La rue Bernard

L’abbé Leuridan nous renseigne sur l’origine du nom de la rue Bernard : elle s’appela d’abord rue du moulin Bernard du nom du propriétaire d’un moulin à broyer le bois de campêche. Après un incendie vers 1850, on l’appela un temps la rue du moulin brûlé, et finalement la rue Bernard.

Souvenirs de la rue Bernard...dans la rue de Lannoy Coll particulière
Souvenirs de la rue Bernard…dans la rue de Lannoy Coll particulière

Après la seconde guerre, longue de 365 mètres et large de 10 mètres, cette rue relie la rue de Lannoy et la rue Pierre de Roubaix, parallèlement au boulevard Gambetta. Cette situation lui vaut d’accueillir un certain nombre d’établissements industriels : aux n°15/17/19 le fabricant de machines textiles Honoré, et au n°37, la société Charles Huet et Cie, lainages et robes. Du côté pair, on trouve au n°2 l’atelier de fabrication du chapelier Jean Déarx, les ateliers Decanis, Literie et Matelasserie du Nord. Tout au bout de la rue, à proximité de la caserne des pompiers du boulevard Gambetta, se trouve encore l’usine à gaz au n°134, plus connue sous le nom de gazomètre, qui n’est plus qu’un dépôt.

Le chapelier Jean Déarx Coll Particulière
Le chapelier Jean Déarx Coll Particulière

Les commerçants y sont relativement nombreux : remarquons une oisellerie au n°1, un boucher M. Mathon au n°32, plusieurs épiciers, et une bonne dizaine de cafetiers. La rue Bernard a aussi son lot de courées : au n°11 la cour Vincent, au n°25 la cour Bernard, au n°22 la cour Florentin, au n°34 la cour Duthy, au n°40 la cour Castel, au n°46 la cour Vlieghe, au 72bis la cour Duquesnoy Crochon, au n°88 la cour Jean Ryckewaert, au n°98 la cour Veuve Raux, au n°110bis la cour Bernard-Spriet. Bien que dépendant de la paroisse Ste Elisabeth, la rue Bernard abrite un dispensaire, la Maison Saint Jean Bosco, des Petites Sœurs de l’ouvrier, qui à l’occasion baptise ou marie les habitants du quartier.

Le bâtiment des pompiers, rue Bernard Photo NE
Le bâtiment des pompiers, rue Bernard Photo NE

La rue Bernard connaîtra bientôt les affres de la démolition, dans le cadre de l’opération Edouard Anseele. Dans les derniers temps, en 1963, signe de l’avancement des travaux, il ne subsiste plus que les numéros impairs, et les huit premiers numéros pairs, les deux ateliers de chapellier et de matelasserie. Tout cela disparaît en 1964 avec le début de la rue de Lannoy. C’est dans la rue Bernard que sera réalisé le premier immeuble de l’opération Anseele, dénommé bâtiment des pompiers, car proche de la caserne des pompiers et fournissant le logement aux combattants du feu. La rue Bernard appartient désormais au passé, nous la connaissons aujourd’hui sous le nom de rue Jules Watteeuw, dit le broutteux, célèbre poète patoisant.

Brecht à la bourse du travail

Le titre de Nord Eclair en juin 1956
Le titre de Nord Éclair en juin 1956

Ce titre d’un article paru dans Nord Éclair en juin 1956 demande quelques explications. Bertolt Brecht (1898-1956) est le dramaturge autrichien, et metteur en scène bien connu. Monter une de ses œuvres en 1956 n’est pas anodin, car le théâtre de Brecht veut rompre avec la grande tradition dramatique et pousser le spectateur à la réflexion, alors qu’on est en pleine guerre froide. Deux pièces sont jouées à Roubaix : les fusils de la mère Carrar et des extraits de Grand peur et misère du IIIe Reich. La première a été écrite pour répondre à la politique de non-intervention défendue par les démocraties occidentales au moment de la guerre civile espagnole. La seconde dresse un portrait de la société allemande depuis l’avènement d’Hitler jusqu’aux prémices de la guerre, écrite à partir de récits de témoins oculaires et d’extraits de journaux qui montrent l’enracinement profond du régime nazi dans toutes les sphères du peuple allemand. Vingt quatre scènes évoquent tout à tour la bourgeoisie, le corps médical, la justice, les enfants, les prisonniers, et leur évolution face au régime.

La bourse de travail boulevard de Belfort CP Méd Rx
La bourse de travail boulevard de Belfort CP Méd Rx

Ces deux pièces sont jouées à Roubaix à la bourse du travail, qui est aussi le théâtre Pierre de Roubaix. Titrer « Brecht à la bourse du travail », c’est mettre en évidence l’aspect militant des œuvres d’un auteur anti-faciste, dans un lieu qui est aussi le siège des syndicats ouvriers depuis 1934.

Cyrille Robichez
Cyrille Robichez Photo Irhis

Il reste à évoquer la troupe qui vient jouer ces œuvres. Il s’agit du Théâtre Populaire des Flandres, créé trois ans plus tôt par Cyrille Robichez dans la ville d’Hénin Liétard. Cette troupe devient itinérante et passe donc par Roubaix en 1956. C’est le début de l’aventure du TPF, qui sera plus tard intégré au Centre dramatique national, avec lequel Cyril Robichez (1920-2001) mènera jusqu’en 1981 les expériences les plus diverses : le premier festival de Lille, les Nuits de Flandre, le Petit-Théâtre quotidien du Pont-Neuf et le Théâtre Roger-Salengro à Lille. Avant sa retraite, il a dirigé le département théâtre de la direction régionale des affaires culturelles du Nord-Pas-de-Calais. Cyrille Robichez avait fait appel à Parvine Tabaï, une comédienne parisienne, interprète d’autres œuvres brechtiennes (Mère Courage) également de pièces d’Eugène Ionesco. Il assura également la mise en scène de ces deux pièces.

Le théâtre Pierre de Roubaix avec son entrée d'autrefois Photo Méd Rx
Le théâtre Pierre de Roubaix avec son entrée d’autrefois Photo Méd Rx

La pharmacie de Paris

Le conseil municipal du 7 février 1867 décide de créer l’avenue de l’Impératrice, qui prendra par la suite le nom de boulevard de Paris, sur l’emplacement du souterrain qui devait prolonger le premier tracé du canal vers Croix. L’état avait exproprié à cet effet un terrain de 20 mètres de large à partir de la rue du Moulin. Mais la largeur de la future promenade doit être de 40 mètres ; il faut récupérer de part et d’autre une bande supplémentaire de 10 mètres.

Situation en 1867
Situation en 1867

La presque totalité des riverains accepte d’offrir gratuitement à la ville les terrains nécessaires. Il demeure quelques parcelles à exproprier aux angles de la rue du Moulin. On démolit donc quelques maisons, puis on reconstruit selon le nouvel alignement.

Plan de 1884
Plan de 1884

En 1875, monsieur Guilluy est pharmacien au 20 rue du Moulin. Peu de temps après, en 1880, la pharmacie est remplacée par une autre située au numéro 16, au coin du boulevard. Le pharmacien est maintenant A. Constant, qui a repris l’officine et l’a déménagée vers un emplacement plus favorable. Il reste à changer l’adresse. Ce sera sans conséquence pour le bâtiment : l’entrée, située sur le pan coupé, ouvre sur les deux voies. La renumérotation est chose faite en 1885 : la pharmacie est maintenant située au 1 du boulevard de Paris et les numéros de la rue du Moulin débutent en conséquence au 18.

La pharmacie au début du siècle – document coll. particulière
La pharmacie au début du siècle – document coll. particulière

On retrouvera Monsieur A.Constant à cette adresse jusqu’en 1926. L’officine est alors reprise par F. Constant, (son fils?), qui y officiera jusque dans les années 50. La pharmacie figure en 1960 sous le nom de M. Malbranque-Constant (le beau-fils?), qu’on retrouve là encore en 1988. Trois pharmaciens en plus de 100 ans, une belle longévité !

La pharmacie en 1989
La pharmacie en 1989

La pharmacie est reprise ensuite par M. et Mme Pelaton, qui, perpétuant la tradition, y restent un nombre d’années important. Mais des projets de modernisation guettent la pharmacie : on construit en face au début des années 90 un immeuble moderne en forme de lame de couteau. Son tour va venir ; elle est démolie dix ans plus tard, remplacée par un nouvel immeuble. Mais l’officine ne disparaîtra pas pour autant : elle est réinstallée dans ce bâtiment neuf avant 2004. Elle a pris aujourd’hui le nom de grande pharmacie de Paris. M. Beaurain préside désormais à sa destinée au sein du groupe Giropharm.

Photo Jpm 2016
Photo Jpm 2016

Les autres documents proviennent des archives municipales.

La démolition des bains

Il y a cinquante ans, en avril 1966, on procédait à la démolition des bains roubaisiens, au 31 rue Pierre Motte. C’était une piscine couverte avec une façade et une coupole exotiques, œuvre de l’architecte Albert Bouvy.

Les bains roubaisiens CP Méd Rx
Les bains roubaisiens CP Méd Rx

Sa construction datait de 1894, et l’établissement était plus vaste que ne le laissait supposer son étroite entrée. C’était la première piscine couverte de Roubaix et comme pratiquement toutes les installations sportives de l’époque, elle était gérée par une société privée. Les bains roubaisiens connurent les premières compétitions de natation, et de water polo, notamment avec le Racing club de Roubaix au début du vingtième siècle.

L'intérieur des bains CP Méd Rx
L’intérieur des bains CP Méd Rx

Ces bains roubaisiens n’étaient pas les seuls, ni les premiers équipements de natation à Roubaix. Il existait en effet une école de natation au quai de Gand ouverte en juin 1880, qui accueillait en moyenne 16.000 personnes par an, dont les installations seront supprimées en 1936. Puis, on construisit une piscine plus grande en 1932, rue des champs, qui est aujourd’hui devenue un musée, et dans laquelle quelques générations de roubaisiens ont appris à nager.

Les deux plaques commémoratives, Photos Lucien Delvarre
Les deux plaques commémoratives, Photos Lucien Delvarre

De sinistre mémoire, les bains de la rue Pierre Motte furent utilisés à deux reprises par les allemands comme prison, lors de la première et de la deuxième guerre. Les locaux étaient occupés par un négociant en tissus quand la démolition intervient en 1966. L’établissement fit alors place aux agrandissements des magasins Monoprix.

Dernière image des bains Photo NE
Dernière image des bains Photo NE
Sources : Roubaix ville de Sports Philippe Waret et Jean Pierre Popelier Editions Sutton 2004

L’Espéranto à Roubaix

En Février 1903, intervient la création du groupe espérantiste roubaisien, avec des membres approbateurs, non protecteurs, tels que Georges Motte président de la chambre de commerce, Victor Despature, commandant de l’armée territoriale, président du cercle militaire, Edouard Roussel conseiller municipal, président d’honneur de la société des vétérans des armées de terre et de mer, Docteur Butruille, président du syndicat médical de Rx, président de la protection de l’enfance, président du nord touriste, Edmond Ternynck, industriel, Elie Derveaux, architecte, Jules Vroman chef de la société de gymnastique l’Ancienne. Le président du groupe est M. Xavier Dorion et les adhésions nombreuses dépassent la centaine.

Étiquette imprimerie Dorion AmRx
Étiquette imprimerie Dorion AmRx

Qu’est ce que l’Espéranto ? Créée en 1887, cette langue universelle a beaucoup attiré l’attention, et contrairement aux autres essais de langue internationale comme le Volapück , elle s’est rapidement répandue. EIle compte plus de cent mille adhérents dans le monde en 1903. L’Espéranto ne se présente pas comme appelé à remplacer les autres langues, mais comme langage auxiliaire, permettant à tous les pays de s’entendre. L’Espéranto ne peut en vertu de sa nature même s’inféoder à aucune croyance, à aucun parti, à aucun peuple, il est le bien de tous…La bibliothèque de l’Espéranto comprend méthodes, littérature, science ; à Roubaix, le dernier ouvrage publié est un recueil de prières pour les catholiques Pregareto por katolikoj. Suivent quelques exemples de textes comme les Paroles d’un croyant de Lamennais, et une ode dédiée à Léon XIII. L’auteur a fait suivre son livre de quelques pages explicatives de la méthode espérantiste.

Du 3 au 13 août 1905, à Boulogne sur mer, se tient un congrès international réunissant trois mille personnes de quinze nationalités différentes, parlant l’Espéranto le nouveau langage universel. En France les groupements espérantistes sont nombreux, et affiliés au groupement central de Paris qui a pris pour nom Société française pour la propagation de l’Esperanto. On peut y assister à des animations culturelles, discours, monologues, pièces de théâtre, dont le Mariage forcé de Molière traduit en Espéranto joué par dix acteurs de neuf nationalités différentes. Il est dit que l’Espéranto a la douceur de l’italien et la sonorité de l’espagnol.

Le café Pandore CP Méd Rx
Le café Pandore CP Méd Rx

Roubaix a donc son groupe, fondé en 1903 par Xavier Dorion, professeur de langues vivantes, qui s’était assuré la haute protection de M. Eugène Motte, qui fut président d’honneur, et de nombreuses personnalités de la ville. Charles Dorion a succédé à son père. Le groupe se réunit tous les mardis soir dans une salle du Café Pandore, où il a son siège. On y parle exclusivement l’Espéranto, et on l’écrit aussi. Sur une demande de M. Félix Chatteleyn, sénateur, un cours d’Espéranto a été créé à l’établissement Pierre Catteau, rue du grand chemin, tous les vendredis soir, animé par Charles Dorion. Les élèves sont toutefois peu nombreux, compte tenu de l’activité commerciale intense roubaisienne.

Congrès de Boulogne sur Mer Coll Particulière
Congrès de Boulogne sur Mer Coll Particulière

En Aout 1906, lors du deuxième congrès de l’Espéranto à Genève, on note la présence d’une délégation française, conduite par le lieutenant Bayol instructeur à st Cyr, auteur d’une brochure pour les médecins et le personnel médical. Il y est dit que le locuteur français reconnaît 75 mots de sa langue dans l’Espéranto, dont la grammaire est facile.

Congrès espérantiste Roubaix 1911 Photo le Journal de Roubaix
Congrès espérantiste Roubaix 1911 Photo le Journal de Roubaix

En Juin 1911, a lieu le Congrès régional espérantiste à Roubaix, à l’occasion de l’exposition internationale. La région du nord a un groupe espérantiste dans chaque ville, et la Fédération centrale est à Lille. A Roubaix, dans la salle artistique rue des champs, une réception est organisée par les membres du comité roubaisien. A dix heures et demie, sous leur bannière verte avec une étoile en coin, les espérantistes se rendent à l’hôtel de ville, où ils sont reçus. M. Dorion président du comité, Durieu de Lille, MM. Lamère, Vauthier et Tobis, secrétaires et trésorier du groupe de Roubaix, MM Denis Didier, Hellin, Bannart, Ernoult Taffin et Charles Dupire, membres du comité. Après la réception, un banquet de 200 couverts attend les congressistes à la salle artistique, en l’absence de M Prelat directeur de l’enseignement primaire du nord, Minet inspecteur primaire, et Lambert directeur de l’école pratique de commerce et d’industrie de Roubaix, tous excusés.

Le groupe espérantiste roubaisien pendant les années vingt Coll Particulière
Le groupe espérantiste roubaisien pendant les années vingt Coll Particulière

C’est en 1920 qu’on retrouve trace des espérantistes : Victor Vajda originaire de Budapest en Hongrie s’installe à cette époque à Roubaix où il crée une entreprise de publicité et de peinture en lettres. Il adhère au cercle espérantiste roubaisien « al fratigo » à la même époque. Il épouse à Roubaix en 1925 une autrichienne, et ils sont mariés en Espéranto. Ils font ainsi partie des 56 couples à travers le monde à s’être mariés de la sorte. En 1928, le groupe espérantiste est accueilli à l’hôtel de ville de Roubaix avec leurs amis de Courtrai.

Ceci n’est que le début de l’histoire. On a pratiqué l’Espéranto à Roubaix jusqu’à l’an 2000, mais les traces sont difficiles à trouver. Merci de nous aider à poursuivre l’historique par vos commentaires. On peut toujours pratiquer l’Espéranto sur Villeneuve d’Ascq, et on trouvera sur Internet les adresses et renseignements de ce groupe, de la fédération régionale, et de la fédération nationale des pratiquants de cette langue universelle.

 

Nations Unies : origine du projet

Les rues de Roubaix ont été tracées un peu au hasard, au fur et à mesure des besoins et au gré de l’implantation des usines. Malgré des efforts de redressement et d’élargissement constants depuis le dix neuvième siècle, elles sont relativement étroites et peu propices à la traversée de la ville.
Dans les années 50, l’artère principale de la ville, constituée par les boulevards Gambetta, Leclerc et de Paris, est un peu le fruit du hasard : elle a pu être constituée sur l’ancien canal, remblayé. Très large, elle permet de relier pratiquement en ligne droite la route de Lille et celle de Belgique par rue principale de Wattrelos.
Pour ce qui est des relations Roubaix-Tourcoing, la seule voie large est celle constituée par les boulevards de Strasbourg et de Metz, prolongée jusqu’à celui de Beaurepaire par celui de Colmar, grâce à l’élargissement récent de la rue Nadaud. Elle a l’inconvénient de ne desservir directement ni le centre de Roubaix, ni celui de Tourcoing. L’accès direct au centre de Tourcoing pourrait être le boulevard de la République et le Pont St Vincent, mais cet itinéraire se perd dans le dédale des petites rues du quartier Notre Dame. La rue de Tourcoing manque de largeur et, après la Fosse aux chênes, oblige à emprunter soit la rue du Collège soit les rue Pellart ou des Lignes. La voie large et moderne qu’est l’avenue Jean Lebas bute d’un côté sur le bâtiment de la gare, et de l’autre sur la Mairie.
Les accès au sud-est se limitent aux rues Pierre de Roubaix et de Lannoy -la seconde menant directement au centre- mais leur étroitesse est un fort handicap…

Roubaix en 1936 - Document coll. particulière
Roubaix en 1936 – Document coll. particulière

Les projets d’urbanisme d’après guerre ne visent pas l’amélioration des communications, mais sont centrés sur l’amélioration de l’habitat par la création d’ensembles collectifs. Ces constructions, terminées à la fin des années 50, vont faire place à d’autres types de réalisations.
Dès 1957 divers projets d’urbanisme apparaissent, dont la priorité reste la disparition des îlots insalubres. En 1960 sont publiés une série d’articles dans la presse. On y évoque les liaisons de Roubaix avec le futur réseau d’autoroutes, mais surtout la suppression des taudis de l’îlot Anseele et leur remplacement par des logements modernes aux trois ponts, bien qu’on on envisage également le remplacement du pont Nyckes pour prolonger le boulevard Gambetta vers Wattrelos.

Alors que ces projets sont en bonne voie, une grande opération en 1962 concerne le périmètre Gare-Alma-Notre Dame. Cette zone va faire l’objet d’une enquête prévisionnelle pour connaître « le plan d’occupation des sols, le tracé des voies, et l’emplacement des services publics nécessaires à la vie propre du quartier, les mesures de sauvegarde à l’égard des constructions à maintenir ou à construire aux abords de la zone à rénover ».

Document la Voix du Nord 1962
Document la Voix du Nord 1962

C’est la première fois à Roubaix qu’on lie dans des projets rénovation de l’habitat et création d’une voie moderne de communication. 1965 voit un projet issu de l’atelier d’urbanisme, prévoyant la création de deux voies, dont l’une se dirigerait depuis le centre vers le pont St Vincent, point de passage idéal vers le centre de Tourcoing. L’idée est cette fois, au lieu d’élargir les voies existantes, d’en percer de nouvelles à travers les îlots vétustes et insalubres qu’on va reconstruire en adoptant des normes actuelles. Les projets vont alors se succéder tout en se précisant…

Le carrefour Bd Gambetta-rue Pierre de Roubaix, vers l'Hommelet- la Voix du Nord 1971
Le carrefour Bd Gambetta-rue Pierre de Roubaix, vers l’Hommelet- la Voix du Nord 1971

 

 

On Inaugure une station

La construction de la banque de France en 1904, réalisée place de la liberté sur l’emplacement d’une ancienne usine, laisse un espace entre les locaux de la banque et le boulevard Gambetta. Cet espace est occupé par un jardin clôt de murs. Un portail ouvrant sur la place y donne accès.

Document archives municipales
Document archives municipales

C’est sur cet espace que la société BP construit sa première station service à Roubaix. Inaugurée en décembre 1957, quelques mois après sa mise en service, elle est qualifiée d’ « ultra-moderne » par la Voix du Nord. Elle est idéalement située à un endroit particulièrement favorable, d’accès commode pour les véhicules. Cette inauguration se fait en présence de nombreuses personnalités. On y sable le champagne, le buffet étant disposé, pour la circonstance, sur le pont élévateur de la station.

Photo La Voix du Nord
Photo La Voix du Nord

Baptisée du nom de « station de Roubaix », elle est d’abord dotée de deux pompes, au centre de la piste, manœuvrées par un pompiste en uniforme. On ne tarde pas à les remplacer, venu le temps du self-service, par une pompe moderne offrant le choix Essence/Super, et une autre pour le Gas-oil, placée le long du trottoir de la place. Les automobilistes peuvent maintenant profiter de ces installations à l’abri d’un auvent central.

Photo Nord Éclair - 1965
Photo Nord Éclair – 1965

Le gérant est d’abord M. Teiten, puis, en 1959, M. Pannequin.

L’instauration du secteur piétonnier fait qu’on installe en 1965 des parcmètres sur le trottoir devant la station, ce qui, selon Nord Éclair interdit dorénavant aux poids lourds de se ravitailler en carburant. En 1972 de nouveaux gérants, M. et Mme Parsy, reprennent la station.

Document Nord Matin
Document Nord Matin

Cette même année, la station fait la une des journaux : un Mongy s’arrête en haut du boulevard de Paris. Le wattman, M. Gabiot, fait descendre les voyageurs à cause d’un début d’incendie dû à un court-circuit. Il descend le pantographe, mais le tram, désormais sans freins ni klaxon, se met à descendre le boulevard de Paris. Il grille le feu rouge de la rue Jean Moulin et s’engage dans le boulevard Leclercq en ignorant tous les feux de circulation – heureusement sans causer d’accident – jusqu’au virage à angle droit qui doit le mener place de la liberté. Il quitte alors des rails et poursuit sa course folle à travers le terre-plein jusqu’à s’arrêter face à la vitrine de la station heurtant au passage une deux chevaux

Photos Nord Éclair
Photos Nord Éclair

Mais la station éprouve, comme toutes, la concurrence des supermarchés qui grignotent peu à peu les bénéfices, et les années 80 lui seront fatales ; elle aura disparu dans le Ravet-Anceau de 1986, remplacée peu après par un garage voué aux réparations rapides à l’enseigne de Midas.

Photo médiathèque de Roubaix
Photo médiathèque de Roubaix

Les autres documents proviennent des archives municipales.

De la place à l’esplanade

Extrait d'un plan de 1855 Coll Particulière
Extrait d’un plan de 1855 Coll Particulière

Avant l’apparition du chemin de fer à Roubaix, la rue Nain, la rue du cimetière et la rue du Fresnoy formaient un axe de circulation important vers l’ouest. Le développement de la ville fera qu’on désaffectera bientôt le cimetière, pour le remplacer par un square, auquel aboutissait une rue du square, perpendiculaire à la rue Nain. En 1842, on inaugure la première ligne de chemin de fer, ce qui a pour effet d’isoler les quartiers du Favreuil et du Fresnoy du centre de Roubaix.

Vue de la rue vers la gare, Place Chevreul sur la droite CP Méd Rx
Vue de la rue vers la gare, Place Chevreul sur la droite CP Méd Rx

En 1867, le tronçon de la rue du Fresnoy menant de la rue Nain à la gare prend le nom de rue du chemin de fer. Une nouvelle gare plus spacieuse est très vite réclamée par les roubaisiens, qui l’obtiendront après avoir tracé une nouvelle voie, la rue de la gare, future avenue Jean Lebas. En 1877, le Conseil Municipal décide de créer cette nouvelle avenue. Les travaux de démolition commencent en 1882 et dès le mois de juillet la trouée est achevée. L’année suivante, la rue de la gare est terminée. La nouvelle gare est officiellement ouverte le 1er septembre 1888.

Ensait et Place Chevreul CP Méd Rx
Ensait et Place Chevreul CP Méd Rx

A la jonction de la rue du chemin de fer et de la rue Nain, à l’emplacement de l’ancien cimetière de Roubaix, devenu un square, on bâtit l’école nationale des Arts Industriels inaugurée le 30 juin 1889, actuel E.N.S.A.I.T. En 1895, quelques habitations situées entre la rue Nain et l’avenue de la Gare sont démolies et remplacées par un petit square auquel on donne le nom de Michel-Eugène Chevreul, chimiste français connu pour son travail sur les acides gras, la saponification, la découverte de la créatine et sa contribution à la théorie des couleurs. Divers projets d’aménagement du square Chevreul donnent des indications sur son mobilier urbain : un chalet de commodités, une vespasienne, un kiosque à journaux, une boîte postale, un bassin avec jet d’eau lui sont attribués. La rue du chemin de fer passe entre l’Ensait et le square, et la rue du square est devenue entre-temps la rue Pasteur. Elle traverse la rue de la gare et s’en va rejoindre la rue de l’espérance.

Marché aux oiseaux Coll Particulière
Marché aux oiseaux Coll Particulière

Dès 1891, une animation importante et traditionnelle, le Marché aux oiseaux, se tient tous les dimanches, à partir de six heures du matin sur la place Chevreul. Ce qui peut expliquer le glissement du chimiste au cervidé, du chevreul au chevreuil, à l’ombre des arbres, sur quelques cartes postales…

Place des Martyrs de la résistance CP Méd Rx
Place des Martyrs de la résistance CP Méd Rx

La Place Chevreul devient la Place des martyrs de la Résistance après la seconde guerre. Sur la petite place s’élève le monument aux Martyrs de la Résistance du sculpteur Lemaire, inauguré par M. Victor Provo, maire de Roubaix, le 11 novembre 1948.

L'esplanade aujourd'hui Extrait Google Maps
L’esplanade aujourd’hui Extrait Google Maps

De nos jours, on a reculé le monument dans l’alignement de l’ancienne rue Pasteur, laquelle disparaît à cet endroit. La jonction de la rue Nain à l’avenue Lebas s’appelle désormais l’allée Louise et Victor Champier. La petite place s’est transformée en esplanade, pour faire le pendant à l’esplanade du musée la piscine, ce qui permet aux deux musées d’être désormais en vis-à-vis.

Du fort au square

Le fort développement des industries textiles à Roubaix au dix-neuvième siècle a entraîné un important accroissement de la population roubaisienne. Pour loger tout ce monde, on a bâti très vite, en utilisant au mieux les terrains non accaparés par les usines. Pas de moyens de déplacement, il fallait donc loger l’ouvrier à proximité des usines. Ce furent les forts, les cours et les courées, qui offrent encore un siècle plus tard, en 1953, « le lamentable spectacle d’un anachronisme qui est tout à la fois un défi à l’hygiène et au progrès ».

Une vue du fort Mulliez photo NE

Le fort Mulliez était de ces ensembles d’habitations, qui ressemblent « plus à un ghetto qu’à une cité ». Un labyrinthe de cent vingt maisons ! Le CIL en a donc racheté un certain nombre dans le but de les démolir et de construire une cité moderne. Mais il faut gérer le relogement. Certains habitants partent s’installer ailleurs , mais d’autres ont un peu de mal à quitter leur quartier, qu’ils ont connu « quand les maisons étaient relativement neuves et que tout autour s’alignaient des jardins et des champs ». Ainsi M. Georges Monnet interviewé par le journaliste Marcel Leclercq, évoque une ferme qui se trouvait à l’emplacement de l’actuelle institution Notre Dame des Victoires toute proche, ce qui situe ses souvenirs avant 1900. Il exerçait la profession de rentreur au Peignage Amédée Prouvost rue de Cartigny. Il était né en 1873 dans la maison du fort Mulliez qu’il occupe encore.

Fort Mulliez en démolition Photo NE
Fort Mulliez en démolition Photo NE

Mais à présent, le fort Mulliez présente le triste spectacle de toitures basses, d’étroites lucarnes, de pièces exiguës sans soleil. Il devient urgent de s’occuper de ce vieil habitat qui se dégrade peu à peu. Ainsi en août 1953, la toiture d’une maison s’effondre en partie, les locataires ont des enfants, il faut les reloger. Le CIL a en projet une construction moderne à trois étages avec des appartements bien éclairés qui donneront sur un grand espace vert.

Maquette du projet square Photo NE
Maquette du projet square Photo NE

La première tranche de travaux est prévue pour le printemps 1954. Le CIL posera à cette occasion la première pierre de son 5000e logement sur l’emplacement du fort Mulliez. En février les travaux de démolition sont activement menés. En mars a lieu la cérémonie de la première pierre posée par le Président du Conseil Laignel. En mai le chantier avance bien.

Etat du chantier en 1954 Photo NE
Etat du chantier en 1954 Photo NE

En octobre 1955, le square des Mulliez devient une vitrine et un lieu de visite : sous la conduite d’Albert Prouvost, président du CIL, des personnalités soviétiques viennent admirer la nouvelle réalisation. Cette opération en préfigure d’autres, de tailles diverses : celle du fort Desprets, rue de Lannoy et celle du quartier Edouard Anseele d’une toute autre envergure.

Le square aujourd'hui Google maps
Le square des Mulliez aujourd’hui Google maps

 

Un collège innovant

En 1980, le CES Pellart, devenu entre-temps le collège Anne Franck, change de principal. Mme Perron est remplacée par Serge Psaume, qui, s’appuyant sur une équipe d’enseignants jeunes et dynamiques va impulser un certain nombre d’innovations.

Le collège au début des années 80 – document archives municipales
Le collège au début des années 80 – document archives municipales

L’établissement est classé en Zone d’Education Prioritaire. Son projet, élaboré au cours de nombreuses concertations, prévoit d’abord la mise en place de groupes de niveau dans les matières d’enseignement général (en particulier, Anglais, Français et Maths). Les élèves sont évalués régulièrement et passent périodiquement d’un groupe de niveau à l’autre selon le résultat des évaluations.

On met également en place l’aide au travail pour les élèves. Deux salles sont ouvertes chaque jour après la fin des cours au collège, mais aussi dans les quartiers. Les enseignants concernés apprennent aux élèves à s’organiser dans leur travail, leurs apportent un soutien en reprenant ce qu’ils n’ont pas compris, et les aident à faire leurs devoirs. Ce soutien individuel a très vite un grand succès et les jeunes prennent l’habitude de ce dispositif.

Tout ceci fonctionne grâce à l’esprit de coopération qui s’installe entre les enseignants qui prennent l’habitude de se « serrer les coudes » face aux difficultés, et de travailler ensemble, pour unifier le contenu de leur enseignement à l’intérieur les différents groupes de même niveau, certains faisant même leurs préparations de cours en commun.

A droite le réfectoire, suivi de la salle de dessin et de celle de musique – Cliché Jpm
A droite le réfectoire, suivi de la salle de dessin et de celle de musique – Cliché Jpm

Dans le même temps, le collège développe, sous l’impulsion de deux enseignants, un projet informatique ambitieux. Il réussit à faire partie des 83 collèges expérimentaux choisis au niveau national, et reçoit à ce titre une dotation de 10 ordinateurs de type Micral 8022, magnifiques machines graphiques.

Document Excelvision
Document Excelvision

L’équipe s’étoffe et s’étend à plusieurs matières, les professeurs développant des exercices complémentaires utilisés soit en cours, soit lors de séances de soutien placées le soir. On s’aperçoit en effet que les élèves, n’éprouvent pas de blocage vis-à-vis de l’ordinateur n’hésitent pas à effectuer les exercices, heureux quand ils les réussissent, et sans éprouver de culpabilité en cas d’échec. On réussit à leur faire intégrer des notions qu’on arrive pas à faire passer en cours traditionnel.

La Voix du Nord de Janvier 1984
La Voix du Nord de Janvier 1984

Dans un deuxième temps, et dans le cadre des plans Fabius « Informatique pour Tous » et « Télématique pour tous », l’équipe reçoit une deuxième dotation composée de TO7 de chez Thomson, bientôt remplacés par un nano-réseau de MO5 du même constructeur. Le nombre d’enseignants concernés continue à croître. 30% des enseignants suivent des formations spécialisées en informatique. Avec le concours du Cueep, on développe au collège des programmes en Basic et en Logo et de nombreux exercices d’ Enseignement Assisté par Ordinateur. Une bonne partie des élèves « passent sur ordinateur » à un moment ou à un autre et profitent des bienfaits de cette technologie.

Photo La Voix du Nord 1984
Photo La Voix du Nord 1984

Le collège est également doté d’un serveur télématique Leanord, et des exercices sur minitel sont également développés. Par ailleurs, il reçoit un équipement vidéo sous forme d’une régie noir et blanc qui sera utilisée avec les élèves. Cet équipement est bientôt remplacé par des équipements VHS.

Toutes ces actions débouchent sur des résultats, et le pourcentage des non-lecteurs qui était précédemment au collège de 10 % à l’entrée en sixième, diminuent considérablement : au bout de deux ans d’expérimentation, on ne compte plus que 6 non-lecteurs sur l’ensemble des élèves qui l’ont suivie.

Par ailleurs, on organise pendant les vacances des ateliers informatiques les initiant à la programmation. Ceux-ci sont suivis avec enthousiasme par les jeunes.

Photo La Voix du Nord Ete 1984
Photo La Voix du Nord Ete 1984
La Voix du Nord 1984 – A droite M. Psaume
La Voix du Nord 1984 – A droite M. Psaume

Les documents joints proviennent des archives municipales.