L’alouette s’ouvre à la gare

Le projet de prolonger la rue de l’Alouette jusqu’à la rue de la Gare apparaît en 1936. Jusque là, la rue de l’Alouette partait de la rue du Grand Chemin et rejoignait la rue du Chemin de fer, qui fut historiquement la première rue de la gare. En effet la première station de Roubaix construite en 1843, puis la gare des voyageurs  se trouvaient dans la perspective de cette dernière rue. L’actuelle rue de la Gare, aujourd’hui avenue Jean Baptiste Lebas, fut ouverte en 1882, et la gare actuelle en 1888. La rue de l’alouette n’eut pas de débouché sur la nouvelle rue de la gare jusqu’à l’exécution à partir de 1942 de ce projet qui décida de la jonction des deux voies après démolition des bâtiments existants.

Les lieux en 1932 Photo IGN
Les lieux en 1932 Photo IGN

Que trouvait-on à cet endroit ? Il semble qu’un bâtiment d’un seul tenant occupait principalement la surface à démolir. Il fut construit spécialement pour l’exploitation d’une brasserie avec dancing. De fait, on trouve dès la fin du dix neuvième siècle, la trace d’un établissement dénommé Brasserie Universelle au n°32 de la rue de chemin de fer. Puis l’endroit fut longtemps occupé par les négociants en tissus Bossut père et fils, l’immeuble apparaissait au n°123 rue de la gare, et au n°32 rue du chemin de fer, où se situait l’entrée des marchandises. M. Léon Olivier Mazure est le propriétaire de cet immeuble, resté longtemps inoccupé, puis brièvement loué, à peine trois mois en 1933, à la société des Transports du Nord. Pendant les premières années de la guerre, la ville y avait installé un abri de défense passive.

Le dernier locataire RA 1933
Le dernier locataire RA 1933

Cependant, l’inoccupation du bâtiment depuis 1933 a entraîné sa dégradation : une visite d’experts effectuée en 1937 constatait le mauvais état de la toiture, des vols des lattes de parquet, de portes. En l’état, l’immeuble était donc impropre à la location. L’expropriation pour cause d’utilité publique fut prononcée le 9 juillet 1943. La démolition est décidée le 19 janvier 1944. Le percement entraîna également la démolition des maisons qui encadraient le n°32 de la rue du chemin de fer.

La façade du bâtiment côté avenue de la Gare Photo JdeRx
La façade du bâtiment côté avenue de la Gare Photo JdeRx

De cette époque date l’ouverture de la rue de l’alouette sur l’avenue de la gare, future avenue Jean Lebas.

Les lieux aujourd'hui Photo Google Maps
Les lieux aujourd’hui Photo Google Maps

 

 

Le mairie-bus

A la fin des années quatre-vingt, il y avait chez les élus une volonté de décentraliser les services, car il fallait désengorger l’hôtel de ville. Pour une fiche d’état civil, il arrivait qu’on fasse la queue pendant une heure trente. Par ailleurs, le personnel n’était pas polyvalent, on fonctionnait quasiment à un guichet par opération (fiches d’état civil, cartes d’identité,…).

Avant qu’on parle de mairie de quartier, il y eut d’abord l’expérience des mairie-bus en 1989.  Le service mobile existait déjà, avec les camions de radioscopie, ou le bibliobus de la médiathèque. Il y avait l’idée de cibler certains quartiers, estimation des besoins, pour une future implantation de mairie annexe.

Le mairie-bus d'Amiens Photo NE
Le mairie-bus d’Amiens Photo NE

Dans un premier temps, on teste les points de chute, pour savoir quels sont les lieux les plus favorables pour le service à la population. C’est ainsi qu’il y aura neuf points de chute au départ : devant la salle de sports Oran Cartigny, rue du Stand de tir au Carihem, face au centre social des Trois Ponts, devant le magasin l’Usine pour les Hauts Champs, face au centre médico-social du boulevard de Fourmies pour le Nouveau Roubaix, face au supermarché Unico rue Jules Guesde pour Moulin Potennerie, face au magasin Gro de la rue de l’Epeule, face au centre social du Fresnoy Mackellerie, et face à la Madesc rue de Flandre au Cul de Four. Notre témoin se souvient que la permanence de la rue Jules Guesde face au parking Unico n’a pas fonctionné, et on ne l’a pas gardée.

Un nouveau poste avait été créé, celui d’agent pilote. Ce service nécessita que le personnel suive une formation,  pour devenir polyvalent, autant pour conduire le véhicule, que pour les démarches administratives, Dans le mairie-bus, il n’y avait qu’un seul agent, il fallait prévoir, les congés, les maladies, les remplacements. On tournait une semaine sur trois, Les autres semaines, on travaillait  au cimetière, ou à la comptabilité. Les trois agents pilote de l’époque étaient Bernard Souxdorf, Guy Carlier et Alain Gellé.

Intérieur du mairie-bus Photo NE
Intérieur du mairie-bus Photo NE

Un seul agent donc pour le bus, qui était équipé d’un radio téléphone. A l’intérieur, une salle d’attente, deux banquettes, le bureau de l’employé, une porte pour sortir. Une petite gâchette en cas de souci, et  les portes se ferment automatiquement. Pas d’argent dans le bus,  on ne traitait que de l’administratif : délivrance de sortie du territoire, certificats d’hérédité, copies certifiées conforme, fiches d’état civil. Pas d’acte de naissance, il n’y avait pas d’informatique à l’époque. On venait passer commande, c’était transmis à l’état civil et les gens recevaient dans les 48 heures.

Le mairie-bus roubaisien Photo Ville de Roubaix
Le mairie-bus roubaisien Photo Ville de Roubaix

Un an après, le point c’était positif, plus au sud qu’au nord. Restait le problème l’accessibilité pour les handicapés, raconte notre témoin, alors on descendait du bus. Ça a duré de 1989 à 1991 pour le secteur Fourmies. L’arrêt devant le centre médico-social fonctionnait bien. Là on allait pouvoir installer une mairie de quartier.

Le mairie-bus fut encore utilisé lors d’une nocturne pour l’inscription sur les listes électorales. Il stationna à côté de la salle Watremez, où se déroulait un concert de raï. Si on s’inscrivait, on avait une ristourne sur l’entrée du concert. L’opération n’eut pas vraiment de succès : 11 inscriptions seulement ! On ne pouvait pas parler de « merry bus ».

Remerciements à Alain Gellé et Gérard Vanspeybroeck pour leurs témoignages

L’ilot Voltaire

Depuis 1981, un plan de restructuration du quartier du Cul de four a été envisagé, dont les premières opérations concernent les démolitions de logements insalubres. Le relogement des familles, la réhabilitation de maisons individuelles ont également été prévus.

La SAEN (société d’Aménagement et d’Equipement du Nord) a demandé la réalisation d’une étude pour relever les habitations susceptibles d’être réhabilitées. Une convention entre la Communauté Urbaine, l’Etat et l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat doit permettre la mise en œuvre d’un plan de restructuration, dont les premiers travaux débuteraient en octobre 1982. Il faudra donc démolir, reconstruire et réhabiliter. On sait depuis juillet 1981 que 600 maisons du quartier du Cul de four seront démolies, car jugées trop dégradées.

Le premier projet de rénovation du Cul de four est celui de l’îlot Voltaire : soixante et un logements collectifs et individuels seront construits par les HLM et les premiers habitants pourraient s’installer au début de l’année 1985. Le projet ambitieux prévoit également l’installation d’un foyer logement rue Voltaire et d’une maison de quartier rue de Flandre.

Démolitions rue Voltaire Photo NE
Démolitions rue Voltaire Photo NE

En Octobre 1982, le comité de quartier est intervenu pour protester contre les nuisances provoquées par un terrain vague situé rue Voltaire et résultant des premières démolitions. C’est une décharge publique permanente, et quelques maisons vétustes restantes sont transformées en cloaques malodorants. Les choses avancent doucement, il reste les dernières maisons écroulées, côté rue Turgot et un atelier de confection en procédure d’expropriation. L’ilot Voltaire concerne les quatre rues suivantes : Voltaire, de Flandre, Basse Masure et Turgot. On connaît les mesures du plan : pour la rue basse masure,  les maisons du n°1 à 11 sont condamnées. Rue de Flandre, les maisons du 53 au 85 seront maintenues, mais réhabilitées comme les cours des n°65 et 65 bis. Pour la rue Voltaire, les  maisons et cour du n°30 au 36 vont disparaître, les n° 40 au 44 sont maintenues, et seront réhabilitées.

La surface déblayée Photo NE
La surface déblayée Photo NE

L’opération se déroulera en 2 phases : reconstruction côté rue Turgot pour reloger les habitants des cours qui veulent rester sur le quartier, puis démolition de l’autre partie de l’ilot Voltaire. Au terme de l’opération, il y aura 62 logements locatifs, 45 en semi collectif, et 17 individuels. L’opération est menée par l’office HLM, avec l’architecte Arpan, qui appelle à une réunion le 6 novembre 1982 pour discuter des plans avec lui dans l’ancienne école de la rue de Flandre.

Une partie du projet ilot Voltaire Photo NE
Une partie du projet ilot Voltaire Photo NE

Une autre réunion a lieu sous l’égide du comité de quartier en mars 1983. En juin 1983, les habitants sont à nouveau réunis et participent à une nouvelle réunion de concertation, puis à la visite de l’exposition « reconstruire le quartier » présentée dans les locaux de la Madesc au 137 rue de Flandre. En plus des projets concernant l’ilot Voltaire, réalisés par l’école d’architecture de Paris, l’école Quemando de Paris et le cabinet Leplus basé 46 rue Daubenton à Roubaix, une exposition sur « la réhabilitation à Roubaix » et un débat avec des étudiants architectes sont proposés aux habitants du quartier.

Le projet vu de l'angle de la rue de la Basse masure et de la rue Turgot Photo NE
Le projet angle de la rue de la Basse masure et de la rue Turgot Photo NE

 (à suivre)

Les magasins populaires

La rue Pierre Motte est de longue date une importante rue commerçante, du fait de sa proximité de la Grand place de Roubaix, mais également pendant plus d’un siècle de la présence des Halles centrales de Roubaix. Une rue perpendiculaire à la rue Pierre Motte en perpétue le souvenir. L’enseigne Darty a quitté Roubaix depuis le printemps 2013. En attendant de savoir ce qui lui succédera, nous nous sommes penchés sur l’histoire du 15 rue Pierre Motte .

Rue Pierre Motte, le futur emplacement des magasins populaires CP Coll Méd de Rx
Rue Pierre Motte, sur la gauche, le futur emplacement des magasins populaires CP Coll Méd de Rx

En 1898, le n°15 de la rue Pierre Motte est un estaminet, tenu par M. Turbe. Dix ans plus tard, les magasins Carré, puis Nollet Carré occupent l’endroit. Ensuite, ce sera le magasin « Au soldeur » dont le propriétaire était M. Henri Moha, et qui possédait également  tous les numéros de la rue jusqu’aux Bains Roubaisiens, soit du n°15 au n°29. Ce qui donne une idée de la surface présente. Une telle surface ne pouvait que convenir à l’emplacement d’un nouveau type de commerce, le magasin populaire à prix unique.

En 1879 est lancé pour la première fois le concept de magasins populaires. C’est aux Etats-Unis que Franck Winfield Woolworth choisit de privilégier l’emplacement en centre-ville, une surface moyenne, de nombreuses collections, des prix réduits[1]. Mais c’est seulement à partir de 1931 que l’idée vient à séduire l’Europe. C’est après la crise des années 1930, que s’ouvre à Rouen le premier magasin à prix unique, Monoprix.  Au même moment, les Nouvelles Galeries lancent Uniprix et les Magasins du Printemps créent Prisunic, tous sur le même créneau de magasins citadins à bas prix[2].

L'ouverture d'Unifix Pub Journal de Roubaix 1934
L’ouverture d’Unifix Pub Journal de Roubaix 1934

En 1934, la société roubaisienne des grands bazars modernes demande l’autorisation d’aménager le n°13 de la rue Pierre Motte en logement, et de démolir un vieil immeuble au n°15 occupé par le magasin « au soldeur », et enfin d’édifier sur cet emplacement augmenté de la propriété de M. Nollet, un immeuble dont l’enseigne sera UNIFIX. Le samedi 15 septembre 1934, les magasins UNIFIX procèdent à l’ouverture de leurs magasins au 15 rue Pierre Motte à 10 heures du matin.

La réouverture d'Unifix Pub Journal de Roubaix 1934
La réouverture d’Unifix Pub Journal de Roubaix 1934

Le 23 novembre 1934, un incendie détruit une bonne partie des magasins UNIFIX de la rue Pierre Motte. Le feu provoqué par un court-circuit a fait un million et demi de dégâts. La société demande l’autorisation de reconstruire le magasin et les réserves. Dès le mois de décembre 1934, UNIFIX reprend ses activités.

Il semble que les magasins du n°15 de la rue Pierre Motte soient devenus pendant la guerre la propriété de la société centrale de magasins à prix uniques sise 102 rue de Provence à Paris, sous l’enseigne PRISUNIC. En effet, un courrier adressé au maire de Roubaix et daté du 28 mai 1942 certifie que la dépense à effectuer pour les transformations de l’immeuble du 15 rue Pierre Motte ne dépassera pas les 100.000 francs. Le 20 août 1943, la même société demande l’autorisation d’établir sur la façade du magasin l’enseigne PRISUNIC. A-t-elle été posée ? Nous faisons appel aux témoins de l’époque.

L'ouverture de Monoprix en 1950 Pub NE
L’ouverture de Monoprix en 1950 Pub NE

MONOPRIX ouvrira ses portes le samedi 1er avril 1950 à 10 heures. Pendant plus de vingt cinq ans, Monoprix proposera le libre service intégral afin de rendre les magasins plus fluides, des produits à des tarifs plus compétitifs, ses propres marques : Montjoly et Beaumont pour l’alimentation, Florine pour le textile, Kilt pour le bazar, Sipratic pour l’entretien. A Roubaix particulièrement, on lui doit la création d’un parking supplémentaire de trente places sur le toit du magasin. Sa fermeture est annoncée en juillet 1976, en raison de la baisse du chiffre d’affaires, due à l’ouverture récente d’un supermarché Auchan dans le centre commercial Roubaix 2000.

Monoprix en 1973 Pub NE
Monoprix en 1973 Pub NE
Sources : archives municipales de Roubaix
Presse : Le Journal de Roubaix et Nord Eclair

 


[1] Extrait de jeanchristophe.canalblog.com Monoprix, sur le Magasin Populaire

[2] Extrait de Wikipédia sur Monoprix

230 rue d’Alger

Les participants de l’atelier mémoire évoquent ensemble une entreprise qui occupa cette adresse pendant près d’un siècle, et qui a laissé de bons souvenirs dans le quartier. Nous racontons son histoire. La société des rubans Gallant s’est installée à Roubaix au n°230 de la rue d’Alger en 1922. Cette entreprise est originaire de Comines, ville réputée pour être la cité des rubans, où elle est née en 1796, fondée à l’époque par les frères Lauwick.

La société Lauwick Gallant Extrait de la Plaquette anniversaire
La société Lauwick Gallant Extrait de la Plaquette anniversaire

Cette fabrique de rubans tissés en lin et en coton changera de nom après qu’Henri Gallant ait développé la société avec des innovations techniques, qui lui vaudront d’être récompensé par la société des sciences, de l’agriculture et des arts.

La société Henri Gallant Extrait de la Plaquette anniversaire
La société Henri Gallant Extrait de la Plaquette anniversaire

Son fils, Albert Gallant, monte la capacité de production à sept cents métiers. Mais la première guerre mondiale réduit à néant l’usine de Comines. Cependant, pendant la guerre, la société Gallant a ouvert des ateliers en Normandie et à Saint Etienne, et elle a travaillé pour la défense nationale.

La société Gallant à Roubaix Collection Particulière
La société Gallant à Roubaix Collection Particulière

Après la guerre, la décision de venir s’installer à Roubaix est prise, et en 1922, l’usine du 230 rue d’Alger est construite. Albert Gallant n’est pas le premier cominois à venir s’installer à Roubaix. Soixante ans plus tôt, Pierre Catteau était venu y faire fortune, et son palais deviendra le Palais de Justice de Roubaix. Albert Gallant sait ce qu’il veut : il a dressé lui-même les plans de l’usine de Roubaix, et c’est une entreprise moderne que son fils, également prénommé Albert dirigera après la disparition prématurée du père.

L'usine au 230 rue d'Alger Extrait Plaquette anniversaire
L’usine au 230 rue d’Alger Extrait Plaquette anniversaire

Cette usine contient tout le process de fabrication : du bobinage au canetage, en passant par l’ourdissage et le rentrage, le tissage, la teinture, jusqu’à l’empaquetage.

Les produits de l’entreprise Gallant sont des rubans, mais on ne s’imagine pas tous les usages qui en sont faits : articles de mercerie, pour vêtements et confection (pantalons, chemiserie, ganterie, chapellerie), pour corsetterie, pour les chaussures (rubans à border, de renfort, tirants, pantoufles, plage, espadrilles), pour l’isolation en électricité, et pour des industries diverses (fermetures à glissières, carrossiers, sièges, articles de voyage).

Les rubans Gallant Extrait Plaquette Anniversaire
Les rubans Gallant Extrait Plaquette Anniversaire

L’entreprise Gallant crée d’autres sociétés : en 1953, la marque Nigal fabrique des pièces de tissu collantes pour réparer les vêtements, une société Couture et service patron, pour la couture et la confection à domicile, et la Société Magam, accessoires métalliques pour le funéraire.

Patrice Gallant prend la direction de l’entreprise de 1973 à 2004. En janvier 2006, la société RUBANS GALLANT décide de retourner à Comines. Cette magnifique entreprise produit désormais pour des clients aussi prestigieux et exigeants que l’automobile ou l’aéronautique (N.A.S.A).

Remerciements à Maria, ancienne de chez Gallant pour son témoignage et les documents (plaquette anniversaire de l’entreprise)

Roubaix 2000, démolition

Dès 1995, la ville négocie avec les propriétaires et locataires de la galerie le rachat de leurs surfaces commerciales. Les commerçants seront relocalisés, indemnisés. La ville a également voté le rachat des surfaces occupées par Intermarché. On discute déjà de la suite, en affirmant qu’il ne faudra pas se louper encore une fois !

Roubaix 2000, premier étage, 1995 Photo NE
Roubaix 2000, premier étage, 1995 Photo NE

Premier effacement : le parking de Roubaix 2000 change de nom en mai 1995, et devient le parking de l’Eurotéléport. Puis, en décembre 1995, c’est la braderie de l’art qui vient s’installer dans la galerie de Roubaix 2000. Mars 1996, l’étage est désert et commence à intéresser les vandales.

Le nouveau parking Photo NE
Le nouveau parking Photo NE

Octobre 1997, le sort de Roubaix 2000 est réglé. On va démolir ce qui fut la grande espérance des années soixante dix, le centre commercial des années modernes. Alors qu’on commence à démolir, un panneau publicitaire annonce : Roubaix 2000, 55 magasins à votre service. Ce sont les dernières traces. La première étape du chantier de démolition a été la pose d’une ceinture de grillage de 250 mètres de long sur 46 de large , pour ôter l’amiante notamment présente dans les faux plafonds du resto U. L’entreprise France Déflocage s’est chargé de ce nettoyage délicat. Puis l’entreprise ATD (entreprise spécialisée dans la démolition Normandie Petit Quevilly), à pied d’œuvre depuis septembre 1997, s’est chargée de la démolition de l’intérieur du bâtiment, cloisons, habillements, bois, façades intérieures, 11.500 m² de surface à nettoyer sur deux niveaux. D’octobre à fin janvier la structure est une dernière fois exposée aux courants d’air.

Démolition et accès au parking Photo Lucien Delvarre
Démolition et accès au parking Photo Lucien Delvarre

Le chantier de démolition a commencé du côté de la rue de Lannoy, sur le terre plein, car on veut éviter toute chute lourde (il y a les parkings en dessous) et on trie la ferraille. Puis les pelleteuses ont grignoté mètre par mètre les structures du centre commercial du côté du boulevard de Belfort.

Le chantier vue du boulevard de Belfort Photo Lucien Delvarre
Le chantier vue du boulevard de Belfort Photo Lucien Delvarre
Progression du chantier Photo Lucien Delvarre
Progression du chantier Photo Lucien Delvarre
La réapparition de la rue de Lannoy Photo Lucien Delvarre
La réapparition de la rue de Lannoy Photo Lucien Delvarre

Étrange retour de l’histoire, la réapparition de la rue de Lannoy est envisagée. Va-t-elle renouer avec la tradition des rues commerçantes de Roubaix ?

Remerciements spéciaux à Lucien Delvarre, photographe et passeur de mémoire

Sources NE

 

 

 

Activités du centre médico-social

Le centre médico-social du boulevard de Fourmies Photo NE
Le centre médico-social du boulevard de Fourmies Photo NE

La population du Nouveau Roubaix augmente après la construction des HLM de la rue  Fragonard. On commence à décentraliser les services. La décision de construction d’un centre médico social est actée en conseil municipal le 15 juillet 1956. Il y aura six centres sanitaires et sociaux à Roubaix : rue de Cassel, rue Decrême, rue Franklin, boulevard de Metz, rue Watt, et boulevard de Fourmies[1].

Le centre sanitaire et social du boulevard de Fourmies fut inauguré le 22 décembre 1962. A l’époque, il abritait le contrôle médical scolaire, la protection maternelle et infantile, un dispensaire de soins gratuits, des séances de consultations de nourrissons. Mme Tacquet-Delcourt fut la première directrice de l’établissement. Il faut ajouter qu’à côté du centre médico-social, il y avait une crèche modèle de 210 lits,  et un foyer pour le troisième âge dont l’appellation de l’époque était foyer de vieillards. La crèche et le foyer existent toujours.

La crèche photo NE
La crèche photo NE
Le foyer du vieillard Photo NE
Le foyer du vieillard Photo NE

Avec les années, ce centre médico-social accueillera les activités suivantes : permanence maternelle et infantile, service des vaccinations, visites prénatales, médecine sportive. Il y avait également une permanence de la CRAM (caisse régionale d’assurance maladie). La ville organisait des séances de vaccination obligatoire (diphtérie, tétanos, polio et BCG et tuberculose dans les écoles). Une fois par mois, il y avait  une séance de vaccination dans chaque centre. Le centre du boulevard de Fourmies travaillait entre autres médecins, avec le docteur Mercier qui était installé avenue Motte. On procédait à quatre injections, la seconde trois mois après la première, puis la troisième, trois mois après, avec un rappel  tous les 5 ans, pour un délai maximum de dix ans. Peu de gens sont à jour ! Le service des vaccinations roubaisien s’est arrêté en 1990, et les vaccinations sont à présent gérées par le Conseil Général.

La consultation des nourrissons en 1963 Photo NE
La consultation des nourrissons en 1963 Photo NE

En 1986, il y avait sept infirmières municipales, deux sur place et cinq qui allaient à domicile, c’était gratuit, du lundi ou samedi, avec un service de garde le dimanche. Ça s’est arrêté en 1990, et il a fallu reclasser ces personnes. Par ailleurs, il y avait deux permanences de la CPAM, et les agents payaient les prestations en liquide.  Ça s’est arrêté fin février 2000, faute de visiteurs. Le centre médico-social s’occupait aussi de  la médecine sportive : visites médicales gratuites, pour les différents clubs sportifs de football, basket, volley. Les docteurs Ghysel, Seguin, Prévost en étaient chargés. Enfin, une activité importante se trouvait à l’étage : le service de médecine scolaire.

Merci à Alain Géllé, et Gérard Vanspeybroeck pour leurs témoignages

Sources : Nord Eclair

 


[1] D’après le Ravet Anceau de 1973

Que reste-t-il de la rue des Longues haies ?

Il n’est pas rare qu’un visiteur demande à voir la fameuse rue des Longues Haies, qu’évoque Maxence Van Der Meersch dans son livre « Quand les sirènes se taisent ». Cette voie toute droite de plus d’un kilomètre de long évoque toujours dans la mémoire des anciens le passé d’un quartier populaire : de grandes usines, un labyrinthe de courées, la solidarité et les luttes ouvrières, des estaminets et des commerces, le Mont de Piété, les Bains Municipaux, le Gazomètre…Que reste-t-il de tout cela, que peut-on montrer au visiteur curieux de légendes ?

La rue des longues haies autrefois CP Méd Rx
La rue des longues haies autrefois CP Méd Rx

On serait tenté de répondre : rien. La première disparition de la rue des longues haies intervient le 3 juillet 1938, quand la rue change de nom, à l’initiative du Conseil Municipal de Roubaix. Il s’agit de rendre hommage à Edouard Anseele, ce grand militant socialiste belge, décédé la même année, venu soutenir la classe ouvrière roubaisienne lors des grandes grèves de 1880. Mais bien qu’on ait  donné le nom d’Edouard Anseele à la rue, le nom du quartier des Longues Haies a longtemps  survécu. Cette rue était l’épine dorsale d’un quartier,  car derrière ses maisons en front à rue, ses cabarets, ses épiceries et entre les maisons, presque tous les dix mètres, il y avait des entrées de courées. Au début du vingtième siècle, il y avait une quarantaine de courées et plus de trois mille habitants. Un village dans la ville.

Démolitions 1959 Photo NE
Démolitions 1959 Photo NE

En 1957, le conseil municipal décide la rénovation du quartier, c’est-à-dire de raser les logements insalubres et de reconstruire. En 1959, au moment de la démolition, il restait encore 32 courées. On démolissait encore en 1963, quand le premier immeuble du bloc Anseele sortit de terre. Il se situait rue Bernard (aujourd’hui rue Jules Watteuw) et ses premiers locataires furent les pompiers de la caserne tout proche (démolie en 1984).La rue des longues haies s’étendait de la rue du Moulin (rue Jean Moulin) jusqu’au boulevard de Colmar. Après la disparition de la première partie de la rue de Lannoy, le tronçon de la rue du Moulin jusqu’à la rue des filatures prit le nom du Président Vincent Auriol en mars 1967. On peut donc encore voir le tracé du début de la rue, dans l’ombre de l’immeuble de la rue des Paraboles. Tout juste peut-on encore apercevoir l’arrière des maisons bourgeoises du boulevard Leclerc.

Entrée de la rue du Président Auriol Photo PhW
Entrée de la rue du Président Auriol Photo PhW

Son parcours est ensuite interrompu, puis elle reprend à partir de la rue Dupleix, et passe derrière la tour du théâtre, dont le nom seul porte le souvenir de l’hippodrome théâtre, haut lieu de la culture roubaisienne, démoli en 1964. La sortie des artistes donnait dans la rue des longues haies. Puis elle va rejoindre la rue Winston Churchill (ex rue des filatures), peu après l’IUP Infocom (ex usine Lemaire et Dillies reconvertie en site universitaire).

Suite de la rue Photo PhW
Suite de la rue Photo PhW

Ensuite, elle disparaît complètement, recouverte par le grand bâtiment du H13, autrement nommé l’Os à moelle, et par les cellules commerciales de Roubaix 2000, à présent remplacé par Mac Arthur Glenn, qui occupent ce qui constitua la première partie de la rue de Lannoy. Nous avons déjà raconté les péripéties de cette autre disparition.  Puis c’est le bloc Anseele, avec les trois tours des aviateurs, les immeubles entourant le groupe scolaire. On n’y trouvera plus l’âme des longues haies, cet endroit étant d’ailleurs nommé un bloc, privé de réelle vie commune, enserré dans le flot de la circulation des boulevards de Belfort et  Gambetta, et de la rue Pierre de Roubaix. Le parcours initial reprend, à partir de la rue Pierre de Roubaix jusqu’au boulevard de Colmar. Il porte encore le nom d’Édouard Anseele, mais ce n’est plus la rue des longues haies d’autrefois, même si quelques murs d’usine, des façades de commerces aujourd’hui fermés évoquent sa vie passée.

La rue Edouard Anseele vue du boulevard de Colmar Photo PhW
La rue Édouard Anseele vue du boulevard de Colmar Photo PhW

Le visiteur devra donc confronter son imaginaire avec le récit des anciens habitants que nous avons pu recueillir dans ces annales, et avec les quelques cartes postales anciennes de la Médiathèque de Roubaix.

La tour disparue

L’opération de résorption de l’habitat insalubre a démarré avec trois ans de retard au Cul de four. C’est  en novembre 1974, que la surface comprise dans le périmètre des rues Meyerbeer, Turgot, Rollin, Rossini et Wagram a été « dégagée». Cent trois maisons ont ainsi été détruites, et on a programmé une centaine de logements HLM à leur place, il s’agira d’un programme de logement à loyer réduit, mené par l’Office Municipal de HLM de Roubaix.

Une zone dégagée en 1974 Photo NE
Une zone dégagée en 1974 Photo NE

En Aout 1975, le projet Turgot Meyerbeer va démarrer, avec comme entrepreneur la société Ferret Savinel . Deux architectes MM André Dutilly de Roubaix et M Gérard Martin de Villeneuve d’Ascq se sont chargés du projet. La tour Marengo va être construite. Les premiers locataires s’y installeront dans le courant de l’année 1977.

Le projet de la tour Marengo Photo NE
Le projet de la tour Marengo Photo NE

En janvier 1984, des voitures sont incendiées sur le parking de l’immeuble. Les propriétaires de ces véhicules sont des locataires de la tour aux revenus bien modestes. Quelques jours plus tard, c’est au tour de la fourgonnette d’un brocanteur. Ce sont donc des incendies criminels. La tour Marengo est alors comparée aux fameuses Minguettes de la banlieue de Lyon.

Vue de la tour Marengo Coll Particulière
Vue de la tour Marengo Coll Particulière

De fait les locataires ne s’éternisent pas dans la tour et déménagent rapidement. Le concierge explique que le local à containers a été incendié 23 fois l’an dernier. Les portes sont continuellement cassées, les boîtes à lettres saccagées. Qu’est ce qui peut expliquer une telle violence ? La tour Marengo se vide progressivement. Un projet de réhabilitation est envisagé en 1987. Puis en 1988, il ne reste plus que 35 locataires sur les 120 logements. Alors que l’année précédente, des travaux ont été effectués (remise en peinture des couloirs et remplacement des revêtements de sol), l’office HLM envisage à présent une stratégie de relogement. La tour doit être vidée pour la fin du mois d’avril ! Le comité de quartier envoie une lettre recommandée à l’office HLM pour savoir ce qu’il va advenir des 35 familles de la tour Marengo. Finalement, l’office appelle à une réunion de concertation avec les locataires qui se tiendra dans la tour au n°101.

Vue de la tour Marengo Photo NE
Vue de la tour Marengo Photo NE

En octobre 1988, la tour Marengo est vide et officiellement murée. Transformée en terrain de jeux pour les gamins du quartier, elle est aussi devenue le paradis des récupérateurs. L’environnement n’est pas en reste. Une décharge sauvage s’est installée entre les pilotis de la tour Marengo, et les maisons des rues d’Iéna, Dombasle et Milton sont murées. Les constructions de l’îlot Voltaire et de la résidence de la rue Bayard ne se sont pas étendues au reste du quartier. Le sort de la tour Marengo n’est pas encore réglé. On hésite à la démolir. Il est vrai que l’office HLM rembourse encore les emprunts contractés pour sa construction. On envisage de la reconvertir en un immeuble tertiaire. Mais l‘insuccès rencontré par la tour Mercure, à deux pas de là, n’incite pas à un tel projet. On pense louer les appartements à de petits ateliers textiles, mais la proposition reste sans suite.

La tour Marengo en 1988 Photo NE
La tour Marengo en 1988 Photo NE

Pourtant tout un secteur du quartier dépend de l’avenir de cette tour inoccupée, la voie rapide sur berge va bientôt passer un peu plus haut, et cela va générer des terrains à vocation industrielle. La situation n’évolue pas. La Tour sert même de terrain d’entraînement pour les pompiers qui vont y éteindre un début d’incendie, en juin 1989.  Déjà en mars 1989, sa démolition avait été actée par une délibération municipale.

D’après les articles de Nord Éclair et les témoignages de l’atelier mémoire du Cul de Four

 

 

Rue du Caire

La rue du Caire débute rue de Cartigny et traverse les rues d’Oran et de Constantine. Elle mesure 670 mètres de long sur 12 de large. Elle nous permet d’avoir un regard sur l’évolution de l’urbanisme roubaisien. On trouve en effet trace sur son parcours de différents habitats qui se sont succédé au cours des années. Réalisée au début du vingtième siècle, la rue du Caire comportait plusieurs courées qui ont aujourd’hui été murées, la cour Bonnard Pollet au n°14 (12 maisons), la cour Larnou au n°9 (20 maisons) et la cour Cruquenaire au n°128 (4 maisons). Mais elle connut aussi des expériences intéressantes d’urbanisme. La cité Saint Henri, des numéros 96 à 110, est construite en 1894 et inaugurée le 2 décembre 1894. Réalisée sur un terrain offert par les fils d’Henri Dubar Ferrier (d’où le nom de la cité), elle avait pour ambition de proposer des logements répondant à leurs aspirations. La construction fut réalisée par une entreprise de Wattrelos, cela coûtait 2310 francs par maison, et la location était fixée à 14,50 francs par mois. A cette époque, un bon ouvrier tisserand gagnait de 3,50 francs à 4,50 francs par jour.

La cité Saint Henri en 1894 Dessin paru dans le Journal de Roubaix
La cité Saint Henri en 1894 Dessin paru dans le Journal de Roubaix

Citons aussi la série de maisons réalisée par la société anonyme Roubaisienne d’habitations ouvrières.  Ces habitations sont reconnaissables à leur décrochement caractéristique.  Victor Hache était le directeur de cette société, qui construisit notamment à Roubaix (avenue Linné, rue Michelet), à Wattrelos, et à Leers. Leur réalisation date des années vingt et ces maisons ont toujours fière allure.

Maisons de la Société anonyme roubaisienne d'habitations ouvrières Photo PhW
Maisons de la S.A. roubaisienne d’habitations ouvrières Photo PhW

Depuis 1965, le CIL de Roubaix Tourcoing a construit des dominos, qui sont des résidences pour personnes âgées. Les premiers dominos réalisés se trouvent dans le quartier de Beaumont à Hem derrière l’église Saint Paul, et rue du Caire à Roubaix. Cette cité des Dominos se situe entre les numéros 105 à 143. Elle représente un véritable îlot résidentiel qui porte à présent le nom du Béguinage du Bon Repos. Depuis il y en a eu d’autres, à Leers, Wattrelos, rue de Toul, à Toufflers, à Lys lez Lannoy et à Roubaix, comme le béguinage Marlot ou le béguinage Brossolette, dans la rue et près de la tour du même nom.

Le béguinage du bon repos Photo PhW
Le béguinage du bon repos Photo PhW

Enfin, un immeuble résidentiel du CIL existait au bout de la rue du Caire, édifié au cours des années soixante. Il est mentionné dans le Ravet-Anceau, et il possédait neuf entrées, réparties entre les n°188 et 230. Nous n’en avons pas retrouvé d’images, ni la date de sa démolition. Le témoignage de personnes y ayant résidé nous permettrait de savoir quelles étaient les conditions de vie de cet immeuble, quel était son état et ce qui a décidé de sa destruction. Aux dernières nouvelles, une mosquée serait bientôt construite sur son emplacement.

D’après l’Histoire des rue de Roubaix par les Flâneurs et les témoignages des participants de l’atelier mémoire