Ludopital

En 1987, Bernard Grimbert est manipulateur en imagerie médicale, à l’hôpital de la Fraternité. L’hôpital Victor Provo s’est ouvert récemment, mais une grande partie des services de l’établissement de l’avenue Julien Lagache fonctionne encore.

Hôpital La Fraternité

Bernard Grimbert doit effectuer la radiographie d’un enfant malade. Ce garçon est angoissé face à cette machine monstrueuse. Pour le rassurer et rendre l’examen moins stressant, Bernard lui offre un jouet. Bien inspiré, il se rend compte que l’effet est immédiat, car l’enfant retrouve le sourire, ne pleure plus, et l’examen se déroule normalement.

Bernard Grimbert

C’est la révélation. Il faut absolument trouver des jouets, pour permettre aux enfants d’oublier l’examen, en détournant leur attention. Bernard propose à Maurice Titran, le directeur du centre d’action médicale d’offrir un jouet à tous les enfants qui font un séjour à l’hôpital de Roubaix, même court, mais il n’existe pas de budget pour financer l’achat de jouets neufs. Bernard fait donc une razzia de jouets, dans sa famille, chez ses amis, chez ses collègues. Plusieurs d’entre eux, emballés par son idée, lui viennent en aide. Les jouets commencent à s’entasser.

Bernard Grimbert crée alors une association, pour pouvoir être reconnu, et pour bénéficier d’éventuelles subventions. Il en est le Président, Daniel Pattyn le secrétaire, et Jean-Pierre Mosnier le trésorier. Le nom de l’association est trouvé immédiatement, c’est Ludopital.

Des bénévoles se proposent pour aider à réceptionner les jouets de plus en plus nombreux. Devant ce succès, il faut trouver un local, car le service de radiologie s’avère très rapidement trop petit. On trouve une salle, un étage plus bas, toujours à l’hôpital de la Fraternité, avenue Julien Lagache, dans les anciens services de dialyse, puis au pavillon 9 dans les anciens services ORL, ensuite dans le pavillon 2, quelques temps après dans le pavillon 4, malheureusement destiné à la démolition.

Fresque murale

Dans les années 1990, Ludopital se développe de façon importante et rapide : grâce à la distribution de jouets, bien sûr, mais également des fresques murales dans les salles de soins, des animations dans les hôpitaux, des séances de maquillage, des spectacles de marionnettes, des créations d’espaces de jeux, du matériel audiovisuel aux urgences et en chirurgie, des collectes de pièces jaunes, etc. Bref : tout ce qui peut améliorer l’accueil des enfants hospitalisés, dans de nombreux établissements à Roubaix, mais également à Tourcoing, Lille, Wattrelos et Mouscron.

Les Foulées Jaunes 1995

En 1995, Jean-Luc Scotté crée  »les Foulées Jaunes » : une course au parc de Barbieux, ouverte à tous. Les inscriptions permettent de récupérer de l’argent entièrement reversé aux enfants malades, sous forme de jouets ou d’actions dans les hôpitaux. C’est une belle histoire de générosité, de solidarité et d’humanité des Roubaisiens.

Hospice Barbieux

A la fin des années 1990, Ludopital doit déménager de l’hôpital de la Fraternité pour des raisons de sécurité. Un local de 1000 m2 est offert, au 3° étage de l’hospice Barbieux, au 35 rue de Barbieux. Certes, le bâtiment peut paraître un peu vieillot, mais les 40 bénévoles s’investissent pleinement pour aménager l’accueil de façon fort chaleureuse et sympathique. L’emplacement est idéal, car tout proche du service pédiatrie de l’hôpital Victor Provo. Le déménagement se déroule en 1999 ; 40 camions sont nécessaires pour transporter les jouets de la Fraternité à l’hospice Barbieux.

Le Vert Pré

Les déménagements ne sont malheureusement pas terminés, car, en début d’année 2006, une commission de sécurité constate que les locaux de l’Hospice Barbieux ne sont plus aux normes. Il faut alors songer à trouver un nouveau local ! La direction de l’hôpital propose un local de 400 m2 au centre médical du  »Vert Pré » rue Pierre de Coubertin, plus petit mais plus fonctionnel. Le déménagement, financé par la Mairie, se déroule en fin d’année 2006.

Après une année 2007 financièrement très difficile, la nouvelle présidente, Jeanine arrive à mobiliser, une fois de plus, tous les bénévoles et à sauver Ludopital qui était voué à disparaître.

Dans les années 2010, c’est le développement dynamique, grâce à l’arrivée de bénévoles compétents et énergiques. De nombreuses animations se mettent en place, pour financer les actions Ludopital (Fait Rarissime avec le club Ferrari, des motos pour Ludo, le golf de Brigode, les Foulées de Bondues, les spectacles par des artistes bénévoles)

Ludopital sollicite les entreprises pour trouver des fonds, les commerces pour placer des boîtes bleues et récupérer des pièces de monnaie, les écoles pour présenter son action et y organiser des collectes de jouets.

Les 5 présidents de Ludopital. De gauche à droite : Jean-Luc Scotté, Jean-Marc Brisy, Jeanine Vanderplancke, Bernard Grimbert, Hubert Ythier

En 2017, Ludopital fête ses 30 ans et le bilan est très positif car plus de 2 millions de jouets en parfait état ont été offerts aux enfants hospitalisés. C’est l’occasion également de fêter l’événement avec tous les bénévoles à la salle Richard Lejeune rue d’Anzin. C’est aussi le moment de pouvoir regrouper les 5 présidents qui ont dirigé l’association au fil des années.

Aujourd’hui, Ludopital c’est :

– Plus de 100 bénévoles, 3 salariées dont 1 à temps plein

– 53 000 jouets  »courage » ( en parfait état, désinfectés et reconditionnés ), offerts annuellement aux enfants hospitalisés

– Des actions dans 44 hôpitaux de l’Eurométropole lilloise : des aménagements de salles d’attente et de chambres d’enfants, des décorations de blocs opératoires par des colonnes à bulles, des plafonds lumineux etc

– Une écoute attentive des besoins du personnel soignant des hôpitaux

– Une sensibilisation des généreux donateurs, en organisant des visites des locaux

– Un développement important depuis plusieurs années, grâce à l’hôpital Victor Provo et à la Mairie de Roubaix

– Le 25° anniversaire des Foulées Ludopital qui attire 2400 personnes en 2019

– Des spectacles, des concerts

– Une communication sur les réseaux sociaux.

Aménagement d’une salle d’attente
Plafond lumineux à l’hôpital Victor Provo
Les foulées Ludopital au parc de Barbieux
Le sourire d’un enfant

Remerciements à Jeanine Vanderplancke, Bernard Grimbert, Laetitia Perez et à toute l’équipe des bénévoles de Ludopital.

Tous les documents de cet article proviennent de l’association.

Bébés échangés

Jeanine Piesset habite à Wattrelos, au Clair Logis, 2 Boulevard de la Liberté ; son mari est contremaître à la Lainière, juste en face de leur domicile.

Jeanine Piesset ( Document INA )

Dans la nuit du 27 au 28 Août 1950, Jeanine Piesset est à la maternité de l’hôpital de la Fraternité à Roubaix, au 1er étage, pour accoucher. A 3h30 du matin, bébé arrive. La sage-femme, Mme Huyghe, lui annonce : c’est un garçon. Jeanine est déçue car elle a déjà un garçon et souhaitait tant avoir une fille.

Mme Scoropad, l’assistante de la sage-femme, procède à la toilette du bébé.

– Comment souhaitez-vous l’appeler ?

– Guy, et en deuxième prénom, Roger.

Mme Huyghe remplit les papiers nécessaires. On installe la jeune femme dans une pièce attenante et l’assistante de la sage femme dépose Guy Roger, le nouveau-né, au pied du lit.

Jeanne Wahl, soigneuse, née en 1921, habite 80/25 cour Vroman, rue Edouard Anseele, avec son concubin, Jean Baptiste Deroch, forgeron .

Jeanne Wahl ( Document INA )

Jeanne Wahl accouche vers 5h30. La sage-femme, Mme Huyghe, assistée de Mme Herbeaux lui annonce ;

– C’est une fille.

– Oh mon Dieu, encore une fille ! répond l’accouchée qui a déjà une fille.

– Comment souhaitez vous l’appeler ?

– Jeanne, comme moi, et en deuxième prénom : Louise.

Mme Huyghe remplit les fiches pour l’état civil et annonce à Jeanne Wahl qu’elle va devoir attendre dans la salle commune que le jour se lève. Vers 8h30, les filles de salle descendent les deux mères et leurs bébés au rez de chaussée dans les lits 15 et 16.

Le 1er Septembre, les 2 mères s’apprêtent à quitter la maternité. Jeanine Piesset assiste pour la première fois à la toilette du bébé.

– Mais c’est une fille !

– Oui et alors ?

– On m’a dit que c’était un garçon !

En quelques minutes, la maternité est sans dessus dessous. Il faut vérifier le sexe de l’enfant de Jeanne Wahl qui a accouché pratiquement au même moment. Les bébés ont peut-être été inter changés. On vérifie : le bébé de Jeanne Wahl est un garçon !

Le docteur Geller, médecin accoucheur de la maternité, décide :

– Il y a eu erreur, Mesdames, veuillez échanger vos enfants !

Dans le bureau de M. Vaneyck, le directeur de l’hôpital, Jeanne Wahl tend son bébé à Jeanine Piesset pour l’échanger mais celle-ci refuse et s’enfuit.

– C’est ma fille ! C’est l’enfant que j’ai mis au monde. Plutôt mourir que de le rendre !

Une enquête administrative est ouverte à l’hôpital, et un casse-tête se pose alors pour l’état civil :

– un garçon de sexe féminin qui s’appelle Jeanne Louise que l’on surnomme Henri

– une fille de sexe masculin qui se prénomme Guy Robert et qu’on appelle Viviane

Les avocats Brochen et Diligent ( document coll. priv. )

Maître Yves Brochen, avocat des époux Piesset, et Maître André Diligent, avocat des époux Deroch, sont chargés de l’affaire qui va durer des années ! Au Tribunal de Lille, le professeur Muller va présenter ses études d’hématologie ; puis des expertises sont réalisées et des contre-expertises se succèdent. Le Docteur Semaille, de l’Institut Pasteur, reprend le dossier. Les experts tâtonnent : On ne connaît pas l’analyse ADN et le petit bracelet au poignet n’existe pas encore ! On fait appel au Docteur Race, de l’institut Lister, de Londres.

La justice conclut, en Mars 1956, qu’il y a bien eu substitution à l’hôpital de la Fraternité de Roubaix, il y a 6 ans, mais sans, pour autant, désigner de responsables. Les enfants sont accueillis alternativement dans leur famille de cœur et leur famille de sang, avec des droits de visite, comme pour les divorcés. C’est un psychodrame permanent sous l’œil des médias du monde entier.

( document coll. priv. )

En 1960, les enfants ont 10 ans. Jeanine Piesset refuse d’accueillir Henri qui continue d’être élevé par Jeanne Wahl Deroch. Celle-ci obtient la garde définitive de Viviane qui a grandi au foyer des Piesset.

Les enfants en 1960 ( document INA )

On ignore ce que sont devenus ces enfants, élevés comme frère et sœur, et qui ont 67 ans à ce jour ; chacun défend sa thèse sur les raisons de leur échange. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que cette histoire a été source d’inspiration pour le réalisateur roubaisien, Étienne Chatiliez, quand il a écrit le scénario de son film « La vie est un long fleuve tranquille » en 1988, lequel a connu un énorme succès.

André Diligent qu’on surnommait « l’avocat des pauvres », et qui est, par la suite, devenu maire de Roubaix, est décédé en 2002.

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L’hôpital devient l’école

Lors d’une séance extraordinaire du 22 mars 1847, le conseil municipal décide la création d’un hôpital provisoire pour faire face aux besoins pressants. Cet hôpital devrait être établi sur une propriété de M. François Ferlié, située en bas de la rue du Moulin (aujourd’hui aux numéros 32-34), et louée pour l’occasion. Cette propriété consiste en une maison d’habitation et un atelier, séparés par une porte cochère. La partie habitation servira au logement des religieuses qui soigneront les malades. On ajoute une infirmerie provisoire pour femmes construite en planches, et l’ensemble représente une capacité d’une cinquantaine de lits. Finalement, la propriété est rachetée en 1854 par la municipalité. On rajoute encore une nouvelle salle de trente lits en 1857.

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Plan de l’hôpital – 1847

 Mais la construction en 1865 de l’hôpital Napoléon rue de Blanchemaille rend sans objet l’établissement provisoire. Le conseil municipal forme le projet de convertir les bâtiments pour réaliser une école de garçons et y loger une partie des frères des doctrines chrétiennes, dont la résidence est devenue trop petite pour eux.

On retrouve plusieurs versions des plans de l’ensemble. L’un prévoit l’école proprement dite sur la rue Jean Moulin avec une façade sur deux étages, et l’habitation des frères dans un second bâtiment placé derrière derrière.

Un premier projet de façade

 Un autre projet reporte les classes tout au fond, près de la rue du général Chanzy, et un troisième les place dans le bâtiment central (3 au rez-de chaussée et trois à l’étage), là où elles se trouvent aujourd’hui. En juillet on modifie le projet pour rajouter un étage au bâtiment d’habitation. Ce nouveau projet prévoit des locaux pour loger les religieux, une chapelle, ainsi que six classes. La façade sur la rue du Moulin est monumentale ; un double porte centrale permet l’accès. Le rez de chaussée du bâtiment donnant sur la rue du Moulin comporte, gauche une salle d’étude et à droite un réfectoire. L’entrée des élèves se fait par une porte située à gauche du bâtiment. Celle-ci est prolongée par un couloir débouchant sur la cour, bordée de galeries couvertes. Ensuite, installé transversalement, le bâtiment des classes ferme la cour et, à droite , en longueur, s’étend la chapelle. Derrière l’école, un jardin.

Le projet définitif pour la façade

 On lance une adjudicaton qui prévoit d’inclure la démolition des bâtiments de l’hôpital et le réemploi d’un maximum des matériaux récupérés pour les constructions nouvelles. Un seul adjudicataire se présente, M. Léturgeon. Il obtient donc le marché et procède aux travaux. Ensuite vient l’adjudication pour l’ameublement, et l’école s’installe enfin dans ses murs.

Le plan d’ensemble
 La partie concernant l’hôpital est inspirée de « Cinq siècles et demi d’histoire hospitalière roubaisienne (Xavier Lepoutre) »
Les documents proviennent des archives municipales.

 

 

 

 

Une nouvelle maternité aux Trois Ponts

Travaux de la future maternité en décembre 1970 Photo NE

Depuis le 1er novembre 1970, une nouvelle maternité est en construction dans l’avenue Julien Lagache, et on prévoit que les travaux dureront dix huit mois. La maternité. Les plans de la nouvelle maternité, qui doit entrer en service en mai 1972, ont été établis par les architectes Pottier et Neveux. L’immeuble est situé en face de l’hôpital de la Fraternité auquel il sera relié par un passage souterrain. C’est un équipement moderne rendu nécessaire par l’évolution des soins à Roubaix : ainsi en en 1969, le service de gynécologie du centre hospitalier a enregistré plus d’un millier d’entrées et le service des accouchées plus de deux mille patientes.

Pose de la première pierre Photo NE

Le 12 Décembre 1970, le maire Victor Provo pose la première pierre du nouveau pavillon de gynécologie obstétrique, prémisse de la nouvelle maternité. S’ensuivent les discours du docteur Etienne Savinel président de la commission médicale consultative du CHR qui rend hommage à cette réalisation due au seul financement de l’administration locale. Il mentionne les nouveaux services et aménagements au centre hospitalier : centre de réanimation, centre de prématurés, le nouveau service de radiologie, le centre administratif, les locaux d’urgence, l’agrandissement du service de pédiatrie. Il rend hommage à l’équipe de praticiens compétents sous la direction du professeur Gellé. Une nouvelle maternité était nécessaire : en 1969, la Fraternité accueillait 2400 entrées en maternité, 22.000 malades et 20.000 soins en externat.

Le maire Victor Provo se réjouit de cette réalisation et rend hommage à la commission médicale consultative, ainsi qu’aux efforts du professeur Gellé. Il dit aussi son inquiétude quant au projet de CHU de Roubaix Tourcoing : les crédits n’arriveront pas avant avril ou mai 1971…ce qui explique les nouveaux services et aménagements au centre hospitalier actuel.

Le 2 décembre 1972, le Préfet inaugurera le nouveau pavillon de gynécologie obstétrique. Le nouveau bâtiment comporte un sous sol, un rez-de-chaussée et trois étages. Finies les grandes salles où les mamans étaient regroupées à cinq ou six. Des sanitaires et des salles d’attente sont prévus pour les papas anxieux. Au sous sol, on trouve une biberonnerie, la chaufferie, un groupe électrogène, les archives, la bibliothèque, les vestiaires et sanitaires du personnel.

Au rez-de-chaussée, il y a six salles de travail, trois salles de réanimation, trois salles de garde, sept salles d’examen, une salle d’attente pour les pères, une salle d’analyse, de radiologie, trois salles d’admission, un cabinet de dentiste, des salles pour voitures d’enfants, une garderie, le bureau du chef de service, le secrétariat médical et le bureau des assistants. On y trouve aussi un secteur opératoire avec deux salles d’intervention, deux salles d’anesthésie, une salle de réveil, et une salle de stérilisation.

Le premier étage et le deuxième étage (secteur obstétrique) comportent chacun huit chambres à deux lits, quatorze à un lit, cinq nurseries, deux salles de séjour, une cuisine, deux tisaneries, deux pièces pour le linge, un local pour les fleurs, et une salle de bains.

Au troisième étage, c’est le secteur gynécologie, avec dix huit chambres à un lit, une salle de soins, une salle de change, une cuisine, une tisanerie, une salle de bains, une salle pour les visiteurs, deux bureaux pour les externes et un bureau pour les infirmières. L’accès aux étages est assuré par trois monte-charges.

Lors de cette inauguration, on annonce la construction sur les terrains de Barbieux du futur hôpital auquel on donnera le nom de Victor Provo, en hommage au grand roubaisien disparu entre-temps. La Médaille d’or de la Ville est remise au Professeur Gellé. Pour l’anecdote, la dernière personne à l’avoir reçue était la Reine d’Angleterre, lors de sa visite à Roubaix en 1957.

A suivre

Nous devons toutes ces précisions au journal Nord Éclair, ainsi que les photos.