La place de la Fraternité

L’histoire de cette place commence à la fin du 19ème siècle, lorsque la municipalité se préoccupe de créer des places publiques à Roubaix dans les zones encore peu construites. Le quartier du pont rouge correspond à ce critère : il est constitué d’immenses terrains encore libres. A cet endroit est prévue la construction un hôpital près duquel on veut adjoindre une place publique. A cet effet, des propriétaires proposent à la municipalité l’achat d’un terrain de plus de 10 000 m² bordant la rue de Lannoy.

Plan de Roubaix en 1881

Un accord pour une option d’achat en date du 5 Juillet 1890 est signé entre les propriétaires et la ville. Ce sont la veuve Bossut-Delaoutre, M. Jean Bossut, et M. et Mme Georges Hendrickx-Bossut. Le terrain est métré et le prix au mètre carré est fixé à 7 francs. Toute la zone est encore constituée de champs, et à cette époque, la rue de Lannoy est encore parcourue par des tramways à chevaux.

La place, qui prendra le nom de place de la Justice, sera de forme carrée, plantée d’arbres, et ceinturée de trois rues nouvelles. Deux autres rues projetées en seront issues les futures avenue Linné, proposée par M. Cordonnier, propriétaire du domaine des Prés qu’elle traversera, et Achille Screpel.

Le tracé de la future place et l’avis officiel

Il faut alors niveler, creuser un aqueduc, et installer les bordures délimitant le terre-plein central, dont le périmètre sera planté de deux rangées d’arbres. Les bordures seront choisies en granit de Normandie. La place est classée dans les voies publiques en 1893, et les travaux sont réceptionnés en 1894.

En 1907 on construit un kiosque pour les tramways en face de l’avenue Julien Lagache, qui mène à l’hôpital.

Le Kiosque

La place est rebaptisée place de la Fraternité en 1908, d’après le nom de l’hôpital et pour éviter la confusion avec le quartier de la Justice situé non loin de là. On commence à construire des maisons autour de la place à partir de cette année. Jusque là, les seules érigées bordaient la rue de Lannoy.

C’étaient pour la plupart des commerces, et en particulier des estaminets comme détaillé dans un autre article sur notre Blog.

On évoquera pourtant au 379, au coin de l’avenue Julien Lagache, le cabaret, dirigé par monsieur Loridan jusqu’en 1907, construit dès l’ouverture de l’avenue. Aujourd’hui, le café est toujours en activité ; il est animé par Jean Claude Galand.

L’estaminet au 379 rue de Lannoy – A gauche l’avenue Lagache

En face, au 377, un autre estaminet, tenu en 1908 et jusqu’à la première guerre par F. Delfosse, au moment où qu’il devient débit de tabacs. Les propriétaires du café-tabacs se succèdent et aujourd’hui, il arbore l’enseigne du Renouveau et attire la clientèle grâce à des jeux à gratter.

Photo Jpm

Juste à côté vers le centre, aux 375 et 373, le Ravet-Anceau de 1908 indique Demoucron-Baudart, estaminet. Au fil des ans, on retrouvera ce commerce sous les numéros 373, puis 373-375 après la première guerre, puis de nouveau 373, le numéro 375 ayant disparu. Les photos d’époque nous montrent des vitrines étroites de part et d’autre de la porte. Le commerce deviendra une « Epicerie-Buvette », puis une boucherie après la première guerre, et de nouveau un café avant la seconde guerre, avant de devenir une pâtisserie. C’est aujourd’hui une boulangerie.

Au 371, Louis Lemaire, est propriétaire en 1907. Il fait imprimer des cartes postales pour faire de la publicité. Le commerce est un débit de boissons, doublé d’une distillerie. Après la deuxième guerre Le commerce change plusieurs fois : cycles, puis un lavoir, et finalement le Crédit Mutuel qu’on retrouve encore de nos jours.

Sur la place même, peu de commerces. On peut pourtant évoquer une pharmacie. En effet, M. Donzalas, habitant le numéro 6 sur la place demande en 1914 l’autorisation de construire une pharmacie au 2, à l’angle de la rue de Lannoy, où elle portera le numéro 416, et de la place. Monsieur Dupont y est pharmacien dans les années 20 et 30, alors qu’en 1939, c’est un dénommé J. Torck, qui n’est que locataire des lieux. Il restera à ce poste jusqu’au milieu des années 70, remplacé par M. Grave.

Photo D.Labbe

Du côté opposé de la place, au coin de l’avenue Linne dans laquelle il porte le numéro 2, se trouve un immeuble qui date de 1909. C’est d’abord une maison d’habitation, puis un estaminet. tenu en 1922 et en 1930 par G.Duchatelet. Dans les années 50,60 et 70, c’est une Droguerie. Depuis les années 80 et encore aujourd’hui, on y trouve un coiffeur.

Photo Jpm

Peu de commerces, donc, autour de la place, mais nous verrons dans un prochain article que cette place est surtout intéressante par certaines belles maisons d’habitation qui la bordent.

Les documents présentés proviennent des archives mun icipales et de la médiathèque de Roubaix.

A suivre…

Une rue en mitoyenneté

Partant de la route de Lannoy à son extrémité roubaisienne, un chemin suit depuis toujours la limite entre Roubaix et Lys, puis entre Roubaix et Hem. On l’appelle le chemin vert. Après avoir contourné la ferme des Hauts Champs, il vient rejoindre le chemin n°9 à hauteur de l’actuelle rue Brossolette.

Plan cadastral 1926

Plan cadastral 1926

Plan cadastral 1926

En 1903, son extrémité proche de la rue de Lannoy est encore un chemin de terre dénommé rue verte. Il part du carrefour de la Justice et aboutit dans les champs après avoir dépassé la rue Leconte-Baillon, qui a pris ensuite le nom de Jean-Jacques Rousseau à son extrémité. A cette époque, le chemin est bordé en partie de constructions et sa largeur est de 10 mètres. La limite entre les deux communes passe par l’axe du chemin, qui porte deux noms, rue Catinat côté Lys et rue verte pour sa moitié roubaisienne.

La commune de Lys propose cette même année de paver la rue sur 270 mètres avec une largeur de 6 mètres à parts égales avec Roubaix. Lys ne demanderait pas de participation financière des riverains, à la différence de Roubaix, qui a cette habitude. Par contre, Roubaix qui souhaiterait que le pavage soit posé sur 8 mètres de largeur.

Plan de 1903

Finalement, les deux municipalités n’arrivant pas à se mettre d’accord, la rue n’est pavée que sur sa moitié lyssoise. Du côté roubaisien, elle doit se contenter d’un revêtement de scories. Ce n’est finalement qu’en 1957 que les deux villes s’accordent, et La Voix du Nord nous montre les travaux en cours pour revêtir cette chaussée. Notez en arrière-plan la fabrique de tapis.

Photo La Voix du Nord 1957

Photo La Voix du Nord 1957

Photo La Voix du Nord 1957

Une importante entreprise, la briqueterie Delcourt, vient s’installer très tôt à l’extrémité et dans l’alignement de la rue du chemin vert, ainsi qu’une usine textile côté Lys, la manufacture française de tapis et couvertures. D’autre part, la teinturerie de la Justice se trouve côté Roubaix entre les rues de Lannoy et Jean-Jacques Rousseau. Elle finit, à force d’extensions à englober les constructions jusqu’au coin et à s’étendre dans la rue Jean Jacques Rousseau.

Une photo de 1950 nous montre que l’entreprise de tapis s’est agrandie en traversant la rue avec des bâtiments du côté roubaisien.

Photo IGN 1950

Photo IGN 1950

Photo IGN 1950

Ces bâtiments existent encore de nos jours, à la différence de la partie lyssoise qui a disparu pour faire place récemment à un lotissement. La briqueterie disparaîtra elle aussi au début des années 60 pour céder la place à de grands ensembles constituant aujourd’hui le quartier des Hauts-Champs. Seule a survécu la teinturerie, qui exerce encore son activité aujourd’hui.

La teinturerie et l'extension de l'usine de tapis – photos Jpm

La teinturerie et l’extension de l’usine de tapis – photos Jpm

La teinturerie et l’extension de l’usine de tapis – photos Jpm

Parallèlement aux entreprises la rue comptait plusieurs débits de boisson dont deux sur Roubaix. Le premier, situé au coin de la rue de Lannoy est devenu le PMU de la Justice ; l’autre, au coin de la rue Jean-Jacques Rousseau avait pour enseigne le café des Archers. Il a disparu, englobé par la teinturerie de la Justice.

Le café des archers, en 1945 et aujourd'hui – Photos coll. Particulière et Jpm

Le café des archers, en 1945 et aujourd’hui – Photos coll. Particulière et Jpm

Le café des archers, en 1945 et aujourd’hui – Photos coll. Particulière et Jpm
Les autres documents proviennent des archives municipales

Le PMU de la Justice

Les documents les plus anciens que nous ayons pu consulter font mention tout au bout de la rue de Lannoy, à la limite de Lys, d’un estaminet associé à un bureau d’octroi. Cet estaminet est tenu dès 1884 par Fr. Vanangeval, alors qu’on prévoit l’installation d’une bascule charretière devant le bureau de l’octroi.

Document daté de 1888 – archives municipales

 Le Ravet-Anceau nous renseigne sur les différents cafetiers qui se succèdent au carrefour de la justice. A partir de 1894, c’est J. Gadenne qui tient l’estaminet. On y trouve H. Lefebvre en 1899, puis L. Dupont de 1903 à 1908. A partir de 1913, la numérotation atteint cette extrémité de Roubaix. A. Nolf préside désormais la destinée de ce commerce situé au numéro 630. Après la guerre, c’est son gendre, Théophile Van Wanbecke-Nolf qui tient commerce à cette adresse.

En Juillet 1925, ce cafetier demande l’autorisation d’effectuer des travaux dans l’immeuble qu’il possède. On apprend dans son courrier qu’il est également propriétaire du bureau d’octroi. Les travaux consistent à échanger les emplacements de l’octroi, initialement placé côté rue verte et de l’estaminet, placé côté rue de Lannoy. On va également supprimer deux fenêtres sur la rue verte pour les remplacer par une baie vitrée plus large.

Document archives municipales

 C’est ainsi que le Ravet-Anceau place en 1930 l’octroi au 628, et l’estaminet, dénommé désormais « café de l’Octroi » au 630. On change la numérotation en 1935, et le café et l’octroi passent au numéro 694. Le propriétaire est toujours monsieur Van Wanbecke. En 1939 l’octroi est au 694. Le café, au 696, est tenu par G.Marquant et figure sur une carte postale prise depuis Lys dans la deuxième partie des années 20. On y voit au premier plan les rails de tramway, et, au fond à droite le terrain ce qui deviendra bientôt le parc des sports. On y remarque également un gabelou de faction à la porte du bureau de l’octroi.

Document collection particulière

 Après la guerre, on retrouve Mme Van Wanbecke qui tient maintenant commerce d’alimentation générale au 692, et, de 1953 à 1964 H. Merckx, comme tenancier du café. Celui-ci passera dans les mains de monsieur A Bouscarle, cafetier PMU de 1968 à 1973.

Document Nord Matin

En 1975 une publicité paraît dans la presse, informant le public de la réouverture du café, cette fois-ci sous l’égide de M . Vandenberghe-Madou et de son épouse. A partir de 1978 le Ravet-Anceau ne fait plus mention du nom du tenancier. On le désigne simplement sous le nom où on le connaît aujourd’hui : le « Pmu de la Justice ».

Document collection particulière

 

 

 

 

La création du parc des sports

Le 2 juillet 1909 un rapport au conseil municipal lu par M. Roussel signale le fait qu’un terrain de 27 hectares situé au pont rouge doit être mis en vente à approximativement 1 franc le mètre carré. L’occasion d’acquérir ce terrain ne devrait pas être négligée par la municipalité, qui pourrait y construire un nouveau cimetière et y déplacer l’abattoir. La municipalité ne pouvant pas se permettre d’effectuer un emprunt, il préconise l’achat du terrain par les hospices qui pourraient le revendre à la commune le jour où celle-ci en aurait besoin. Les hospices se portent donc acquéreurs de ces terres dépendant des fermes de l’Espierre et de Maufait.

La même année, lors d’un autre conseil municipal, le rapporteur insiste sur la nécessité de la création d’un parc des sports, qui pourrait se situer le long de la rue de Lannoy sur des terrains dépendant de la ferme de l’Espierre et appartenant aux Hospices. On évalue la dépense à 200 000 francs dont 80 pour l’achat du terrain. Les finances publiques ne permettant pas cette dépense, le rapporteur envisage la location du terrain aux hospices. On prévoit de créer des terrains de football, une piste de course à pied des installations d’athlétisme, des bureaux, salle de réunion, conciergerie, des vestiaires et salle de douche, des tribunes de 100 mètres de long, ainsi qu’une « porte monumentale d’un aspect décoratif aussi satisfaisant que possible… » Le projet est retardé par la guerre.

Document médiathèque de Roubaix

Un plan de 1923 recense les propriétaires des terrains. La plus grosse part appartient aux hospices qui possède également les bâtiments de la ferme de l’Espierre. Ces terrains s’étendent également de l’autre côté de la voie ferrée. Quelques autres propriétaires se partagent des terrains de taille plus modeste le long de l’avenue Salengro.

 En 1924, on procède à l’achat de ces parcelles à M. Deroubaix-Despelchin, Mme Veuve Derache-Bonte, la société des terres de Maufait, et M. Henri Catteau.

Les travaux démarrent en mars 1929. Le journal de Roubaix, dans une édition du mois d’août 1930 évoque une ouverture prochaine des installations. Le parc municipal des sports couvre huit hectares. L’architecte en est Jacques Greber, à qui on doit également les plans de l’école de plein-air.

Photo Journal de Roubaix

 A droite de l’entrée, une salle de gymnastique avec, en galerie, une piste permettant l’entraînement à la course à pied par mauvais temps. A gauche, un café-restaurant, l’habitation du concierge et les bureaux de l’administration. Au fond, deux terrains de tennis grillagés et un terrain d’honneur de deux hectares. Les tribunes abritent des vestiaires et des douches. On draine pour assécher les terrains argileux. Les eaux sont réunies dans un unique collecteur.

Document médiathèque de Roubaix

 Ces installations ne tarderont pas à être mises à la disposition des sportifs roubaisiens.