Les pompes Hibon

Georges Hibon est né en 1884 à Marquain en Belgique. Il est ingénieur, constructeur mécanicien. Il habite avec son épouse Madeleine et ses deux fils, Henry et André, à Roubaix, au 5 rue de Remiremont. Il installe son petit atelier à proximité, au 2 rue des Vosges, à l’angle de la rue du Fresnoy, vers 1920.

Georges est passionné de mécanique ; il a l’esprit inventif et construit le premier moteur à combustion rotatif. Cet engin devient une pompe rotative pour eaux chargées et résiduaires, pour liquides visqueux, gras ou acides. La « pompe à purin » ( comme on l’appelle à l’époque ) est créée.

( Document coll. priv. )

Dans les années 1930, le catalogue offre un choix incomparable de pompes : à vide, à air, à eau, électriques ou à essence, de puissances différentes. Des pompes adaptées à tous types d’utilisation : électro-pompes centrifuges, pompes bronze, pompes rurales, etc…

( Document coll. priv. )

Les pompes Hibon connaissent alors un succès immédiat. De nombreux grossistes et dépositaires exigent la marque Hibon. En 1946, les deux fils aident Georges dans l’entreprise. Henry est ingénieur et s’occupe de la partie technique à l’atelier ; André est Directeur commercial .

( Document coll. priv. )

En 1949, l’entreprise agrandit les locaux de la rue des Vosges, en créant un magasin à l’étage. Les travaux sont confiés à A. Landrieux, rue Sainte Thérèse. Georges Hibon devient un spécialiste incontesté pour la fabrication des pompes. L’entreprise est la seule à fabriquer des soufflantes cryogéniques pour gaz liquide. En 1950, un stand d’exposition des pompes Hibon est installé à la Foire de Paris.

( Document Hibon )

L’entreprise commence à exporter dans le monde entier et les locaux deviennent trop étroits. En 1958, la société reprend l’ancienne filature Carissimo au 38 Boulevard de Reims. Des aménagements importants sont nécessaires ; ils sont confiés à l’architecte G. Baudry de Tournai (Belgique). Le montant des travaux est estimé à 3 millions de francs.

( Document coll. priv. )

Les pompes Hibon continuent d’évoluer. Nous sommes loin des petites pompes artisanales fabriquées dans les années 1930 ; c’est maintenant de l’industrie lourde.

( Document Hibon )

L’entreprise poursuit son expansion et, en 1966, prévoit des travaux d’agrandissement du bâtiment existant (1400 m2) et des travaux de terrassement. Le maître d’œuvre est le CITEC, Centre Interprofessionnel Technique Économique et Commercial, au 28 rue Pauvrée à Roubaix.

Travaux d’agrandissement 1966 ( Document Archives Municipales )

En 1974, l’exportation représente entre 50 et 70% du chiffre d’affaires. L’entreprise demande un permis de construire pour un entrepôt de stockage de 1000 m2, sur la droite du terrain, en bordure des Ets Carrez Bernard.

Les agrandissements de 1966 et 1974 ( Photo Google Maps )

Au début des années 80, Hibon rachète une entreprise canadienne et devient Hibon Inc.

( Document Archives Municipales )

En 1994, Roland Berroyer, président du directoire, décide d’agrandir le portail à l’entrée de l’entreprise.

( Document Hibon )

En 2006, l’entreprise part s’implanter à Wasquehal. Hibon est membre de «Ingersoll Rand». Les rayons d’activité technologique et commerciale se sont largement élargis. La compagnie « Ingersoll Rand Air Solutions Hibon » a réussi à imposer sa forte présence dans les domaines de l’alimentaire, de la chimie et de l’environnement.

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Remerciements aux Archives Municipales.

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Les gâteaux Poppe et Penez

Micheline Poppe est née en 1926. Elle est la fille de Léon Poppe et de Clémence Drouillon qui tiennent un commerce de pâtisserie, au 124 rue de Lille, à l’angle de la rue de l’Industrie. Gaston Penez est né en 1921 et habite au 218 rue du chemin neuf. Gaston est le beau frère de Micheline. C’est une famille dynamique qui a l’esprit créatif et entrepreneur. Clémence prend la décision de développer la pâtisserie familiale. Micheline Poppe et Gaston Penez s’associent et installent leur société de fabrication de biscuits au 46 rue d’Hem, sur un terrain de 2024 m2, en 1947.

( Document coll. priv. )

Leur concept est bien précis : créer une pâtisserie semi-industrielle qui respecte la qualité artisanale et irréprochable des produits. En 1950, ils font l’acquisition d’un four, de marque Rey, avec un brûleur mixte : mazout et gaz. C’est un four à chaîne, d’une longueur de plus de 13m. L’investissement est de 2.500.000 F. Les travaux sont confiés à Mr Lauwers, installateur, rue du Fontenoy.

( Document Archives Municipales )

Ils fabriquent des gâteaux et se spécialisent, en particulier, dans la production de mokas, bûches de Noël, galette des rois, nids de Pâques, friands…Des odeurs de cuisson très agréables se dégagent de l’atelier : les voisins apprécient ! Ils complètent ensuite leur gamme de produits en biscuiterie sèche : sablés, congolais, pains d’amandes et croquets.

( Document coll. priv. )

Dès que les gâteaux et biscuits sortent du four, ils sont refroidis et emballés immédiatement, pour des raisons d’hygiène, dans des paquets, des sachets ou des boîtes. En 1956, l’entreprise demande un permis de construire pour aménager une route à travers l’usine afin de construire un hangar au fond où garer les véhicules. Les dépenses s’élèvent à 700.000 F et ce sont les Ets Waquier, rue Roger Salengro, qui exécutent les travaux.

( Document Archives Municipales et Google Maps )

La même année, la société Poppe et Penez décide d’agrandir la porte cochère, pour faire face au développement du trafic des camions qui viennent livrer les matières premières et des camions de livraison de l’entreprise.

( Document coll. priv. )

La clientèle est composée essentiellement de grossistes en épicerie qui livrent des détaillants et quelques supérettes. L’entreprise est prospère; bientôt à l’étroit dans ses locaux, elle investit à nouveau dans la création de bureaux, à l’intérieur de l’atelier, pour un montant de 600.000 F.

( Document coll. priv. )

L’entreprise propose aux voisins du quartier, une fois par semaine ( le vendredi ), des ventes de gâteaux et biscuits, à des prix avantageux. C’est la « vente au guichet » : le début de la vente directe du producteur au consommateur. Micheline et Gaston décident de prendre leur retraite en 1983 et cèdent leur affaire à Mr Broly. L’entreprise ferme à la fin des années 80, suite à un incendie.

 

Remerciements aux Archives Municipales pour la documentation et à Sylvie Artéon Sarrade pour son témoignage.

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Les jouets Jean Depreux

Jean Depreux naît en 1923 à Beauvois en Cambrésis. Il rencontre à Roubaix Geneviève Leutert, petite fille de Mme Leutert, commerçante en brosserie vannerie, au 77 Grand Rue. Geneviève gère un commerce de jouets, juste en face, au 66 bis Grande rue. Jean Depreux, qui habite désormais sur place, peut l’aider à la tenue de son petit commerce.

( document coll. priv. )

Rapidement, Jean se passionne pour tous les jeux et jouets vendus dans la petite boutique. Jean a l’esprit créatif et ingénieux ; il est manuel et a le sens du commerce. Il décide de créer des jouets et en particulier des garages pour petites voitures car cela n’existe pas sur le marché.

( document coll. priv. )

En 1950, Jean et Geneviève s’installent au 226 rue du Chemin Neuf. Jean aménage son atelier dans un bâtiment situé dans le jardin de leur maison. Il fabrique des jouets très originaux alors que les fabricants français se limitent aux jouets en bois. Les garages sont magnifiques. Le moindre détail est important ; à titre d’exemple : les carburants Esso ont accepté de faire figurer leur marque, en tant que publicité, sur tous les garages.

( document coll. priv. )

Le succès des jouets fabriqués est immédiat, si bien que Jean ne tarde pas à embaucher une trentaine de personnes pour l’aider à la production. Malheureusement, à la fin des années 50, un incendie ravage le bâtiment de la rue du Chemin Neuf, sans atteindre la maison d’habitation. Jean Depreux installe alors son atelier de production au 52 rue d’Hem, dans des locaux beaucoup plus vastes.

( document coll. priv. )

En plus des garages pour petites voitures, il fabrique des camions téléguidés, des chariots élévateurs télécommandés, des ponts roulants, des grues, des forts, des campements militaires, des centres d’essai avec lance fusée, des fermes et des maisons de poupées. Environ 100 personnes travaillent désormais dans l’entreprise.

( document coll. priv. )

Il distribue ses jouets sous plusieurs marques  : Depreux, bien sûr, mais également Starlux et Azur. Il est également dépositaire des stations essence SIO avec la marque Caltex.

( document coll. priv. )

Dans les années 70, Jean Depreux importe également des jouets de l’étranger, en particulier des maisons de poupées de marque « Lisa of Denmark » et « Hanse of Scandinavia », qu’il distribue dans les grands magasins comme les Nouvelles Galeries.

( document coll. priv. )

En 1975, il signe un contrat de partenariat, avec l’entreprise anglaise DCM, pour la vente en France de leurs puzzles en bois, leurs locomotives Roco et beaucoup d’autres jouets.

( document coll. priv. )

DCM propose ensuite à Jean Depreux de lui reprendre son entreprise. Il accepte à la condition de continuer à diriger la société qui devient DCM Depreux SA .

( document M. Depreux )

En 1979, Jean Depreux prend sa retraite et l’entreprise ferme en 1981. Aujourd’hui, près de 40 ans après la fermeture de l’entreprise, les garages de Jean Depreux sont très recherchés par des collectionneurs passionnés et la valeur de revente de ces magnifiques jouets atteint des sommets !

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Remerciements à Michèle Depreux pour son témoignage.

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Des cuisinières à la salle de sports

Une entreprise de chauffage, tôlerie et fumisterie est créée en 1865 par les frères Liagre au 14 Boulevard de Paris. Les ateliers se situent dans la rue parallèle juste derrière, la rue des Loups.

L’entreprise de Georges Liagre fonctionne de façon très satisfaisante et, pour faire face à son développement, elle déménage dans de nouveaux locaux plus grands, au 8 rue Neuve , en 1908.

Georges Liagre est présent à l’Exposition Internationale de Roubaix en 1911. Il présente sur son stand ses fourneaux de cuisine au charbon et au gaz. Il obtient la médaille d’argent du concours de l’exposition. Cela va encore lui amener davantage de clients, si bien qu’il doit penser à nouveau à trouver des locaux plus vastes.

Au début des années 1920 Paul Liagre reprend l’affaire ; il s’installe au 211 rue de Lannoy dans l’ancienne brasserie Delcourt Herbeau. Il créé un magasin de vente au 211 bis.

Il dépose la marque « Enfin » pour ses cuisinières.

La production de fourneaux de cuisine, en tôle émaillée et à revêtements de faïence, continue. Après quelques années d’expansion, l’entreprise est reprise par 3 associés et amis : J. Portié, J. Courouble et M. Fleurbaix en 1950.

Les affaires se développent. En 1957, au vu des problèmes de circulation de la rue de Lannoy et de l’importance du tonnage des camions de livraison, le gérant de la société des cuisinières Enfin, J Portié, décide d’agrandir la porte d’entrée. Les travaux sont confiés aux Ets Buirette, rue Thecles.

Document Archives Municpales

En 1962, la société Deville, de Charleville Méziéres, reprend l’entreprise. Elle est spécialisée dans les appareils de chauffage au mazout ; la « flamme bleue Deville » est une enseigne familière aux yeux des Français. Deville reprend la fabrication des cuisiniéres Enfin au charbon et au gaz, qui viennent donc en complément de leur système de chauffage au fuel.

Deux ans plus tard, en 1964, Deville décide d’investir dans d’importants travaux : la construction d’un atelier, d’un grand hall à charpente métallique qui permet l’évolution à couvert du personnel, des marchandises et des véhicules. Un parking de 20 places et une cour de 68 m2 sont également créés. Ce bâtiment n’est pas visible de la rue ; les voisins de la rue Nabuchodonosor donnent leur accord pour la construction. Les Ets Browaeys, 14 rue Boucicaut sont chargés des travaux.

Document Archives Municipales

Les photos suivantes nous présentent le site avant et après les travaux.

Documents IGN 1953 et Google Maps

En 1982, des travaux d’embellissement sont réalisés : ravalement de façade avec peinture extérieure et pose d’une enseigne Deville.

Document Archives Municpales

A la fin des années 1980, la production des cuisinières est stoppée. Il ne reste plus à Roubaix qu’un dépôt, et en 1990 Deville ferme ses portes.

En 1996, la ville rachète le bâtiment. Les locaux en façade, rue de Lannoy, deviennent des bureaux.

Photo BT

L’immense hall de 1200 m2 devient une salle de sports avec entrée rue Nabuchodonosor. Cette salle de sports s’appelle « Salle Deville ». Plusieurs disciplines y sont pratiquées : sports de combat et sports collectifs dont basket, futsal et badminton.

Photo BT

Dix ans plus tard, en 2016, la salle de sports Deville, dont le revêtement est très dégradé, dit adieu aux sports collectifs ( murs trop proches du terrain de jeu, revêtement très dégradé, hauteur de toit non conforme aux normes, etc . . . ).

Aux yeux de la municipalité roubaisienne, la pratique des sports collectifs et du badminton n’est plus du tout adaptée à ce qu’est devenue au fil du temps la salle Deville ; elle va être transformée pour accueillir uniquement des sports de combat.

Le terrain qui était réservé aux sports collectifs est recouvert de tatamis, pour accueillir les clubs de boxe thaï, de kick-boxing, de self défense, de lutte, de judo, et de musculation. La salle reçoit également les écoliers pour les activités péri scolaires.

Photo BT

La salle Deville est dirigée par Jacques Aspeel qui est aussi responsable des activités de boxe.

Ces disciplines ont un franc succès dans le quartier, comme de manière générale à Roubaix. Tous les soirs, la salle est bondée et les sports de combat servent d’exutoire à la jeunesse.

Remerciements aux Archives Municipales pour la documentation, à Jean François Portié et à Jacques Aspeel pour leur témoignage.

Les documents non légendés proviennent de collections privées.

Les photographes Charier

Paul Charier

Paul Charier est droguiste, au 135 rue de l’Epeule, à la fin des années 1920. De formation chimiste, il connaît parfaitement bien ses produits d’entretien et ses conseils sont très appréciés de la clientèle. Son commerce fonctionne bien. Il a de très bonnes relations avec son confrère et ami Jules Crombé.

( Coll. priv. )

Il possède une pompe à essence sur le trottoir ; cette distribution de carburants lui amène un complément de chiffre d’affaire appréciable. Dans les années 30, il recrute un encadreur spécialiste, pour offrir à sa clientèle davantage de services. Mais Paul Charier reste avant toute chose, passionné par la photographie. Il développe donc fortement ce secteur de la photo et très rapidement le magasin se retrouve trop petit.

( coll. priv. )

En 1954, son voisin d’en face, au 132 rue de l’Epeule, V. Lamboux, commerçant concurrent en photographie, cède son commerce. Paul Charier profite de l’occasion et reprend ce magasin en plus du sien. Il se retrouve donc, avec 2 points de vente : le 135 pour la droguerie et le 132 pour la photographie.

( coll. priv. )

En 1956, il fait rénover la façade du 132 par l’entreprise Baranger rue des Arts et fait poser une flèche Kodak avec éclairage au néon.

( Archives Municipales )

Au milieu des années 60, l’épouse de Paul se fait renverser par une automobile, en traversant la rue pour rejoindre l’autre magasin ; elle est blessée. Cet accident motivera Paul à céder son magasin de droguerie du 135 à P. Douvry en 1966, pour ne garder que l’activité de photographe jusque la fin des années 1980 où il prendra sa retraite.

Eric Marcel Charier

Eric Charier est le fils de Paul Charier. Il a bien sûr attrapé le virus de cette passion pour la photographie de son père, dans leur habitation de la rue Rémy Cogghe. Il ouvre son magasin et son atelier au 86 rue de Lille, à la fin des années 60.

( coll. priv. )

Eric est plus spécialisé dans le domaine des portraits, photos d’identité, mariages et reportages. Dans les années 70, il se voit contraint de déménager son atelier qui fera place à un parking et à une future station de métro. Il s’installe un peu plus loin, au 23 rue du professeur Langevin à Croix.

Emile Charier

Emile Charier est le neveu de Paul Charier. Il est également photographe. Il reprend un magasin de jouets en 1955, au 1 rue Jules Guesde, qui était tenu par M. Kerman, pour le transformer en point de vente de photographie et atelier photo.

( coll. priv. )

En 1964, il fait rénover sa façade par l’entreprise Debarge de Lys lez Lannoy, remplace les fenêtres par des vitrines, et change sa porte d’entrée. Le magasin est accueillant et lumineux.

( coll. priv. )

Les affaires fonctionnent très bien. Le service et les conseils d’ Emile Charier sont appréciés. Pour fidéliser sa clientèle, il créé une enseigne « Le Club » et propose une carte de fidélité.

( coll. priv. )

En 1979, Emile Charier cède son commerce à Marc Leroy qui réalise quelques travaux de rénovation de façade et la pose d’une nouvelle enseigne.

( Archives Municipales )

Puis, dans les années 80 à 90, arrivent sur le marché les appareils photos numérique. C’est une véritable révolution ! Les ventes de pellicules photo s’écroulent. Il en est de même pour les tirages et développements. Les téléphones portables qui prennent des photos et des films vont accentuer ce déclin.

Il ne reste plus pour les magasins que la vente d’appareils photo numérique mais, concurrencés par les enseignes spécialisées et les hypermarchés, les commerces de photographes ont pratiquement tous disparu ; celui de Marc Leroy en fait partie. Seuls les artisans ont bien résisté pour les photos artistiques, les portraits, les identités, les cérémonies et autres reportages industriels ou publicitaires.

 

Remerciements aux Archives Municipales pour les documentations, et à Alain Charier pour son témoignage.

Platt frères

La société Platt frères est installée boulevard de Lyon depuis fort longtemps. En voyant ce site fermé depuis plusieurs années, le curieux peut se demander d’où vient cette société, et ce qu’elle fabriquait.

En faisant quelques recherches, on trouve au 19eme siècle à Old’Ham en Angleterre une entreprise Platt brothers (ou Platt Bros) qui fabriquent des machines textiles. Elle deviendra dans sa branche l’une des plus importantes d’Angleterre. L’un des membres de cette famille va-t-il s’expatrier en Normandie ? Toujours est-il que, en 1864 et 1866, naissent à Sotteville les Rouen John et William Platt. Leur père, Samuel, né en 1837 est ouvrier régleur de cardes. Après 1880, la famille quitte la Normandie et vient s’installer à Roubaix, où Samuel ouvre avant 1886 une fabrique de cardes et d’outils trempés au 187-189 rue de l’Alma, entre la rue de France et la rue de Tourcoing. L’entreprise prend le nom de Samuel Platt et compagnie.

La société quitte la rue de l’Alma avant 1906, Samuel prenant peut-être sa retraite (il est né en 1837), et l’affaire est reprise par John et William et on la retrouve en 1909 au 108 rue La Fontaine sous la nouvelle raison sociale de Platt frères.

Documents médiathèque de Roubaix et coll. particulière
Documents médiathèque de Roubaix et coll. particulière

Ils sont mécaniciens constructeurs, fabriquent de l’outillage nécessitant une trempe. La porte cochère conduit à une cour dans lequel se trouve l’atelier. Ils resteront à cette adresse jusqu’en 1924, date à laquelle ils installent d’abord leurs bureaux, puis l’entreprise elle-même boulevard de Lyon au numéro 106 à partir de 1926. Ils se spécialisent alors dans la fabrication de cardes destinées à l’industrie textile.

L’usine occupe un terrain qui s’étend jusqu’à la rue Ingres, d’où on aperçoit une cour servant aux chargements et déchargements. La grand porte métallique du Boulevard de Lyon sert à l’entrée du personnel. A sa droite se trouvent les bureaux techniques, dont la première fenêtre est celle du responsable d’atelier. Les bureaux situés à gauche de la porte métallique sont beaucoup plus récents et abritent les personnels administratifs et commerciaux qui ne figurent pas encore sur cette photo aérienne de 1962 :

Document IGN

La fabrication comportait plusieurs opérations. A partir d’un ruban d’acier reçu en bobine, on commence par l’emboutissage des dents. Puis le ruban est étire, passe dans un four à induction pour être préchauffé, puis sur les rampes à brûleurs à gaz pour être chauffé au rouge. Il traverse ensuite un bain contenant de l’huile pour être trempé et acquérir la dureté nécessaire. Ensuite, les dents sont avivées sous un jet d’huile de coupe. En bout de chaîne, le ruban est reçu sur un rouleau, puis emballé et expédié. Dans certains cas, le ruban est enroulé en hélice sur un tambour de carde pour emploi direct, mais, le plus souvent, le ruban est installé sur la machine par les soins du client.

Quelques étapes de la fabrication – photos DR
Quelques étapes de la fabrication – photos DR

Jusque dans les années 80, toutes les machines étaient anglaises, ainsi que les pièces détachées. A chaque panne, il faut attendre que les pièces arrivent d’Angleterre. L’alimentation de la chaîne se fait à la main, mais, à partir des années 60-70, la vitesse de parcours du ruban est régulée automatiquement, d’abord avec des platines électroniques pilotant des armoires à relais. Dans les années 90, on transforme et on améliore les machines avec des pièces françaises, et on en ré-automatise l’asservissement et la commande avec des automates français Télémécanique au départ, puis Siemens. Cette technologie n’a plus évolué jusqu’à la fin (pas d’informatisation). Dans les derniers temps, le directeur de production est belge.

Une armoire de commande - Photo DR
Une armoire de commande – Photo DR

Mais l’entreprise éprouve des difficultés et est contrainte à la fermeture. La société Bekaert tente en 2004 de reprendre l’activité, mais a doit, elle aussi, fermer en 2008. Elle regroupe aujourd’hui ses activités à Armentières. Depuis cette époque, le site est une transformé en friche industrielle. On pense y construire des logements, mais le terrain est peut-être pollué, ce qui retarde les choses.

Remercions Daniel pour sa collaboration.

 

Photos Jpm
Photos Jpm

 

 

 

 

Vie de la place du Travail

Documents collection particulière

 

Le projet bouclé, les travaux de nivellement et de plantation effectués, la réception définitive prononcée, des bâtiments ne vont pas tarder à s’élever, cependant que la place prend son aspect définitif : on revêt en 1911 de graviers le terre-plein de la place, jusque là recouvert de scories.

Les chaussées de la place, simplement empierrées, sont pavées, puis revêtues de tar-macadam (orthographe de l’époque) en 1955.

Ces chaussées accueillent les rails de deux lignes de tramway. La première – depuis 1905 – la ligne ligne I puis DI (place de Roubaix-boulevard de Fourmies) qui, venue de la rue Jules Guesde et contournant l’église par la gauche, s’engageait dans la rue de Larochefoucault, contournait la place par la gauche, et prenait ensuite la boulevard de Fourmies. La seconde, à partir de 1908 (Roubaix Hem), qui, venue par la rue du Moulin, longeait l’église par la droite, et empruntant le boulevard du Cateau, arrivait à la place, qu’elle contournait par la droite, avant de s’engager dans la rue Henri-Regnault.

Une motrice 600 et sa remorque à destination de Hem contournent la place et dépassent la ferme Cruque - Document collection particulière
Une motrice 600 et sa remorque à destination de Hem contournent la place et dépassent la ferme Cruque – Document collection particulière

Un poste de distribution électrique, dit « poste de coupure », appartenant à la société roubaisienne d’éclairage par le gaz et l’électricité, émanation de la société Lilloise l’énergie électrique du Nord de la France, est très tôt implanté sur la place. Celui-ci, peu à sa place à cet endroit, et « à la suite de réclamations nombreuses », devrait être démoli par l’entreprise Gérard Vandemergèle en 1908, et reconstruit par ses soins rue de Larochefoucault sur un terrain acheté par la ville à M. Durot, qui l’avait lui-même acquis auprès de la société Lemaire et Lefebvre. Cette entreprise a construit tous les postes de distribution implantés jusque là. Cependant, ce déplacement ne se réalise que beaucoup plus tard, en 1926. Cette année là, la société « l’énergie électrique du Nord de la France » rachète à la ville le terrain de la rue Larochefoucault pour y implanter son poste de distribution..

 

Les emplacements premier et futur du poste électrique
Les emplacements premier et futur du poste électrique

Dès la fin des années 20, s’élèvent des protestations contre le fait que la place soit utilisée comme lieu d’apprentissage pour les conducteurs et de passage du diplôme du permis de conduire. Une pétition, datée de 1930, proteste contre les dangers que présentent les manœuvres des candidats (y avait-il déjà des auto-écoles?). Le commissaire de police témoigne de nombreux accidents matériels, sur la place, mais aussi au rond-point au carrefour de la rue Ingres et du boulevard de Lyon. On réclame de faire passer les permis dans des endroits peu fréquentés. Ceux-ci étant de moins en moins nombreux, le centre d’examen va demeurer à cet endroit encore de nombreuses années et jusque bien après la guerre ! Le commissaire de police sera plus tard aux premières loges pour constater les inconvénients de cet état de choses, puisque le commissariat du 4ème arrondissement s’installe au milieu des années 50 justement sur la place, au numéro 14…

Le commissariat dont dépendait la place à l'origine – document 1930
Le commissariat dont dépendait la place à l’origine – document 1930
Les documents proviennent des archives municipales.

 

 

 

 

 

 

 

La place du Travail en projet

Pour structurer les quartiers appelés à se développer au sud-ouest de Roubaix, on songe, parallèlement à l’ouverture de boulevards de ceinture (boulevard de Lyon), à créer des places publiques. M.Tiers, en conseil municipal, insiste en 1889 sur le fait que Roubaix ne dispose que de trois places publiques et qu’il en faudrait d’autres. Il insiste sur leurs avantages du point de vue hygiénique (appel d’air), comme lieu réunion pour les enfants, et souligne le prix abordable des terrains dans les quartiers périphériques. Il ne faut pas différer les constructions, sinon les endroits favorables seront construits. Il cite en particulier un terrain rectangulaire Bossut-Delaoutre dans le quartier du cheval blanc le long de la rue de Lannoy (future place de la Fraternité). Mais un autre emplacement retient également l’attention de la

Le site en 1845

Juillet 1890 : Le directeur de la voirie municipale procède au métré de terrains « pour servir à la création d’une place publique au lieu-dit la Potennerie ». Cela représente environ 5100 mètres carrés de terrains appartenant à la Société Lemaire et Lefebvre et comprend un corps de ferme situé le long de la rue de Larochefoucault, le tout au prix de 6 francs le mètre.

En septembre de la même année, M. Jean-Baert, clerc de notaire à Lys lez Lannoy, adresse une lettre au conseil municipal, « ayant appris que l’administration et le conseil municipal… recherchaient des terrains … pour y créer des places publiques… » Il présente un projet de place situé lui aussi dans le quartier du petit Beaumont, sur sur 12000 mètres carrés, lui aussi le long du chemin n° 8 du Petit Beaumont, mais légèrement plus bas que le terrain Lemaire et Lefebvre (il ne touche pas le Boulevard de Lyon). M. Jean-Baert détaille les avantages de son projet : c’est un quartier appelé à un grand développement, proche de la nouvelle église de St Jean Baptiste, et du tout récent boulevard de Lyon, située dans une zone où de nouvelles fabriques s’installent, qui vont provoquer des mouvements de population et des constructions en tous genres. Autre avantage, les terrains sont encore nus et non bâtis et ne nécessitent pas d’expropriations.

Il propose de vendre à la ville une superficie de 9750 mètres carrés à 5 francs le mètre, et de donner gratuitement une bande de terrain représentant 2200 mètres carrés. Par ailleurs, pour éviter à la ville une dépense immédiate, il propose un bail sur dix ans avec faculté d’acquisition des terrains au prix convenu pendant la durée du bail. Il offre enfin de faire effectuer lui-même les travaux de terrassement, que la ville pourrait rembourser par la suite.

L’année suivante, en décembre 1891 est faite la demande de déclaration d’utilité publique avec le plan des parcelles à acquérir. C’est le résultat d’un mélange des deux options précédentes : pour englober le tracé du boulevard de Lyon et son intersection avec la rue de Beaumont, on choisit, pour la plus grosse partie de la place, des parcelles appartenant à la société Lemaire et Lefebvre (qui viennent en majorité de la famille Destombes). On complète ce terrain par deux bandes appartenant l’une à la société Henri Briet et compagnie, dont les administrateurs sont Henri Briet et Jean Baert, l’autre à Jean Baert lui-même.

Les différents propriétaires des parcelles

On complète le projet avec l’ouverture de rues qui vont converger vers la nouvelle place. En particulier, une rue déboucherait au milieu de la place, et une autre la borderait :

Les rues à ouvrir

Finalement, une nouvelle mouture du projet nous montre une configuration semblable à celle que nous connaissons aujourd’hui, avec les futurs boulevards de Fourmies et du Cateau, ainsi que la future rue Henri Regnault. Les travaux vont pouvoir commencer.

 

Documents archives municipales

 

 

 

Soetens magasin leader de quartier

En 1946, au n°111 de la rue Jules Guesde, s’installe le premier magasin ouvert par André Soetens, âgé de 32 ans et de retour de captivité. C’est une petite boutique installée dans deux pièces à l’enseigne de « Tout pour le ménage ». On y vend des articles ménagers, de la vaisselle et de la faïence. Le commerce se développe bientôt et un deuxième magasin s’ouvre dans la rue de la Vigne, au n°10, tenu par Mme Soetens. (Il sera fermé en 1978)

Document Nord Matin – 1952

 A partir de 1966, le magasin de la rue Jules Guesde devient trop petit, mais il faudra attendre 1971 pour concrétiser le projet d’agrandissement par le rachat de l’ancienne forge attenante, celle de M. Brocvielle, le maréchal ferrant du quartier, décédé. Cette fois la surface de vente est multipliée par 5. Le décor, réalisé par l’architecte H. Hache, est complètement rénové et abrite plus de 6000 articles cadeaux « depuis les étains et faïences anciennes jusqu’aux plus récentes créations du Design » (dixit la Voix du Nord). Il est organisé en « coins shopping » et offre un important rayon listes de mariage. Son fils Patrick, qui vient de terminer des études commerciales, vient alors le seconder.

Document La voix du Nord – 1972

Une publicité de 1973 indique que le magasin est ouvert le dimanche matin. En 1978 le magasin rue de la Vigne est fermé, et l’activité se recentre sur les locaux de la rue Jules Guesde. C’est une boutique de quartier, qui continue à vendre des articles ménagers, mais qui a su, grâce à la publicité, attirer la clientèle de toute l’agglomération roubaisienne grâce à ses articles de qualité. En 1982 le magasin est spécialisé dans l’art de la table, on y propose toutes les marques de Limoges et de cristal français, l’orfèvrerie de couverts et un rayon cadeau.

Mais les temps sont durs : la fin des années 70 voit la fermeture de nombreux magasins d’arts de la table. M. Soetens explique cela par le fait que la clientèle traditionnelle est progressivement remplacée à Roubaix par une population qui ne fréquente pas ce type de magasin. Pourtant, le magasin résiste : « Nous avons tenu grâce à notre choix, à la recherche constante de la qualité, à nos conseils de véritables spécialistes, enfin à nos prix » (Nord Eclair 1982). Le magasin s’agrandit de nouveau sous la direction cette fois de l’architecte Serge Degand.

Soetens en 1982 document Nord Eclair

Les documents  proviennent des archives municipales.

 

Mémoire d’un estaminet

La première construction érigée sur la nouvelle place est un estaminet. Les plans d’époque le montrent, seul avec la ferme Cruque, qui, beaucoup plus ancienne, se trouvait à l’angle du chemin d’Hem, et de celui de la Potennerie au Tilleul. Il est construit au coin du boulevard Lacordaire et de la rue de Beaumont, face à la ferme.

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Document archives municipales

 On trouve trace en juin 1895 d’une demande le permis de construire émanant de monsieur Loridant-Lefebvre, brasseur, 58 rue du Tilleul, pour une maison à usage d’estaminet à l’angle de la rue de Beaumont et de la place du Travail. Il joint à sa demande les plans de la future façade.

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Document archives municipales

Effectivement, le Ravet-Anceau de 1895 fait mention de l’Estaminet « au Pigeon Bleu » à cet endroit et, en 1896, on trouve le nom de L.Foelix comme tenancier de l’estaminet. Jusqu’à la première guerre vont se succéder E. Cattelain, puis L. Six à la tête de cet établissement. Dans le courant des années 20, la rue de Beaumont est scindée en deux, la partie située après la place du travail prenant alors le nom d’Édouard Vaillant.

L’estaminet au temps de l’éclairage au gaz. Photo coll. particulière

En 1928, on trouve au n°2 de la nouvelle rue, ainsi qu’au n° 48 du boulevard de Lyon la raison sociale A. Deltour, cycles. Le débit de boissons devient donc un magasin. Il perd ce statut un peu plus tard, puisque que l’immeuble est habité en 1939 par un employé, monsieur E. Demeurisse. Il n’est donc plus fait mention d’un commerce.

Après la guerre pourtant, en 1955, l’immeuble reprend sa vocation première, sous l’égide de Mme veuve R. Gabet-Catoire, cafetière. En 1965, elle adjoint, à la même adresse, un commerce d’appareils ménagers sous la marque Electrolux, tout en continuant à tenir son café. Celui-ci prend en 1970 la dénomination de café « Au rendez-vous des autos écoles ». N’oublions pas que le centre d’examen du permis de conduire était situé place du Travail !

Les enseignes continuent de changer : on trouve la dénomination « Au Bonus » en 1986 et « Le J’abs » dans les années 2000.

Photo collection particulière

Enfin, le café devient transitoirement une pâtisserie, qui ferme à son tour. Gageons pourtant que l’histoire de notre estaminet plus que centenaire n’est pas encore terminée !