En 1956, la direction de l’entreprise de « La Lainière de Roubaix » souhaite faire visiter son impressionnante usine à sa clientèle. Elle affrète alors plusieurs trains à plusieurs reprises, pour faire venir ses clients dépositaires des marques Pingouin et Stemm, directement sur les quais de l’usine au sein même de l’entreprise.
Il faut préciser que la gare SNCF du Crétinier à Roubaix-Wattrelos n’existe pas ! En effet, ce n’est pas une gare SNCF : c’est la gare privée du peignage Amédée Prouvost.
La ligne de chemin de fer Menin-Somain passe entre les bâtiments de l’usine de la Lainière. Un embranchement particulier permet la réception des matières premières et l’expédition des produits finis. La direction a donc profité de cet embranchement pour en faire « la halte du Crétinier ».
A chaque fois, cinq à six cent visiteurs descendent des trains. Ils arrivent de toute la France, via Paris, et sont accueillis par les cadres de l’usine. Vingt groupes de 25 personnes sont alors formés et la visite peut commencer. Chaque groupe démarre une longue expédition de plus de 3 heures, à travers le dédale des ateliers.
Le peignage Amédée Prouvost, en cette année 1956, est une usine plus que centenaire. 4500 employés dont 3000 femmes y travaillent. L’usine a une superficie de 15 hectares.
20 millions de moutons sont tondus chaque année pour les laines du Pingouin. Les toisons laineuses proviennent d’Australie et de Nouvelle Zélande. La laine brute subit de multiples opérations de triage, lavage et cardage.
Poursuivis de salle en salle par l’odeur spécifique du mouton, les visiteurs arrivent dans l’immense centrale électrique grande comme une église, où on leur communique des chiffres records annuels : 48.000 tonnes de charbon, 300 millions de litres d’eau chaude, 37 millions de Kwh etc
La production est également impressionnante car l’entreprise possède 90.000 broches de filature. Parmi les 3000 ouvrières beaucoup viennent quotidiennement du Pas de Calais. La production se fait 6 jours sur 7 en 3 équipes donc 24h / 24h.
Les clients continuent ensuite leur visite par la teinturerie en écheveaux, puis la salle des « pelotonneuses » qui produisent une pelote à la seconde et enfin la salle des « remailleuses » qui fabriquent les chaussettes Stemm.
Les dépositaires Pingouin et Stemm sont enchantés de leur venue. Ils sont surpris par ces couloirs interminables ( parfois de 400m de long ) mais également par la propreté des locaux y compris ceux de la teinturerie. Ils ont pu, lors de cette visite, comprendre parfaitement la transformation très complexe du ruban de laine en fil, et du fil en pelote.
La visite se termine, un apéritif est servi au Pavillon du stade Amédée Prouvost où débuta l’époque héroïque du C.O.R.T. ( Club Olympique de Roubaix-Tourcoing ). Un repas est ensuite servi au restaurant de l’usine dans un cadre plaisant et aéré. Jacques Prouvost, administrateur délégué, Philippe Bourguignon, directeur général et Jacques Thomassin, directeur de la publicité assistent bien évidemment au repas.
Les concessionnaires des laines du Pingouin peuvent à la fin de leur visite, expédier une carte postale datée du 18 Juin 1956.
L’objectif de ces visites très bien organisées est bien-sûr de créer un véritable esprit de famille entre le producteur et son client.
Au cours des années suivantes, ce sont 2 illustres visiteurs qui vont honorer l’entreprise de leur présence : en 1957, Elizabeth II d’Angleterre et en 1960, Nikita Kroutchtchev.