Transports Le Bélier

Michel Destoop est élevé dans une famille de bouchers à Tourcoing. Sa voie semble toute tracée mais il épouse, en juin 1966, Annie Destoop, fille d’un poissonnier de Roubaix, 161 boulevard de Fourmies, Pierre Victor, et petite fille d’un transporteur de Croix, 331 rue des Ogiers, Alphonse Victor, messagerie de Roubaix-Lille-Tourcoing et déménagements.

Transports Alphonse Victor (Document Annie Destoop)

Avec le soutien financier de son beau-père, Michel décide, dès janvier 1967, de fonder sa propre société de transports, la société Michel Destoop. L’entreprise a d’abord pour adresse la poissonnerie à Roubaix. C’est Annie qui s’occupe de la comptabilité et de la partie administrative.

A l’époque, pas besoin d’obtenir une capacité ; il suffit de posséder son permis poids lourds et d’acheter une licence. Michel achète un premier camion isotherme et commence à charger le poisson fraichement arrivé à Boulogne pour le livrer directement dans les poissonneries de la région. A cette époque le poisson est transporté dans la glace, dans des caisses en bois.

Premier camion isotherme (Document Annie Destoop)

Puis la société installe son siège social au domicile du couple, 3 rue Germain Pilon à Roubaix. Dès 1960, Pierre Victor a déposé une demande de permis de construire pour un garage, à cette adresse, avant d’en déposer une autre, six ans plus tard, pour construire un appartement à l’étage, dans lequel s’est installé le couple après son mariage. Comme le montre le plan de situation, le domicile est proche du coin de la rue Rubens, le long de laquelle court le mur de clôture de l’usine Cruet. C’est là que Michel gare son camion durant la nuit.

Plan de situation du 3 rue Germain Pilon et photo panoramique du quartier dans les années 1950-1965, photo du 3 rue Pilon en 2022 et panorama en 2024 (Documents archives municipales de Roubaix, IGN et Google Maps)

La petite entreprise démarre de façon très satisfaisante et se développe au fil des années avec l’achat de 3 camions supplémentaires. Il s’agit dès lors de camions frigorifiques, indispensables en raison de l’apparition du surgelé. Tous les camions sont alors garés dans la rue Rubens et, lorsque la démolition de l’usine Cruet est décidée, il faut se mettre à la recherche d’un local pouvant les accueillir.

Camion Mercedes de l’entreprise (Document Annie Destoop)

Le couple Destoop, qui a 2 fils : Christophe et Ludovic, trouve un terrain à acheter à Hem, au n°13 de la rue Braquaval, appartenant à Mr Vanwynsbergue, gérant d’une entreprise de construction hémoise. Leur nouvelle habitation est construite sur ce même terrain en 1982 et la société y installe son siège social et ses camions dans le grand parking aménagé à cet effet.

Photo panoramique de la rue Braquaval en 1963 avec le terrain marqué d’un point blanc et Michel Destoop devant l’un de ses camions dans les années 1970 (Documents IGN et Annie Destoop)

L’emménagement de l’entreprise à Hem se poursuit avec l’achat d’une 2ème partie de terrain, qui jouxte le premier, appartenant à Mme Crepel, sur lequel se trouve une maison et des garages. L’ensemble de ces constructions est rasé pour y construire le bâtiment SCI les Béliers au début des années 1990. La société de transports a quant à elle pris le nom de SA Le Bélier, nom en forme de clin d’oeil pour le signe astrologique de plusieurs membres de la famille. Le nouvel immeuble abrite les bureaux et les ateliers tandis que le stockage de pièces a lieu au sous-sol et à l’étage.

Photo aérienne de l’an 2000 avec l’habitation, l’entrepôt et les camions garés dans la cour (Document IGN)

Peu à peu la flotte de camions de l’entreprise augmente encore pour atteindre 26 véhicules. La société emploie alors 40 à 45 personnes sur 3 sites : Hem, Carvin et Boulogne ; le personnel de bureau tout comme les préparateurs de nuit et de jour restent fidèles à cette entreprise familiale dans la durée . Evolution oblige : le transport se concentre sur la prestation de services aux supermarchés Match de la région qu’il faut approvisionner en poisson. La préparation se fait à Boulogne et la livraison a lieu dans la même journée.

Cachet de la société, en-tête et pied de page du papier à lettres, calendrier publicitaire des 3 sites pour la société et la gare des marées à Boulogne (Documents Annie Destoop et Facebook)

Par la suite la préparation se fera de nuit avant livraison des différentes plates-formes quotidiennement, y compris en Belgique. Puis avec le développement des surgelés, le transport ne concerne plus que le seul produit de la mer mais l’ensemble des produits surgelés. A Carvin, les locaux sont équipés de bureaux et d’une réception mais aussi de matériel frigorifique et des congélateurs indispensables pour ces nouveaux produits.

Les camions Le Bélier, aisément reconnaissables avec leur couleur vert et blanc sillonnent les routes de la région Nord Pas-de-Calais mais aussi la région parisienne, la Bretagne et la Vendée. La société livre également les Pays-Bas et l’Allemagne et un portique de lavage est aménagé dans le parking du site hémois afin d’assurer le transport dans des camions toujours rutilant de propreté.

Les camions Le Bélier aux couleurs vert et blanc au parking et sur route et le portique de lavage à Hem (Documents Annie Destoop et Facebook et photo BT)

Pendant toutes ces années d’activité la société fait preuve de dynamisme tant dans la diversification des denrées transportées que dans les objets publicitaires offerts à ses clients. A priori pas de publicité dans les journaux mais la simple mention de l’entreprise dans le répertoire des commerçants, artisans, professions libérales d’Hem en 1984 ainsi que dans le guide pratique de la ville de l’an 2000. Mais des cadeaux et gadgets à foison pour la clientèle : porte-clef, lampe de poche, stylos, décapsuleurs, pinces à billets, couteaux suisses, camions miniatures ….

Objets publicitaires Le Bélier et camion miniature (Documents Annie Destoop)

Mais en 2020, Michel Destoop décède subitement et, deux ans plus tard, son épouse Annie, en accord avec leurs deux fils, décide de vendre l’entreprise. Ceux-ci y ont travaillé, après leur service militaire, Christophe, au bureau, pour le domaine administratif mais aussi en tant que chauffeur, et Ludovic, au garage et sur le terrain en tant que chauffeur mais ils ne souhaitent pas la reprendre. Tandis que Christophe dirige le site de Carvin dans la société de transports qui a repris la marque, les camions et la clientèle, Ludovic installe une carrosserie dans l’ancien entrepôt du site de Hem.

La partie garage se compose d’une fosse, d’un local de préparation et d’une cabine de peinture. Ludovic y travaille avec son fils, Pierre, qui a fait des études de carrosserie et, dans un premier temps, ils se consacrent aux poids lourds avant d’étendre leur activité peu à peu aux véhicules légers. Le bureau, aménagé avec beaucoup de goût est le domaine de Christelle, l’épouse de Ludovic et une nouvelle affaire familiale est donc à présent installée sur l’ancien site hémois des transports Le Bélier.

La carte de visite de la carrosserie Destoop, le garage et les bureaux (Photos BT)

Remerciements à la famille Destoop.

La ligne Lille-Leers – Septième partie : Hem, la rue de Lannoy

Passé Hem-Bifur, où les voies forment un triangle, nous pénétrons dans la rue de Lannoy. Au premier plan à droite sur la photo, la courbe de la voie menant à la mairie et à l’église de Hem. Le café visible à droite a existé jusque dans les années 2000, il est remplacé aujourd’hui par une banque. Devant la première maison à gauche, un arrêt pour les cars Citroën. L’abri des tramways était situé juste après le coin de la rue. Les rails vont maintenant suivre le trottoir de gauche.

La bifurcation – Photo collection particulière

La vue suivante est prise, en direction de la bifurcation, une cinquantaine de mètres plus loin dans la rue Jules Guesde, le nouveau nom de la rue de Lannoy. On y voit la motrice 13 dans les années qui suivent sa première rénovation en 1924 descendre vers Hem-Bifur. Le bâtiment de l’atelier qu’on voit à droite existe toujours, quoiqu’un peu modernisé. Nous sommes au niveau du numéro 13.

Le bas de la rue – Photo collection particulière

La vue suivante est prise quelques pas plus loin vers Lannoy. On y découvre l’ancienne poste, devenue aujourd’hui la marbrerie Piccini qui forme, au numéro 19, le coin avec la rue de Beaumont. La façade a été refaite, mais la forme générale du bâtiment subsiste.

Photo collection particulière

Nous sommes maintenant une centaine de mètres plus haut dans la rue et nous regardons vers Hem-Bifur. La maison à droite porte le numéro 35. Le champ à gauche, après avoir connu le collège Elsa Triolet, accueille maintenant un lotissement récent.

Le numéro 35 et l’emplacement du collège – Photo collection particulière

Un peu plus loin, nous arrivons au point culminant de la rue, au carrefour formé par par celle-ci avec la rue de la Vallée et le chemin des trois baudets. La première des photo nous montre la motrice 15 en route vers Leers après la première rénovation de 1924, la seconde est une vue prise au même endroit en sens inverse, et la troisième nous montre le carrefour lui-même. Nous sommes aux alentours des numéros 133 à 151. On voit qu’à l’époque les habitations étaient relativement clairsemées et laissaient la part belle à la végétation. Les trois documents proviennent d’une collection particulière.

Vue vers Lannoy. Le pignon daté de 1901 à droite a été cimenté depuis
Au même endroit – Vue vers Hem centre
Le carrefour de la Vallée vue vers Lannoy – Documents collection particulière

Un peu plus loin, nous arrivons aux abords de la Lionderie. A partir de cet endroit la route va descendre. Voici maintenant deux photos qui nous montrent également une courbe suivie d’une contre-courbe.

Le bâtiment de la ferme à gauche est le numéro 179
La même ferme à droite cette fois – Documents collection particulière et Historihem

Le carrefour que l’on voit sur la photo suivante n’est pas facile à situer, pourtant, il s’agit bien de celui que fait la rue Jules Guesde avec la rue de la Lionderie. La ferme avec les deux pignons encadrant un corps central qu’on voit sur les deux photos précédentes n’est pas encore construite, et la grange du fond a disparu. Le bâtiment qui la précède abrite aujourd’hui des commerces. En revanche, à gauche, les maisons de l’alignement n’ont pas changé.

Le carrefour avec la rue de la Lionderie – Photo collection particulière
Les commerces – Photo Jpm

Pour ce qui est du carrefour lui-même, il a peu près changé, hormis que le poste EDF à droite a été construit postérieurement à l’époque de la photo noir et blanc.

Le carrefour aujourd’hui – Photo Jpm

Deux cent mètres plus loin, la voie rencontre la ligne Halluin-Somain qu’elle traverse sur un passage à niveau doté de barrières oscillantes. La maison du garde-barrière à gauche sur la photo a disparu, de même que la voie de chemin de fer, qui a fait place aujourd’hui à un chemin de randonnée. La ligne de tramway ayant également été déferrée, seul un reste de talus qui formait le remblai précédant l’ancienne passerelle nous rappelle la croisée des deux voies en cet endroit.

Vers le Passage à niveau et Lannoy – Document Historihem

La photo suivante montre la traversée du passage à niveau le jour de l’inauguration de la ligne. Les passagers du tramway, comme ceux du train, devaient être secoués lors de la traversée de ce croisement formant pratiquement un angle de 90 degrés !

Le croisement – Document Au fil des trams

Cette traversée à niveau gênante est ensuite remplacée par une passerelle. Pour cela, on détourne la voie, lui faisant contourner par la droite le pâté de maisons. Cette passerelle sera détruite par les allemands en 1918, puis reconstruite en 1920. Une photo aérienne nous la montre en 1947.

Photo IGN 1947
La passerelle et des motrices en état d’origine – Document Le Journal de Roubaix – Septembre 1920

Juste après le passage à niveau, la voie se dédouble pour permettre les croisements des motrices montantes et descendantes, ainsi qu’on le distingue au premier plan à droite de la photo suivante, prise en direction du centre de Hem.

Photo collection particulière

Poursuivant sa route, le tramway passe devant l’institution St Charles inchangée aujourd’hui et l’hospice, toujours présent et dont l’aspect n’a pas évolué non plus. Nous sommes maintenant à la limite de Lannoy, que nous parcourrons durant le prochain épisode de cette série…

L’entrée de Lannoy – Document collection particulière.

 

A suivre…

Autour des Hauts Champs

Avant de devenir le quartier qui fut construit de 1958 à 1960, les Hauts Champs étaient constitués de vastes terres agricoles, qui s’étendaient de Lys Lez Lannoy et d’Hem jusqu’à Roubaix. L’appellation concerne d’ailleurs aussi le quartier du Nouveau Roubaix, avant qu’y soient construits les fameux HBM dans les années trente. L’ouverture du boulevard industriel (avenue Motte) a divisé le vaste lieu dit, lequel est également délimité au sud par un chemin venant du hameau des Trois Baudets à Hem rejoignant la ligne de chemin de fer Menin Somain, à l’orée de Lannoy. A l’est, l’usine Motte Bossut terminée en 1903, et le quartier de la Justice constituent le troisième côté de la grande surface triangulaire des Hauts Champs.

Ce vaste espace s’est rempli de logements progressivement après la seconde guerre mondiale. Le Comité Interprofessionnel du Logement réalise la cité des Trois Baudets à Hem de 1947 à 1949. Puis c’est au tour de la cité de la gare de débord, de 1949 à 1951. Jusqu’en 1957, les Hauts Champs seront encore un espace de champs, toutefois occupé par une grande briqueterie, près de laquelle s’édifie un nouveau groupe scolaire, dit des Hauts Champs.

La briqueterie et le groupe scolaire Photo aérienne IGN 1957

Conçue par les architectes Jean Dubuisson et Guy Lapchin, la cité des Hauts Champs sera réalisée de 1958 à 1960. On y retrouve les caractéristiques architecturales en vogue à l’époque : ce sont de grandes barres d’immeubles et de logements collectifs, dont l’espace et la lumière contrastent avec l’habitat enserré et étouffant des courées de la ville industrielle.

La cité des Hauts Champs Photo aérienne IGN 1964

Mais la construction ne s’arrête pas là. Dès 1964, commence la réalisation du Groupe du Chemin Vert, œuvre de l’architecte Robert Puchaux, sous la forme d’un ensemble de logements « cubes ». Puis de 1967 à 1975 seront construits sur Hem l’ensemble de Longchamp, les cités des Trois fermes, de la Lionderie, des Provinces et de la Vallée.

 

Le chantier du chemin vert en 1965 Photo Nord Éclair

En près de vingt ans le grand espace agricole des Hauts Champs a disparu sous les constructions, et s’est trouvé englobé dans un grand ensemble d’habitations, qui a dépassé les limites des communes. Nombre de problèmes sont alors posés, qui ne peuvent être résolus que dans une logique intercommunale. Dès lors, plus question du seul quartier des hauts Champs, mais bien du quartier des Trois Villes, qui associe les villes d’Hem, Lys lez Lannoy et Roubaix.

Qui était Jules Brame ?

jules brame copieJules Brame est né à Lille le 9 janvier 1808. Après des études de droit à Lille et à Pris, il est avocat en 1833, auditeur au Conseil d’Etat en 1836 et dès 1840 maître des requêtes. Entre-temps en 1837, il est devenu membre du conseil d’arrondissement de Lille. La Révolution de 1848 le relève de ses fonctions de maître des requêtes, mais il entre peu après au Conseil Général du Nord, pour les cantons de Tourcoing, Cysoing, Orchies. Il bat le roubaisien Théodore Descat aux élections législatives de 1857 et devient député du Nord.

Propriétaire foncier, châtelain de Beaumont à Hem, il est le fondateur d’un comité pour la défense du travail agricole. Il est décrit comme un orateur brillant aux gestes impétueux, mais fort peu diplomate. Protectionniste convaincu, il sera l’ami de Mimerel, perpétuant l’opposition au libre échangisme, à la défection du sénateur comte, au moment du traité de commerce avec l’Angleterre en 1860. Il parviendra notamment à faire porter à l’Empereur Napoléon III une pétition de la chambre consultative des arts et manufactures de Roubaix paraphée de 13.800 signatures, ce qui lui vaudra la reconnaissance de ses électeurs roubaisiens, sous la forme d’une médaille d’or et de trois réélections successives à la députation en 1863, 1868 et 1871.

En août 1870, il est délégué par cent députés auprès de l’Impératrice, l’Empereur étant à la guerre, pour demander le renvoi du premier ministre Ollivier, et son remplacement par le Général Trochu. Le 29 août 1870, il sera ministre de l’éducation nationale pendant 25 jours dans le ministère dit « de la débâcle ». En 1871, il siège à l’assemblée au centre droit, puis il mène une campagne victorieuse contre les compagnies privées de chemin de fer qui dévoraient le budget de l’Etat.

Conservateur, anti-républicain, bonapartiste de la dernière heure, il sera élu sénateur avec l’appui de la droite, au moment de la réorganisation de cette assemblée par la constitution de 1875, pendant la troisième république, et il y siégera jusqu’à sa mort, intervenue à Paris le 1er février 1877.

Jules Brame photos collection particulière et caricature par Humbert (BN.EST 62C19103)