Au Moulin Bleu

Le 130 rue de l’Epeule à Roubaix est un commerce de vins et liqueurs tenu par L. Jonville dans les années 1910.

Le 130 rue de l’Epeule ( Plan cadastral )

Au début des années 1920, Henri Deschamps a 45 ans, il travaille dans une entreprise de textile roubaisienne. Avec son épouse Mathilde, il reprend le commerce et le transforme en estaminet. Henri devient administrateur de la brasserie des « Débitants Réunis » rue du Luxembourg, et c’est donc tout naturellement qu’il sélectionne les bières de la brasserie pour son commerce. Certains clients se souviennent encore des tubes transparents des pompes à bière sur le comptoir, ou l’on peut voir la bière fraîche remonter des fûts situés à la cave.

Henri et Mathilde Deschamps ( document A. Deschamps )

Les affaires fonctionnent très correctement en cette période d’entre deux guerres. Le café ouvre tôt le matin ( avant 5 heures ) pour accueillir les ouvriers qui partent travailler dans les usines du quartier, et en particulier les teintureries Emile Roussel au 144 de la rue de l’Epeule et au 48 de la rue Watt. Un café bien tassé leur est servi avec le genièvre séparément ou versé carrément dedans pour faire une « bistouille ».

Henri Deschamps sur le pas de la porte, avec des amis ( document Nord Eclair )

La journée est plutôt calme au niveau du commerce, mais dès la fin de l’après-midi, c’est l’effervescence dans le bistrot, avec la sortie des ouvriers des usines. Ils viennent se désaltérer après leur dure journée de travail et s’y retrouvent également pour taper le carton. Le café d’une surface d’environ 50 m2 est donc très petit et étroit. Derrière le café se trouve une petite salle de 20 m2 pour stocker les caisses de sodas, limonades, vins, etc. Dans le café, il y a de la place pour les 6 tables et les chaises, mais la plupart des clients dégustent leur bière, debout accoudés au comptoir en zinc.

Henri et Mathilde avec leur petit fils Gérard dans les bras de sa maman Lucienne en 1942 ( document A. Deschamps )

Henri décède en 1942. Mathilde continue seule l’activité du commerce. Les deux fils d’Henri et Mathilde : Roger et Marcel sont prisonniers en Allemagne. A son retour en 1944, Marcel retrouve son emploi chez les assurances Antverpia. Roger revient de captivité en 1945 et avec sa mère Mathilde reprend du service derrière le comptoir du café Au Moulin Bleu. Mathilde décède en 1948, Roger continue seul jusqu’à son mariage en 1949 avec Bernadette

Roger Deschamps, à gauche, derrière son comptoir discutant avec des clients en 1949( document A. Deschamps )
Roger Deschamps sur le pas de la porte, en chemise cravate et son épouse Bernadette, en robe, et leur fils Bernard avec des amis devant la façade en 1953 ( document Nord Eclair)

Roger et Bernadette Deschamps effectuent quelques changements dans le café, ils y installent un billard et un flipper pour essayer d’amener une clientèle plus jeune. Ils continuent l’approvisionnement en bière à la brasserie des Débitants Réunis et, en particulier, la célèbre bière de garde, très appréciée des connaisseurs.et servie dans un « Calice ».

Le calice de la bière des débitants réunis ( document collection privée )

Roger cède son café en 1955. Le café est repris par Jules Van Meenen à la fin des années 1950. Jules bénéficie toujours de l’affluence, tôt le matin des ouvriers des usines textiles du quartier. Lors de la sortie des clients du cinéma L’Etoile situé juste en face, c’est également un afflux de clients supplémentaires. L’établissement reçoit aussi les festivités du quartier, sur la photo ci-dessous, c’est la remise des prix du 2° circuit cycliste de l’Epeule-Alouette-Trichon en présence de Victor Vandermeiren, le « Maire de l’Epeule ».

( document Nord Eclair )

Le café ferme ses portes au début des années 1980. Sur la photo ci-dessous qui date de 2008, on reconnaît l’ancien café. A droite se trouve, au 128, la librairie-papeterie-presse de Robert Devos et à gauche au 132, le commerce du photographe Paul Charier.

Photo 2008 ( document Google Maps )

Remerciements à Alain Deschamps

Colisée Couture

Depuis les années 1930, les N° 17 et 19 de la rue de l’Epeule sont deux commerces voisins mais séparés. Le 17 est occupé par la boucherie de A. Defraeye Beuscart, et le 19 par le magasin de cycles de marque Le Nord, de Pierre Proy.

documents collection privée

A la fin des années 1940, les deux commerces fusionnent et ne font qu’un seul point de vente le 17-19 d’une superficie de 213 m2. Le magasin de vêtements pour dames et fillettes BEGE est sur place en 1953, et ferme en 1958.

Publicité BEGE ( document Nord Eclair )

En 1959, M. Callens prend possession des lieux pour y ouvrir un commerce de confection pour enfants à l’enseigne R.O.G : « Tout le prêt à porter de la naissance à 18 ans ». Le point de vente propose également un grand choix de vêtements de communion.

Publicité ROG ( document collection privée )

Thérèse Allard reprend le commerce en 1968 et fait transformer sa façade avec l’accord de la propriétaire des lieux Mme Vanholme, qui réside à Wasquehal. Il s’agit d’une boutique de confection dames à l’enseigne « Colisée Couture » dont la devise est : « Colisée Couture habille bien et mieux, l’enfant, la jeune fille, la femme. »

document archives municipales
document Nord Eclair 1968

Une large façade brillamment éclairée présente des étalages qui semblent planer dans les airs, dans un décor moderne et du meilleur goût. Le magasin est clair élégant et harmonieux. Les vastes rayons laissent de la place à de nombreux détails gracieux : tapisseries romantiques, lustres aux facettes étincelantes, cabines d’essayage coquettes . . .

Les clientes peuvent admirer, toucher, comparer les nombreux vêtements : jupes, robes, manteaux. Colisée Couture offre également son accueil, la compétence de son personnel, des prix abordables pour une qualité certifiée et un service de retouches gratuites.

document Nord Eclair

De nombreuses personnalités sont présentes le jour de l’inauguration : Mrs Kieffer de la chambre de commerce, Duponchelle du Crédit du Nord, Deconninck du Colisée, sans oublier l’état major de l’Union des commerçants de la rue de l’Epeule : Mrs Delbarre, Vandermeiren, Decocq.

Deux ans après l’ouverture, en 1970, un rayon mariage et également un rayon deuil sont créés. Les vêtements et accessoires de mode sont conçus avec passion et créativité. La direction met un point d’honneur à proposer des vêtements de qualité, alliant élégance et confort.

document Nord Eclair
document collection privée

En 1978, le propriétaire de l’immeuble Ernest Stael fait remplacer toutes les fenêtres des étages par l’entreprise de Mr Degand, rue Dammartin à Roubaix. La façade est alors harmonieuse, et d’un très bel aspect, bien en rapport avec les villes du Nord.

La façade ( documents archives municipales )

Dans les années 1980, le magasin se spécialise encore davantage dans le rayon des robes de mariées. Colisée Couture en propose une gamme très complète ; dans le magasin, c’est une symphonie de savoir faire et d’élégance à la française, de la soie, du taffetas, de la dentelle, des passementeries, de la broderie.

documents Nord Eclair 1978

Colisée Couture organise en Mars 1988 dans son magasin 4 défilés de modes de robes de mariées, avec une toilette de mariée à gagner par tirage au sort, en fin de journée.

document Nord Eclair 1988

Et, le 11 Février 1989, c’est au Colisée rue de l’Epeule, que « Colisée Couture », avec de très nombreux commerçants roubaisiens, organise le show des mariés de la Saint Valentin.

document Nord Eclair 1989

Au début des années 1990, les affaires sont un peu plus difficiles. Colisée Couture multiplie les ventes promotionnelles et communique encore par la presse locale.

document Nord Eclair 1990

En Octobre1994, une liquidation totale du stock est annoncée par voie de presse.

document Nord Eclair 1994

Le magasin change d’enseigne en cette fin d’année 1994 et devient « Cymbeline », une chaîne de magasin spécialisée en robes de mariées, et déjà bien implantée en France et en Europe.

document collection privée
L’équipe Cymbeline 1994 document archives municipales
document collection privée

Mme Laude est aux commandes du magasin Cymbeline et son mari, Jean Laude est aussi un peu de la partie, puisqu’il dirige une entreprise de dentelles à Caudry. La boutique attire des clientes qui, pour ce grand jour, n’hésitent pas à faire le tour des magasins de la métropole, pour comparer, essayer, choisir et se décider.

Les vendeuses sont aussi couturières, quatre femmes dont l’oeil de professionnelle sait déceler si une légère retouche sera possible sans abimer la coupe de la robe de mariée.

document Cymbeline 1996

Malheureusement le magasin ferme définitivement ses portes le 15 Décembre 2016. Le point de vente du 17 et 19 de la rue de l’Epeule devient ensuite un restaurant-lounge à enseigne NAEL.

Le magasin en 2008 ( document Google Maps )
Photo BT 2022

Remerciements aux archives municipales.

Biehler

Emile De Jumné crée son activité de ferrailleur en 1886, au 82 rue Descartes, à Roubaix. Avec son entreprise de démolition, il achète et vend des vieux métaux ( des machines à vapeur, des transmissions et des outillages ).

En tête 1928 ( document collection privée )

Emile de Jumné s’associe avec son gendre Joseph Biehler, dans les années 1920. Ils décident alors de développer leur affaire en créant une récupération de fers de réemploi. Ils reprennent même parfois des usines complètes. Les affaires se développent de façon très satisfaisante, leurs locaux deviennent rapidement trop exigus. Ils déménagent alors leur entreprise en Novembre 1932 au 61 et 63 boulevard Montesquieu.

document 1932 ( document collection privée )
document 1937 ( document collection privée )

Ce n’est qu’en 1947 que le département « Matériel Industriel d’Occasion » est créé. L’entreprise devient « Biehler et cie » et propose d’acheter et de vendre des machines outil, machines à bois, moteurs, matériel de chauffage de ventilation etc.

Publicité 1948 ( document collection privée )
document Ravet Anceau 1948
En tête 1957 ( document bnr )

Depuis 1970, le département Matériel Industriel d’Occasion est désormais l’unique activité de la maison. Dans les années1980, le PDG, Hervé Le Chevalier, petit fils du fondateur, dirige l’entreprise avec, à ses côtés, 17 salariés dont 3 vendeurs pour la partie commerciale et 4 techniciens très qualifiés pour la remise en état du matériel dans les ateliers.

Hervé Le Chevalier 1987 ( document Nord Eclair )
Hervé Le Chevalier 1987 ( document Nord Eclair )

L’activité essentielle de l’entreprise est de réviser et reconditionner le matériel d’occasion pour les industries chimiques, pharmaceutiques et agro-alimentaires. La société Biehler fait partie des plus grosses entreprises dans leur domaine. Elle est leader dans la région Nord où elle réalise 50 % de son chiffres d’affaires, mais est présente également dans toute la France et même à l’étranger ( 10 % du volume ) en particulier en Belgique, Pays-Bas, Angleterre et Maghreb.

Publicité 1989 ( document Nord Eclair )

De nombreuses entreprises contactent Hervé Le Chevalier, lorsque elles changent de matériel, cessent leur activité, se modernisent et remplacent leur matériel . Biehler rénove alors les machines en parfait état de fonctionnement, les repeint et les revend 20 à 30 % moins cher que le prix du neuf. Cela permet à l’entreprise de proposer aux PME un outil de production d’occasion bien moins cher, et aussi performant que du matériel neuf.

documents collection privée

L’entreprise se développe alors de façon considérable, fait l’acquisition de plusieurs parcelles voisines pour s’agrandir et pour stocker les 2.000 tonnes de matériel. La société s’étend désormais sur une surface totale de plus de 10.000 m2 sur le boulevard de Montesquieu bien sûr et la rue de Croix, mais également sur les rues adjacentes sur la ville de Croix : les rues Eugène Duthoit et de l’amiral Courbet.

le plan de l’entreprise ( document archives municipales )
la rue de Croix ( document archives municipales )

Pour prospecter une nouvelle clientèle, Bieher édite un catalogue très complet. L’entreprise propose également le dépôt vente, et la location de matériel comme par exemple des chariots élévateurs. Dans les années 2000 la société continue de se développer et rachète encore des parcelles de terrain. L’entreprise s’étale désormais sur 12.000 m2.

document collection privée

Au milieu des années 2010, le patron de l’entreprise, Benoit Coqueval, constate que la conjoncture économique se dégrade et que malheureusement le volume des affaires diminue. En 2015, c’est la cessation de paiement et, en Janvier 2016, Biehler est placé en redressement judiciaire. Le nombre de salariés passe alors de 18 à 15 personnes.

L’entreprise fondée en 1886, véritable institution, n’a pas vocation à rester en centre ville, car l’espace est trop grand et le stock trop important. Biehler est locataire du terrain, et pourrait bien plier bagages. A la place, la ville de Croix qui est la plus concernée, pourrait envisager de faire construire des logements.

document Nord Eclair

En 2017, l’entreprise Biehler déménage à Neuville en Ferrain, sur le site de l’ancienne société PRS, et passe de 12.000 m2 à 5.000 m2 : moins d’espace mais mieux investi. Le nombre de références est réduit également et passe de 6.000 à 2.000 pièces. Une grosse partie du matériel est liquidé par les ventes aux enchères. Les machines restantes sont déménagées par 150 semi-remorques. Biehler ne compte plus que 10 salariés. Quelques temps après, l’entreprise Biehler rejoint le groupe Perry et devient « Perry Biehler »

document Pierry

Quant au terrain de l’ancienne entreprise Biehler, situé sur les communes de Roubaix et Croix, un projet voit le jour en 2022. Après la destruction des anciens bâtiments Biehler, quatre immeubles vont sortir de terre pour un total de 106 logements de type 2 3 et 4.

documents archives municipales et Nord Eclair

Deux immeubles seront commercialisés en accession classique, et deux en accession maîtrisée pour des primo-accédants avec plafond de ressources.

document Nord Eclair

L’entreprise créée en 1886 quitte donc Roubaix après plus de 130 années d’existence.

Remerciements aux archives municipales

Cinquantenaire du Minck

Le marché aux poissons, appelé le Minck, est créé en 1862, place du Trichon, dans un des plus vieux quartiers de Roubaix. Tous les roubaisiens amateurs de poissons frais viennent au Minck pour y acheter du poisson à la criée. Le succès de ce marché ne se dément pas et, au début du siècle dernier, on compte 38 tables de vente.

documents collection privée

En 1912, le Minck a 50 ans. Le Comité des fêtes du quartier décide de célébrer cet événement, avec l’aide financière de la municipalité. Le Cinquantenaire du Minck a lieu les 18 19 et 20 Mai 1912. Il faut beaucoup d’ingéniosité de la part du Comité organisateur pour préparer les festivités dès le mois de Mars. Leurs efforts persévérants doivent aboutir à un succès total de cette manifestation.

Sur le document ci-dessous, on reconnait, assis de gauche à droite, Mrs Catteau, Lefebvre, Tiers, Meyer, Kerkhove et Delcambre

Le Comité des fêtes du Trichon ( document Journal de Roubaix 1912 )

Samedi 18 Mai 1912, tout est prêt. C’est l’effervescence dans tout le centre ville. Les festivités vont durer trois jours sur la place du Trichon. Dans toutes les maisons du quartier, on s’apprête à pavoiser et à décorer. De nombreux chars sont préparés pour ces fêtes originales et importantes pour la population. Les couturières se sont mises à disposition pour confectionner la robe et le manteau de la Fée du Trichon ( représentée par Emilienne Mathon ), et de la Reine de l’Industrie ( représentée par Blanche Bombecke ). Ces deux demoiselles sont deux modestes ouvrières que tout le quartier applaudira le jour de leur royauté éphémère. Leurs luxueux vêtements confectionnés sont exposés dans la vitrine de M. Potage, peintre décorateur au 9 place du Trichon.

documents Journal de Roubaix 1912

A 20h, la retraite féérique comprenant des chars avec de nombreux motifs lumineux, parcourt tout le quartier, au départ de la salle des fêtes de la rue de l’Hospice, puis défile dans la rue St Georges, la Grand Place, les rues Neuve et Sébastopol, la place du Trichon, les rues des Fleurs, des Arts, d’Inkerman, du Bois, et enfin revient rue de l’Hospice à la salle des fêtes. Pour faire bon accueil aux visiteurs, tout le quartier est paré d’ornements décoratifs : des drapeaux tricolores à toutes les fenêtres, des mâts surmontés d’oriflammes, des banderoles multicolores, des fleurs, des guirlandes et le soir d’une féerie d’illuminations.

document collection privée

Le défilé se met en route à 20h30 : des enfants avec des lanternes vénitiennes commencent l’itinéraire suivis par la fanfare des Trompettes, le char du Roi des Mers, le char à transformation La Fée, des porteurs de torches et d’autres lanternes vénitiennes terminent le cortège. La retraite lumineuse obtient un franc succès. Le cortège est accueilli chaleureusement par de vifs applaudissements. Une foule très dense entoure le Minck brillamment illuminé, orné d’une cascade du plus bel effet. Les spectateurs enchantés par cette soirée se dispersent vers 22h.

document Journal de Roubaix

Dimanche 19 Mai 1912, une braderie est organisée le dimanche matin dans la rue du Bois et la rue des Fabricants. De nombreuses manifestations ont également lieu dans le quartier : 2 courses cyclistes, l’une de 1000 mètres et l’autre de 3000 mètres, des combats de coqs, un lâcher de pigeons voyageurs.

A 11h30, les membres du comité de la fête, reçoivent dans le palais communal de la rue de l’Hospice, le roi George V d’Angleterre et le remercient pour sa présence, nouvelle preuve de l’amitié franco-anglaise. Un succulent repas est ensuite servi à de nombreux convives. Sur le document ci-dessous, A noter un clin d’oeil sympathique : la caricature de Théophile Meyer, épicier rue Jacquard et président honoraire du Comité d’organisation.

Le menu du repas proposé aux invités le 20 Mai 1912 ( document collection privée )

Après le repas, vers 14h30, Mrs Tiers, président, et Kerkhove, vice-président reçoivent Jean Lebas, maire, ainsi que ses principaux adjoints. Dans l’après midi, au square Pierre Catteau, est organisée une grande et charmante « Fête enfantine » pour une soixantaine de couples de garçons et filles, vêtus de costumes les plus divers. Beaucoup de roubaisiens font le déplacement pour contempler les évolutions de ces enfants. Les réjouissances attirent une foule considérable. Pendant ces trois jours de festivités, un concours photographique est organisé. Les épreuves doivent être envoyées au secrétaire du Comité au 21 rue du Trichon.

Lundi 20 Mai 1912 à 15h, une fête aérostatique a lieu au square Pierre Catteau. Un grand concours de ballons-pilotes ( un concours de ballonnets ) est proposé pour les enfants ; chaque enfant attache sur un ballon, une carte qui porte son nom et son adresse. L’enfant lance le ballon depuis la pelouse du square. Les distances sont ensuite calculées et les ballonnets qui ont parcouru la plus longue distance font gagner aux enfants de superbes cadeaux.

document Journal de Roubaix

A 17h30 a lieu la cérémonie du baptême du ballon Madeleine de 1200 mètres-cube. L’aérostat tout enguirlandé de roses et de feuillages décolle ensuite à 18h pour sa première ascension officielle, piloté par son propriétaire Georges Delcambre. Cette fête aérostatique de clôture connaît un grand succès. C’est une véritable réunion de famille pour les roubaisiens. Ces trois jours de festivité dans le quartier du Trichon remportent donc un immense et légitime succès populaire pour le plus grand bonheur des habitants du quartier et de tous les roubaisiens.

Le Minck sera rasé en 1950 pour raisons de vétusté et de sécurité ( voir sur notre site, un article précédemment édité et intitulé : la démolition du Minck )

Remerciements aux archives municipales.

Le Numide

Dans les années 1930, la rue de l’Alouette à Roubaix part de la rue de l’Epeule et se termine rue du Chemin de fer. Elle n’arrive dans la rue de la Gare qu’à partir de 1942 après démolition des bâtiments existants ( voir sur notre site, un article précédemment édité et intitulé : l’alouette s’ouvre à la gare )

vue aérienne 1932 ( document IGN )

Dans les années 1950, côté impair se construit un bâtiment neuf, au N° 75 sur toute la longueur qui démarre donc depuis la rue du chemin de fer jusque l’avenue Jean Lebas.

Cet emplacement a d’ailleurs 3 adresses possibles : le 75 rue de l’alouette, le 123 avenue Jean Lebas et le 36 rue du chemin de fer.

plan cadastral

La surface importante de 193 m2 permet l’implantation, au début des années 1960, du « Soldeur de l’Alouette », un magasin de chaussures à des prix imbattables.

publicité 1964 ( document collection privée )

Un permis de construire pour un projet d’aménagement d’un hôtel restaurant est déposé en 1972 par les propriétaires des lieux, Mrs Abdelkader Djender et Miloud Mebtouche. Le cabinet Delcour de Wasquehal est chargé du dossier pour l’agencement et la décoration. Le restaurant se trouve au rez de chaussée sur la partie gauche, la cuisine et les dépendances se trouvent à droite. Au premier étage, sept chambres sont prévues pour accueillir les clients de passage, car nous sommes à deux pas de la gare SNCF.

la façade ( document archives municipales )
le rez de chaussée et le 1er étage ( documents archives municipales )

Le nom choisi pour cet établissement est : « Le Numide », car la Numidie est un territoire berbère en Algérie. L’inauguration a lieu le 22 Mars 1973. De nombreuses personnalités sont accueillies par les propriétaires du lieu et découvrent ce cadre typique oriental et chaleureux. La salle de restaurant peut accueillir 110 personnes, le décor est subtil et raffiné, les couleurs chaudes des tapis contrastent avec le crépis blanc des murs où se situent de nombreuses petites niches d’inspiration mauresque. Uns cuisine orientale est proposée ( couscous, méchoui préparé sur un barbecue panoramique dans la salle etc ) ainsi qu’une carte complète de vins d’Algérie.

L’entrée de l’hôtel est indépendante du restaurant. Il offre d’emblée, une sensation de confort intime. Les 7 chambres disposent d’une salle de bains complète et fonctionnelle. Un salon permet aux clients de se relaxer en suivant le programme TV.

publicité Nord Eclair 1973
publicité Nord Eclair 1974

Les débuts de l’établissement sont prometteurs et encourageants. L’année suivante, en Janvier 1974, les deux associés projettent d’agrandir l’hôtel en construisant un 2° étage. Le nombre de chambres serait alors doublé en passant de 7 à 14.

Le permis de construire est accordé en 1974, mais en Juin 1975, Miloud Mebtouche décide de reporter les travaux à une date ultérieure, pour raisons de conjoncture économique difficile.

le projet du deuxième étage ( document archives municipales )

En 1981, pour encore mieux accueillir leur clientèle, Abdelkader et Miloud décident de redonner un coup de jeune à leur hôtel restaurant. Le cadre est embelli, une nouvelle carte est réaménagée au restaurant : couscous, méchoui et également désormais, côte à l’os, fruits de mer, vins français et algériens. Occasionnellement le chanteur kabyle Akli Yahiatene et sa troupe vient animer les soirées. En Avril 1983 Mouloud annonce l’ouverture de son club dîner spectacle.

publicité Nord Eclair 1983

Mardi 9 Août 1983 à 9h15, une violente explosion secoue tout le quartier. Les habitants sortent de chez eux et découvrent que le Numide vient littéralement d’exploser. Des fenêtres ont volé en éclats, des briques du mur de façade sont descellées ainsi que des garde-fous.

Nord Eclair Août 1983

Les sapeurs pompiers et les policiers arrivent rapidement sur place ainsi que M Mebtouche qui habite avenue Jean Jaurès. A l’intérieur, c’est la désolation, l’escalier qui mène à l’hôtel s’est écroulé, la porte qui sépare le restaurant pend en lambeaux. Personne ne se trouve à l’intérieur, car l’établissement est fermé pour congés annuels depuis le 1° Août. Aucun passant n’a été touché par des éclats. Un miracleD’après les premiers éléments de l’enquête, une fuite à la chaudière à gaz qui se trouve dans la cave serait à l’origine de l’explosion qui n’a pas provoqué d’incendie. Autre miracle ! La dalle de béton entre la cave et le rez de chaussée a été soulevée. Le bâtiment a été fortement ébranlé sur ses bases. Le Numide est détruit à 75 %.

Photos Nord Eclair

Au printemps 1987, M Mesbahi qui habite Wasquehal reprend le bâtiment et fait effectuer des travaux : remplacement de la porte d’entrée, des vitrines et des menuiseries, sablage et peinture de la façade. Ces travaux importants sont destinés à remettre l’immeuble en état et le diviser en plusieurs parties en vue de le louer.

la façade en travaux en 1988 ( document archives municipales )
la façade en 2008 ( document Google Maps )

Malheureusement en 2023, on ne peut que constater que l’immeuble ainsi restauré et transformé à usage d’habitation 15 ans plus tôt, manque cruellement d’entretien, est tagué sur l’ensemble du rez-de-chaussée où des arbustes poussent autour de la gouttière et semble s’être vidé de ses occupants.

Photos BT 2023

Remerciements aux archives municipales

Résidence Colbert

En 1961, un projet de construction d’un immeuble résidentiel voit le jour au 168 rue de Lille à Roubaix. Le terrain sur lequel sera érigé le bâtiment, est de 1382 m2, il se trouve à l’angle de la rue de Soubise, au carrefour des rues de la Perche et Colbert.

Plan cadastral

C’était auparavant, le centre d’apprentissage des garçons ; un bâtiment très vétuste qui est rasé au début des années 1960, car un nouveau centre se construit au 8 boulevard de Lyon en 1959 ( voir sur notre site, un article précédemment édité et intitulé : le Lycée Louis Loucheur ).

Le projet est baptisé «  Résidence Colbert », car la rue du même nom se trouve juste en face. Le bâtiment bénéficie d’un emplacement de premier ordre, à proximité de commerces, d’écoles et de moyen de transports. Les façades de tous les appartements sont orientés vers le Sud et Sud-Est.

brochure d’accueil 1961 ( document T. Rosez )

La construction démarre en fin d’année 1961. Les travaux avancent rapidement, et déjà en début d’année 1963, la Société Civile Immobilière Colbert crée un appartement témoin.

appartement témoin ( document Nord Eclair )

C’est un immeuble moderne de 7 étages, composé de 40 à 50 appartements de 2 à 6 pièces, d’un très grand confort dont la superficie varie de 40 m2 à 155 m2. La façade est en briques. Chaque appartement dispose de larges baies vitrées. L’isolation phonique est efficace, grâce à un système ingénieux de doubles murs.

C’est une résidence de grand standing qui attire de nombreux industriels, directeurs et professions libérales.

La fin des travaux en 1963 ( document Nord Eclair )

Les appartements sont répartis entre 3 entrées, ce qui donne aux propriétaires l’impression de résider dans un petit immeuble. Trois ascenseurs desservent tous les niveaux y compris le sous-sol où se trouvent les caves de chaque appartement, et la chaufferie dans laquelle sont installées deux énormes chaudières pour l’eau chaude collective et le chauffage central de chaque appartement. Les 3 halls et escaliers sont en marbre noir veiné et pierres ardoisières.

Une des 3 entrées ( documents T. Rosez )

De magnifiques rampes gainées de cuivre massif ainsi que d’autres ornements, viennent briller comme de l’or à chaque étage et dans toutes les parties communes. Des garages individuels se répartissent au rez-de-chaussée à l’arrière du bâtiment. Un local commun est à la disposition des résidents pour les bicyclettes et poussettes d’enfants dans chaque entrée.

documents T. Rosez

La particularité de cette construction, est qu’elle est dotée de plusieurs appartements à double distribution ( 1 entrée sur les salons, et 1 entrée directement sur la cuisine). Chaque appartement possède son propre vide-ordure placé dans l’arrière-cuisine, une « Loggia » en balcon de 3 M2 donnant vue sur les garages et les jardins, à l’arrière du bâtiment, ainsi que 4 petits studios en rez-de-chaussée façade, servant de chambre de bonne pour les domestiques de certaines familles, donnant directement sur un grand séchoir de 100 M2, caché de toute vue, en entresol, aéré pour y étendre le linge de maison. Une loge-appartement est spécialement conçue au rez-de-chaussée à côté des garages, pour y accueillir le couple de concierges qui travaille au service des résidents, et entretient la résidence.

Plan du rez de chaussée

Cette résidence se veut définitivement et résolument moderne, tout en conservant les valeurs du passé. En effet, les matériaux utilisés sont de très grande qualité, voire luxueux, les hauteurs sous plafond des logements dépassent les 2,70 mètres. Pourtant on y trouve tout le confort moderne, de très grands espaces communs, de larges accès, de gigantesques placards à rangement dans les différentes chambres, une grande salle de bains dotée d’une baignoire en fonte émaillée, l’eau chaude courante et le chauffage central ( 8 grands radiateurs en fonte par appartement ), évacuation des déchets domestiques et surtout, une station-service Total puis Elf, avec deux pistes pour la vente de carburants, un pont pour le graissage et l’entretien des véhicules, ainsi qu’une aire de lavage.

Publicité Sovac ( document Nord Eclair )

Les travaux se terminent en 1963, et la commercialisation est confiée à 10 cabinets immobiliers de la métropole. Un financement possible est proposé par la SOVAC à Lille. En 1965, Le cabinet Lecluse organise des visites pour vendre les derniers appartements restants.

La station service n’existe plus ( document 1984 archives municipales )

Comme la plupart des stations-service implantées en bas d’immeubles, la station-service du rez-de-chaussée ferme ses portes au début des années 1980, pour raisons de sécurité et pour éviter les odeurs désagréables d’essence pour les résidents. De même, les vide-ordures de chaque appartement, tellement pratiques, seront condamnés dans les années 2000 pour des lois sur l’hygiène …

le bâtiment de nos jours ( document Google Maps )

Construite sur de fortes fondations, avec des matériaux de qualité, et jusqu’à présent superbement entretenue par ses copropriétaires, la Résidence Colbert n’a pas vraiment vieilli. Bien au contraire, cette résidence a été conçue à l’époque glorieuse des années 1960, durant laquelle l’énergie était peu coûteuse. Elle reste résolument belle et en bon état, de par son architecture, sa conception et les matériaux utilisés. Unique dans la région, sa couverture en cuivre verdie par le temps, est reconnaissable par les Roubaisiens à des kilomètres !

Elle est facile et agréable à vivre au quotidien de par sa conception, ses volumes et ses dimensions modernes et pratiques.

La Résidence Colbert a désormais 60 ans. Bien évidemment, certains problèmes de plomberie, d’arrivée et évacuation des eaux, de mécanismes moteurs d’ascenseurs, et quelques lois de remises aux normes demandent certaines réparations, modifications et restaurations parfois couteuses.

Mais ne faut-il pas aujourd’hui continuer à préserver au mieux notre patrimoine roubaisien d’autant que jamais une telle résidence ne pourra être construite à nouveau …

Remerciements à Tanguy Rosez et aux archives municipales.

ANTVERPIA ( suite )

Quand Emile Rosez décède prématurément en 1933 à l’âge de 70 ans, son épouse Julie et leur fils Elie restent dans l’immeuble de la rue Foch. Les bureaux restent au rez-de-chaussée et l’habitation est conservée aux étages supérieurs.

Le fils aîné, Octave, prend la Direction Générale de ANTVERPIA France Algérie, secondé par ses frères dans l’entreprise, prenant chacun des responsabilités dans les branches d’assurances : Abel s’occupe des contrats Incendie, André des contrats Assurance Vie et des rachats de contrats, ainsi que de l’accueil de la clientèle. Nestor gère l’administration et devient chef du personnel.

La plupart d’entre eux choisissent de résider dans des lieux différents, au 31, 31bis, 33 rue du Trichon, rue d’Inkerman et rue de l’Industrie, mais toujours à Roubaix.

document 1956 ( document collection privée )

En 1952, Julie Rosez décède dans ses appartements au siège rue Foch.. Octave Rosez souhaite alors transformer les étages supérieurs, et demande un permis de construire. L’architecte Leman 9 rue Daubenton est choisi pour réaliser les travaux. Au 1er étage on trouve le bureau du Directeur Octave et le service Incendie. Au 2ème étage l’appartement privé de Julie est transformé en bureaux et salles de réunion.

Bernard Fegueur entre dans l’entreprise en 1962 pour prendre la Direction France en prévision du remplacement prochain d’Octave Rosez prenant sa retraite.

buvard années 1960 ( document collection privée )

Chaque année, la direction organise une Assemblée Générale où tout le personnel est convié, et, en raison des résultats très satisfaisants, ANTVERPIA France est une des premières entreprises à proposer une participation aux bénéfices pour le personnel.

Témoignage de Charlyne, qui a débuté sa carrière à 16 ans, sous la bienveillance de André Rosez, comme assistante, puis secrétaire de Direction : « C’était une grande époque en effet, les patrons étaient très souvent proches de leurs employés, ils s’occupaient de la famille de ceux-ci en cas de difficultés passagères, et tout le monde oeuvrait pour la grandeur de l’entreprise. Il y avait de la reconnaissance en retour… »

le château Antverpia à Sint-Mariaburg à l’époque et de nos jours ( document T. Rosez et Google Maps )
Départ en bus pour Sint-Mariaburg en 1966 ( document T. Rosez )

Témoignage de Tanguy Rosez, arrière-petit-fils de Emile Rosez et petit-fils de André Rosez : « Je suis né et j’ai grandi avec Antverpia »

L’aventure familiale a duré 100 ans. En 1885, mon arrière grand-père Emile Rosez commence sa carrière dans les assurances Antverpia. En 1985 mon grand-père André Rosez à 82 ans, lâche définitivement prise, et Bernard Fegueur cesse son activité pour raisons de santé.

ANTVERPIA coule dans mes veines !

Je me souviens que petit, mon grand-père André Rosez me racontait souvent ses réunions, ses banquets lorsqu’il partait à Sint-Mariaburg, banlieue d’Anvers proche des quais portuaires, où s’érigeait le grand château, siège de la compagnie belge !

L’époque était fastueuse, le travail et le respect de chacun était mot d’ordre ! Mais on savait aussi gratifier les employés et les bons résultats comme il se devait ! … 

André Rosez décoré par son frère Octave Rosez ( document T. Rosez )

Avec le départ en retraite de Octave le fils aîné, chacun des frères Rosez va à son tour prendre la sienne entre 1965 et 1970.

André Rosez sera le dernier à partir en 1973 à l’âge de 70 ans et continuera à garder un œil bienveillant sur l’entreprise familiale, participant aux différentes réunions et banquets jusqu’au départ de son Directeur Bernard Fegeur. Il décède 20 ans plus tard, en 1993, à l’âge de 90 ans, alors dernier survivant de cette grande fratrie.

Publicité fin des années 1960 ( document collection privée )

Bernard Fegueur qui a pris la Direction vers 1965, devenu malade, démissionne en 1985.

C’est alors que repris par de jeunes affairistes au tempérament « moderne et ambitieux », ANTVERPIA France à Roubaix est métamorphosé en quelques années.

Document 1990 ( document collection privée )

Les nouveaux responsables d’Antverpia décident de céder l’immeuble du 4 rue Foch. Ils investissent alors dans différents immeubles et en particulier au 84 et au 2 boulevard Leclerc dont les « Paraboles »

Le 84 boulevard Leclerc ( document Google Maps )

S’ensuivent immédiatement et durant plusieurs années, investissements douteux, malversations et prises illégales d’intérêt de la part des nouveaux dirigeants… Les affaires partent aux tribunaux, et ANTVERPIA France s’éteint définitivement dans la douleur et le déshonneur, le 12 juin 2010.

La Compagnie d’Assurances ANTVERPIA France, fondée par le courage visionnaire d’un homme, Emile Rosez puis ses enfants, restera l’aventure d’un siècle prospère, et l’aventure d’une grande famille de Roubaix, unie et soudée, toujours proche de ses collaborateurs et de sa clientèle.

Tous les roubaisiens du vingtième siècle se souviennent des Assurances ANTVERPIA, de la famille Rosez, et de leur présence dans notre ville.

« L’assurance ne semble chère, que si l’on a la chance de ne point devoir y recourir un jour » Emile ROSEZ.

Remerciement à Tanguy Rosez et à Charlyne Dilullo, ainsi qu’aux archives municipales.

ANTVERPIA

Emile Rosez naît à Langemarck en Belgique Flamande le 18 février 1862. Après de brillantes études, il devient d’abord courtier en assurances à Gand puis ses bons résultats l’amènent rapidement à devenir agent général pour les Assurances Vie & Incendie ANTVERPIA, grande compagnie d’assurance en Belgique fondée vers la fin du XVIII siècle à Anvers par Charles Jean Michel de Wolf (1747-1806), et longtemps dirigée au XIX siècle par le Baron Pierre Joseph de Caters (1769-1861) à Anvers.

Parfaitement bilingue, ambitieux et visionnaire, Emile Rosez désire soumettre en 1890 à la Direction de ANTVERPIA basée à Sint Mariaburg en banlieue d’Anvers, son projet de conquérir une ville francophone prospère et en pleine expansion économique grâce au textile, celle qui fût en 1900 la ville la plus riche de France, Roubaix !

Le projet accepté, validé et financé par la Direction Flamande de ANTVERPIA, il se mit en quête d’une jolie petite demeure Roubaisienne, proche du Centre-Ville et de la Mairie, en plein coeur du quartier abritant les plus grandes et illustres familles roubaisiennes afin de signer les plus beaux contrats d’assurances.
Ce sera le Trichon, avec ses fameuses rue et place du même nom, abritant les halles et son Marché aux poissons aujourd’hui disparu.

Publicité 1901 ( document Gallica )

C’est en fin d’année 1893 qu’il emménage à Roubaix, avec sa femme Julie née Cardoen, et leur petite fille Martha âgée d’à peine 6 mois, au 18 rue des Fleurs, aujourd’hui rebaptisée rue Rémy Cogghe.

Le 18 rue des fleurs en 1904 ( document collection privée )

Emile Rosez commence à prospecter les entreprises textiles de la région de Roubaix et Tourcoing, et signe rapidement de nombreux contrats pour la Compagnie d’Assurances ANTVERPIA.

Emile Rosez ( document T. Rosez )

Sa famille s’agrandit d’un premier fils Octave en 1895 et huit autres naissances suivront jusqu’en 1906 : sa famille devient nombreuse. Les affaires sont florissantes et il faut absolument embaucher du personnel supplémentaire. La Direction d’ ANTVERPIA Belgique lui donne carte blanche et il investit alors dans une vaste demeure pour y déménager sa famille et ses bureaux en 1907, au 31 rue du Trichon. Il est alors nommé Directeur Général pour la France.

Antverpia au 31 rue du Trichon en 1914 ( document collection privée )

Fort de sa notoriété, récompensé de ses efforts, et alors que ses agents et inspecteurs travaillent sur la région, il décide de s’attaquer à un autre marché : l’Algérie ! Etat sous gérance française, ce pays est alors investi par les entrepreneurs et industries de la France, pour y bâtir toutes les infrastructures modernes du XX siècle ! Réseaux routiers, gaz électricité, usines et bâtiments, il faut absolument que nos compatriotes, travailleurs et investisseurs français expatriés puissent y trouver des assurances !

Il s’y engage de toute sa volonté, crée un réseau au-delà de la Méditerranée, puis est nommé Directeur Général pour la France et l’Algérie.

Antverpia au 31 et 33 rue du Trichon ( document collection privée )

Les affaires et le nombres d’employés grandissant, le manque de place se faisant déjà cruellement sentir, il investit la maison voisine au 33 rue du Trichon peu de temps plus tard.

L’immeuble de la rue du Trichon de nos jours ( Photo BT )

Le développement s’accentue chaque année. Sa grande famille est forte de 9 enfants dont 5 garçons ( Martha, Octave, Nestor, Blanche, Abel, Elie, André, Agnès, Jenny ) nés entre 1895 et 1906, qui deviennent adolescents autour de l’année 1915. Les employés sont également de plus en plus nombreux, il est absolument nécessaire de trouver d’autres locaux beaucoup plus vastes et prestigieux, d’autant que l’image de ANTVERPIA, grâce à Emile Rosez, entretient une réputation internationale.

La façade du 4 rue du Maréchal Foch ( document collection privée )

L’occasion se présente en 1928, lorsque l’Hôtel Particulier du 4 rue Neuve (aujourd’hui rue du Maréchal Foch) qui abritait la Banque du Rhin se libère. Cette immense bâtisse de 290 M2 au sol et sur 4 étages, était autrefois la propriété de Mme Vve Masure-Wattine.

Une partie de la famille avec les enfants les plus jeunes, ainsi que les bureaux y déménagent définitivement après quelques travaux d’aménagement en 1931 : logement de la Direction aux étages, construction d’une salle d’archives, d’un garage automobile, d’une buanderie et transformation de la loge du concierge avec création d’un étage.

Emile Rosez dans son bureau et photo de la cheminée qui existe encore de nos jours ( document et photo T. Rosez )

Déjà majeurs ou en couple, d’autres enfants restent au 31 rue du Trichon, devenu 31 et 31 bis séparant l’habitation d’un bureau-domicile loué à Mr Robyn, pour quelques années, lequel est assureur indépendant pour le compte de la compagnie d’assurances ANTVERPIA France.

Les cinq garçons du couple fondateur : Octave, Nestor, André, Elie et Abel travaillent avec leur père Emile Rosez.

Octave, André, Elie et Abel travaillent au siège de la rue du Maréchal Foch. Nestor reste assureur au 33 rue du Trichon.

À suivre . . .

Remerciement à Tanguy Rosez, et à Charlyne Dilullo, ainsi qu’aux archives municipales.

Claude Le Comte ( suite )

En Août 1990, le même immeuble est ravagé par un spectaculaire incendie dont le panache de fumée est visible à plusieurs kilomètres à la ronde. L’épaisse fumée laisse ensuite place à un important brasier et les engins de secours arrivent rapidement sur les lieux des casernes de Roubaix, Marcq-en-Baroeul et Lille Bouvines avec 35 pompiers qui mettent en batterie 10 grosses lances et 8 petites.

document Nord-Eclair

Le sinistre trouve un élément de choix dans le matériel électrique et électroménager mais aussi les fauteuils, salons et tissus d’ameublement, ainsi que les cartons vides de matériel déposés à l’entrée.

Les murs extérieurs ont tenu le coup et sont toujours debout mais l’intérieur est réduit à néant.Les piliers en pierre bleue sont fissurés, les poteaux de fonte ont fondu et l’ensemble de la galerie et des réserves à l’arrière a été anéantie. En témoignent notamment la photo des auto-tamponneuses, anciennement utilisées par le parc d’attraction de Hem, avant d’être entreposées à Roubaix, une fois cette attraction supprimée.

L’incendie ( documents Nord-Eclair )
( documents Nord-Eclair )

Fort heureusement l’incendie ne fait pas de victime, hormis un pompier légèrement intoxiqué par la fumée. La majorité des 150 salariés étant employés sur des chantiers à l’extérieur peuvent continuer le travail. Quant aux salariés du site, les dispositions sont prises pour les dispatcher sur le Centre Equestre de Hem afin de leur éviter le chômage technique.

Le bilan matériel se monte à plusieurs millions de francs de dégâts et 2000 mètres carrés détruits. Pourtant le feu se limite à l’entreprise même si des flammèches projetées ont touché une habitation désaffectée située de l’autre côté de la rue. Quelques dégâts ont aussi été constatés sur un immeuble contigu et sur celui de la CPAM qui a été privé d’électricité. Les services EDF sont intervenus rapidement pour la rétablir notamment pour permettre aux 200 salariés de la sécurité sociale de reprendre le travail.

L’escalier intérieur de marbre noirci par la fumée ( Document Nord-Eclair )

Après le sinistre Claude Le Comte parvient à continuer son activité dans les bureaux situés au rez-de-chaussée à l’avant du bâtiment et dans le sous-sol après avoir installé une toiture provisoire en tôle sur l’immeuble afin de le protéger des intempéries. Il s’agit tout au plus d’une remise en état partielle, l’arrière n’ayant jamais été refait comme en témoignent les arbres ayant pris possession du terrain sur les photos de 2021.

Photos façade et aérienne ( Documents Photo BT et Google Maps )

Pendant ce temps, dans les années 1990, au n°30-32 rue du Grand Chemin, les Ets Mom vendent des meubles pour enfants, des articles de puériculture (Bébé Confort) et des jouets (Playmobil, Smoby, Fisher Price, Lego, Berchet, Clairbois, Disney…) Ce commerce, étendu par la suite aux n°34-36, fonctionne jusqu’au décès de Claude en Novembre 2004, à l’âge de 71 ans, lequel entraîne la cessation de l’entreprise.

Publicités années 1990 ( Documents collection privée )
Façade Ets Mom années 1990 et 2008 ( Documents Archives Municipales )

Quant aux Ets Le Comte au n°25, l’entreprise d’électricité est cédée avec les 35 salariés restants, dont certains avec une ancienneté de plus de 30 ans, à une entreprise située dans un autre département. Les repreneurs déménagent le siège rue des Arts à Roubaix où l’activité continue jusqu’en 2021, année de sa cessation.

Façade Ets Lecomte en 2004 après le décès de Claude ( Document Pascal Le Comte )

En 2005, c’est la veuve de Claude, Yvonne Le Comte, née De Vriendt, qui s’inscrit en qualité d’entrepreneur individuel, pour une activité de location de terrains et autres biens immobiliers, au 57 rue de l’Alma qui abrite ensuite plusieurs entreprises différentes (Expert Fenêtres et Meilleur taux. Com). Au 59 plusieurs salons de coiffure se succèdent dont le dernier D&B coiffure à partir de 2021.

Les 57-59 rue de l’Alma en 2021 ( Documents Google Maps )

En 2008, un permis de construire est demandé par la SEM Ville Renouvelée, pour le 25 rue du Grand Chemin, en vue d’une réhabilitation d’immeuble existant plus construction neuve pour un total de 17 logements. Pourtant à ce jour en 2022, aucune suite n’a été donnée au projet et l’immeuble est toujours dans un état déplorable et ne cesse de se détériorer.

Les photos de l’immeuble en l’état en 2009 ( Documents archives municipales )
Projet de 2009 ( Document archives municipales ) photo de la façade en 2022 ( Document photo BT )

En 2005, la société Mom est radiée du registre du commerce et des sociétés. En 2010, un permis de construire est demandé pour le 30-32 par la SEM Ville Renouvelée pour rénovation des 2 bâtiments avec des locaux à usage commercial au rez-de-chaussée et des appartements sur les 2 étages. En 2012, les immeubles sont en travaux ainsi que ceux du 34-36. A ce jour les 4 immeubles présentent une façade rénovée.

Les immeubles 30, 32 34, 36 en 2022 ( Document photo BT )

Pendant plus de 50 ans Claude Le Comte a donc développé ce qui n’était au départ qu’un petit artisanat dans l’électricité tout en diversifiant ses activités et en se constituant un patrimoine immobilier important. A ce jour, 18 ans après son décès, le centre de loisirs Le Comte à Hem continue à fonctionner sous la direction de son fils Pascal et de sa petite-fille Amandine.

Remerciements à Pascal Le Comte, ainsi qu’aux archives municipales.

Claude Le Comte

Au début des années 1930, Médard Le Comte Caveye fonde une entreprise de TSF ( transmission sans fil ) au 63 et 65 rue de Lorraine à Roubaix.

Maison de Médard Le Comte, de nos jours (Document Google Maps)

Après la seconde guerre mondiale, il se spécialise en électricité générale et au début des années 1950, il s’installe rue de l’Alma, son domicile se situe alors au 11 rue Saint-Vincent de Paul. Par la suite il déménage au 33 rue Vauban à Roubaix.

Dans les années 1950, Claude Le Comte, son fils, crée seul sa propre affaire au 57-59 rue de l’Alma avec pour seul moyen de transport un cyclomoteur. Il y exploite une entreprise d’électricité générale ainsi qu’un magasin de disques, radios télévisions et électroménager avec son épouse Yvonne, née De Vriendt, qui tient le commerce .

Publicités années 1960 (Documents collection privée)

Il acquiert par ailleurs un immeuble situé 25 rue du Grand Chemin, auparavant siège de la parfumerie-savonnerie Victor Vaissier. Il dépose en 1964 une demande de permis de construire pour y aménager des appartements et studios aux premier et deuxième étages afin de procéder à des locations.

Photo façade 1963 (Document archives municipales)

Ce bâtiment à la façade impressionnante comporte à l’intérieur un escalier de marbre et des sols en parquet de bois. A l’arrière des piliers en fonte soutiennent une galerie située à mi-hauteur qui fait le tour de l’immeuble, d’une superficie totale de 1600 mètres carrés au sol. Claude installe son entreprise au sous-sol et au rez-de-chaussée où se trouvent les bureaux.

Photo aérienne d’avril 1965 (Document IGN)

C’est là qu’il développe son activité d’électricité générale en y adjoignant la vente de fournitures et d’appareils électriques en gros, dont la gazinière Sélecta. En 1968, un 3ème magasin est ouvert 154 rue de Lille à Halluin où il propose les mêmes services qu’à Roubaix.

Publicité de 1968 (Documents collection privée)

Dans les années 1970, Claude Le Comte a l’idée de créer un Centre Equestre pour répondre à la passion pour l’équitation de ses 2 enfants : France et Pascal. Il décide donc d’acquérir à Hem un terrain de 5 hectares appartenant à des agriculteurs, rue de Croix, juste à côté de ce qui va devenir la voie rapide. C’est sur une partie du terrain acheté qu’est construit le bâtiment principal du futur centre équestre en 1975. C’est Yvonne qui, au début, s’ y occupe de l’accueil et du secrétariat. ( Voir sur notre site, un article précédemment édité et intitulé : Centre équestre Le Comte )

Autocollant du Centre Lecomte Hem (Document collection privée)

Au début des années 1970, Claude propose à sa clientèle de réaliser elle-même, ses installations électriques avec l’aide de ses conseillers spécialistes. Il commence aussi à proposer à la vente du linge de maison et en particulier de la marque Descamps ; ce domaine est également pris en charge par Yvonne. En 1973, il vend des fauteuils, salons, convertibles et salons d’angle de tous styles.

Publicités des années 1970 (Documents Nord-Eclair et collection privée)
Photo de Claude dans les années 1970 (Document Pascal Le Comte)

En 1974, un magasin est créé à Lille au 40 rue Jules Guesde, qui fait de la publicité pour une vente de meubles. Un autre établissement lillois se situe rue du Court Debout. Enfin Claude Le Comte ouvre une succursale à Paris 11 rue de l’Aqueduc, pour assurer à l’entreprise une envergure nationale et y honorer ses contrats avec l’armée et l’Administration.

Il fait également l’acquisition dans la rue du Grand Chemin à Roubaix des anciens Ets Vroman ( Equipements sportifs ) au n° 30 ( voir sur notre site, un article précédemment édité et intitulé Vroman Sports ). Il y crée un commerce de vente de confection enfants à l’enseigne Mom.

Instantané de mémoire : « A l’époque mon père relevait sur le journal local les avis de naissance et me faisait rechercher dans les annuaires les adresses des nouveaux parents afin que je puisse leur envoyer des publicités pour le magasin ».

En 1977, cet immeuble est l’objet d’un incendie qui prend au rez-de-chaussée, lieu du stockage d’articles d’habillement. Une grosse lance et 2 petites lances suffisent aux pompiers pour éteindre l’incendie, qui fait quand même énormément de dégâts.

Document Nord-Eclair

Entrepreneur ambitieux, qui s’est fait à la force du poignet, Claude a pour objectif un développement poussé de son entreprise.

Instantané de mémoire : « Mon père était un entrepreneur à l’ancienne, très bosseur, qui poursuivait ses objectifs jusqu’à ce qu’ils soient atteints et tout le monde devait suivre. Il était toujours à l’affût des progrès techniques et a ainsi été l’un des premiers à utiliser un ordinateur à cartes perforées dans l’entreprise ».

Les travaux d’électricité que son entreprise réalisait parfaitement à l’hôpital de la Fraternité à Roubaix lui ont ainsi permis de décrocher le contrat mirobolant confiant aux Ets Le Comte la réalisation de travaux d’électricité au moment de la construction du nouvel hôpital Victor Provo au début des années 1980.

Publicité de 1982 (document Nord-Eclair)

En 1983, c’est le n°25 qui subit un incendie. Des ouvriers de la SARL Van Dist de Tourcoing, sur le toit effectuent des travaux de couverture et déclenchent accidentellement le sinistre dans lequel les combles et la toiture, ainsi que 6 appartements meublés du 2ème étage sont détruits. Les planchers des étages inférieurs et le rez-de-chaussée sont noyés d’eau suite à l’intervention des soldats du feu. L’un d’entre eux est blessé par la chute d’une poutrelle enflammée reçue sur le dos et doit être transporté au centre hospitalier de Roubaix.

document Nord-Eclair

à suivre . . .

Remerciements à Pascal Le Comte, ainsi qu’aux archives municipales.