Nous avons quitté, dans le précédent article, le parcours de la ligne rue des trois frères Rémy, juste avant que la voie ne pénètre sur la place par une courbe serrée à gauche. Une double voie s’étend devant le bâtiment de la mairie. On voit sur la photo une motrice d’une des premières séries, déjà vestibulée (c’est à dire que les passerelles d’extrémité ont été fermées pour mettre les passagers à l’abri des intempéries). Elle est suivie d’une remorque.
Cette double voie n’est pas très longue comme le prouve la photo suivante, prise en sens inverse. Elle est plus récente, et représente une motrice de la série 300. Elle prouve en outre que la circulation à droite de la chaussée n’est pas encore entrée dans les mœurs à cette époque.
Aussitôt sortie de Roubaix, la ligne se sépare et forme une double voie, l’aiguille se situe quelques mètres après l’octroi, à l’intersection avec le chemin vert. La voie d’évitement est placée le long du trottoir de gauche lorsqu’on regarde vers Roubaix. Cet évitement est relativement long comme l’atteste la seconde photo. Au fond le café-octroi, qui a fait l’objet d’un précédent article.
La photo suivante, prise à quelques dizaines de mètres plus loin et dans la même direction, bien que plus ancienne, montre la ligne, encore en voie unique. Elle date d’avant 1905 ainsi que l’atteste la motrice, d’une des deux premières séries, en état d’origine qui se rend à Toufflers. A l’évidence, la ligne n’a cessé d’évoluer tout au long de son histoire.
En se retournant vers Lannoy et après avoir avancé encore quelques dizaines de mètres, on trouve de nouveau une double voie, mais, cette fois-ci, elle est disposée le long du trottoir opposé. Le fil de contact aérien est fixé, comme à Roubaix, sur les bâtiments qui bordent la route.
Avançons encore une centaine de mètres : Une photo nous montre une voie unique qui se dédouble. Sur cette partie double circule une motrice d’origine à deux marchepieds série 1 à 18. Ici aussi l’aspect a beaucoup changé : Tout au fond et à droite, les maisons disparues aujourd’hui étaient situées juste avant le passage à niveau. Les constructions à gauche de la motrice ont été remplacées plus tard par l’usine Lepers-Delespaul qu’on voit ci-dessous sur les photos couleur.
Le passage à niveau est traversé à angle droit par le tramway sur une voie unique. Ici les constructions nouvelles, la disparition de la gare et la suppression des voies de garage SNCF, remplacées par une zone piétonne, ont profondément modifié le point de vue. Les barrières ont laissé place à un passage pour piétons, et la plate-forme de la voie ferrée à un chemin de promenade qui va de la gare du Pile à Forest et Villeneuve d’Ascq.
Avançons encore d’une centaine de mètres vers le terminus. Ici, la voie est de nouveau dédoublée en passant devant un café-tabac qu’on remarque à droite. Celui-ci existe toujours aujourd’hui.
Les vues suivantes, prises en sens inverse à différentes époques nous montrent l’évolution de ce café, aujourd’hui le Flint. Sur la photo la plus ancienne une motrice de type 300 qui négocie la courbe sur une voie unique qui sera doublée par la suite.
Sur la droite la grille de l’ancienne propriété Boutemy, disparue de nos jours.
En avançant encore d’une centaine de mètres vers la place de Lannoy, nous voyons la ligne, empruntée par une autre voiture 300, qui longe l’usine Boutemy dont la première partie a été ensuite remplacée par les bâtiments de l’usine Stein, disparue elle aussi pour faire place à un supermarché. La partie située après le virage a été démolie également pour former une zone piétonne. La photo du bas, provenant de l’Institut Géographique National, date de 1965. Sur celle-ci, une flèche montre la direction de la prise de vue de la première photo. Le carrefour a aujourd’hui fait place à un rond-point
Nous sommes tout près maintenant de la place. Pour y accéder, la ligne fait une courbe à angle droit devant l’ancien Canon d’or, avant d’emprunter l’étroite rue des trois frères Rémy.
La motrice de type 300 vue ci dessous suit cette courte rue avant de virer à gauche et arriver sur la place. La photo du bas montre qu’une aiguille qui permettait aux tramways d’emprunter à droite la rue des Bouchers a été supprimée.
Les photos proviennent de la médiathèque de Roubaix, des archives départementales, et de collections particulières. Photos couleurs Jpm
Aussitôt parvenue dans la rue de Lannoy, la voie suit l’axe de la chaussée. Cette option a été choisie de manière à laisser de la place pour le stationnement le long de chaque trottoir. Les zones à deux files de rails permettant le croisement, peu nombreuses au début de l’exploitation, augmentent ensuite en nombre au fur et à mesure des besoins.
La photo suivante nous montre l’entrée de la rue avec, à droite, l’estaminet de la Tonne d’Or. Tout au fond à gauche, on devine le cabaret de la planche trouée. Le fil de contact qui amène l’électricité aux trolleys des motrices est suspendu par des câbles transversaux aux façades des maisons.
La voie unique traversait ainsi la rue de la Tuilerie avant qu’un dédoublement n’y soit établi, fournissant de ce fait l’occasion d’un déraillement spectaculaire au passage de l’aiguille d’entrée. Ici une motrice ELRT de type 600 en fâcheuse posture à cet endroit : Le premier essieu a pris la voie de gauche, et l’autre a suivi la voie de droite, sans doute à cause d’une aiguille entre-baillée !
Nous voici maintenant au carrefour de la rue Edouard Anseele où la voie est contrainte de former un S pour rattraper un défaut d’alignement de la rue. C’est là qu’on va installer l’aiguillage d’entrée d’un garage : la voie se dédouble pour permettre le croisement des rames circulant en sens inverse. Le stationnement est donc sacrifié côté gauche de la rue. Voici le carrefour vu dans les deux sens, d’abord en direction de la Justice, puis vers le boulevard Gambetta. Au premier plan sur les deux photos l’aiguille d’entrée du garage.
La zone de garage est courte. Les deux voies se rejoignent peu après, bien avant le boulevard de Belfort. Une motrice type 300 se dirige vers le boulevard Gambetta sur cette autre photo, prise en direction de Lannoy.
La voie, redevenue unique au sortir du garage, arrive au carrefour du Boulevard de Belfort et de la rue St Jean. Ici deux lignes se séparent : la ligne H quitte la ligne C par une aiguille à gauche pour se diriger vers la gare du Pile. Sur les photos, montrant le carrefour vu vers le boulevard Gambetta, puis vers le boulevard Beaurepaire, l’estaminet Debosshere porte l’inscription « arrêt tramway ».
La photo suivante, prise après ce carrefour vers le boulevard Gambetta, nous montre la partie de la rue après le croisement du boulevard de Belfort, qu’on identifie grâce à l’estaminet du Moulin à mi hauteur de la photo. La voie est unique, comme le fil de contact de trolley.
La ligne poursuit alors sa route jusqu’à l’église Ste Élisabeth, où un autre garage occupe la largeur de la place. On voit sur la voie directe une motrice de type 1 à 18 en état d’origine se dirigeant vers la Justice.
On aborde maintenant le croisement avec la rue rue Jules Guesde où, encore, la voie se dédouble sur quelques dizaines de mètres. La première photo montre le carrefour vers la Justice, la seconde, un peu plus loin vers Gambetta. La troisième, prise dans la même direction, mais encore plus loin après le garage, montre en premier plan une motrice de la première série (numéros de 51 à 62) en état d’origine. Le receveur regarde le photographe depuis la plate-forme arrière. Au fond, le clocher de Ste Élisabeth.
Le long de la place de la Fraternité, la voie se dédouble une fois encore. Une motrice de type 600 et sa remorque, en route vers Lannoy, accueillent les voyageurs qui disposent à cet endroit d’un magnifique kiosque-abri datant de 1909.
Un peu plus loin, au pont rouge, une croix sur le pavé indique le lieu d’un accident survenu en 1930, alors qu’une motrice 600 se dirige vers Toufflers. La photo est prise vers Lannoy, au coin de la rue St Hubert. Les maisons basses visibles à gauche ont été démolies dans les années 70 et font place aujourd’hui à un jardin partagé après avoir été longtemps une étendue d’herbe. Ici aussi, la voie est double.
Après la traversée de l’avenue Motte, la ligne atteint le quartier de la Justice et la limite de Roubaix. Là, face à l’ancien octroi, au coin de la rue du chemin vert, un dédoublement de la voie marque le terminus des tramways de la ligne C barré, sur laquelle ont circulé, dès leur mise en service, les « michelines » du type 200. La première de la série vue à la Justice, sans doute au terminus, un endroit où les constructions ont depuis complètement modifié le paysage…
A suivre.
Les documents proviennent des archives municipales et du site de la médiathèque numérique de Roubaix.
En mars 1861 François Henri met en place un service de voitures publiques comportant 10 places entre Roubaix et Lannoy. On voit bien l’importance de la demande pour des transports en commun entre ces deux villes, et il n’est pas étonnant qu’une quinzaine d’années plus tard, dès que la concession des tramways est attribuée à la Compagnie des Tramways de Roubaix et Tourcoing, 21 rue du grand Chemin, les projets étudiés prévoient 3 lignes dont la troisième doit justement relier les grand-places de Roubaix et de Lannoy. La construction des lignes débute en février 1877, et l’exploitation débute mars 1878 sur les premiers tronçons posés, avec des départs toutes les 10 minutes. L’inauguration de la ligne 3 jusqu’à la place de Lannoy a lieu en octobre 1879. Les voitures sont traînées par des chevaux. Elles comprennent un compartiment central fermé et des plate-formes extrêmes, ouvertes, où officie le cocher.
Ci-dessous une voiture à cheval qui stationne devant le kiosque formant salle d’attente devant l’église St Martin.
En mars 1879, la ligne, qui, venant de la grand place, se détache de la ligne 2 grand rue au niveau de la place de la Liberté, ne dépasse pas encore la traversée de la rue du Tilleul après 900 mètres sur les 2700 prévus. Elle suit le trottoir de la place de la Liberté avant de s’en écarter pour prendre l’alignement du centre de la chaussée de la rue de Lannoy.
La voie poursuit sa route au centre de la chaussée. Jusqu’au hameau de Bury, aujourd’hui dans le quartier de la Fraternité. Ensuite, le ministère autorise le tracé en accotement, mais la voie suivra finalement l’axe de la chaussée de bout en bout. On double la voie à certains endroits, notamment sur la place St Elisabeth, la place de la Liberté, la Justice devant l’octroi, de pour permettre le croisement des voitures.
En même temps, la ville demande la concession d’une partie « suburbaine », pour prolonger la ligne au-delà des limites de Roubaix jusqu’à la place de Lannoy. Dans ce tronçon, la pose de la voie ne pose pas de difficultés, mis à part au droit de l’estaminet Lienard, qu’on finira par exproprier parce qu’il dépasse de deux mètres l’alignement, et dans l’étroite rue menant à la place de la mairie. L’ensemble est mis en exploitation à la fin de l’année 1879, bien que la compagnie ait anticipé sur l’autorisation officielle d’ouverture des travaux !
En 1882, la compagnie fait faillite, et les travaux d’extension du réseau sont arrêtés, mais l’exploitation continue sur les lignes existantes, sous la direction du syndic. Cette situation va durer plusieurs années. Enfin la situation se débloque et en 1894, la Compagnie Nouvelle des Tramways de Roubaix et Tourcoing reprend la concession. Elle se propose d’électrifier la traction et de changer l’écartement de la voie, qui était à 1 mètre 44 pour la passer à un mètre. La ligne 3 est mise en service en janvier 1895. Elle prend l’indice C en 1905. Son tracé qui partait de la place de la Liberté est modifié pour, au sortir de la grand place, emprunter la rue Pierre Motte et le boulevard Gambetta avant de tourner dans la rue de Lannoy. Son terminus est maintenant la gare qu’elle rejoint par l’avenue Lebas. En 1909, la ligne est prolongée jusqu’à la douane de Toufflers, alors qu’une autre ligne, dénommée C barré, s’arrête à la Justice.
On voit ici un ancien tramway hippomobile, alors transformé en remorque, stationner sur la grand-place
Suivons maintenant la ligne. A son extrémité, la voie dessine une sorte de raquette devant la gare, contournant le kiosque au centre de la place, pour permettre aux trams d’effectuer un demi-tour avant d’arriver à l’arrêt, placé le long du trottoir. Elle se dirige ensuite vers la grand place en empruntant la double voie récemment posée le long de l’avenue de la Gare, comme on l’appelle à l’origine. Une motrice, probablement de type 51 à 62 de 1894, et sa remorque type B 100 attendent au terminus de la ligne C devant la gare. Une autre, de la même série mais en état d’origine, descend l’avenue Lebas.
Arrivée à la grand place, la ligne, au lieu de tourner tout de suite à gauche pour s’arrêter devant l’église St Martin, comme elle le faisait auparavant, traverse la place en parcourant un « S » pour se ranger face à la bourse, le long des voies de la ligne des TELB. Les deux photos suivantes nous montrent une voiture de type 250 de 1897. qui vient de la gare et se dirige vers l’arrêt devant la bourse et la rue Pierre Motte, et une motrice série 1 à 18 de 1895 qui arrive à ce même arrêt.
La ligne suit d’abord la rue Pierre Motte, où elle voisine avec la ligne F des Tramways de Lille et de sa Banlieue (TELB), puis emprunte le boulevard Gambetta à contre sens. Elle rencontre un premier arrêt offrant l’abri d’un kiosque aux voyageurs sur le terre plein du boulevard. Cette portion de voie est emprunté par d’autres lignes de la compagnie des TRT. Elle tourne ensuite à 90 degrés en coupant la voie du Mongy pour entrer dans la rue de Lannoy en passant devant le café de la Tonne d’Or.
Ci-après une motrice Buire 500 de 1910 rue Pierre Motte, et une motrice 600 ELRT de 1927 suivie de sa remorque de la série 800 vue dans les années 50 devant le kiosque de l’arrêt de la Tonne d’Or, puis une motrice 300 TRT de 1906 et sa remorque qui amorcent la courbe place de la Liberté, et enfin une motrice série 1 à 18 de 1895 qui s’engage dans la rue de Lannoy.
A suivre.
Les documents proviennent de la médiathèque de Roubaix et des archives municipales.