Joseph Magris, est né dans un village près de Trieste et de Venise. Cimentier de son état, il vient en France après la première guerre. Il travaille à Reims, puis dans le Pas de Calais, enfin à Tourcoing, dans le cadre de la reconstruction. Puis Il s’installe à son compte en 1925 à Roubaix au 133 rue de la Mackellerie.
Cette maison à l’architecture insolite (dit la presse de l’époque) a été entièrement aménagée par son nouveau propriétaire, qui va y installer une entreprise de bâtiment prospère. De l’ancienne maison, il ne reste plus rien. Au rez-de-chaussée, front à rue, c’est l’usine avec l’entrée des bureaux, le vestiaire des ouvriers, et l’entrée du personnel. Il y avait aussi une petite salle d’exposition. La maison d’habitation située au-dessus comprend des balustres, des jardinières, un escalier extérieur, une large terrasse, comme il se doit d’influence italienne. C’est désormais la maison de Joseph Magris, le fabricant de « granito ».
Initialement, Joseph Magris est granitier, il fabrique des dalles avec des morceaux de marbre, il était aussi polisseur sur place. C’était fastidieux, il fallait poncer et re-poncer, mais ça durait et c’était beau. Mais c’était aussi cher. Joseph Magris invente alors une imitation de la pierre bleue (marque Sirgam). Puis ce sera le granito, qui est une pierre artificiellement reconstituée, utilisée pour les pavements, les revêtements et pour les monuments funéraires. Moins cher que la pierre naturelle (le marbre ou la pierre de Soignies), le granito permet de faire des monuments funéraires à bon marché.
Joseph Magris se lance ensuite dans la fabrication de carreaux de granito, toujours avec l’argument d’être bon marché, il propose de la couleur. A l’aide de ses deux fils Oscar et André, il développe cette nouvelle orientation. D’autres projets suivront, carrelages pré-fabriqués, sous forme de dalles.
Une anecdote concernant l’entreprise : sur le fronton de l’usine de la rue de la Mackellerie, l’artisan avait mis un s à Granito sur la façade, transformant notre italien en espagnol. Les lettres étaient en relief, et on décida de repeindre en blanc la lettre en trop. C’est pourquoi on la voit encore apparaître sur la façade.
L’entreprise s’est développée : cinq, dix puis vingt ouvriers. Il faut un autre local. C’est ainsi que Joseph Magris achètera en viager l’usine de la rue de Mouvaux, ex tissage Domino, anciennement savonnerie Vaissier, qu’il utilisera pour l’exposition de ses produits, mais aussi pour la fabrication des grands formats. En 1958, les Ets Magris fabriquent chaque jour 300 m² de carreaux en granito. Une exposition permanente de ces matériaux est visible au 2 de la rue de Mouvaux (ancienne usine de savonnerie Vaissier) avec entrée libre. Une autre exposition est installée au centre de documentation du bâtiment à Lille Place de la Gare.
En 1959, les Ets Magris exposent à la foire de Lille, et le ministre de la construction s’intéresse à leur production. Les carreaux de granito Magris sont présentés comme un matériau absolument remarquable de solidité et d’élégance. On évoque également le goût des coloris : ciment flammé, mosaïques de marbre, carrelages de granito, agréables à l’œil, au toucher, solides et confortables. C’est du beau, du bon et du pas cher ! Le stand Magris présentait une polisseuse de carrelage, qu’on utilisait pour poncer sur place sur les chantiers des particuliers, notamment pour qu’on ne voie pas les joints.
Progressivement l’entreprise s’est équipée avec des robots et des nouvelles machines. Elle fabriquait les grands formats rue de Mouvaux, et les petits rue de la Mackellerie. Quand elle a cessé ses activités, l’entreprise produisait quotidiennement 520m². Sur la fin, elle ne fabriquait plus de granito, mais des dalles d’usine et de trottoir, pour les aéroports, ou les usines. L’entreprise s’est arrêtée à Roubaix en novembre 2004. Une société des Carrelages Magris dont l’objet est la fabrication d’éléments en béton pour la construction est aujourd’hui implantée à Lieu Saint Amand près de Bouchain.
Merci à Patrick pour les précisions et les anecdotes
Merci pour cette histoire, mon père a travaillé dans cette belle société dans les années 70.