprise : une photo aérienne de 1988 nous montre l’usine en place. Elle sera pourtant remplacée par un lotissement bâti autour de la rue Henri Delvarre.

Le site de la filature en 1964 et de nos jours – photos IGN

 

Une rue pour Léonie

En août 1914, Marie Léonie Vanhoutte, qui exerçait la profession de giletière, travaille à l’installation des ambulances de la Croix Rouge, rue Pellart, où elle est infirmière de salle. Au moment de l’invasion allemande, elle laisse la place aux infirmières allemandes, en emportant cependant deux objets précieux, qui lui seront fort utiles par la suite, son brassard et sa carte d’infirmière.

 Affiche occupation allemande & Léonie Vanhoutte documents archives municipales de Roubaix

Son premier voyage de passeuse, elle le fait pour son frère, un évacué mobilisable n’ayant pu rejoindre le front, qui souhaitait rejoindre la France libre. Elle fera soixante dix kilomètres à pied de Roubaix à Gand, passera en Hollande, et mènera quatre hommes à la liberté. Lors d’un nouveau voyage, elle recueille des informations sur les mouvements de troupe et les emplacements des batteries ennemies. Elle vient de rencontrer son amie Louise de Bettignies, qui fait d’elle son lieutenant sous le sobriquet de Charlotte, dans un réseau financé par les anglais. Ses missions sont les suivantes : passages de personnes, collectes de renseignements, transferts de correspondance, de la France occupée vers la Hollande, à travers la Belgique.

 Roubaix occupée par les allemands, ici au Pile Photo Nord Eclair

Le 24 septembre 1915, elle sera arrêtée sur dénonciation, à Bruxelles, quelques jours à peine avant Louise de Bettignies. Incarcérées toutes les deux à la prison St Gilles de Bruxelles, elles seront d’abord condamnées à mort, puis déportées à Siegburg en Allemagne, où Louise de Bettignies mourra d’une pleurésie purulente en septembre 1918, alors que Marie Léonie luttait elle-même contre le typhus qu’elle avait contracté à force de soigner ses compagnes de captivité atteintes de cette maladie.  Elle sera libérée le 3 octobre 1918 par des évadés belges et fronçais accompagnés de soldats allemands au moment de la proclamation de la République allemande.

 Léonie Vanhoutte honorée en 1919 et en 1927 Photo Journal de Roubaix

Le 24 Août 1919, elle reçoit la croix de guerre, Elle recevra aussi la Médaille Militaire anglaise, la Croix de Chevalier de l’Ordre de l’Empire Britannique ainsi que la Croix Civique belge. Antoine Redier écrira l’histoire de Louise de Bettignies et de Marie Léonie Vanhoutte en 1923 dans un ouvrage intitulé La Guerre des Femmes publié aux éditions de la Vraie France. Le 27 février 1927, elle obtient la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur. Elle épousera Antoine Redier, son chroniqueur en 1934.

En 1966, elle était promue au grade d’Officier de la Légion d’Honneur. Elle s’éteignit le 4 mai 1967 à l’âge de 79 ans et repose désormais dans l’ancien cimetière de Hauteville, dans le caveau de la famille Redier. Une rue porte désormais son nom dans la cité des Trois Ponts.

On lira avec intérêt

Le livre d’Antoine Rédier La Guerre des femmes, couronné par l'Académie Française
dont sera tiré le film Sœurs d'armes de Léon Poirier en 1937
Et on visitera la magnifique exposition virtuelle de la bibliothèque numérique de la médiathèque de Roubaix intitulée la Fleur au fusil
http://www.bn-r.fr/expositions/lafleuraufusil

Une rue coupée en deux

Vingt ans après le tracé de la rue de Leers, et à la demande des riverains, on projette en 1890 le percement d’une rue parallèle, qui relierait le chemin du Sartel et le chemin de Carihem. Cette voie va couper en deux les terres de la ferme Bury-Courcelles, appartenant alors à Emile Tiers, qui représentent l’essentiel des terrains entre le canal et la voie du chemin de fer. La ferme elle-même est desservie par un court chemin privé ouvrant sur la rue de Leers. La nouvelle rue la borderait ainsi à l’Ouest. M. Tiers est également propriétaire d’une autre ferme située rue de Carihem, à son carrefour avec la future rue. Le plan d’origine s’arrête à l’ancien chemin n°9 dont la partie allant du Sartel aux trois Ponts a été coupée en deux par la construction de la gare du Pile. La dernière partie du chemin allant vers le canal deviendra la rue Basse.

Le quartier en 1886 – Document archives municipales

 Les riverains signataires de la pétition s’engagent à céder le terrain nécessaire au percement d’une voie de 12 mètres de large, comportant une chaussée de 7 mètres qui serait pavée au fur et à mesure des constructions et comporterait un aqueduc destiné à évacuer les eaux de cette zone. Ils s’engagent également à participer aux frais d’établissement de la voie et de l’aqueduc. La mairie, soucieuse d’ajouter une voie qui permettra aux industries de s’installer entre chemin de fer et canal, autorise l’ouverture de la rue Boucicaut, et la classe dans le réseau des voies publiques roubaisiennes. Mais l’aqueduc ne dépassera jamais la rue d’Amsterdam. Dès l’année suivante, les Hospices, propriétaires du triangle formé par le boulevard Beaurepaire, la rue Basse, et le chemin de fer, acceptent de céder gratuitement le terrain nécessaire à la prolongation de la rue jusqu’au boulevard.

La proximité du canal et du chemin de fer favorisent la desserte d’entreprises industrielles, et celles-ci s’installent très vite : dès 1903 s’installe le long de la rue, la fabrique d’engrais Honoré de Koning qui s’étend sur 80 mètres de façade ; puis, un peu plus loin, l’atelier de mécanique de M. Grau. De l’autre coté, s’implante la brasserie Brichaert Gertgen. En 1909, M. Deroubaix demande l’autorisation de construire une fonderie de fer et de cuivre. On trouvera dans les années suivantes une fonderie au 3 (Cateau et Espriet), et une autre au 75 après la rue d’Amsterdam (J. Menu). En 1935, on la retrouve sous la dénomination des fonderies du Sartel. Cette même année, s’implante une entreprise de charpente métallique au 14 (M. Browaeys) et du côté pair une usine d’engrais Houzet-Debruycker. Plus tard, après la guerre, l’entreprise Mather et Platt font construire un atelier de mécanique à côté des établissements Browaeys.

Une photo aérienne de 1932 nous montre la densité des constructions du début de la rue :

Photo IGN

On voit également que la rue accueille aussi des habitations, souvent implantées par rangées transversales, propriétés de MM. Triboux, Tiberghien et Farvacque. En 1943, on trouve la cité Dorchies après le numéro 67.

Mais, sans qu’on sache trop pourquoi, les constructions ne semblent pas s’étendre au delà de la limite de l’ancienne ferme de Bury-Courcelles. La rue, encore qu’incomplètement viabilisée, et revêtue de scories, est pourtant tracée jusqu’à la rue de Carihem. Elle est même suffisamment empruntée pour que la traversée de la voie ferrée soit protégée (après guerre, M. Lemaire est garde-barrière). Mais, ne desservant pas d’habitations, la rue est de moins en moins utilisée. Sa largeur diminue faute de passage et elle ne dessert plus que des jardins ouvriers. Enfin, en 1973,  la création du centre de tri lui porte le coup de grâce ; la maison du garde-barrière est rasée et la rue est barrée, n’offrant plus, vue du ciel, que l’aspect d’un simple sentier.

Photos IGN 1962 et 1976

La rue, qui comptait 945 mètres de longueur en 1958, est désormais coupée en son milieu et sa dernière partie annexée au centre de tri. Les passants n’auront même pas eu à perdre l’habitude de l’emprunter jusqu’au bout !

 

Conférences de jardinage

Avant d’être la cité de tours et d’immeubles que l’on connaît depuis les années soixante dix, le quartier des Trois Ponts était un espace mi industriel, mi champêtre, où se trouvaient des cultivateurs, des horticulteurs et des jardiniers. Dans cette dernière catégorie, il y eut de nombreux jardins ouvriers, à proximité des usines et dépendant d’elles, comme le groupe Cohem situé derrière la teinturerie Delescluse, ou des groupes municipaux, dont celui des Trois Ponts, créé en 1935. Chaque ensemble de jardins était animé par un brigadier, dont le rôle était d’animer la vie des jardins par ses conseils et recommandations, mais aussi de faire respecter la réglementation en vigueur. Les jardiniers participaient sous sa férule à un concours annuel où ils remportaient des prix pour la qualité de leurs cultures et pour la bonne tenue et l’ornementation florale de leur jardin.

Jardinier des Trois Ponts Photo Nord Éclair

Les jardiniers se réunissaient régulièrement à l’occasion de causeries ou de conférences, données par des ingénieurs horticoles, ou des chefs jardiniers de la ville de Roubaix. Ces réunions se déroulaient comme suit : le conférencier faisait son exposé, puis il répondait bien volontiers aux questions de l’assistance, avant qu’ne tombola et le verre de l’amitié ne viennent terminer la séance. Ces conférences se déroulaient dans des lieux très divers. Pour le quartier des trois Ponts, il y eut la salle des fêtes de l’école Jean Macé, mais aussi le café Delaforterie ou le café Cohem.

Conférence dans le café Cohem Photo Nord Éclair

Une des dernières conférences eut lieu au café Cohem en décembre 1968. Elle fut organisée par la société d’horticulture et des jardins populaires de France dont le siège est à Valenciennes. Ce jour là, un professeur d’horticulture vint parler des travaux de saison (élagage, semis), de la conservation des plantes, de l’utilisation des engrais.MM Bolsius délégué régional de la société et Delaforterie, trésorier de la société des Trois Ponts assistaient à cette conférence avec une nombreuse assistance. Une tombola suivit l’exposé.

Ces conférences étaient très suivies et attiraient beaucoup de monde. Elles étaient la preuve que l’activité du jardinage créait des liens et des échanges que la disparition des jardins a définitivement enterrés.

La tutelle de Carpeaux

Suite à la réunion de l’association des locataires des Trois Ponts en mai 1972, un inventaire des besoins est dressé, qui regroupe les pétitions faites par un grand nombre d’habitants et donne un regard significatif sur l’état des travaux dans la toute nouvelle cité. On y retrouve les points suivants : une seule cabine téléphonique pour toute la cité, la question du centre commercial, les aires de jeux et espaces verts, la crèche, le centre social, le foyer des vieillards… Puis on apprend que d’ici à la fin de l’année 1972, 5.000 personnes vont habiter la cité et que  l’ouverture du centre commercial doit intervenir en juin ou juillet, celle de la crèche fin 1973. Les autres projets suivront…

Une vue de la cité des Trois Ponts dans les années soixante dix Photo Collection Particulière

Déjà un certain nombre de dames des Trois Ponts participent aux activités du Centre familial de la rue Carpeaux pourtant situé à plus de trois kilomètres de la cité. Un collectif de dames sollicite alors la Ville en la personne de Mme Prouvost Franchomme pour que des activités de loisir enfants et adultes puissent se tenir dans les m² sociaux des Trois Ponts. La demande est orientée vers l’office HLM, propriétaire des locaux, qui répond que les m² sociaux ne peuvent être confiés qu’à une association ou un centre social. Une démarche est faite auprès du Centre Familial Carpeaux, qui accepte d’ouvrir une antenne aux Trois Ponts dans la Tour E au printemps 1972, où se trouve déjà l’association de locataires.  En Juin 1972, 153 personnes fréquentent ce premier centre social des Trois Ponts, où l’on peut trouver les activités suivantes : un club féminin animé par Mmes Delannoy, Delsalle, Manoury et Melle Leveugle, des loisirs pour la jeunesse avec une monitrice du Centre Familial Carpeaux, Mme Lescroart[1], et un club du 3ème âge pris en charge par Mme Ricard.

 

Activités au Centre Familial des Trois Ponts en 1973 Photos Nord Éclair

Un an plus tard, alors que les projets de construction se transforment, on parle à présent de réunir dans un même immeuble le centre social et le centre de soins, mais dans un avenir indéterminé, le centre commercial a été réalisé et on parle déjà de l’agrandir. En mai 1973, les activités du centre familial des Trois Ponts, qui occupe à présent provisoirement deux rez-de-chaussée (tours D et E),  se développent et se diversifient : club féminin, loisirs enfants, club du 3ème âge, cours de couture, cours de cuisine, club adolescents, danses collectives. Le personnel est le même que celui du Centre familial Carpeaux, qui a les Trois Ponts dans son secteur géographique. On prévoit la construction du futur centre pour la fin de l’année 1973 et l’ouverture en 1974. En Octobre 1973, toujours dans les m² sociaux des tours D et E, s’ajoutent aux activités déjà citées, une permanence pour les veuves civiles, une permanence HLM, la présence d’une assistante sociale. Le groupement des locataires est également présent dans ces locaux. En Juin 1974, signe du bon fonctionnement du centre familial des Trois Ponts, une exposition des travaux réalisés par les clubs est proposée dans les locaux des tours D et E : on y présente des confections de vêtements, émaux, vannerie, broderie, travaux des enfants et même dégustation des somptueux mets de l’atelier cuisine.

 

L’exposition de 1974 Photo Nord Éclair

L’antenne des Trois Ponts se développe rapidement : une équipe professionnelle  autonome est constituée en 1974, un directeur est nommé en fin d’année, des activités complémentaires sont mises en place.  En Avril 1975, lors de la fête exposition du centre des Trois Ponts, qui,  pour l’occasion se déroule dans les locaux de l’école Léo Lagrange, 26 rue d’Ypres, le directeur du centre Bernard Lescrauwaet souligne la difficulté que représente l’éparpillement des nombreuses activités dans les différentes tours. Enumérant les différentes activités et réalisations, il conclut : Le Centre Social des Trois Ponts existe, il ne manque que des murs.

 

 

Remerciements à Mme Gisèle Delannoy pour son témoignage et la consultation de ses archives

 


[1] Peut-être s’agit-il de Mme Lescrauwaet, épouse du futur directeur du Centre Social ?

Charbons et automobiles

En 1932, les travaux de construction du pont supérieur entraînent l’expropriation de M. Raux, négociant en matériaux, au 289 boulevard de Beaurepaire, après le passage à niveau. Il va alors s’installer sur le boulevard Industriel près du passage à niveau du Carihem, et dépose une demande pour la construction d’un mur de clôture et pour la construction d’un magasin, au n° 171. Deux ans plus tard, Edouard Raux fait bâtir une maison d’habitation sur la partie du terrain situé en bordure du boulevard industriel. L’architecte choisi par le propriétaire est René Dupire. On peut toujours voir cette maison de nos jours, de même que le mur de clôture.

Document Archives municipales

M. Raux apparaît en 1935 dans le Ravet Anceau, sous la rubrique « matériaux de construction ». Au début des années 50, il devient négociant en charbons. En 1959 apparaît, en plus de la mention des charbons Raux, la raison sociale SAVCA, combustibles liquides et gazeux. Les photos aériennes de 1953 nous montrent l’existence d’un embranchement particulier sur la voie ferrée centrale de l’avenue Salengro, permettant aux wagons de décharger directement dans la cour de l’entreprise. L’aiguillage d’accès était placé au niveau de l’actuelle avenue de Verdun ; c’est le seul embranchement sur cette voie. On distingue nettement les différents tas de charbons, et en haut de la photo, plusieurs tombereaux SNCF qui viennent d’être déchargés,  et un tronçon de la voie qui suivait l’axe de l’avenue Roger Salengro.

Photo archives municipales et photo Jpm
 

En 1970, l’entreprise se diversifie : parallèlement à la SAVCA, apparaît à la même adresse la société nouvelle de carrosserie automobile. En revanche, il n’est plus fait mention de commerce de charbons. L’entreprise a disparu en 1974,  M. Raux a sans doute pris une retraite bien méritée…

Photo Archives municipales

Le Ravet Anceau de 1979 mentionne les Établissements Ponthieux automobiles, concessionnaires Ford au 209, et J. Leys au 227. La photo aérienne nous montre qu’une partie du terrain a été distrait de l’ensemble pour y construire des maisons, et que les voitures ont désormais remplacé les tas de charbon !

Documents archives municipales
 

Le Ravet Anceau de 1987  indique toujours le garage Ponthieux, concessionnaire Ford, mais bientôt l’affaire est vendue à M. Rogier qui installe avenue Roger Salengro le garage Valauto sous la marque Volkswagen-Audi. Ce garage était précédemment installé au coin de l’avenue Motte et de la rue Jean-Jacques Rousseau, près de l’Usine sous l’enseigne MBBM, et son propriétaire était alors M. Mandron. Le départ du garage permettant à l’Usine de s’étendre – juste retour des choses – sur un terrain qui faisait partie, à l’origine, de l’usine de velours Motte-Bossut.

Photo Jpm

Le berceau du rugby roubaisien

Le lycée Van Der Meersch réunissait toutes les conditions requises et nécessaires à la création d’un club de rugby à Roubaix, à savoir un terrain, de l’encadrement sportif et administratif, et surtout des joueurs !

La création du foyer socio-éducatif du lycée intervient fin 1968. A cette date, il y a une symbiose forte entre les parents d’élèves, l’équipe pédagogique et les élèves. De nombreuses sections sont créées parmi lesquelles des activités de chorale, de théâtre, un cercle historique animé par M. Wytteman, professeur d’histoire et géographie, et l’organisation de voyages (Autriche, Angleterre). Il y a aussi des activités sportives animées par les professeurs d’éducation physique du lycée, à l’occasion des après midi sportives (football, hand ball, natation, équitation, golf…et rugby).

La naissance du rugby club Roubaix en 1975 Photo Nord Éclair

C’est André Burette, professeur d’éducation physique, natif du nord, passionné de rugby, qui lance la pratique de ce sport à partir de 1970. D’abord pendant les heures de cours, il est bientôt rejoint par son collègue Perez qui lui, est originaire du sud ouest. On se souvient encore des rencontres mémorables entre littéraires et scientifiques, notamment ce match où le hasard d’un drop littéraire anéantit la stratégie scientifique…Les deux professeurs lancent une équipe de rugby dans le championnat scolaire universitaire à partir de 1972.

Les élèves rugbymen brillent dans les premiers championnats d’académie. Arrive leur dernière année de terminale, ils décident de rester à Roubaix et de créer un club, pour conserver les liens de camaraderie. A l’époque, dans la région, il existe comme clubs de rugby, le Lille Université Club, le Rugby Olympique Club  Tourcoing, et l’Iris de Lambersart.

Le club roubaisien va se créer en 1975 à partir d’un noyau d’une bonne centaine de personnes, avec des équipes cadets, juniors et seniors. L’impulsion vient surtout des juniors, parmi lesquels on peut citer Dominique Vermeulen, futur président et Patrick Mullié.

Terrains sportifs, l’un est aux normes du rugby, l’autre non Cliché IGN 1964

Pour créer un club, il faut un terrain de rugby homologué, et celui du lycée Van Der Meersch est le seul qui le soit à Roubaix. Cela est du au fait que les installations sportives de l’établissement ont été utilisées très tôt pour le sport universitaire. Mais il faut également parler des classes de préparation au professorat d’éducation physique, où sont passés des sportifs comme Guy Drut, et Jacques Carrette. Le lycée dispose ainsi d’une piste d’athlétisme, de terrains de basket homologués. André Burette a pris contact avec la fédération, et le terrain a donc été homologué pour le rugby.

M. Vergin, proviseur du lycée devient ainsi le Président d’honneur du club. Mais il faut un Président actif, et ce sera une présidente, Mme Gillette Mullié. Elle a les compétences requises : professeur d’éducation physique, présidente des parents d’élèves (association Cornec), des fils rugbymen…et quelques relations, en ville comme dans le monde sportif.

Dans un premier temps, il faut s’adresser à la mairie, pour présenter le projet et porter le nom de Roubaix. Gillette rencontre le maire de l’époque, Victor Provo. Le premier magistrat de la ville est enthousiasmé, mais ayant eu quelques déboires avec un autre sport au passé glorieux, il pose une condition en ces termes :

Petit, un club de rugby, mais pas comme le football, il y en aura un, pas d’autre !

Ensuite, ce sont les démarches à la fédération, et la demande de création du club qui prend pour nom Rugby club Roubaix et pour siège le foyer socio-éducatif du lycée Van Der Meersch. Très vite, les joueurs se sont inscrits pour se former, car il faut fournir un arbitre par an, entre autres exigences sportives.

A sa création, le Rugby Club de Roubaix joue en division d’honneur, ses couleurs sont celles du club de Narbonne qui va parrainer les rugbymen roubaisiens : maillot et chaussettes orange, short noir. C’est le début d’une grande aventure qui dure toujours, et dont nous espérons raconter l’histoire dans de prochains épisodes…

Merci à Gillette Mullié, première Présidente active d’un club de rugby masculin, de 1975 à 1981, pour ce magnifique témoignage. Précisons qu’elle est toujours Présidente d’Honneur du club auquel elle est restée très attachée !

Beaurepaire : le dernier pont

Si la construction du pont Beaurepaire a connu bien des vicissitudes et des atermoiements, la lenteur de son élaboration n’aura pourtant pas été synonyme de longévité, et, peu après sa mise en service, il commence à faire parler de lui. Dès1962, des fissures sont constatées, qui conduisent à l’ interdire aux plus de 9 tonnes. Par ailleurs, la Voix du Nord, faisant écho à de nombreuses réclamations, dénonce en 1963 le danger représenté par le virage situé à l’entrée du pont, trop brusque et sans visibilité. 1967 voit s’effectuer des travaux de colmatage des fissures, et on ré-augmente le poids maximum admissible sur le pont pour le porter à 15 tonnes. Ces travaux ne sont pourtant pas suffisants, et, en 1972, un contrôle de routine effectué par la SNCF met en évidence une fissure importante qui s’accroît dans le tablier du pont. Les ponts et chaussées prennent d’urgence la décision d’interdire aux poids lourds le transit par le pont. Cette fois-ci, le poids total autorisé est ramené à 3 tonnes et demi. Heureusement, le pont du Carihem, qui vient d’entrer en service, permet de dévier le flot de camions en direction de Wattrelos et Leers.

Photo Nord Eclair.

Ces mesures sont encore insuffisantes et, en 1976, les fissures s’agrandissant et les poutres maîtresses semblant trop faibles, on décide de démolir complètement le pont et de le reconstruire à neuf. La voie d’accès du côté de Wattrelos sera élargie pour faciliter la circulation : des îlots directionnels seront créés pour séparer les courants de circulation vers Roubaix, Watrrelos et Leers à la place du terre-plein existant. On lance une enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, et les riverains sont consultés, qui pourront faire toutes les remarques nécessaires. Le chantier devrait durer un an et s’étendre sur 1977 et 1978. Pendant ce temps, les véhicules devront emprunter le pont du Carihem ou le pont Nickès.

Photo Nord Eclair

 

Mais, malgré l’état du tablier qui s’aggrave, les préliminaires traînent et les travaux de démolition ne sont finalement programmés qu’en septembre 1979. On complète le projet en y incluant des pistes cyclables. La largeur du pont passera ainsi de 11 à 13 mètres. Une passerelle provisoire permettra aux piétons de traverser les voies du chemin de fer. Les îlots directionnels prévus comporteront des feux rouges.

Finalement, les travaux commencent en Juillet 80 par la construction d’un échafaudage en bois et de la passerelle pour les piétons, suivies par les premiers travaux de démolition.

Photos Nord Eclair

La passerelle est édifiée à quelques mètres à droite du pont lorsqu’on vient de Roubaix. Elle relie le chemin qui longe l’usine Stein à la rue Boucicaut, de l’autre côté des voies. On prévoit d’adoucir le fameux virage côté Roubaix, vilipendé en 1963 par la Voix du Nord, grâce à la démolition d’un bâtiment de l’usine Lepoutre, situé à l’intérieur de la courbe. Au mois d’Août, l’ancien pont a disparu. On pose les piles du nouveau, puis les poutres principales, et enfin le tablier.

Quelques vues aériennes nous permettent d’apprécier l’évolution du site au fil des années :

Photos IGN

En 1932, le pont n’existe pas encore et le boulevard Beaurepaire n’est coupé que par le passage à niveau et l’écluse. En venant de Roubaix, une route sur la gauche mène au nouveau pont du Sartel,qu’elle atteint par une courbe. Le carrefour ne montre aucun aménagement spécial. En 1962, le premier pont conduit en ligne droite au pont du Sartel, au prix d’une courbe prononcée au niveau de l’usine Stein. Le terre-plein central de forme triangulaire sépare, au carrefour, les courants de circulation. L’ancienne extrémité du boulevard Beaurepaire est maintenant une impasse. La photo de 1983 montre le nouveau pont, plus large, et dont la courbe a été adoucie grâce à la démolition partielle des bâtiments situés au bas et à droite de la photo. Les circulations entre Wattrelos, Leers et Roubaix sont séparées par des îlots directionnels, renforcés par une importante signalisation peinte sur la chaussée . Retour à la simplicité en 2010, où ce dispositif complexe est remplacé par un rond-point. Le pont Beaurepaire, lui, n’a pas changé, si les bâtiments industriels qui l’enserraient côté Roubaix ont disparu.

 

La deuxième tranche

En septembre 1960, la deuxième tranche des travaux de construction du lycée est terminée. Plusieurs nouveaux bâtiments : l’un pour les classes spécialisées, dans mon souvenir des années soixante, pour les sciences naturelles et la physique chimie, appelé bâtiment E. J’y ai le souvenir pénible des dissections de batraciens. Dans une autre salle réservée aux cours de dessins, au bout du bâtiment, nous avons découvert la peinture avec Monsieur Huguenin, c’était sans doute plus agréable.

La salle de physique chimie Photo NE

Un autre bâtiment a été construit pour les classes du second cycle, il s’agit pour moi du bâtiment F, le dernier avant qu’on arrive aux équipements sportifs. C’est là qu’on suivait les cours de musique de M. North (orthographe non garantie). Après avoir souffert sur les exercices de solfège, nous avions droit à une récompense, du moins c’est ainsi que je le ressentais. Notre professeur se mettait au piano et il interprétait des œuvres dont je n’ai conservé que le plaisir de les entendre. Je dois sûrement à ces deux professeurs, dessin et musique, mon goût pour les arts.

Le bâtiment F photo NE

On trouve ensuite un gymnase/salle des fêtes -selon la presse de l’époque-, qui abrite en son sous sol une piscine miniature. Il est vrai qu’elle n’était pas bien grande, cette piscine, à tel point qu’on pouvait rien qu’en plongeant atteindre l’autre bord sans avoir esquissé le moindre mouvement de natation. Le retour exigeait quand même qu’on s’agite un peu.

La piscine miniature au sous sol du gymnase
L’entrée du gymnase

A côté du gymnase, un bâtiment de logements pour le personnel. Je me souviens qu’un correspondant anglais y a logé pendant quelque temps, et qu’il y reposait ses oreilles écorchées par notre pratique de sa langue natale pendant nos répétitions de groupe rock.

Il y a aussi l’internat, un immeuble de trois étages, et son dortoir, avec des chambres de trois à cinq lits, rideaux et descentes de lit en cretonne imprimée, pour une capacité d’accueil de 240 internes.

L’internat, ses lavabos et ses tissus en cretonne imprimée

Avec l’achèvement de ces travaux, c’est une centaine de classes qui est mise à la disposition des enfants, un véritable stade scolaire, muni d’équipements et d’installations modernes.

Vue IGN de 1964 avec la répartition des tranches de travaux

Quinze cents élèves peuvent être ainsi accueillis, dans un établissement moderne et aéré, pour un cursus scolaire intégrant les classes primaires jusqu’au baccalauréat.

Inauguration du lycée

Le dimanche 30 septembre 1956, c’est le Président du Conseil en personne, Guy Mollet, qui vient inaugurer le nouveau lycée, qui est ouvert depuis l’automne 1955. L’achèvement de la première tranche des travaux a permis d’accueillir 450 élèves à la rentrée d’octobre 1955. Le lycée n’est donc encore à cette date qu’un collège classique et moderne, car il reçoit les élèves du premier cycle et des classes élémentaires.

Le bâtiment B du lycée en 1956 Photo Nord Éclair

La seconde tranche de travaux lui permettra de devenir un lycée, où seront groupées les classes du premier et second cycle, c’est-à-dire de la sixième aux classes terminales. Bâti sur un vaste terrain, composé de bâtiments reliés par une galerie qui fait fonction de préau, le nouvel établissement possède également une cour d’honneur, une bibliothèque qui surplombe la cour d’honneur, à droite de laquelle se trouve la loge du concierge et les garages à vélo. Les bâtiments terminés sont les suivants : le bâtiment B celui des classes du premier cycle, quinze classes et sept études, le bâtiment C pour les classes élémentaires, onze classes et un préau couvert. Il y a aussi le bâtiment des cuisines, du réfectoire, qui peut recevoir 650 demi-pensionnaires et 180 internes. Il y a également une infirmerie qui peut héberger douze malades. Voilà ce que découvrira Guy Mollet.

Le Président du Conseil Guy Mollet Photo Collection privée et Nord Éclair

Qui est donc le Président du Conseil que reçoit Roubaix ? Élu maire et conseiller général d’Arras en 1945, puis député du Pas-de-Calais en 1946, Guy Mollet devient la même année secrétaire général de la SFIO, jusqu’en 1969. Il est ministre d’État dans les gouvernements Blum (1946-1947) et Pleven (1950-1951) et vice-président du Conseil dans le cabinet Queuille (mars-juillet 1951). Fidèle soutien du gouvernement de Pierre Mendès France, il lui succède en 1956. Président du Conseil (1er février 1956-13 juin 1957) Entre octobre et novembre 1956, il gère la crise du canal de Suez. À propos de l’Algérie, la guerre est pour lui « imbécile et sans issue », l’indépendance est dictée par le bon sens. Il a accordé leur indépendance à la Tunisie et au Maroc, et fait voter la loi-cadre Deferre, qui accorde l’autonomie à l’Afrique noire et annonce l’indépendance. Son cabinet fait adopter une troisième semaine de congés payés, la vignette automobile pour financer l’aide aux personnes âgées sans ressources, des mesures d’aide au logement. En mars 1957, seront signés les traités instituant la Communauté économique européenne (CEE).

Voilà l’homme qu’accueille Roubaix, pour deux réceptions, trois inaugurations, et un banquet. Il arrive d’Arras en voiture à 9 h 30 sur la Grand Place de Roubaix salué comme il se doit par la Marseillaise. Il prononce un premier discours dans la salle du conseil municipal, procède à une remise de décorations, reçoit la plaquette d’honneur de la ville, puis signe le livre d’or. A 10 h00, il se rend en cortège au monument aux morts du boulevard Leclerc pour y déposer une gerbe, tandis que le 43e RI sonne l’appel aux morts. Puis Guy Mollet gagne le lycée en remontant le boulevard de paris, les avenues Jean Jaurès, Gustave Delory, Alfred Motte et Roger Salengro.

Maurice Lefévre, le second Proviseur du Lycée, accueil des officiels Photos Nord Éclair

C’est un nouveau proviseur qui l’accueille, M. Maurice Lefévre, qui vient tout juste de remplacer M. Agnès parti à Constance. Originaire de l’Aisne, il a fait toute sa carrière dans l’académie de Lille, et il vient du collège de Béthune où il était principal depuis 1946.

Le Président du Conseil procède à une visite éclair de la bibliothèque et des classes d’études du premier bâtiment, puis l’on se retrouve dans la grande salle du réfectoire, pour la réception et les discours. Le maire de Roubaix, Victor Provo, prend la parole, raconte la réalisation pratique de l’ouvrage, rend hommage aux constructeurs, vante le cadre et conclut en ces termes : Puisse ce lycée fournir les chercheurs, les savants, les techniciens dont l’Humanité a besoin.

M. Brunol, directeur de l’enseignement du second degré prend ensuite la parole au nom du ministre de l’éducation, et c’est au tour de Guy Mollet. Il dit que ces inaugurations d’établissements secondaires lui procurent les plus grandes joies, car il est de la maison de la grande famille universitaire. Ancien enseignant, il se décrit comme un pédago en politique, mais qui doute au sens noble du terme. Il définit l’éducation, cet ensemble de méthodes par lequel une génération se poursuit dans la suivante, en assurant la continuité d’une action. Il évoque la perspective positive du nouveau lycée : les élèves habitués à des locaux où règnent la clarté, le confort et l’hygiène, ne pourront plus jamais admettre la plaie sociale du taudis, dans leur vie d’homme. Il rend hommage au corps enseignant, parle des réformes en cours et dit l’importance de l’élément intellectuel dans la formation et la culture des jeunes. Il termine en rendant hommage à Roubaix qui fait tant pour la République, tandis que retentit la Marseillaise exécutée par la Grande Harmonie.

Il s’en va ensuite inaugurer le groupe scolaire de la Potennerie, puis c’est une visite à la salle Watremez où se tient le salon international du tourisme et de la fleur. Après avoir traversé la nouvelle cité de la Mousserie, Guy Mollet regagne le centre de Roubaix et va s’incliner devant le monument de Jean Lebas. Il préside enfin un grand banquet au Grand Hôtel où il prononce un discours de politique générale (crise de suez, l’Europe en chantier…). Il quitte Roubaix dans l’après midi pour se rendre à Lomme pour d’autres inaugurations.