Nord-Eclair (Suite)

Dans les années 1960, l’imprimerie évolue et se modernise. Elle compte 5200 salariés dans le Nord dont 1500 à Roubaix-Tourcoing, dans la presse et l’édition. De la typographie, ou l’art de disposer les caractères mobiles de façon équilibrée, lisible et harmonieuse, on passe à l’ « offset »,  un procédé d’impression qui est l’amélioration de la lithographie, et l’électronique apporte ses perfectionnements.

Les nouvelles machines de l’imprimerie (Documents Nord-Eclair)

Dans cette optique un permis de démolir est déposé par la société des journaux réunis pour la démolition des 25-27 rue du Collège menaçant ruine, ce qui leur permet d’avoir une entrée par la rue du Collège. Puis un permis de construire est déposé pour un bâtiment à usage d’atelier de linotypes au 71 Grande-Rue en 1962, à ériger dans la cour de l’immeuble devant les ateliers déjà existants.

Plan du nouveau bâtiment pour abriter l’atelier de linotypes (Document archives municipales)

L’année suivante c’est un permis pour la construction d’un bâtiment d’un étage, à usage de bureaux au n°63 Grande-Rue, à la place du bâtiment démoli qui était adossé à l’immeuble de l’Union, qui est déposé. A droite de l’entrée sont alignés en façade sur la rue 7 bureaux et enfin un local vestiaire. A l’étage la disposition et la même avec au bout à droite le service des sports et l’édition belge.

Plan du nouveau bâtiment à usage de bureaux (Documents archives municipales)

Trente ans après la création de Nord-Eclair, une crise profonde touche la presse écrite et surtout les quotidiens régionaux. Quand certains titres s’affaiblissent, se restructurent, voire disparaissent les uns après les autres et face à la nécessité de procéder à de lourds investissements, le titre est absorbé par le groupe Hersant en 1975, groupe fondé par Robert Hersant surnommé le « Papivore » à cause de son appétit insatiable pour l’achat de journaux, de périodiques et de radios FM . Nord-Matin ayant lui-même été racheté par le même groupe en 1967, les 2 titres fusionnent et sortent dès lors de la même imprimerie.

Photo de Robert Hersant (Document Getty)

Jules Clauwaert contribue alors avec la rédaction à la création de 2 sociétés, l’une, industrielle et commerciale, l’autre éditoriale indépendante, liées par contrat pour exploiter et faire vivre Nord-Eclair. Lors de la transformation des structures juridiques de l’entreprise, Jean Catrice prend la présidence du conseil d’administration de la société Nord-Eclair Edition, responsable du contenu du journal. Sa présence symbolise les liens qui rattachent Nord-Eclair à ses origines. Il décède en 1979 des suites d’une longue maladie et ses funérailles sont célébrées en l’église du Saint-Sépulcre.

Jean Catrice en 1977 (Document Nord-Eclair)

Jules Clauwaert quant à lui devient directeur général puis président du Conseil Permanent de Nord-Eclair Edition. Egalement devenu président de l’école supérieure de journalisme de 1965 à 1978, il en demeure ensuite président d’honneur. Chevalier de la légion d’honneur, engagé pour la ville de Roubaix, il décèdera en 2014 à l’âge de 90 ans, salué par le Club de la Presse dont il était l’un des premiers adhérents et dont il avait soutenu la création.

Les locaux 71 Grand Rue dans les années 1970 (Document archives municipales)

En 1978, Nord-Eclair se porte acquéreur de l’usine Lestienne Rue du Caire à Roubaix. Après un passage en photocomposition le quotidien va en effet être imprimé en Offset et sa qualité d’impression et de présentation sera dès lors notablement améliorée. La reconversion technique entamée sera terminée faisant de Nord-Eclair l’une des entreprises de presse les plus modernes de France voire d’Europe.

Ces bâtiments récents et leur infrastructure correspondent aux besoins du quotidien soucieux de pouvoir installer ses nouvelles rotatives afin de moderniser l’ensemble du journal, tout en maintenant l’emploi dans une agglomération déjà durement touchée par la crise.

Annonce de l’achat des locaux de la rue du Caire (Document Nord-Eclair)
Locaux rue du Caire (Documents GraphiLine et collection privée)

A l’invitation de Nord-Eclair, Pierre Prouvost, maire de Roubaix, son épouse, plusieurs de ses adjoints, des conseillers municipaux et des chefs de service de la mairie visitent les nouveaux locaux avec André Defrance, directeur général de Nord-Eclair et Nord Print, et Jules Clauwaert, directeur de Nord-Eclair Edition, entourés de nombreux collaborateurs. Les discours sont l’occasion de saluer le pluralisme de la presse dans notre région mais aussi une opération visant au maintien de l’emploi sur Roubaix.

Le conseil municipal reçu dans les nouveaux locaux en janvier 1979 (Documents Nord-Eclair)

Le permis de construire déposé en mairie de Roubaix pour procéder à une extension de l’usine sur le n°15 de la rue du Caire permet de se rendre compte de l’importance de la surface totale qui couvre les numéros 15 à 21 de la rue. La répartition des services est bien démontrée dans les plans de l’intérieur sur lesquels apparaissent notamment les salles de mise en page et celle des rotatives et de l’expédition.

Les plans de 1978 (Documents archives municipales)

Instantané de mémoire : « Mon père avait commencé sa carrière à la Croix du Nord à Lille avant d’intégrer l’imprimerie du journal Nord-Eclair en tant que linotypiste ( personne qui travaille sur une linotype, machine à composer et à fondre les caractères d’imprimerie par lignes ). A cette époque il avait dû se former pour pouvoir travailler sur les nouvelles machines Offset. L’évolution était nécessaire pour pouvoir poursuivre sa carrière dans la presse écrite ».

André Defrance, déclare à tous ceux qui oeuvrent à la sortie du journal, photograveurs, rotativistes, service d’expédition, etc sa vive satisfaction devant la promptitude avec laquelle toute l’équipe technique s’est adaptée au nouveau matériel moderne. Il trinque avec son personnel avant que les rotatives offset fassent jaillir le journal du jour. Nord Print est l’imprimerie du journal Nord-Eclair et imprime alors une dizaine de titres dont, pour la plupart, des journaux nationaux mais aussi des publications étrangères comme « El Pais ».

Fête dans les nouveaux locaux (Document Nord-Eclair)
Publicités de 1979, 1986 et 1995 (Documents Nord-Eclair)
Les locaux dans la rue du Caire lors de l’installation (Documents archives municipales)

A suivre…

Article dédié à André Delmée, salarié de Nord-Eclair pendant la quasi totalité de sa carrière.

Remerciements aux Archives Municipales de Roubaix

Briqueterie de Hem (Suite)

Dans les années 1980, à Hem, c’est le fils du fondateur Mr Delfosse qui dirige l’usine. Le produit est toujours fabriqué à l’ancienne, afin de lui assurer une qualité maximale permettant à cette entreprise de continuer à fonctionner. L’argile et la glaise sont extraites de carrières creusées dans les terrains environnant l’usine à l’aide d’excavatrices puis transportées par locotracteurs sur 6 kms de voie ferrée. Les carrières sont rebouchées au fur et à mesure avec des ordures ménagères.

Une excavatrice en fonctionnement en 1980 (Document Nord-Eclair)

Puis dans des doseurs on ajoute un peu de schiste à la terre pour éviter les fissures avant de passer le mélange dans une machine dont la fonction consiste à enlever les résidus métalliques et les cailloux. Puis il est broyé et fortement humidifié dans une sorte d’énorme pétrin. Après mise en forme le pain rectangulaire d’un mètre environ est découpé en tranches ou briques.

Les placeurs entreposent alors les briques dans les séchoirs et forment des murs de 200.000 unités tout en veillant à laisser des intervalles entre les briques pour permettre une meilleure circulation de l’air. Une fois sèches, soit au bout de 15 jours par beau temps et plus d’un mois en cas d’intempéries prolongées, les briques sont retirées des hangars pour être cuites au four.

Les séchoirs (Document Nord-Eclair)
Le four (Document Nord-Eclair)

Le four est maintenant un bâtiment de 2 étages de 80 mètres de long. Les briques sont entassées au niveau inférieur dans un compartiment dont le plafond est percé de plusieurs trous. Le charbon est introduit régulièrement par le haut et les briques sont cuites à une température de 1000 degrés.

Le travail à l’intérieur du four après la cuisson (Document Nord-Eclair)

L’industrie de la brique est une activité saisonnière dans la mesure où l’on ne peut fabriquer les briques que pendant 6 mois puisqu’il serait impossible de les faire sécher naturellement en hiver. Mais le four tourne toute l’année sur les réserves faites à la bonne saison. On ne l’éteint qu’une fois par an pour les indispensables réparations. 38 personnes sont donc employées pour la fabrication et la cuisson pendant 6 mois mais seulement 20 à 22 l’hiver. Les saisonniers sont alors essentiellement portugais et nord-africains.

Malgré la mécanisation intervenue améliorant les conditions de travail par rapport au début du siècle, le travail en briqueterie est toujours pénible : la poussière à la fabrication, la chaleur dans le four et le poids des briques rendent le métier difficile et les ouvriers sont payés au rendement.

Photos aériennes de 1992 et 1999 (Documents Historihem)

Pendant 20 ans encore la briqueterie de Hem continue à fonctionner avec plus ou moins de difficultés mais elle ne parvient pas à fêter son centenaire. Les réalités économiques finissent par la rattraper et à l’aube du 21ème siècle sa démolition est inéluctable, d’autant que la production a dû cesser en 1999, faute d’argile.

La vingtaine de salariés restants a dû être licenciée et les grues et marteaux piqueurs sont entrés en action pour raser les bâtiments. Le plus gros morceau du chantier s’est avéré être le vieux blockhaus en béton armé datant de la guerre et sur lequel une grue piqueuse s’est cassé les dents. Les stocks de briques restant en ce début d’année 2000 s’écoulent lentement et près d’un million et demi d’entre elles sont encore en vente.

Le blockhaus en cours de démolition et les palettes de briques à vendre (Documents Historihem)

En 25 ans le paysage de la rue du Calvaire s’est considérablement modifié comme en témoignent ces 2 photos aériennes prises l’une en 1975 à un moment où la briqueterie est encore en pic d’activité, produisant 25.000 briques par jour et celle de 2000 où la démolition est terminée.

Vues aériennes du 187 rue du Calvaire en 1975 et 2000 (Documents IGN)

Actuellement reste, au milieu des nouvelles entreprises implantées dans la zone d’activité des 4 Vents, au 187 rue du Calvaire, le siège social de la société anonyme Briqueteries de l’Entreprise Roubaix et environs, créée en 1957. Bernard Delfosse en est le président et l’activité, d’après le site société.com, est la fabrication de briques, tuiles et produits de construction, en terre cuite. Sur place on constate encore à ce jour la présence d’une boîte à lettres au nom de l’entreprise.

Les boîtes aux lettres du 187 rue du Calvaire (Document photo IT)

A la même adresse se situe également la société anonyme Vermeulen Matériaux, spécialisée dans le secteur d’activité du commerce de gros (commerce interentreprises) de bois et de matériaux de construction. Un panneau au nom de cette entreprise est apposé à la grille donnant accès au site.

Vue du site et du panneau apposé sur la grille (Document photo IT)
Vue aérienne du 187 rue du Calvaire en 2022 (Document Google Maps)

Remerciements à l’association Historihem ainsi qu’à André Camion et Jacquy Delaporte pour leur ouvrage Hem d’hier et d’aujourd’hui.

Le café Saint-Louis

Cet établissement est ouvert par Charles Vanhasbroucq, en Novembre 1888, au 123 rue Jean Jaurès à Hem et repris 10 ans plus tard par son fils Louis. Ce café barbier est toujours en activité avant guerre et, en 1945, on y parle encore de Marie Bonne-Soupe, une des tenancières du passé.

Le Saint-Louis en façade et un gros plan sur la superbe céramique d’origine figurant au fronton du café (Documents Nord-Eclair)
Le Saint-Louis sur 2 CPA du début du 20ème siècle (Documents collection privée)

Sur la carte postale du haut on voit clairement à gauche du café un commerce démontable, car fait de cloisons de bois. Il s’agit de la boucherie Lelièvre dans les années 1950, à laquelle succède Quinton poissons dans les années 1960, que l’on retrouve au n°117 dans les Ravet-Anceau de l’époque.

On y voit aussi une épicerie sur le coin de la rue Louis Loucheur en face au n° 118, alimentation générale Flahaut dans les années 50, puis Coop Dekeukekeire-Baron dans les années 1960-70, qui deviendra par la suite une boucherie chevaline, Wanin puis Haze dans les années 1980. Pendant ces périodes le Saint-Louis est géré par les Saelens dans les années 1950-60 puis Carette et ensuite Lejeune dans les années 1970-80.

Dans les années 1950, beaucoup d’événements sont fêtés au Saint-Louis. C’est notamment le cas, en 1956, quand « La Gauloise » y fête la Sainte-Cécile lors d’un banquet à l’issue duquel, en présence de Mr Leplat, maire de Hem, il est procédé à une distribution de distinctions aux membres de cette clique, crée en 1923 par Mr Sueur.

(Document Nord-Eclair)

Dans les années 1970 l’établissement sert de siège à l’association « Les amis du Saint-Louis », comité d’entraide aux aînés du quartier. Une cagnotte réunie grâce aux fêtes du quartier, permet, en 1975, d’offrir à une trentaine de convives du 3ème âge un menu soigné, dans une ambiance conviviale et de leur remettre des colis.

Soleil dans les cœurs au Saint-Louis (Document Nord-Eclair)
Publicité de l’époque (Document Historihem)

Les festivités du comité du Saint-Louis se déroulent sur un week-end. Le samedi Gérard Pau, son accordéon et ses musiciens, font virevolter les couples dans la rue Jean Jaurès.

Les festivités au Saint-Louis (Document Nord-Eclair)

Le dimanche est organisée une course cycliste, le prix Emile Delcourt, dont le départ a lieu devant l’établissement et à laquelle participe une petite centaine de coureurs. Le nom de ce grand prix est celui d’un coureur cycliste très connu à Hem, s’étant classé 5ème dans le Paris-Roubaix.

Emile Delcourt pendant le Paris-Roubaix à Hem Bifur (Document Hem d’hier et d’aujourd’hui)
Le départ des coureurs devant le café St Louis en 1976 (Document Nord-Eclair) et 1977 (Document Historihem)

Le café Saint-Louis est alors toujours le siège du comité des anciens du Saint-Louis mais il se tourne également vers le sport en qualité de sympathisant de l’USH (Union Sportive Hémoise) née de la fusion du club de foot du foyer Saint Corneille et du Football-Club de Hem le 16 mai 1964. Il est enfin le siège de la pétanque jusqu’à la création de l‘association « Pétanque Club des Trois Baudets » le 24 septembre 1979 .

Publicité de l’époque (Document Historihem) Publicité de 1982 (Document Office Municipal d’Information)

30 ans plus tard en 2001, les habitudes sont bousculées dans l’un des plus anciens estaminets de la commune, habituellement théâtre de paisibles parties de belote, où l’équipe des débutants de l’Olympic Hémois se voit offrir une belle parure, sérigraphiée aux armes du Saint-Louis, par la gérante du café depuis 1993 : Jacqueline Dellemme.

L’équipe revêtue de son nouveau maillot (Document Nord-Eclair)

Le café retrouve alors des airs des fêtes qui s’y déroulaient dans les années 1950-60. La bâtiment quant à lui n’a subi que très peu de transformations et la magnifique céramique est toujours présente au fronton de l’établissement où elle trône encore 20 ans plus tard dans les années 2020 alors que le commerce est toujours en activité et ouvert toute la semaine.

La façade du café dans les années 2020 et le café dans la rue Jean Jaurès (Documents Google Maps)

Remerciements à la ville de Hem, l’association Historihem et Jacquy Delaporte pour son ouvrage Hem d’hier et d’aujourd’hui

Briqueterie de Hem

Dans le quartier du Rivage à Hem, au 17ème siècle un chemin menant au hameau du Petit Voisinage bifurque ensuite vers Sailly et Willems. En 1931, ce chemin est devenu la rue du Calvaire et doit son nom à une petite chapelle calvaire située à son extrémité, avant la ville de Sailly-lez-Lannoy.

De son vrai nom « Briqueterie de l’Entreprise de Roubaix et ses environs », la briqueterie « dite d’Hem », Comptoir Régional de la Terre Cuite, s’implante au 187 rue du Calvaire au lieu dit «  Au-Dessus du Petit-Voisinage » en 1930, suite à une demande de construction faite en 1929 par Mrs Degallay et Delfosse. On la voit clairement sur une photo aérienne de 1933.

Photo panoramique de 1933 (Document IGN)

L’entreprise utilise une terre ocre, particulière à la région : le limousin argileux des Flandres. Elle est constituée d’un atelier de fabrication, d’une aire de séchage, d’un logement d’ouvriers, d’un bureau d’entreprise, d’une cour, d’une voie ferrée, d’une cheminée d’usine en briques portant son année de construction, 1930, et d’une pièce de stockage du combustible.

Elle n’apparait cependant en tant que Briqueterie de l’Entreprise de Roubaix et ses environs dans l’annuaire qu’après la seconde guerre mondiale. On constate mieux l’importance de l’entreprise en terme de surface dans la rue du Calvaire sur une photo aérienne de 1962.

Photo panoramique de 1962 (Document IGN)

L’entreprise est construite en briques avec une charpente pour partie en bois couvert en ciment amiante en ce qui concerne les séchoirs et pour partie métallique en ce qui concerne l’atelier de fabrication recouvert d’un toit à longs pans couvert en ciment amiante. Le logement d’ouvriers comporte quant à lui un étage carré avec sous-sol couvert d’un toit à longs pans brisés, recouvert de tuiles flamandes.

La briqueterie vue de la zone des 4 Vents et les logements des ouvriers (Documents Historihem)

L’usine fabrique des briquettes de parement, produits creux, et des briques pleines ordinaires et rustiques dont la cuisson se fait au charbon dans un four Hoffmann. Sa production journalière d’avril à septembre se monte de 30 000 à 35 000 briques. La briqueterie emploie de 27 à 37 saisonniers, à l’origine belges puis italiens.

Antonio, l’un des saisonniers italiens employés par la briqueterie, à droite sur la photo (Documents Historihem)

Dans  les années 1920-1930 l’extraction ne se fait plus de façon manuelle mais à l’aide de pelleteuses. La terre est ensuite acheminée à l’usine par wagonnets sur rails ou par camions. Ce travail a lieu toute l’année pour alimenter l’usine en continu.

Elle est ensuite convoyée par un tapis roulant jusqu’aux broyeurs à meules verticales qui la broient et la malaxent avec de l’eau puis elle est transformée en pâte. Celle-ci est ensuite moulée puis propulsée en continu au travers d’une filière qui lui donne la forme désirée. Ce ruban d’argile est tronçonné à la longueur voulue par le fil d’acier d’un découpeur.

Le séchage s’effectue le plus souvent dans un séchoir tunnel, dans lequel les produits, empilés sur des wagonnets, sont balayés par un courant d’air chaud, de l’ordre de 120° C., récupéré du four. Le four Hoffmann, inventé en 1858, est un four à cuisson continue et à foyer mobile (le feu se déplace dans des chambres de cuisson), chauffé au charbon, de plan circulaire à l’origine.

L’intérieur d’un four à briques et les rails des wagonnets (Documents Historihem)

Lors de la seconde guerre mondiale, une ligne défensive, la ligne Maginot, consistant en fortifications commencées en 1927 et achevée en 1936, est sensée arrêter les troupes allemandes. A Hem, les troupes britanniques font des travaux de défense militaire sur les terrains de culture exploités par le fermier Callewaert autour de sa ferme sise 234 rue de la Vallée.

Ses terres sont alors entièrement sillonnées de tranchées et boyaux de 5 mètres de profondeur. La terre de ces ouvrages est rejetée sur les bords et des parapets en sacs de terre sont établis. La prairie garnie de réseaux de barbelés est inaccessible aux bestiaux.

Ces ouvrages et la résistance acharnée des troupes britanniques ne suffisent pourtant pas à arrêter l’ennemi et l’occupation de Hem commence. Une quinzaine de militaires allemands ont cependant trouvé la mort derrière la briqueterie et leurs corps sont transférés au cimetière d’Haubourdin.

Photo prise du château d’eau situé rue de la vallée vers les tranchées et le blockhauss (Document Historihem)

Après-guerre, bien que dans le Nord la brique soit le matériau de construction privilégié, l’urgence de la reconstruction oblige les entreprises à utiliser des parpaings et ce n’est que nombre d’années plus tard que, par souci d’esthétisme et de solidité, les bâtisseurs reviennent à la brique. Pourtant la Briqueterie d’Hem tient bon.

Remerciements à l’association Historihem ainsi qu’à André Camion et Jacquy Delaporte pour leur ouvrage Hem d’hier et d’aujourd’hui.

A suivre…

Nord-Eclair

Suite de deux articles précédemment édités et intitulés Journal de Roubaix :

Jean Catrice, né le 26 août 1903, est le fils d’Edouard Catrice, industriel du textile, installé à Lys-lez-Lannoy en association avec Jean Deffrennes-Canet depuis 1890. A la fin de ses études, il entre donc comme ses frères dans l’entreprise paternelle.

Usine d’Edouard Catrice (Document Tissage Art de Lys)

Son premier engagement c’est à l’ACJF (Association Catholique de la Jeunesse Française) où il crée des liens durables avec de nombreux jeunes de toutes conditions sociales.

Il épouse Claire en 1928 et le couple aura 7 enfants. Dès 1933, il adhère au Parti Démocrate Populaire dont il devient vice-président en 1936. En 1939, il est mobilisé en tant que lieutenant et chargé de la sécurité de la gare de Lille. Après avoir mis sa famille en sécurité dans la Sarthe il regagne Roubaix avec son frère cadet Pierre pour rejoindre l’usine familiale.

En 1940, avec la grande offensive allemande dans les Ardennes, l’exode commence mais leur famille reste à Berck où elle s’est installée au retour de la Sarthe pendant que Jean et Pierre cherchent à gagner l’Angleterre pour se réengager mais sans succès. C’est donc le retour à Roubaix pour les 2 frères et leurs familles et l’entrée dans la résistance.

Photo de Jean Catrice (Document site Assemblée Nationale)

Deux périodes se succèdent alors pour Jean : la résistance active en 1941-42 puis la participation à l’organisation centralisée de la résistance dans le Nord et à la fondation du comité départemental de la libération en 1943. Deux autres tâches l’attendent ensuite : la recherche des futurs nouveaux préfets du Nord-Pas-de-Calais et la suppression de la presse ayant collaboré avec l’ennemi au profit de l’installation d’une nouvelle presse.

Suivant les instructions générales venues d’Alger, Jean Catrice devient délégué régional à l’information, titre confirmé à la libération. Les anciens journaux locaux sont répartis entre les différents partis politiques et le Journal de Roubaix revient aux démocrates chrétiens.

Jean nommé délégué régional à l’information (Document Nord-Eclair)

Pendant ce temps, depuis 1943, rue de Paris, à Lille, dans un ancien couvent, paraît Nord Matin, journal de la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière). L’homme fort de Nord Matin, grand résistant sera Augustin Laurent, président du Comité départemental de Libération (avant Jules Houcke) et futur maire de Lille.

En 1944, c’est Jean Catrice qui annonce la libération à Radio-Lille. Dès 1944, il devient vice-président du MRP (Mouvement Républicain Populaire). Elu député de 1946 à 1955, en tant que représentant du MRP, il n’est pas réélu à la législature suivante et décide alors de se consacrer à sa famille et à Nord-Eclair, le journal qui a pris la place du Journal de Roubaix.

A la libération de Roubaix, les forces françaises libres décrochent le drapeau de la Kommandantur à l’Hôtel de Ville (Photo Voix du Nord)
Jean Catrice avec le général De Gaulle et avec ses amis résistants Mrs Teitgen et Defaux en 1944 (Documents Nord-Eclair)

C’est Jean Catrice qui est logiquement nommé gérant du nouveau journal : Nord-Eclair, qui prend possession de l’imprimerie et de la salle de rédaction du Journal de Roubaix. Dans le premier numéro, Nord-Eclair, sous-titré organe de la Libération Française, règle ses comptes avec les journaux du Nord qui ont poursuivi leur activité pendant les 4 années de guerre : « A Nord-Eclair, il n’y a que des résistants de la première heure ce qui lui donne le droit d’acclamer la victoire et de travailler demain à l’avenir du pays ».

Le journal affiche de suite son inspiration chrétienne, préparé dans la clandestinité par deux professeurs de l’université catholique de Lille : René Thery, responsable régional de Témoignage Chrétien et Louis Blanckaert, membre du comité directeur du mouvement de résistance La Voix du Nord. La nouvelle équipe se met en place autour de Léon Robichez, rédacteur en chef et Jules Clauwaert, éditorialiste.

Nord-Eclair du 05 septembre 1944 et Nord-Matin annonçant la libération (Documents Wikipedia et Remembrance 14-45)

En 1942, Léon Robichez était employé au service du contentieux du Journal de Roubaix. Il était chargé en fait de préparer clandestinement la parution d’un nouveau journal pour la Libération, en vertu d’un accord passé entre Jacques Demey, directeur du quotidien paraissant alors sous contrôle allemand, et les chefs du RIC : le Rassemblement démocratique des résistants d’inspiration chrétienne dont Jean Catrice est l’un des fondateurs. Il devient directeur politique de Nord-Éclair au départ des occupants en septembre 1944 et quittera le journalisme en 1951.

Photo de Léon Robichez (Document dictionnaire biographique Le Maitron)

En 1944, Jules Clauwaert, est diplômé de l’école supérieure de journalisme de Lille, issu de la résistance, et entre comme éditorialiste à Nord-Eclair. Il en deviendra rédacteur en chef par la suite. C’est un homme de conviction, démocrate chrétien, attaché à la liberté et au pluralisme de la presse qui incarne ce quotidien démocrate et social d’inspiration chrétienne.

Photo de Jules Clauwaert (Document Club de la Presse)

C’est en 1946 qu’a lieu le procès du Journal de Roubaix. Son directeur est condamné à 2 ans de prison et l’éditorialiste à 5 ans. Les autres journalistes sont acquittés. La société des Journaux Réunis est dissoute et un quart de ses biens sont confisqués au profit de l’état. D’anciens adjoints du directeurs du Journal de Roubaix se retrouvent de fait dans la direction du nouveau journal.

L’audience de Nord-Eclair s’étend bien vite à toute la région et toute une équipe remarquable de journalistes se constitue autour de Léon Robichez et Jules Clauwaert. Léon Robichez est l’élément de liaison entre le journal et le MRP, lequel, parti de rien, devient rapidement l’un des plus puissants partis de France.

Le journal, tout comme le mouvement politique, se font ardents défenseurs de la cellule de base qu’est la famille et de la liberté de l’enseignement. Leurs préoccupations sociales apparaissent évidentes dans un après-guerre période de graves difficultés économiques.

Dès 1956, des travaux doivent être entrepris en deux temps dans les locaux de la Grande-Rue. Dans un premier temps un permis de démolir est déposé pour abattre l’ancien hôtel particulier racheté 50 ans plus tôt à Jean Lefebvre-Soyer par la société des journaux réunis. Le demande est édifiante : vaste et important immeuble inoccupé, autrefois entièrement à usage d’habitation, irréparable et inhabitable par suite du manque d’entretien prolongé des couvertures, toitures et chéneaux.

L’ancien hôtel particulier dans la cour (Document collection privée)

Le rapport d’enquête relate que l’immeuble concerné comporte plusieurs caves en sous-sol, au rez-de-chaussée : 10 pièces de grandes dimensions, 2 vestibules, WC, cour, jardin et 2 escaliers vers les étages, sachant que ceux-ci ne peuvent être visités en détail par les services de la mairie par suite de leur délabrement et afin d’éviter tout risque inutile. Le local menaçant ruine et constituant un danger le permis de démolir est accordé.

Dans un 2ème temps un permis de transformation des bureaux est sollicité. La partie droite dans laquelle se situaient les anciens jardins va ainsi être investie par l’installation d’une nouvelle surface dévolue à des bureaux supplémentaires.

Plan des bureaux actuels (Document archives municipales)
Plan des bureaux transformés (Document archives municipales)

A suivre…

Article dédié à André Delmée, salarié de Nord-Eclair pendant la quasi totalité de sa carrière.

Remerciements aux Archives Municipales de Roubaix

IT Room (Information Technology Room)

En 1998, Alexis Lepoutre, issu d’une famille de l’industrie textile roubaisienne, sort diplômé de l’ENIC (Ecole nouvelle d’ingénieurs en communication), actuellement IMT Nord Europe (école nationale supérieure des Mines-Télécom) et part sur Paris où il travaille pendant 18 mois en tant que développeur.

Photo Alexis (Document internet)

Un an plus tard son frère Timothée obtient également son diplôme de la même école et, tous deux animés par la passion de l’informatique, du développement et des nouvelles technologies, décident de créer leur entreprise. C’est ainsi que nait l’entreprise IT Room à Roubaix. En effet Alexis a effectué un stage en Angleterre dans une école où il s’occupait de la salle multimédia (salle où il y avait les ordinateurs) et cette salle s’appelait l’ITRoom.

Sigle (Document site internet)

Dans un premier temps et pendant 1 an, d’avril 2000 à juin 2001, les deux frères travaillent dans un bureau (ancienne chambre) de 9 mètres carrés située dans une vieille maison de la rue du Vieil Abreuvoir. Alexis y réalise de la prestation de service en messagerie pour de grands groupes de la Vente par Correspondance pendant que son frère travaille en « développement open source ».

Photo actuelle du 21 bd Leclerc à Roubaix (Document Google Maps)

Puis l’entreprise déménage pour un local en entresol situé rue de l’Espérance en face du musée de la Piscine pour la période de juin 2001 à mai 2005. C’est là qu’un stagiaire les rejoint suivi par un puis 2 salariés. Ensuite la société part dans des bureaux situés au 21 boulevard du Général Leclerc de mai 2005 à janvier 2008.

A cette époque la société prend une dimension plus importante en achetant 2 appartements au 2ème et 3ème étage pour en faire des bureaux, au 49 boulevard Leclerc, au dessus du magasin Damart, pour la période allant de janvier 2008 à mars 2016. IT Room compte alors une vingtaine de salariés. C’est pendant cette période que la société compte un 3ème associé en la personne de Gauthier Leleu de la société IT Référencement.

Etablissement roubaisien à l’étage du magasin Damart extérieur et intérieur (Documents google maps et Alexis Lepoutre)

C’est en 2015 qu’une opportunité se présente d’acheter un terrain sur l’ancienne friche Gabert à Hem (voir sur notre site l’article précédemment édité et intitulé Teinturerie Gabert). Les deux frères gèrent le projet de A à Z et dessinent eux-mêmes les plans du futur immeuble avant de les faire valider par le constructeur.

Construction à Hem en 2015 et livraison en 2016 (Documents Alexis Lepoutre)

Ce nouvel établissement, sis 5 allée Gabert, face à l’ancien château de Jean Gabert, présente des avantages certains au niveau pratique : un intérieur adapté, un parking mais aussi un extérieur permettant l’installation d’une terrasse avec un barbecue ainsi que d’un terrain de pétanque. Le nouveau concept permet le développement d’un état d’esprit cher à Alexis : la proximité avec les collaborateurs.

Etablissement de Hem (Documents google maps)
Les équipes au travail et les bureaux (Documents site internet et famille Fontenay)

En effet même si certains d’entre eux travaillent chez des clients en prestation à plein temps le but est de maintenir une cohésion de l’ensemble. C’est ainsi que même pour ces derniers l’organisation fait qu’ils forment également une équipe chez un client déterminé. Ils sont toujours suivis et reçoivent régulièrement la visite de leurs dirigeants.

Il existe actuellement 3 entités sur place, ce qui représente une soixantaine de salariés au total : IT Room (développement technique informatique), IT Référencement (accompagnement pour la visibilité d’un site internet ou e-marketing) et IT BLM (administration système et réseaux).

Extension en 2020-2021 (Documents site internet)

Afin de pouvoir accueillir cette nouvelle entité, située à Marcq-en-Baroeul, dans les locaux de Hem une extension du site hémois est entamée en 2020 et finalisée à l’été 2021. A cette occasion 2 nouveaux associés arrivent dans la société, tous deux issus de BLM, à savoir Jean-François Bocourt et Christophe Bricault. C’est également à cette époque qu’un autre associé intègre la société : Valery Broyon qui était de la même promotion qu’Alexis à l’ENIC.

Conférence, formation, forum d’entreprise à l’IMT Nord Europe (Documents site internet)

Chez IT Room on se forme continuellement, que ce soit par l’entraide entre collègues, par le biais de sessions de mentoring ou la mise en place de formations. Ainsi, lors de conférences ou de formations, des mises à niveaux sont assurées à tous les collaborateurs dans un métier où les nouvelles technologies évoluent à grande vitesse.

IT Room se fait également représenter lors des forums d’entreprises dans les grandes écoles. La participation à des causes nationales telles que la lutte contre les violences faites aux femmes ou la journée nationale de la trisomie 21 font également partie de la culture d’entreprise.

Lutte contre les violences, trisomie 21 (Documents site internet)

Afin d’assurer la cohésion de l’ensemble des collaborateurs des repas ou autres moments de convivialité rassemblent régulièrement les différentes équipes au siège à Hem, ainsi que des challenges ping-pong et/ou pétanque, des séances de karaoké mais il existe également des sorties notamment au bowling et au stade de foot. L’important est de veiller au bien-être au travail et pour se faire il est indispensable d’instaurer des moments sympathiques et conviviaux y compris sur les lieux habituellement dévolus au travail. Il existe ainsi un potager bien entretenu dans le jardin de l’entreprise.

Moments de convivialité (Documents site internet et famille Fontenay)
Challenge pétanque/ping-pong (Documents site internet et famille Fontenay)
Terrasse et potager (Documents site internet et Alexis Lepoutre)

En 20 ans une petite société, née d’une passion commune de deux frères, a donc pris son essor et connu une croissance impressionnante tant en terme de nombre d’associés que de salariés tout en réussissant le pari de rester une entreprise familiale et proche de ses collaborateurs.

Dédié à Romain Fontenay

Remerciements à Alexis Lepoutre

Teinturerie Declercq (suite)

La teinturerie Declercq est l’une des premières à utiliser un camion et Oswald figure en 1927 dans l’annuaire des grands cercles et du Grand Monde (Cercle de l’Union, Jockey-Club…) Manifestement la famille Declercq est une famille qui compte et la teinturerie fonctionne à plein régime même si Oswald a préféré cesser l’activité de teinture pour ce consacrer à l’apprêt.

Côté vie privée Oswald a épousé Aldegonde Screpel avec laquelle il occupe la maison d’habitation bâtie dans l’enceinte de l’usine et occupée auparavant par Napoléon Paul et son épouse Céline Roussel. Ils ont une voiture avec chauffeur et lorsque celle-ci le ramène à la maison, le chauffeur continue alors jusqu’au garage situé au cœur de l’usine. Là une plaque tournante lui fait effectuer un demi-tour afin qu’elle soit garée dans le bon sens pour sa prochaine sortie.

Photo d’un camion avec les chauffeurs en attente dans la rue (Document Famille Declercq)

Un important mouvement de grève se développe en France au lendemain de la victoire du Front populaire aux élections de mai 1936 : les ouvriers occupent leurs usines et s’organisent tandis que le pays est paralysé. A la mi-juin 1936, le Grand Echo du Nord de la France annonce un très important mouvement de reprise du travail dans les différents établissements en grève de l’agglomération lilloise et notamment la fin de la grève et la reprise du travail de 80 ouvriers à la teinturerie Declercq à Hem.

La teinturerie est reprise ensuite par Oswald fils, né en 1901, quand son père la lui cède après avoir racheté les parts de tous les autres membres de la famille et petits actionnaires. Elle devient sa propriété unique en 1943 et compte alors jusqu’à 162 ouvriers.

Photo d’Oswald fils (Document famille Declercq)

Pendant la 2ème guerre, l’usine continue à fonctionner comme en témoigne une facture de 1940. Le pont d’ Hempempont et, par voie de conséquence les riverains subissent également des destructions. Une facture de 1946 montre que l’entreprise survit à la guerre et continue à travailler dans l’immédiat après-guerre.

Destruction au niveau du pont pendant la seconde guerre (Document collection privée)
Factures de 1946, 1949 et 1952 (Documents Historihem)

Oswald a épousé Marthe Cottaz et vit dans la maison de maître située à droite de l’accès à l’usine avec leurs 2 fils : Philippe né en 1933 et Alain né en 1937 et leurs 2 filles Nicole et Janick. Son père emmène Alain très tôt dans les ateliers car il est passionné par la mécanique.

La maison de maître habitée par la famille à côté du pont et juste à droite de l’entrée de l’usine (Documents collection privée et famille Declercq)

C’est ainsi que ce dernier commence à travailler très jeune dans l’usine, à l’âge de 17 ans. N’étant pas très scolaire il apprend à souder avec les ouvriers de l’entreprise et se fabrique un karting avec lequel il se rend de son domicile rue de la Tribonnerie jusqu’à l’usine d’Hempempont.

Alain sur son karting (Document Carnets de Cheminée)

(Sur le sujet du domicile voir l’article paru sur notre site sous le titre : Famille Declercq, 28 rue de la Tribonnerie).

Puis il se forme au métier sur chacune des machines de l’entreprise, afin de pouvoir obtenir par la suite des responsabilités. Ainsi il parvient, comme son père, à remplacer les ouvriers malades ou absents et à relancer la production sur différentes machines. A la mort de son père il reprend donc l’affaire avec son frère Philippe qui a fait l’ITR (Institut Technique Roubaisien).

Photo d’Alain et Philippe Declercq (Documents famille Declercq)
Photo aérienne de l’usine en 1962 (Document IGN)

Après la mort d’Aldegonde en 1964, c’est Philippe et son épouse Mariam qui élisent domicile dans la belle maison d’habitation située rue de Croix, et ils y résident jusqu’à la vente de l’entreprise en 1991. Oswald fils quant à lui vit avec Marthe dans la maison de la rue de la Tribonnerie.

Dans les années 1970, l’entreprise devient la Société Nouvelle Declercq Frères et pratique uniquement l’apprêt de tissus de laine mixte ou imitation ainsi que divers traitements comme le calandrage, le tondage et le rasage des tissus.

Philippe s’occupe alors principalement des finances et gère l’aspect commercial et Alain quant à lui supervise tout ce qui est mécanique et le suivi du traitement des tissus. Les 2 frères gèrent l’entreprise « en bons pères de famille » et tout se gère en interne sans intervention extérieure ni syndicat.

Facture société nouvelle Declercq frères (Document Historihem)
Plan de l’usine (Document famille Declercq)
Un salarié sur sa machine (Document famille Declercq)

Les salariés sont alors au nombre de 120 et chacun a une machine attitrée mais Alain peut se substituer à l’un d’eux en cas de besoin afin de faire en sorte que la production ne s’interrompe pas. Puis des machines modernes sont achetées et fonctionnent en continu, entraînant un besoin en personnel moindre. Les départs en retraite et autres ne sont donc plus remplacés et l’effectif tombe à 60 personnes.

L’entreprise est alors revendue en 1991 à une société qui a d’abord racheté tous ses clients. Il s’agit du Groupe Chargeurs, une entreprise française, qui œuvre dans la protection temporaire de surfaces, l’entoilage pour l’habillement, les textiles techniques et la laine peignée haut de gamme.

A compter de la même année, Philippe Declercq quitte l’entreprise et la maison d’habitation datant du 19ème siècle et ayant abrité jusqu’alors la famille Declercq. C’est le nouveau directeur nommé par le groupe qui s’y installe avec sa famille.

Si une nouvelle direction est installée dans l’usine Alain Declercq y reste néanmoins jusqu’à sa retraite en 1997 en qualité de salarié. Il réalise la jonction entre la nouvelle direction et le reste du personnel. Après son départ la teinturerie Declercq fonctionne encore environ 2 ans avant que la petite quarantaine de salariés restants soient licenciés et les machines revendues à l’étranger. L’usine est alors complètement vidée et présente un spectacle de désolation.

Photos d’ateliers (Documents famille Declercq)

Désamiantée à l’initiative de la famille, toujours propriétaire des murs, elle est mise en vente mais la MEL exerce son droit de préemption en 2001. L’usine reste alors en friche pendant de nombreuses années, jusqu’à ce qu’un acheteur soit trouvé en 2013 pour le terrain sur lequel va se construire un projet immobilier.

Le projet, confié au cabinet Trace Architectes, prévoit à la fois des résidences d’appartements (une cinquantaine de logements au total), mais aussi des espaces verts et des commerces sur 700 mètres carrés (par cellule de 150 mètres carrés chacune)

Projet Jardins de la Marque (Document site internet)

Auparavant la MEL et la ville de Hem décident de tout raser, sauf la cheminée qui est classée. La première phase commence par la démolition de l’ancienne demeure construite sur le site, laquelle est atteinte par la mérule, a été squattée et vandalisée depuis le départ de son dernier occupant en 1999, et n’entre pas dans le projet immobilier .

La demeure dans les années 1970 côté façade et côté jardin (Documents Famille Declercq)
Démolition de la maison de maître sur la friche en 2013 (Documents Famille Declercq)

Pourtant le site industriel quant à lui, contaminé par les métaux lourds et hydrocarbures, de par son passé industriel doit passer par une phase de dépollution. Ce n’est qu’ensuite que peut commencer la phase de démolition proprement dite qui se produit en 2015, les pelleteuses épargnant seulement la cheminée, intégrée au futur projet.

Enfin en 2016, la première pierre des jardins de la Marque est posée, les 4 bâtiments de 3 étages doivent comporter des logements sociaux. Une micro-crèche est également prévue au pied de la cheminée. Quant aux commerces un caviste et des commerces de bouche sont pressentis.

Pose de la première pierre (Document ville de Hem)

Actuellement en lieu et place de l’ancienne teinturerie, on trouve donc une petite zone commerciale variée et agréable. La cheminée a été conservée et s’est fondue dans le nouveau paysage, servant de vigie à la micro-crèche ouverte sur le site. Le long de la rue du général Leclerc l’ancien mur de briques a été conservé.

La zone commerciale Biocoop et boucherie Lesage (Documents site internet)
La crèche au pied de la cheminée et le mur conservé (Documents site internet)

Des appartements sont disséminés côté rue Leclerc et côté Marque, environnés de verdure. Il s’agit de petits blocs de faible hauteur (2 étages) qui assurent à leurs habitants un cadre verdoyant et paisible. Les photos aériennes des années 2009, 2018 et 2022 nous montrent clairement l’évolution du site qui d’industriel devient résidentiel.

Résidences d’appartement (Documents Trace Architectes)
Photos aériennes de 2009, 2018 et 2022 (Documents IGN et Google Maps)

Remerciements à Alain et Laurent Declercq, à la ville de Hem, l’association Historihem ainsi qu’à André Camion et Jacquy Delaporte pour leurs ouvrages Hem d’hier et d’aujourd’hui et Jacquy Delaporte, Christian Teel et Chantal Guillaume  pour leur bande dessinée Au Temps d’Hem, Paul Delsalle pour son ouvrage Histoire de la vallée de la Marque et Robert Hennart pour sa promenade en Pévèle Mélantois

Journal de Roubaix (Suite)

Les ateliers et le point de vente en 1910 (Documents collection privée)

Anne-Marie Reboux-Hottiaux, épouse d’Alfred, est journaliste au Journal de Roubaix dès 1889. Elle reprend la direction du quotidien à la mort de son mari en 1908. En 1911, à l’Exposition Internationale du Nord de la France, le Journal de Roubaix occupe un stand, hors concours, en qualité de membre du jury.

Stand à l’exposition de 1911 (Document collection privée)

Si, durant l’occupation, pendant la première guerre, Mme Reboux-Hottiaux doit cesser l’activité les ateliers ayant été vidés de leurs machines neuves par l’occupant, elle la reprend dès le départ des allemands avec des moyens de fortune : composition à la main et presse à bras.

Les bureaux et les ateliers en 1914 avec leur matériel neuf puis vidés de leurs rotatives par l’occupant (Document SER et collection privée)
Photo de Mme Veuve Reboux-Hottiaux (Document SER)

Après-guerre, le Journal de Roubaix décide de concurrencer Le Grand Hebdomadaire Illustré, en faisant paraître, avant sa réapparition, Le Dimanche de Roubaix-Tourcoing, son nouvel hebdomadaire illustré, dès le 5 janvier 1919. Ces journaux hebdomadaires, présents jusqu’à la seconde guerre mondiale constituent une source remarquable de documentation sur l’entre-deux-guerres.

En-tête du Dimanche de Roubaix-Tourcoing et d’une enveloppe de l’hebdomadaire (Documents BNR et collection privée)

Dès 1920, prenant en compte le fait que près de 100.000 ouvriers belges passent chaque jour la frontière pour travailler dans l’industrie textile de Lille-Roubaix-Tourcoing, Anne-Marie Reboux procède à l’extension du Journal de Roubaix outre Quiévrain. L’édition belge est créée à Mouscron.

Elle fait également partie du comité de 27 membres sous le patronage duquel se trouve placée la première section de journalisme, placée sous la double tutelle des facultés libres de droit et des lettres, qui ouvre ses portes à Lille en 1924. C’est l’Eglise qui a choisi Lille pour l’ouverture de la première école de journalisme de la presse catholique.

En 1925, Mme Reboux sollicite un permis de démolir les écuries, magasins et bureaux, situés aux n°69 et 69 bis et de modifier le n°67 afin de construire une extension de l’immeuble sis au n°71. Dès lors la façade du journal de Roubaix s’étend du 65 au 71 de la Grande-Rue et l’immeuble comporte un hall public, une galerie d’exposition et une nouvelle façade.

Plans des aménagements conçus en 1925 (Documents archives municipales)
Photo de la nouvelle façade dans la 2ème partie des années 1920 (Document collection privée)

L’intérieur abrite derrière le Hall Public le bureau de la publicité, à gauche du Hall la galerie d’attente et à l’arrière la galerie d’exposition et à sa droite le bureau de comptabilité. Il existe une salle de rédaction et des bureaux au rez-de-chaussée et une salle de rédaction à l’étage. L’imprimerie quant à elle se trouve dans un bâtiment à l’arrière n’ayant pas façade sur le Grande-Rue et l’atelier des linotypes est refait en 1930. Enfin en 1936, c’est la maison située au n°73 qui sera rachetée par la société des journaux réunis, démolie et remplacée par un mur qui prolonge celui du n°71.

Plan de l’intérieur du bâtiment ayant façade sur la Grande-Rue au rez-de-chaussée et à l’étage en 1925 (Document archives municipales)

Journaliste engagée, Anne Marie Reboux- Hottiaux participe par ailleurs à nombre d’oeuvres de bienfaisance. Elle est faite Chevalier de la Légion d’Honneur en 1923 et recevra de nombreuses autres distinctions jusqu’à sa mort en décembre 1934, date à laquelle elle était encore propriétaire et directrice du Quotidien lancé par son mari.

A la tête du journal elle ne s’est pas contentée de continuer l’oeuvre de celui-ci mais a donc contribué à son extension n’hésitant pas à démarcher les clients de ses concurrents comme on le constate dans un courrier de 1926 et multipliant les publicités pour son quotidien comme son hebdomadaire avec un calendrier édité en 1933.

Lettre de démarchage du client d’un concurrent en 1926 (Document collection privée)
Calendrier publicitaire de 1933 (Document collection privée)

Dans le Grand Almanach Illustré du Journal de Roubaix, sont également multipliées les publicités pour le quotidien au travers d’articles très divers contribuant à son évocation. On peut entre autres citer un article sur Adolphe Verdonck, aveugle de naissance, qui tient un kiosque sur la Grand Place de Wattrelos où il vend le Journal de Roubaix, la chienne qui fume qui allait livrer le quotidien pour son maître Jean Dirick, marchand de journaux, ou encore cinquante exemplaires du journal livrés aux abonnés de Casablanca par Robert Dumont, un jeune aviateur roubaisien.

Adolphe à son kiosque (Document Grand Almanach Illustré du Journal de Roubaix) La chienne qui fume (Document Grand Almanach Illustré du Journal de Roubaix) Livraison au Maroc par une jeune aviateur roubaisien (Document Grand Almanach Illustré du Journal de Roubaix)
Maurice Vanhove lisant le journal de Roubaix à Bizerte en Tunisie en 1929 pendant son service militaire (Document Patrick Vanhove)

En janvier 1928, Anne-Marie Reboux a la douleur, après avoir perdu sa fille, de perdre subitement son fils Jean, rédacteur en chef du journal qu’il l’aidait à diriger. Ses obsèques ont lieu en l’église Saint-Martin sur la Grand Place de Roubaix et font l’objet d’une première page dans le Dimanche de Roubaix-Tourcoing du même mois.

Le char funèbre portant les couronnes est entouré d’une foule, famille, personnel du Journal de Roubaix et diverses personnalités, venue rendre hommage au défunt et de multiples discours sont prononcés par des personnes publiques telles qu’Eugène Motte, ancien député maire de Roubaix.

Le char funèbre (Document Le Dimanche de Roubaix-Tourcoing)
Le personnel du journal, la famille, le discours d’Eugène Motte (Document Le Dimanche de Roubaix-Tourcoing)

Après la mort de Mme Veuve Reboux en 1934, c’est son petit-fils Jacques Demey, fils de sa défunte fille, qui reprend la direction du quotidien. Le journal de Roubaix est alors domicilié d’après le Ravet-Anceau de 1937 du n°63 au n° 71 de la Grand-rue.

Mais en 1940, après l’invasion de l’armée allemande les quotidiens de la région lilloise laissent la place mi-Mai à un organe unique de 4 pages intitulé La Croix- La Dépêche- Grand Echo- Le Réveil- Journal de Roubaix, imprimé sur les presses du Grand Echo.

Le quotidien de la famille Reboux ne ressuscite qu’en janvier 1941, après que son directeur Jacques Demey, de retour dans le Nord, obtient la caution morale du cardinal Liénart, soucieux de la présence d’un journal catholique pour la population du département. L’année suivante le Journal de Roubaix atteint un tirage de 90.000 exemplaires et sa direction travaille déjà à la préparation d’un nouveau quotidien.

Lettre de Jacques Demey à la société des journaux réunis en novembre 1943 (Document la Presse du Nord et du Pas de Calais au temps de l’Echo du Nord)

En 1944, la direction politique des quotidiens lillois, sur décision de l’occupant, est confiée à des journalistes débarqués de Paris. C’est M.Tulliez qui est affecté au Journal de Roubaix mais en fait, comme les autres directeurs en place, il est confiné à un simple rôle d’administrateur. Dès le mois d’août, les allemands écartent définitivement les 3 directeurs lillois et nomment leurs hommes liges commissaires à l’information.

A la libération, ce sont les démocrates chrétiens qui récupèrent Le Journal de Roubaix en la personne de Jean Catrice. Un nouveau titre est recherché et l’accord se fait sur Nord-Eclair qui sera géré par la nouvelle équipe qui l’a préparé et ne risque donc pas d’être accusée de compromission avec l’ennemi, n’ayant rien publié sous l’occupation.

A suivre dans un prochain article intitulé « Nord-Eclair ».

Remerciements aux Archives Municipales de Roubaix

Garage Duquesne

Au début du siècle, l’actuelle rue du Général Leclerc à Hem comporte essentiellement , côté pair, des maisons jusqu’au numéro 28 . Plus loin, en partant du centre ville, il n’y a encore que des champs, comme le montre une carte postale des années 1900 de la rue Poivrée (ou rue de Lille), prise en regardant vers le centre.

L’atelier Nord-Vélo au premier plan à gauche et la même maison à la limite des champs au début du siècle avec une enseigne Cycles sur le pignon (Document Hem Images d’hier)

Le bâtiment sis au n° 28 abrite alors un atelier de construction mécanique, Nord-Vélo, qui fabrique des bicyclettes. Puis dans les années 1930, apparaît au n° 30 un garage à l’enseigne « Bifur-Garage » comme en témoigne une photo de 1936. Son nom commercial est dû à la proximité du carrefour d’ Hem Bifur reliant la rue de Lille et la rue de Lannoy (actuelle rue Jules Guesde). Il fait également station service Antar pour les motocyclettes.

Le Bifur-Garage en 1936 (Document Historihem) et le garage Duquesne de nos jours (Document Google Maps)
La plaque rivetée du garage à l’époque (Document Duquesne)

C’est dans le Ravet-Anceau d’après guerre, en 1947-49, que l’on voit apparaître pour la première fois le nom d’ Emile Duquesne au 30 de la rue de Lille (actuelle rue du Général Leclerc) à Hem. L’ancienne enseigne Bifur-Garage n’est plus mise en valeur bien qu’elle apparaisse encore sur les factures et l’on parle dès lors plus sobrement du garage Duquesne.

Ancienne publicité (Document Historihem) et en-tête d’une ancienne facture (Document Duquesne)

Une ancienne publicité permet de constater que, s’il représente les marques automobiles Chenard et Walker, il assure les révisions et réparations de voitures toutes marques, la mécanique auto et le graissage par pression.

Voitures Chenard et Walcker années 1920 (Documents Hprint et Wikipedia)

Après guerre, comme en témoigne un vieux registre de copies de lettres, le garage entretient les véhicules de l’entreprise Meillassoux et Mulaton, sise un peu plus loin dans la rue de Lille, de l’entreprise Declercq Frères, autre Teinturerie de la rue mais située à l’extrêmité de celle-ci à Hempempont, ainsi que ceux d’ Emile Delmet, ancien maire de Hem de 1929 à 1935.

Vieux registre de l’établissement (Documents Duquesne)

Ce n’est que dans les années 1950 que le garage d’ Emile Duquesne est également répertorié dans les Ravet-Anceau, à la rubrique Station-Service Antar. Le garage fait station service jusque dans les années 1980, à une époque, pas si lointaine, où de nombreuses stations d’essence sont encore installées en centre ville.

Publicité de 1966 (Document Nord-Eclair)

Dans les années 1960, le garage Duquesne est devenu une agence Peugeot et emploie les 2 fils d’Emile : Gérard et Jean-Claude, comme mécaniciens. Il vend des véhicules neufs et achète et revend des voitures d’occasion au besoin en montant un dossier de crédit. En 1966, sa publicité propose à l’essai les 204, 403 et 404.

Extrait du Registre d’Entrées et Sorties du Personnel de l’époque (Document Duquesne)
Modèles 204, 403 et 404 (Document petites observations automobiles, caradisiac et news d’anciennes)

Au départ à la retraite d’Emile, Gérard et Jean-Claude lui succèdent naturellement à la tête du garage. Tout comme Emile et son épouse Agnès au début, leur fils aîné Gérard et son épouse Nadine habitent au n°30 qui est alors toujours une maison d’habitation pourvu d’un petit hall d’exposition à gauche de l’entrée du garage, pendant que Jean-Claude est logé avec sa famille au n°28, le 26 abritant alors Emile et son épouse.

Dans les années 1970 et 1980, les publicités dans le journal sont fort nombreuses et vantent chaque nouveau modèle de la marque Peugeot. Au fils des années chaque gamme fait ainsi l’objet d’une présentation à la clientèle sur une journée spécifique avec essais des nouveaux véhicules.

Publicités des années 1970 (Documents Nord-Eclair)
Publicité de 1970 (Document mémento public CIT de la ville de Hem) et de 1982 Peugeot-Talbot en commun avec le garage Lescouffe (Document Office d’Information Municipal de Hem)

En juillet 1994, au décès de Gérard suivi de la retraite de Jean-Claude, c’est Stéphane qui reprend l’affaire avec son épouse Valérie. Tous deux habitent d’abord sur place puis dans les années 2000, il refont un superbe hall d’exposition avec un bureau en enfilade là où se situait le rez-de-chaussée de l’habitation, tandis qu’à l’étage ils installent 2 appartements à louer.

Dans les années 2000, les publicités continuent à se succéder dans la presse locale mais une opération commerciale particulière a également lieu en 2003, avec l’association des « commerçants d’Hem j’aime », dans le cadre des 10 jours du commerce, au cours de laquelle le bulletin du couple Lecollier, tiré au sort, leur permet de gagner une journée en 206 neuve ainsi que bien d’autres cadeaux toute la journée chez une quinzaine de commerçants de la ville.

Publicités de 2000 et photo de la remise des clefs de la 206 par Stéphane Duquesne en 2003 (Documents Nord-Eclair et Guide Pratique Tout en Un de la municipalité de Hem en 2000)

A l’heure actuelle le garage est toujours un agent Peugeot et vend toujours des voitures neuves et d’occasion tout en assurant la maintenance et l’entretien des véhicules. Il réalise tous travaux de mécanique et d’électricité sur toute automobile et occupe une surface totale de 1351 mètres carrés.

Logos du garage Peugeot (Document logos internet)
Photos de façade du garage en 2008 et 2020 (Documents Google Maps)

Le garage d’origine est toujours en fonction au niveau de l’atelier, avec son sol de pierre bleue. A droite on voit encore l’emplacement de l’ancienne fabrique de vélos qui allait jusqu’au fond, dans lequel est installée la nouvelle cabine de peinture. A droite à l’entrée se trouve l’emplacement de l’ancienne cabine de peinture et au fond à gauche, après les ponts élévateurs, l’ancien bureau.

Photos de l’intérieur du garage (Document photo IT)

Dans la salle de droite qui correspondait donc initialement au n °28, se trouve une issue de secours qui donne sur des garages à louer dont l’entrée se situe dans la rue Victor Hugo. Il s’agissait auparavant sur cet emplacement de jardins ouvriers.

Plan cadastral parcelles 184 n°28 et 185 n°30 (Document cadastre)
Les garages donnant sur la rue Victor Hugo (Document photo IT)
Photo aérienne de 1962 (Document IGN)

Pendant près d’un siècle trois générations de Duquesne se sont donc succédées à la tête de cette entreprise emblématique du Centre Ville de Hem.

Témoignage : « En tant que cliente du garage Duquesne depuis une quarantaine d’années, j’ai toujours apprécié le contact avec Stéphane et Valérie, au service de leur clientèle. La compétence et le sérieux de Stéphane dans son travail permettent une entière confiance pour les travaux à réaliser sur les véhicules qui lui sont confiés. »

Remerciements à la ville de Hem, l’association Historihem, Valérie et Stéphane Duquesne ainsi qu’à Joelle Lepers.

 

Teinturerie Declercq

Les industriels s’installent plutôt dans la seconde moitié du 19éme siècle dans le village de Hem qui auparavant restait à vocation agricole. Deux brasseries et une distillerie sont les premières industries répertoriées sur Hem dont celle de Mr Louis Vandenbogaert, originaire de Tournai en Belgique, lequel est d’ailleurs maire du village durant quelques temps de 1812 à 1816.

Napoléon III, qui souhaite concurrencer l’Angleterre incite à l’implantation d’industries dans le Nord de la France et c’est dans ce cadre que Napoléon Paul, né en 1835, et Armand Alphonse Victor De Clercq, né en 1837, qui franciseront ensuite leur nom en Declercq, originaires de Renaix (Belgique) décident de monter une entreprise le long de la Marque à Hem.

A cet effet tous deux reprennent une brasserie qui faisait faillite au 185 rue de Lille (actuelle rue du Général Leclerc) et y créent une usine textile de teinturerie et d’apprêts en 1857. Ils ont épousé 2 sœurs Céline et Flore Roussel dont le frère est un entrepreneur roubaisien du textile de la rue de l’Epeule : Emile Roussel. Puis Victor, qui ne s’épanouit pas dans cette activité laisse l’entreprise à son frère et se consacre à une activité de brasseur.

CPA de la rue de Lille à son extrémité avec l’usine, vue vers Hempempont et vue depuis Hempempont (Documents collection privée)
Photo de Napoléon Paul (Documents famille Declercq)

Malheureusement la teinturerie de Napoléon Paul périclite et il doit emprunter à son beau-frère Emile Roussel pour remonter l’entreprise. Ce sont ses fils, Paul Alexandre et Oswald Paul né en 1872 , repreneurs de la teinturerie qui, après la mort en 1898 de Napoléon Paul, remboursent son beau-frère, ayant travaillé avec acharnement pour redresser l’entreprise et gagner la somme nécessaire.

Quant à Victor qui a lui aussi emprunté à Emile de quoi monter sa brasserie en 1895 il en fait une affaire florissante qui lui permet de placer ses enfants. Pourtant par la suite, avec l’arrivée des coopératives, l’entreprise périclite à son tour et ce sont les fonds garantis par diverses propriétés sur Hem et les cabarets appartenant à la brasserie qui permettent le remboursement de l’emprunt.

Photo d’Oswald, fils de Napoléon Paul (Document famille Declercq)

En 1893, Paul Declercq fils est répertorié comme teinturier dans le Moniteur de la Bonneterie et du Tricot. Par la suite avec l’arrivée du charbon, l’usine se voit adjoindre une grande cheminée, comme en atteste encore la date figurant sur la cheminée en briques : 1899.

Afin d’en faire une affaire florissante les 2 frères décident alors de se concentrer sur l’apprêt soit le traitement de finition après le tissage, permettant de donner au produit son aspect final, qui consiste en la modification des fibres textiles par le biais d’une action chimique, telle qu’une teinture.

A cette époque les eaux de la teinturerie se déversent journellement dans la Marque « sans avoir été traitées au lait de chaux ni décantées » et les eaux restent noires et infectes. Elles stagnent et des détritus de toutes sortes y surnagent. Le voisinage se plaint d’autant qu’il émane de la rivière des odeurs nauséabondes, et le danger représenté pour la santé publique est pointé du doigt. Cette prise de conscience va entraîner l’installation de bassins de décantation.

CPA de l’usine située à l’Hempempont face au café de la Renaissance (Documents collection privée)
Enveloppe à en-tête de Declercq Frères (Document famille Declercq)

L’usine est constituée d’un atelier de fabrication en rez-de-chaussée aux murs de brique, couvert d’un toit à longs pans brisés recouvert de tuiles flamandes. Les bureaux fonctionnent sur 2 étages carrés, avec murs de brique, pierre et béton armé. Le bâtiment les abritant possède une terrasse et un toit en pavillon couvert en ardoises.

Les bureaux sont installés dans un bâtiment faisant le coin de la rue de Lille et de la rue de Croix, qui abritait auparavant le bureau de péage du pont de la marque. Ce pont en bois et très étroit à la fin du 19ème siècle, est d’une grande importance pour la liaison Lille-Lannoy, tant pour le commerce que pour l’armée. Il est alors surveillé par les policiers du commerce extérieur (douaniers).

Sans ces péages dédiés aux routes, la presque totalité des ponts et autres ouvrages destinés à franchir les passages difficiles, qui furent construits en France jusqu’au dix-septième n’auraient en effet pas existé et, après la construction, il fallait entretenir, réparer et surtout reconstruire.

Pont d’ Hempempont (Document BD Au Temps d’Hem)

En avril 1904, des grèves éclatent pour réclamer la journée de 10h. Le journal politique quotidien La Lanterne relate que le comité de grève roubaisien ne peut que constater l’insuccès de ses négociations avec le patronat et convie les ouvriers à nommer dans chaque usine des délégations appelées à négocier avec leur patron. Ce même journal déclare qu’à l’usine d’apprêt Declercq le personnel était au complet la veille alors même que 11 teintureries roubaisiennes sur les 43 sont en grève. En 1908, la teinturerie est récompensée d’un grand prix dans la catégorie fils et tissus laine à l’exposition franco-britannique de Londres, section française.

Jusqu’en 1910, d’autres teinturiers apprêteurs s’installent le long de la Marque, tant et si bien que l’eau de celle-ci ne va plus suffire et qu’il va falloir utiliser des forages atteignant une centaine de mètres de profondeur pour approvisionner les usines en eau.

Facture de 1911 (Document Historihem)

A la veille de la première guerre mondiale, les ouvriers des 3 teintureries et des 2 usines d’apprêt de la ville prennent le tram ou le vélo pour se rendre au travail. Les gens de la ville viennent le dimanche à Hempempont, par le tramway pour manger des anguilles à l’Auberge juste en face de la teinturerie Declercq.

Les tramways d’Hem ont même leur chanson :

« Vous voulez aller en ville

c’est l’heure d’aller travailler

il n’y a rien d’plus facile

vous allez chercher le tramway.

Faut jamais s’en faire pour l’heure,

on peut prendre tout son temps,

comme y en a tout’s les demi-heures,

quand on l’rate, on a l’suivant

Ah ! C’qu’on est bien

su l’fameux tramway d’Hem…e

La Compagnie nous protège

elle n’veut pas nous éreinter

elle nous donn’ quand il n’y a pas d’neige

deux et parfois un tramway.

Les deux sont toujours en route

à moins d’panne évidemment

pour l’abonné y a pas de doute

c’est un système épatant

Ah ! C’qu’on est bien

su l’tramway du pat’lin ! »

CPA arrêt du tramway à l’Hempempont (Documents collection privée)

Lorsque l’occupation commence en Octobre 1914, la commune, comme toutes les autres est soumise à des vexations journalières et un pillage méthodique qui fait le vide aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Des hommes sont arrêtés pour constituer des bataillons de travailleurs forcés, lesquels sont envoyés travailler en Allemagne.

La commune doit également subvenir au logement, au bien-être et à la nourriture de l’ennemi. Au début de 1915, la maladie s’installe dans quelques foyers telle le typhus et le maire doit faire procéder à la désinfection des maisons. A la teinturerie Declercq des bains douches sont installés pour soldats. En 1918, les Allemands se retirent non sans avoir tiré quelques obus sur le pont d’Hempempont et l’avoir détruit derrière eux, ce qui amènera sa reconstruction en béton après-guerre.

Destruction du pont en 1918 (Document BD au temps d’Hem)
CPA du pont dans les années 1920 (Document collection privée)

A suivre…

Remerciements à Alain et Laurent Declercq, à la ville de Hem, l’association Historihem ainsi qu’à André Camion et Jacquy Delaporte pour leurs ouvrages Hem d’hier et d’aujourd’hui et Jacquy Delaporte, Christian Teel et Chantal Guillaume  pour leur bande dessinée Au Temps d’Hem, Paul Delsalle pour son ouvrage Histoire de la vallée de la Marque et Robert Hennart pour sa promenade en Pévèle Mélantois