Nouvel espace d’apprentissage pour le bâtiment

L’enseignement technique des métiers du bâtiment se fait avant la deuxième guerre à l’Institut Turgot. On y trouve en 1935 des sections de maçonnerie, carrelage, menuiserie, charpente, plomberie et zinguerie, peinture, serrurerie, ébénisterie, sculpture sur bois et tapisserie. Durant la guerre, la place vient à manquer rue du Collège, et un centre d’apprentissage de garçons, préparant aux emplois dans le bâtiment est alors créé au 112 rue des Arts, dans un immeuble qui abritait en 1939 l’atelier de mécanique J. Martel.

Le 112 rue des Arts – Photo coll. particulière
 

Mais les locaux s’avèrent vite insuffisants pour accueillir les élèves, et le centre est amené à ouvrir des annexes. D’après le Ravet Anceau de 1955, il y en a deux, la première située 168 rue de Lille, et une autre 8 boulevard de Lyon. Cette dernière adresse correspond à une propriété entourée d’un parc, laissée à l’abandon, qui appartenait à la fin du 19ème siècle à la famille Scrépel. Elle est constituée d’un château avec d’autres bâtiments, situés à l’entrée du parc, dans l’alignement de l’ancienne rue Lacordaire, qui seront démolis lors du percement du boulevard de Lyon. Les terrains situés au coin du boulevard de Lyon et de la rue de Beaumont (aujourd’hui rue Edouard Vaillant) appartiennent aux familles Destombes et Bonami-Wibaux, ils seront coupés en deux lors de l’ouverture de ce même boulevard.

Le site d’après le plan parcellaire de 1889 – Document archives municipales
 

En 1907, c’est le nom de M. Léon Motte qui figure sur le plan cadastral pour le parc, alors que la zone près de la rue de Beaumont reste aux familles de Pierre Destombes et Bonami-Vibaux(sans doute Wibaux). Ces deux terrains désormais coupés en deux ont perdu de leur intérêt pour les propriétaires, et la partie formant le croisement du boulevard de Lyon et de la rue de Beaumont est finalement vendue vers 1922 sous forme de parcelles. Les nouveaux propriétaires y construisent les maisons qu’on voit encore aujourd’hui. D’après le Ravet Anceau de 1928, le parc et le château restent la propriété de Léon Motte-Scrépel au 16 rue Edouard Vaillant (renuméroté 26 en 1939), alors que Mme Veuve Willot Scrépel habite le 2 boulevard de Lyon. Il semble que ces deux adresses concernent un seul et même bâtiment, en l’occurrence notre château. En 1939, on retrouve la même famille rue Edouard Vaillant, puis le domaine est racheté par l’État en 1951. En 1955,  le domaine est inhabité et c’est là qu’on  va bâtir le nouveau centre d’apprentissage, transfuge de la rue des Arts.

Photo aérienne 1953- archives municipales

En 1956 aboutit le projet d’ouverture d’un centre d’apprentissage de 400 places, pour succéder à celui de la rue des Arts devenu beaucoup trop petit et incapable d’accueillir des effectifs en pleine progression. Les architectes choisis sont MM. Baselis et Deletang. La première pierre est posée en Juin. A cette époque, Le directeur du centre est M. Degryse, l’économe est Albert Andès, et le chef des travaux M. Simoëns. On conserve le château durant les travaux : il permet d’abriter les réunions de chantier, et M. Degryse l’utilise pour les visites qu’il organise, telle celle de l’association des parents d’élèves au mois de Juin 1958, alors que la construction approche de son terme. Sur la photo qui suit, on voit nettement que les premiers bâtiments sortent de terre, mais que le château est toujours présent :

Photos IGN et Nord Éclair

La première rentrée scolaire a lieu en septembre 1959, et les parents d’élèves y font leur première assemblée générale en octobre. A la rentrée 1961, on compte 145 élèves en première année, alors que le total des effectifs est de 322. L’établissement a donc presque fait le plein dès sa deuxième année. Il lui faudra également recourir à des annexes pour faire face aux demandes d’inscription.

Le site en 1962 – Photo IGN

 

Du moulin à l’école

L’angle du boulevard Lacordaire et de la rue de Barbieux est l’un des plus hauts points de Roubaix : il est naturel qu’on y construise un moulin. D’après Nord Matin, ce moulin de bois est remplacé en 1870 par un autre, construction un peu curieuse de briques couronnée de créneaux, de mâchicoulis, et coiffée d’une échauguette. On peut se demander si ce n’était pas un moulin « de plaisance », plutôt qu’un vrai moulin fonctionnel, dont l’utilité économique en pleine époque du machinisme triomphant, n’aurait pas été vraiment démontrée…

Deux vues du moulin – carte postale médiathèque de Roubaix et Photo Nord Matin

Le parc sur lequel s’élève le moulin, est à la fin du 19ème siècle, la propriété de Paul Masurel. Il est limité par la rue de Barbieux, les réservoirs du Huchon, le boulevard Lacordaire et la rue Anatole France. Une villa importante y côtoie le moulin, au troisième étage duquel le propriétaire aurait installé un bureau. Vers 1890, Paul Masurel demande l’autorisation de construire une grille monumentale et une maison de concierge.

Document archives municipales

Dans les années trente, la propriété est acquise par la Ville, qui installe dans le pavillon M. Bertincourt, surveillant général du service des plantations. Le moulin sert alors de remise pour les outils de jardinage. Malheureusement, un incendie se déclare dans  la tour en 1948. Elle est très endommagée, mais reste néanmoins debout. Une photo aérienne de 1962 montre que le moulin est toujours fidèle au poste, ainsi que la maison du concierge et la grille ouvragée, mais que le « château » a disparu, sans doute victime de l’incendie de 1948 ? Par ailleurs, le terrain de l’ancien parc abrite visiblement des jardins ouvriers.

Le moulin en 62 – Photo IGN

En 1961, on prévoit de construire une école de filles et une école maternelle dans le quartier. C’est l’ancien parc, avec ses jardins ouvriers et son moulin, qui est choisi et qui fera les frais de l’opération. Le projet est mené à son terme, et donne bientôt naissance à l’école Anatole France, dont la cour s’étend désormais sur l’emplacement du vieux moulin…

Avenue des villas : un prolongement

L’avenue des Villas est maintenant ouverte entre la rue de Lannoy et la rue de Barbieux. Pour se rendre au parc, il est prévu d’emprunter la rue Montyon, qui n’est pas achevée. Elle est toujours barrée par une construction, et constituée par le tronçon d’un ancien sentier communal. De plus, elle forme un angle important avec l’avenue des Villas, et sa largeur prévue n’est que de douze mètres contre 30 à l’avenue des Villas. Ces inconvénients inspirent un autre plan : plutôt que de réaliser enfin la rue Montyon, pourquoi ne pas prolonger l’avenue des Villas en ligne droite par une voie de même largeur qu’elle ?

Le prolongement imaginé – Document archives municipales.

 Les propriétaires des terrains nécessaires à la prolongation de l’avenue sont essentiellement la société Lemaire Lefebvre, Edmond Ternynck-Dorneuil, ainsi que Pierre Delsalle-Defives, qui possède les bâtiments situés le long de la rue de Barbieux, juste dans l’alignement de l’avenue qu’ils barrent entièrement.

Dans une lettre datée du 21 Février 1899, certains des propriétaires concernés acceptent de céder les terrains nécessaires pour prolonger l’avenue entre la rue de Barbieux et l’avenue Lenôtre « en prolongation directe et sans courbe ». La ville s’engage à racheter ou à exproprier les deux propriétés implantées sur le passage de la voie, et à déclasser la rue Montyon, en restituant le terrain sur laquelle elle a été tracée. Ce terrain avait été cédé gratuitement quelques années plus tôt par Maxime Brame, qui le tenait de son père, Jules Brame, député et sénateur, également propriétaire du château de Beaumont à Hem. Le reste de ses propriétés a ensuite été cédé à la société Lemaire et Lefebvre, qui les a acquises en 1896. C’est donc elle qui récupérerait les terrains libérés par la rue Montyon.

Un obstacle toutefois , Edmond Ternynck, qui possède un terrain situé le long de l’avenue Lenôtre entre la rue Bossuet à la rue Montyon, et peu soucieux de voir ce terrain amputé et coupé en deux, entend contraindre la ville à tenir ses premiers engagements en ce qui concerne la rue Montyon. Il refuse tout arrangement amiable.

Le tracé est en nette pente (3,4 %) vers l’avenue Lenôtre et les eaux devront s’y déverser. Il faudra y construire un acqueduc pour les recevoir. Le projet est approuvé par le préfet et déclaré d’utilité publique en janvier 1901.

Document archives municipales

On procède activement aux formalités d’expropriation, d’indemnisation et d’acquisition des immeubles en vue de démolition. Edmond Ternynck, mis devant le fait accompli, accepte finalement un règlement à l’amiable. La rue Montyon est déclassée et supprimée, les servitudes la concernant disparaissent et les terrains qui la constituaient sont redistribués à leurs anciens propriétaires.

Les travaux peuvent démarrer. On se borne à niveler la voie nouvelle et à recouvrir le sol de cendrées. Les riverains vont pouvoir construire le long de la nouvelle avenue.

 

 

La rue Chateaubriand

Rue1

Photo Nord Éclair

C’était une petite rue calme et tranquille, qui n’a jamais fait parler d’elle. Elle était constituée d’une unique rangée de maisons bâties sur le même modèle. De l’autre côté de la rue, des jardins lui donnaient un petit air campagnard.

Ouverte en 1880, selon Nord Éclair, c’est une des plus vieilles rues du quartier : le plan cadastral de 1884 nous la représente près de la ferme Cruque, alors que ni la place du Travail, ni le Boulevard Lacordaire ne sont encore tracés. Il faut attendre un plan de 1896 pour les voir apparaître.

plan3

Documents archives municipales

Elle a donc relié la rue de Beaumont et le boulevard Lacordaire. Juste à côté se trouvait, à l’angle des rues Chateaubriand et de Beaumont, le château du petit Beaumont (ou château Prouvost). Un estaminet, « Au château de Beaumont » forme le coin de ces deux rues. On retrouve cet estaminet sous diverses apellations jusqu’en 1910. L’angle du boulevard Lacordaire et de la rue Chateaubriand abrite en 1939 un autre café, l’estaminet Decocq.

Après la deuxième guerre, le terrain appartient au CIL qui l’échange avec le centre hospitalier contre un terrain rue Carpeaux à hauteur de la rue Ph. Delorme, pour permettre de réaliser soit un hospice pour remplacer celui de la rue Blanchemaille, soit un nouvel Hôpital. Dès 1956, on commence à murer les maisons.

Rue2 Photo archives municipales

En 1959, il n’y en a plus que deux ou trois. Des autres,  il ne reste que que la façade murée. Cette même année voit éclore le projet de créer l’hôpital Victor Provo sur le potager de Barbieux. Ce projet est finalement accepté en 1978 par le ministère. La première pierre est posée en 1980, et la rue disparaît sous les bulldozers. Qui se souvient d’elle ?